Hypothèse sur l'efficacité de l'unique interprétation de Freud à Hans
12 octobre 1992

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VANDERMERSCH Bernard
Textes
Lacan

Intervention au séminaire d’été 1992 à Olinda sur le séminaire « La relation d’objet et les structures freudiennes ».

Comment Hans, au papa si gentil, en vient-il, à la suite de l’intervention de Freud à passer de son jeu de maîtrise du leurre phallique qu’il tend à sa mère à une certaine assomption de la castration ? Lacan nous dit : ce passage nécessite de se confronter à autre chose qu’à la mère phallique, autre chose qui est un père. Mais qu’est-ce qu’un père ?

« C’est dans cette relation à quelque chose qui est le réel dans le symbolique, celui qui est vraiment le père et dont personne ne peut dire finalement ce que c’est vraiment que d’être le père si ce n’est justement quelque chose qui se trouve déjà là dans le jeu. C’est par rapport à ce jeu joué avec le père, le jeu de qui perd gagne… que l’enfant peut conquérir la foi qui dépose en lui cette première inscription de la loi… « (leçon du 13 mars 57).

Ce réel, cet impossible à saisir qui vient tempérer ou pacifier les effets de l’aliénation du sujet au symbolique, c’est un père réel qui doit l’introduire pour que ce réel soit un réel sexuel, ce qui est le meilleur cas.

Je soutiens que l’intervention de Freud supplée dans une certaine mesure à la carence du père réel en introduisant dans le discours de Hans une formule singulière qui va « travailler « . Ce que cette intervention apporte est au-delà du sens oedipien et ne relève pas d’un jeu signifiant.

Ce qu’elle apporte c’est quelque chose de réel, une inscription déjà faite de cet « impossible à saisir « grâce à un énoncé qui articule l’impasse vécue par Hans dans son temps imaginaire à un mythe situé, lui, dans un autre temps, éternel, symbolique – cela dans une forme grammaticale mais de valeur topologique qui va infiltrer comme un corps étranger le discours de Hans jusqu’au moment où elle confère au mythe conclusif, celui de l’installateur, une structure nouvelle.

La consultation du 30 mars 1908

D’abord Freud révèle à Hans « qu’il avait peur de son père justement parce qu’il aimait tellement sa mère « . Puis dans un deuxième temps il reprend cette révélation dans cette formule devenue célèbre :

« Bien avant qu’il ne vint au monde, déjà j’avais su qu’un petit Hans naîtrait un jour qui aimerait tellement sa mère qu’il serait par suite forcé d’avoir peur de son père et je l’avais annoncé à son père « .

Le 2 avril, on note la première amélioration réelle.

En quoi donc a consisté cette intervention ?

– Elle a donné un sens, le sens oedipien, une explication.

– Elle s’énonce d’une place repérée par Lacan comme celle du père imaginaire, garantie de l’ordre universel. Il parle du Sinaï et Petit Hans « accuse le coup « .

– Mais aussi elle introduit une forme grammaticale nouvelle « Bien avant qu’il ne vint au monde, déjà… «  qui réalise un tour de force. Hans est déjà là avant d’être au monde et il ne le savait pas mais quelqu’un le savait. Et cet impensable peut se dire.

– Elle s’exprime dans une forme qui comporte une répétition : d’abord la révélation, puis la révélation que cette révélation a déjà été révélée soit un deuxième degré de la révélation.

Dans la suite immédiate de la cure on note l’apparition dans le discours de Hans de cette

opposition logique : « Pas encore… déjà « sur le modèle de la formule de Freud « longtemps avant… déjà « . Cette articulation en une phrase de propositions concurrentielles inscrites dans des temps de valeur différente n’existait pas avant. On peut le vérifier : le temps y était linéaire.

Par exemple, Hans, 4 1/2 ans, avant la phobie

« Tu sais cette nuit j’ai pensé : Quelqu’un dit : qui veut venir avec moi ? Alors quelqu’un dit : Moi ! Alors il doit lui faire faire pipi.  » C’est la formule du jeu de gages détournée à son profit.

Ou encore, le 8 janvier : « Je sais que demain il faudra que j’aille me promener « .Ici existe une anticipation qui maintient l’unicité du fil temporel.

Voici maintenant des exemples de la présence de cette formule dans le discours de Hans.

Premier exemple : dès le 4 avril des changements conduisent Freud à noter

« Non seulement le patient mais aussi sa phobie a acquis plus de courage et ose se montrer « . La phobie va en effet pouvoir s’exprimer plus clairement dans les termes même de cette opposition. « J’ai peur, si je suis sur la voiture, que la voiture s’en aille vite, et que je me tienne dessus et que je veuille aller là sur la planche (la rampe de chargement) et que je m’en aille avec la voiture. «  Soit : Je n’aipas encore rejoint la rampe, déjà la voiture m’emmène. Hans n’ira donc pas comme les gamins de rue sur les voitures de peur d’être emporté. Au seuil de son acte, il s’arrête devant les conséquences. C’est une première écriture du désir prévenu du phobique. Hans sait que ce n’est pas une peur de ne pas retrouver sa mère mais il ne sait pas devant quoi il recule : « Je ne sais pas… mais le Professeur le saura. Crois-tu qu’il le saura ? « Un transfert s’est ouvert.

Deuxième exemple. Le 9 avril dans le dialogue interminable avec le père cette opposition « pas encore… déjà « s’exerce de façon apparemment ludique ou gratuite ou encore comme un corps étranger dans le discours de Hans. Il s’agit de s’expliquer sur les culottes. Pourquoi fais-tu Pfui ? Demande le père à son fils qui se jette par terre et crache

en voyant la culotte jaune de sa mère. – Wegen Den Hose (à cause de la culotte)

– As-tu vu Maman porter une culotte comme ça ?

– Non !

– Quand elle s’habillait ?

– Quand elle a acheté la culotte jaune, je l’avais déjà vue une fois.

(Contradiction ! dit le père, c’est quand sa mère a acheté cette culotte qu’il l’a vue pour la première fois.)

Soit : Avant que la culotte soit là… déjà il l’avait vue.

Dans la même séance après le « wegen den Hose  » apparaît le « wegen den Pferd « .  » C’est peut-être parce qu’ils ont parlé ainsi : à cause du cheval, peut-être que j’ai attrapé la bêtise « .

Avec la notion de cause, il apparaît un certain repérage du manque dans le symbolique. Il n’y a de cause en effet que de ce qui manque dans une séquence signifiante.

Troisième exemple. Le 10 avril, la séance reprend :  » Quand sa culotte est neuveelle a l’air d’un lumpf. Quand elle est vieille, la couleur s’en va et elle devient sale. Quand on l’achète (au magasin) elle est toute propre. A la maison, on l’a déjàsalie. Quand elle est achetée elle est neuve.Quand elle n’est pas achetée elle estvieille. « 

Outre la même opposition repérable sous la forme « Pas encore mise elle estdéjà sale « , il est intéressant de voir comment la cohérence de cette série d’oppositions placées sous le chef du neuf et du vieux est perturbé par le lumpf qui vient se loger indûment dans la colonne du propre : ce lumpf c’est vraiment du propre ! c’est bien ici ce qui supporte la fonction équivoque du signifiant phallique.

neuve ………………..vieille

lumpf propre ………….sale

au magasin …………à la maison

achetée ………..non achetée

Quatrième exemple. Le 11 avril (Il s’agit d’une production mythique de Hans introduite par la formule stéréotypée « J’ai pensé que…)

« Nous allons en chemin de fer à Gmunden. Dans la gare nous nous habillons, mais nous n’arrivons pas à finir à temps et le train repart et nous emporte. « 

Soit : « pas encore prêts… déjà Le train nous emporte  »

Cette fois apparaît une certaine hâte, quelque chose de pressant.

Cinquième exemple. Le 14 avril (C’est l’histoire d’Hanna et de la cigogne).

« Tu sais, elle était déjà depuis longtemps au monde même quand elle n’était pas encore là . « 

C’est une reprise de la formule de Freud. Cependant elle n’est pas identique. Hans écrit ici une simple contradiction entre deux termes situés dans le même type de temporalité (la temporalité mythique). Il reste patent que la formule « travaille « (durcharbeit).

Sixième exemple. Dans la même séance du 14 avril.

– Le père : … Hanna n’était pas encore au monde.

– HansSi, alors elle était au monde. Même quand elle voyageait encore dans la caisse, elle pouvait déjà courir, elle pouvait dire Hanna.

Soit : pas encore [ sortie de la caisse ]… déjà…

Lacan, dans la leçon du 5 juin 1957, nous explique que cette intervention de Hanna dans la catégorie des choses qui peuvent tomber, est comme une substitution à l’intervention castratrice qui se trouve dérivée du pénis dans sa direction. Un réel inassimilable à la place d’un autre. Cela aboutit dans le dernier fantasme à un changement qui doit bien avoir « un certain degré de suffisance « pour obtenir la réduction de la phobie. Il compare Hans à Platon : Le réel inassimilable, « Hans le compense dans la réminiscence : le sens platonicien, opposé à la fonction de la répétition, à savoir de l’objet retrouvé. Il fait de l’objet un objet dont l’idée est là depuis toujours. « 

Septième exemple. Le 21 avril. « Il y avait un train à Lainz et je voyageais avec la grand-mère de Lainz (la mère du père) vers la gare de la douane centrale. Tu

n’étais pas encore descendu de la passerelle et le second train était déjà à Saint Veit. Quand tu es descendu, le train était déjà là et alors nous sommes montés dedans. « 

Le père insiste sur le caractère obscur du « fantasme  » et tente de reconstituer … l’impossible.

Au niveau du sens on pourrait y entendre un appel au père pour qu’il rattrape son retard par rapport aux questions de son fils, d’autant que dans la même séance Hans lui rappelle le lieu symbolique mythique de sa question : « Si, c’est vrai, tu te mets en colère, je le sais. Ça doit être vrai. « 

L’effet de l’intervention de Freud est donc d’introduire une sorte d’opérateur logique, un « pas encore… déjà « qui ouvre la voie à la structure spécifique du sujet, celle que Lacan fait entendre dans le futur antérieur « il aura été « et que Freud avait déjà souligné dans ce nachträglich dont l’édition française a banalisé la typographie. Cette union dans un double tour du pas encore et du déjàsuppose une topologie spécifique. Avant de l’aborder remarquons :

– que cette opposition retrouvée n’est pas la répétition d’une ritournelle signifiante. Elle emprunte des constructions grammaticales diverses. Elle ne passe pas non plus seulement dans le sens : parfois la proposition ainsi articulée est peu intelligible.

– que ce « il aura été « s’exprime de trois façons différentes :

– soit sur un mode mythique, tranquille. Hans reprend la place de Freud et promène son père en bateau avec l’histoire d’Hanna qui était déjà là bien avant d’être au monde. Hanna est à la place du sujet et va accomplir les exploits à sa place, avant lui.

– soit sur le mode de l’urgence lorsque Hans lui-même est concerné, quand il risque d’être embarqué sans père. Elle exprime alors la retenue du sujet phobique devant les conséquences de son désir et il est remarquable que cela se joue dans un espace marqué d’un point de perspective (la gare de Saint Veit)

– soit, enfin, c’est la pure inscription d’une contradiction apparente : Avant d’avoir vu les culottes de sa mère… il les a déjà vues.

Cette formule de Freud insiste dans le discours de Hans et semble fournir la matrice topologique d’un changement repérable dans la structure des mythes produits par Hans. En effet on peut se poser la question. Ces mythes produits par Hans qui se transforment les uns dans les autres sont-ils l’effet de permutations purement aléatoires des éléments dans la structure ? Ne sont-ils en fait que des versions du même mythe ? Ou bien y a-t-il un changement de structure dans ces mythes qui prouve un remaniement en rapport éventuel avec la mise en place de la castration ?

Reprenons les deux mythes considérés comme identiques par le père de Hans, d’autant que le deuxième conclut la cure.

– le premier du 11 avril a une structure simple (p. 137 de l’édition française)

Tu sais j’ai pensé quelque chose.

Je suis dans la baignoire

Alors le plombier (Schlosser = serrurier) arrive

Et la dévisse

Il prend alors un grand perçoir

Et me l’enfonce dans le ventre.

On pourrait à la manière de Lévi-Strauss étudier les couples d’opposition et voir leur permutation d’un mythe à l’autre. Par exemple : ici soustraction en douceur, puis don violent.

Restons plutôt sur le sens de cette violence. Lacan l’assimilera à l’effraction de la jouissance sexuelle qui apparaît comme venant de l’extérieur : « ça lui arrive « . C’est quelque chose qui féminise d’une certaine façon. Le sujet est en position passive. Il est étrange que cette violence du réel sexuel est attribué a un Schlosser (cf la cigogne – le père) à un père donc, même par Hans dont le père était spécialement doux.

– le deuxième du 2 mai a une structure beaucoup plus complexe :

Tu sais, j’ai pensé quelque chose

Le plombier (Installateur) est venu

et avec une pince m’a d’abord enlevé le derrière

et alors il m’en a donné un autre1

1. souligné par moi

et alors le fait-pipi. (dans la traduction française :  » et puis la même chose avec le fait-pipi)

Le mythe reprend alors (avec un retour à la typographie normale)

Il a dit :

Laisse voir ton derrière et j’ai du me tourner et il l’a enlevé

Et il a dit : laisse voir ton fait pipi.

Le père intervient alors : « Et il t’a donné un plus grand fait pipi et un plus grand derrière. « 

La traduction française renchérit sur la position « psychothérapique « du père. Hans, quant à son fait pipi, laisse inachevée l’action de l’installateur.

Structuralement ce mythe est construit différemment du premier :

– Comme l’intervention de Freud du 30 mars, il contient une reprise. Après la description de l’opération, se produit un deuxième tour qui s’annonce par « il a dit « . Le commandement de la loi s’énonce. Ce qui était son plaisir devient aussi un ordre : Laisse voir ton derrière…

– Il est remarquable que ce sont les mêmes termes, mais cette fois à l’impératif, que ceux du rêve qui a suivi les premiers éclaircissements donné par le père le 15 mars sur la recommandation de Freud, sur l’absence de pénis chez les femmes.

« alors j’ai vu maman toute nue en chemise et elle m’a laissé voir son fait pipi… »

D’autre part, alors que dans le rêve du gage, la règle s’applique sans sujet qui la soutienne et pour tout sujet, il s’agit d’un retournement contre l’autre de la toute puissance du symbolique, ici la loi est soutenue par quelqu’un quil’énonce et Hans s’y soumet, au moins partiellement.

– Apparaît avec ce mythe une structure comparable à celle de l’acte en ce sens que l’action y est doublée d’un dire par quelqu’un qui en devient sujet.

Malgré la déviation de l’opération sur un autre organe…

Toutes les solutions du complexe d’Œdipe ne s’équivalent pas. Malgré la sédation de la phobie, la solution de Hans est atypique. Lacan dit que fondamentalement le rapport de Hans aux femmes reste marqué d’un refoulement de tout ce qui est création paternelle

seules les mamans peuvent avoir des bébés : « Mais un papa ne peut pas avoir de bébé, alors qu’est-ce que c’est que cette histoire que je voudrais être papa ! « 

« La femme, nous dit Lacan, ne sera jamais pour lui que le fantasme de ces petites soeurs – filles autour desquelles aura tourné toute sa crise enfantine… Le partenaire féminin aura été engendré, non pas à partir de la mère, mais à partir des enfants imaginaires qu’il peut faire à la mère, eux-mêmes héritiers de ce phallus autour duquel tout le jeu d’amour, de captation à l’endroit de la mère se sera primitivement joué.  » Leçon du 19 juin1957.

Toutefois Hans produit bien un mythe de la castration avec un agent, l’installateur, mais dans ce mythe elle semble déviée pour porter sur le Podl, le derrière, avec lequel on fait des Lumpf, des enfants imaginaires. Le derrière, lui, est cédé pour un autre (et non un plus gros). Si la phobie, à son tour, cède, c’est bien que le réel vient quand même à se placer dans le symbolique et non plus dans l’espace imaginaire : l’installateur n’est pas un cheval.

En conclusion, j’ai essayé de comprendre et montrer comment l’assomption de la loi par Hans se produisait non pas par l’injection d’un nouvel idéal dans une logique imaginaire : un plus gros fait-pipi pour un plus grand garçon ni par celle d’un mot de passe mais par une modification de la structure ou de la topologie de l’inconscient qui n’apparaît qu’après le forçage opéré par l’intervention de Freud et qui s’exprime dans des formules diverses, incomplètes, jusqu’à l’apparition de cette coupure subjective qui prend dans le même tracé le pas encore et le déjà là pour se boucler dans un il aura été. Ce qu’apporte Freud, c’est un lieu pour l’impossible coup fondateur du sujet, lieu que va habiter l’installateur. A la question : qu’est-ce qui est efficace dans l’intervention de Freud ? on peut probablement, à côté du sens de son énoncé (le mythe oedipien… qui semble surtout s’adresser au père) faire une place à la topologie qu’il recèle. Il faut un certain temps à Hans pour en faire quelque chose.

La surface topologique que bâtit cette double boucle, dans la mesure où elle ne se recoupe pas avant de se fermer, ne peut être plane ou sphérique sinon on écrirait une simple erreur, une contradiction stérile du type : « quand il n’était pas encore là… il était déjà là « et certaines productions de Hans sont de ce type.

Dans l’intervention de Freud l’opposition n’est pas triviale car il s’agit de deux temps situés dans des registres différents :

– l’un symbolique, mythique, intemporel

– l’autre imaginaire, temps vécu dans l’espace comme dimension linéaire.

Ces deux temps sont noués par un tour de force, et on pourrait en parler en termes de noeud borroméen. Si l’on reste dans cette géométrie en caoutchouc évoquée par Lacan dans la leçon du 19 juin 1957, disons que, si la surface engendrée par la double boucle est un plan projectif, alors une coupure selon son tracé produit un déchet, ce qui rend compte plus aisément de cette nécessité de la castration que Freud est content de voir épargnée à Hans.

Avec ce tracé, à la formule phobique « je m’arrête au bord de l’acte, je m’empêche de suivre mon élan de peur d’être embarqué dans ses conséquences sans plus pouvoir jamais m’arrêter, car je suis dans un temps linéaire… «  se substitue  » bien avant que j’en sache quoi que ce soit, j’étais déjà embarqué dans un désir que rien ne peut éteindre et à quoi se réduit mon existence de sujet. Il ne me reste qu’à réitérer l’opération qui me fonde. « 

La singularité du cas de Hans réside dans sa façon de dévier l’opération sur le Podl ou sur Hanna… Pour le pénis on verra… Il n’est pas clair qu’il ait consenti à y renoncer pour le recevoir, autre, comme lui appartenant légitimement cette fois. Autrement dit la structure est mise en place qui permet le tracé de l’acte mais Hans s’en sort avec une ruse dont le père et Freud lui-même sont complices.

Une conséquence dans le maniement de la cure est qu’après tout le mythe ou la théorie véhiculée par l’intervention, s’il n’est pas trop débile, compterait moins que la nécessité, pour qu’elle opère, qu’elle réalise un coup de force, qu’elle façonne l’Autre de telle façon que le sujet puisse inscrire son propre manque à être. Lacan insiste sur le défaut du père de Hans à se montrer jaloux, puissant, à faire valoir le pénis réel, pénis réel qui embarrasse tellement Hans. Il y manque cette incidence réelle du père, un réel dans le symbolique, quelque chose de déjà là dans le jeu.

Or ce « déjà là « , masqué par son propriétaire, Freud le réintroduit dans son intervention. La course à l’infini est tout de même arrêtée par un fait massif : la jouissance de la mère

concerne quelque chose de réel qui était déjà là. Par ce réel le temps vécu imaginairement et le temps éternel symbolique s’articulent dans un mythe conclusif qui les conjoint (qui conjoint également le scopique et l’anal) dans cette ébauche de castration qui change le Podl pour un autre, pas un plus grand mais d’un autre registre.

Avant de conclure peut-être faut-il envisager la position de Freud dans cette intervention. Lacan (3 avril 57) ne manque pas de marquer la différence entre une interprétation de Freud lui-même de toutes celles que nous pouvons faire après lui. Mais là, il trouve tout de même que Freud y va fort : « c’est du Sinaï qu’il parle au jeune Hans « . A cette occasion la position prise par Freud est « de se poser comme le maître absolu, non pas le père symbolique mais le père imaginaire « .

Peut-être alors s’agit-il d’un effet de suggestion mais ce ne serait pas le sens qui serait suggéré – Hans dit bien : « Pourquoi dis-tu que j’aime maman alors que c’est toi que j’aime ! « – mais plutôt la pénétration d’un élément de valeur topologique qui va faire son chemin jusqu’à mener Hans à la rencontre du  » déjà là « dans lequel pour ma part je serai tenté de voir l’incidence structurante du père réel.