Hystéries collectives et folies hystériques ?
13 décembre 2004

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CAUMEL DE SAUVEJUNTE Marc
Textes
Hystérie



Depuis les Études sur l’hystérie de Freud et Breuer, l’hystérie nous montre dans l’expression essentielle de ses symptômes que la constitution du sujet, ce que nous appelons aussi la subjectivité, est marquée d’une division dans le rapport du sujet au savoir. Si la revendication hystérique tente de faire reconnaître qu’il n’y a d’être que celui d’être de savoir, qu’il y a cet appel au savoir du maître qu’elle conteste, c’est pour faire entendre ce que Freud accepte de supporter, de laisser émerger et de lire : qu’il y a un savoir à l’oeuvre chez le sujet en souffrance.

Que ce savoir soit défini comme un savoir inconscient est la découverte freudienne qui conduit à l’élaboration du concept de refoulement.

Ce que Freud apprend de la bouche des hystériques c’est que le savoir, aussi bizarre que cela paraisse, encore plus de nos jours, que ce savoir que l’on ne veut pas savoir est un savoir lié à la question que pose le sexe pour le sujet. Le savoir se présente comme étranger à la raison du sujet, à sa raisonnabilité comme disent certains philosophes sauf pour l’hystérique qui dans l’intime de ce savoir lié au corps le prend en charge avec ses symptômes.

Et deuxième bizarrerie, c’est un savoir qui effraie (cf. le sexe et l’effroi de Quignard) et vis-à-vis duquel nous sommes la plupart du temps, peu disposé à en savoir quelque chose, que nous sommes sans cesse à vouloir nous en défendre. C’est un savoir qui semble produire des conséquences que nous avons du mal à assumer.

Dans la préface à la 2ème édition des Études sur l’hystérie, Breuer nous donne une idée de cette défense.

« L’intérêt toujours croissant que suscite la psychanalyse paraît maintenant s’étendre jusqu’aux études sur l’hystérie (…) Bien que les vues et les méthodes exposées dans la 1ère édition aient été profondément modifiées, rien n’a été changé dans le texte. En ce qui me concerne personnellement, j’ai cessé de m’occuper activement de ce sujet, y ai pris aucune part à son important développement et n’ai rien su ajouter aux données de 1895. C’est pourquoi je me contenterai de souhaiter que mes deux chapitres contenus dans le volume paraissent sans remaniement dans cette nouvelle édition. »

L’honnêteté de Breuer paraît tout à fait respectable et ce qu’il nous dit de sa rencontre traumatique avec l’hystérie indique ce point de difficulté que nous aurons à préciser au cours de ce cycle de conférences sur l’hystérie : Il y a une interrogation posée par l’hystérie sur le rapport entre savoir et vérité, rapport non harmonique, non congruent puisqu’il y a une vérité qui échappe au savoir, vérité que Freud veut connaître et qui va l’amener à fonder la psychanalyse à partir de ce qu’il appelle l’Inconscient.

Voilà ce que Freud écrit dans la préface à la 2ème édition dans les suites des propos de Breuer (…). « Le lecteur attentif trouvera en germe dans ce livre, tout ce qui s’est ultérieurement ajouté à la théorie cathartique : le rôle du facteur psycho sexuel, celui de l’infantilisme, la signification des rêves et le symbolisme de l’inconscient. Le meilleur conseil que je puisse donner à toute personne qui s’intéresse à l’acheminement de la catharsis vers la psychanalyse est de commencer par les études sur l’hystérie et de suivre ainsi la voie que j’ai moi-même parcourue "

Connaître le chemin n’est pas arpenter le chemin.

Le conseil garde sa pertinence, il est d’une grande actualité dans notre monde saturé de connaissances mais qui laisse en plan une dit-mension du savoir noué à la vérité, vérité qui semble de plus en plus refoulée au non d’une logique du vrai et du faux (logique positiviste) Là où Freud accepte de se faire enseigner par des hystériques et là où ce grand médecin qu’était Breuer s’arrête c’est là où Breuer nous indique qu’il ne veut pas aller plus loin dans sa participation et ce pour des raisons personnelles.

Les raisons personnelles de Breuer sont des raisons conjugales. Lorsque Breuer accepte de s’occuper d’une jeune femme selon les principes de la cure de parole telle qu’elle se met en place dans le travail commun avec Freud, il va observer une levée de symptômes corporels chez sa patiente, confirmant leurs thèses sur la possible guérison non médicale de certains symptômes physiques mais il va se trouver confronté à une substitution symptomatique, une grossesse nerveuse que sa patiente développe selon les modalités d’un amour de transfert qui déplaît fortement à la femme de Breuer. Destitué de sa position de maîtrise, aux prises avec son désir qui est engagé dans sa relation thérapeutique Breuer préfère confier sa patiente à Freud. La petite histoire est fort intéressante puisque le couple Breuer décide de partir en voyage et Mme Breuer se trouvera enceinte d’un enfant Breuer dans les mois qui suivirent.

Au-delà des raisons personnelles de Breuer nous voyons qu’un des enjeux principiels de la psychanalyse consiste en une interrogation sur le savoir du maître en contradiction avec la question du désir (1) . Désir et savoir ne vont pas d’évidence ensemble et il y a une sorte de contradiction interne qui fait buter le désir de savoir sur la structure du désir, contradiction qui fera dire à Lacan qu’il n’y a pas de désir de savoir. Nous voulons bien savoir des choses mais veut-on vraiment savoir au point d’en tirer certaines conséquences dans nos façons de concevoir notre vie, de remettre en cause certaines de nos conceptions du monde ? Tel est ce qui se présente d’emblée comme question quand un sujet demande à faire une analyse.

Nous sommes là dans la modalité de l’interrogation hystérique, modalité qui s’inscrit sous une forme négativée que Freud appelle dans l’Esquisse le premier mensonge hystérique. Cette histoire de mensonge a fait bien rire certains d’entre nous lors d’une étude très scientifique réalisée par un chercheur américain qui en est arrivé à une conclusion, bien sûr après des calculs statistiques très serrés sur un échantillonnage suffisamment sérieux pour avoir ce p (indice de probabilité) inférieur à 0,05, et qui en arrive à la conclusion suivante : les femmes mentent.

Quelle est la nature de ce mensonge si ce n’est ce hiatus que j’essaie de vous préciser entre savoir et vérité ? Et bien le mensonge hystérique c’est de nous faire croire qu’il y a une possible harmonisation entre savoir et vérité, ce que les hystériques paient du prix d’un faire semblant qui n’est qu’une forme moderne du sacrifice auquel est prêt à consentir l’hystérique, sacrifice fait au nom d’un savoir suffisamment consistant comme peut l’être la science pour faire exister une instance chez l’Autre qui lui donnerait une place de vérité en tant que sujet. Et nous avons là le problème que rencontre l’hystérique c’est-à-dire celui de sa légitimité et son pendant symptomatique l’impression de ne vivre que comme usurpatrice, usurpateur de sa vie et de son désir.

Ces quelques remarques sur la structuration hystérique m’amènent maintenant à développer, à partir de ce que nous pouvons reconnaître comme un fantasme hystérique le fantasme de faire oeuvre d’universalité, les raisons pour lesquelles j’ai proposé d’aborder l’hystérie à partir d’une part des hystéries collectives c’est-à-dire les manifestations hystériques collectives et d’autre part des manifestations individuelles qui se proposent au sujet hystérique dans l’accomplissement de son universalité ce que certains, entre autres Maleval ont appelé folies hystérique et que Melman nous avait proposé d’appeler parapsychoses (cf. Les nouvelles études sur l’hystérie) avec des tableaux d’états psychotiques avérés lorsque le fantasme d’universalité était effectivement réalisé.

Nous entendons comment l’accomplissement de l’universalité comme tentative de légitimer la particularité du sujet a des conséquences ravageantes avec cet effet paradoxal où c’est la demande de faire valoir sa particularité au nom de l’universalité qui nie, forclot c’est-à-dire rejette au-dehors tout forme de particularité.

Il s’agit là d’une question politique avec la revendication individualiste, une demande de reconnaissance de chaque individu et la tentative de faire valoir de façon universelle chaque individu, chaque sujet dans son désir.

Nous pourrons poser la question de la prétention universaliste de la démocratie qui dans son forçage mondialisé a des conséquences que nous pouvons, à proprement parler, dire qu’elles sont paranoïaques comme nous le montrent nos amis américains.

C’est l’occasion pour réaffirmer auprès de vous mais aussi auprès des psychanalystes puisque les psychanalystes n’y ont pas assez prêté attention dans leur manière de concevoir la psychanalyse et dans la constitution de leurs sociétés et dans les discours qu’ils ont tenu, que la psychanalyse n’a surtout pas cette prétention universaliste qui contredit en ses fondements la psychanalyse c’est à dire que la mise en place correcte du sujet au regard de son désir ne peut se constituer au nom d’une universalité de la psychanalyse et que c’est à partir de la particularité de chacun que la psychanalyse doit se réinventer (2) .

S’il n’était que les différences culturelles, les travaux ethnologiques et anthropologiques il y a ce que j’ai appelé cette contradiction interne au mouvement du désir qui nécessite que nous l’examinions avec tempérance et prudence et non sans courage ce que Lacan a établi dans son séminaire comme étant l’éthique de la psychanalyse.

Un des exemples des égarements liés à cette tentation de l’universalité et qui est un des avatars des discours que la science produit c’est par exemple le manuel diagnostic DSMx, x c’est le chiffre de son évolution, cela pourrait être le sujet en tant qu’inconnu, DSM qui a constitué, à partir de l’idée d’établir un langage commun et universel, une classification statistique qui en est arrivé à faire disparaître l’hystérie comme pôle organisateur d’une série de symptômes. Là où cette référence à la particularité subjective ne fait plus référence dans une classification des troubles mentaux nous avons vu se développer une épidémie d’un trouble répertorié sous le nom de personnalités multiples.

Ainsi nous avons assisté dans le monde à une épidémie du syndrome des personnalités multiples : il y a en moi une personne voire d’autres personnes qui ont pris possession de ma vie et de mes actes.

Garrabé le développe dans un article « L’hystérie collective, histoire du concept » publié dans une revue La Célibataire sur « Lacan et la psychanalyse des foules » (3)

Garrabé nous rappelle que la notion d’hystérie collective est née sous la monarchie de juillet avant la révolution de 1848. Dater l’hystérie collective à partir de l’histoire politique confirme la prégnance de la question hystérique vis-à-vis de la question politique (cf. la démocratie en Amérique de Tocqueville) mais aussi que le démembrement du concept d’hystérie au niveau individuel et dans les classifications médico-psychiatriques opéré par Babinski est lié à une sorte de renversement qui fait passer la dimension particulière de la subjectivité telle que l’hystérie tente de la faire valoir à une dimension collective de son expression.

Nous pourrions dire comme Tyszler que les nouveaux croisés sont les croisés de l’universel avec une sorte de diplopie aveugle entre une face individuelle de l’hystérie et une face collective de l’hystérie sans que d’aucuns ne reconnaissent dans ce clivage social qu’il s’agit de la même question qui insiste l’une dans le champ individuel, l’autre dans le champ collectif, le collectif se définissant comme garant d’une Altérité référentielle mais qui si elle se veut universelle ne permet pas au sujet de pouvoir s’y faire reconnaître.

Si ce n’est bien entendu comme l’hystérique sait le faire par rapport au discours du maître, que ce soit sous la forme des épidémies de crises épileptiques chez Charcot ou les épidémies de personnalités multiples avec le DSMx, c’est-à-dire tenter de se faire reconnaître en s’identifiant au trait imaginaire que propose le discours du maître.

Si les personnalités multiples avec ses personnalités qui vous font parler et vous font agir comme les possédées décrites dans les grandes histoires de possession par le diable, le démon, nous avons aussi vu se développer d’autres formes d’hystéries collectives dans le champ social avec les syndromes post traumatiques qui ne sont pas sans évoquer les névroses de guerre mais comme névroses traumatiques en temps de paix et qui conjointement ont fait surgir une conceptualisation de la mémoire avec cette hypothèse du stock d’informations mnésiques qui a donné le mouvement de la mémoire retrouvée, de retrouver la mémoire d’un traumatisme sexuel que les psy pouvaient aller trouver dans les premiers mois de la vie.

Les mouvements sociaux dévoilent les nouvelles formes de suggestion qui sévissent dans le monde qui n’a jamais été autant déterminé par la science et qui par ailleurs voit s’affirmer des forces invisibles de l’occultisme, invisibles parce qu’elles s’infiltrent dans le tissu social sans que nous nous en rendions compte.

Si les hystérodémonopathies ont fait l’objet d’études de toutes sortes avec la création de spécialistes de la question au niveau du clergé, Garrabé nous rappelle qu’elles seront aussi l’objet de travaux d’érudits comme Calmeil mais aussi dans le mouvement anticlérical d’études psychiatriques comme par exemple Bourneville qui fut l’assistant de Charcot qui donnera son nom à une forme d’épilepsie, l’épilepsie tubéreuse de Bourneville, et pour lesquelles Bourneville, Boubour, remarque « une similitude complète entre les hystériques (…) les démoniaques et les mystiques du XVIIIe ».

Notons que les médecins préconisaient comme les religieux, d’isoler les sujets atteints, du regard des autres ce qui aujourd’hui peut difficilement être effectué avec le grand regard qu’est devenue la télévision.

Ce qui caractérise les sujets magnétisés par ce regard (cf. Mesmer) est une position subjective devenue commune qui est celle de la victime, grande forme d’hystérie collective qui a aussi donné un corps de savoir pour y répondre avec un diplôme universitaire à la clef, la victimologie. Et certains victimologistes commencent à se demander si ce savoir ne participe pas à la victimisation du sujet avec les impasses invalidantes d’une vie où la responsabilité du sujet ne sera pas reconnue. Alors ces victimes sont les victimes de quels démons ?

Savez-vous ce que veut dire démon, ce que cela signifie : c’est l’esprit et ce n’est qu’avec une certaine lecture chrétienne, lecture qui tentait de mettre de côté un savoir sur le sexe qui ne pouvait être situé que du côté de la perversion, et ce n’est qu’à partir de cette lecture chrétienne que cet esprit devint l’esprit malin. Son étymologie grecque rend un peu plus compte de ce qu’il désigne dans le registre du savoir avec le mot grec daïmon, génie attaché à chaque homme et à une cité et qu’il est un dérivé du mot daiesthai, diviser, partager et qui a pour dérivé démos (démagogue). Démon renvoie au génie, à la puissance qui divise, attribue, donne en partage. Nous retrouvons là l’idée d’un savoir qui nous divise, nous emporte comme par exemple le démon du midi.

Cette prédilection de l’hystérique à faire valoir ce savoir, cette puissance dont elle se fait le porte-voix indique sa soif d’une nomination qui de ne plus être soutenue par la fonction nommante du père de sa place de vérité, la fait errer à la recherche d’une nomination causale tels que les neurosciences peuvent lui proposer mais au prix du sacrifice de son désir ; le faire taire, ce désir, pour glorifier sa cause, sa cause cérébrale pour ce qu’il en est de notre époque.

Il est d’ailleurs étrange de constater que les neurosciences comme corps de savoir se sont substitués dans le discours social à la neurobiologie puisque ce qui chute dans cette substitution, c’est le bio, c’est-à-dire la vie, c’est-à-dire ce qui fait le problème intime de tout processus de subjectivation entre particulier et universel et qui s’établit dans le rapport qu’entretient le sujet avec la science.

Le terme de neurosciences permet d’évacuer tout le procès subjectif au nom d’une universalisation neurocérébrale de la cause, causalité qui n’est ici que proton pseudo c’est-à-dire mensonge hystérique puisqu’elle s’établit à partir d’une rationalité qui n’est plus strictement scientifique mais au nom d’une rationalité technologique.

Ce que je tente de souligner à partir des épidémies d’hystéries collectives de notre social c’est combien l’expression subjective particulière de l’hystérie dans sa visée de subjectivation et son appel à la fonction symbolique se trouve par le procès d’universalisation du savoir ne plus avoir droit de cité si ce n’est dans ses formes collectives d’hystérisation qui ne sont pas reconnues comme telles parce qu’elles se proposent comme des résolutions sublimatoires réussies de l’hystérie.

Il en est ainsi de l’épidémie collective et politique de la revendication de son identité là où le symbolique, celui qui désigne ce qui manque à sa place, n’est plus repérable dans sa fonction de nouage entre individuel et collectif et en appelle donc encore plus à une nomination qui de ne plus être symbolique se doit d’être imaginaire (genders of identity) ou réel (cf. les grands conflits inter ethniques, inter communautaires)

Cet appel à la nomination par le discours du maître des neurosciences a par exemple induit toute une série de réponse en particulier dans le champ de la santé mentale, on ne dit plus psychiatrie, avec cette inflation de nomination sur l’identité de notre maladie. Le danger d’un tel discours est qu’il vise à faire passer la fonction imaginaire de l’identité dans son versant réel. C’est un passez-muscade sur l’identité comme fiction avec les effets de violence sociale que nous connaissons et que chantait si bien Léo Ferré avec son « Poètes, vos papiers ! »

Cette problématique de la nomination, de cette nomination qui manque est spécifique à la question hystérique, d’autant que nos sociétés en victimisant ces sujets féminisent autant les hommes que les femmes et redoublent la question hystérique, de ce que veut dire être nommé femme.

C’est à partir de cette victimisation que s’est propagée une autre épidémie non répertoriée de névroses hystériques masculines comme tentative de se faire valoir femme pour le père en tant que « le nom femme relève éminemment de la fonction paternelle s’il est vrai qu’il est censé aménager le réel afin de le rendre bon pour la jouissance sexuelle (…) Le réel n’est plus seulement dès lors Terra incognita, habitée par la sphinge énigmatique et mangeuse d’hommes, ses paysages hostiles péniblement explorés par de hardis aventuriers, Dieu merci, la présence d’une femme rappelle qu’il a été civilisé par le père » (cf. Melman Les nouvelles études sur l’hystérie)

Si les modalités hystériques de l’existence ne sont pas reconnues cela tient bien sûr à la déspécification de la fonction paternelle qui dénoue le réel et le symbolique entre le père réel et le père symbolique comme nous le font lire les discours sur le père violeur là où le père réel n’a plus sa fonction symbolique. C’est au point où dans certains collèges américains le mouvement féministe oblige les jeunes hommes qui vont entrer à l’université à porter l’écriteau « je suis un violeur potentiel ou nous sommes tous des violeurs ».

Le décrochage, ce décapitonnage nous dirait Lacan entre la fonction symbolique et le réel participe du mouvement universaliste de désubjectivation avec en réponse la défense hystérique, défense d’autant plus vive que cette dimension hystérique du symptôme est masquée par les nouveaux discours du maître. Les nouveaux discours du maître seront à définir parce qu’ils fonctionnent sans maître, même si certains tentent d’occuper cette place avec la difficulté que vous savez au niveau politique. C’est un discours du maître sans maître et dont l’agent serait une sorte de savoir absolu. L’hystérique l’a tout à fait entendu et c’est ce qui fait son drame et qui explique peut-être que le choix de la névrose se ferait maintenant chez les femmes du côté de la névrose obsessionnelle.

Pourquoi cela fait-il le drame de l’hystérique ?

Parce que sa défense hystérique la pousse à être cette vraie femme, c’est le pousse à la Femme et qui induit son refus de se prêter à toute forme d’impératif, d’obligation voire à l’accepter totalement avec un semblant qui serait le vrai, c’est-à-dire sans semblant jusqu’au hors mesure, rejetant dans les deux cas dans le hors sens sa subjectivité.

Même si les tableaux cliniques se présentent sous la forme d’états psychotiques qui ne font aucun doute jusqu’à se confondre avec une schizophrénie, la sublimation réalisée dans ces syndromes nous permettrait si nous l’entendons qu’il s’agit d’un appel à cette fonction symbolique déficiente.

Cet appel inclut la symbolisation du nom du père, ce nom du père que comme on le sait les enfants ne sont plus dans l’obligation de porter. Si cet appel nie toute forme d’autorité dans la visée d’une jouissance sans butée, sans limite c’est-à-dire toxicomaniaque, jouissance que nous retrouvons dans les délires à deux, nous sommes toujours surpris de l’évolution de ces tableaux cliniques lorsque ce sujet décide de porter ce nom du père, stabilisant son discours et réorientant sa parole. L’attente d’une réponse dans le champ symbolique, cette attente d’une nomination symbolique guide notre pratique dans le suspens d’une nomination.

Si cette nomination vient confirmer avec le diagnostic de psychose qu’il n’y a plus rien à attendre, nous avons là des conséquences forclusives et la nomination installe le sujet hystérique comme toute folle, folie entretenue par la recherche d’une jouissance infinie.

En dernier lieu, nous aurons à situer l’épidémie des troubles des comportements alimentaires chez les femmes puisqu’il s’agit surtout de femmes, à contrario de ce que j’ai avancé à propos de ce renversement dialectique de la subjectivation hystérique aux hystéries collectives qui pousse l’hystérique à développer des tableaux cliniques qui participe à sa désubjectivation, nous avons dans ces troubles un mode de découplage de la fonction et du fonctionnement au niveau de l’oralité dont nous savons qu’il est dans son registre pulsionnel le support de la parole corroborant ainsi le déficit de la fonction de la parole dans le lien social.

Ce découplage répond point par point à ce que nous avons pu dire du découplage entre le père réel et le père symbolique et où nous voyons qu’il y a dès lors à se préoccuper du symptôme dans son versant réel (médical) et supplémentairement dans son versant symbolique (traitement psychiatrique et psychothérapique) Nous pourrions faire l’hypothèse qu’il s’agit des formes nouvelles de symptômes dans la mesure où ce que nous observons est en quelque sorte l’impossibilité d’une structuration hystérique, structuration qui est la structuration normale de la subjectivité. Est-ce que l’hystérie a encore droit de cité dans un monde sans maître mais sous le coup d’un maître absolu appelé savoir ?

Faut-il s’étonner de l’efflorescence de l’anorexie qui veut rétablir la fonction de la maîtrise, maîtrise qui va déborder le fonctionnement ? Cette fonction de maîtrise vise la mort, la mort comme figure ultime d’une Altérité possible et qui explique comment cette approche peut dans certains cas refaire basculer le sujet du côté de la vie. Ne faut-il pas reconnaître dans cette tentative de maîtrise sans limite, sans fin et sans faim, l’impasse qu’elle produit avec la réversion boulimique du débordement de la fonction par le fonctionnement automatique de l’inversion du réflexe de déglutition ?

N’y a-t-il pas là toujours un appel à cette fonction symbolique celle qui donne une place Autre par rapport au savoir ? Ce que nous appelons place de vérité ?

Ne s’agit-il pas là pour nous de faire en sorte de ménager cette place pour ces sujets où nous ne répondrons pas du lieu d’un savoir totalitaire qu’il soit analytique ou neuro-scientifique ?

En effet ce que montrent les pandémies d’hystéries collectives c’est que nous avons à faire à de nouvelles foules qui sont caractérisées par le sentiment d’abandon que vivent nos concitoyens. L’éthique nous conduit pour ne pas répondre à l’appel de ces sans domicile fixe de notre vie sociale du côté d’un maître tyrannique mais du côté de ce que la fonction symbolique nous apprend : que nous supportions de prendre une place où nous serions divisés par rapport au savoir, seule condition pour que surgisse la vérité de chaque sujet, c’est-à-dire donner à ces sujets la possibilité d’adresser leur souffrance à l’Autre. Ne nous indiquent-ils pas le chemin à prendre quand nous les voyons désormais se scarifier, se sacrifier (c’est la même étymologie) en faisant coupure sur leur corps.

N’indiquent-ils pas que nous avons à prendre en compte ces symptômes en étant nous-mêmes un sujet divisé c’est à dire un sujet hystérique ?