Hommage à Gérard Pommier
27 août 2023

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LACÔTE-DESTRIBATS Christiane
Hommages

 

Nous sommes réunis ici, ce 8 août 2023, pour rendre hommage à Gérard Pommier et je prononce ces mots avec la pensée de mes collègues et amis de l’Association Lacanienne Internationale.
Gérard Pommier, le psychanalyste, l’écrivain, l’ami.

Peu de gens le savent, mais la revue La clinique Lacanienne a été fondée à trois : Charles Melman, Gérard Pommier et moi-même.
Ce titre nous avait valu quelques polémiques, mais indiquait fermement l’orientation de la revue. Elle ne serait pas la revue d’un groupe mais celle des psychanalystes qui trouvent chez Lacan le fondement éthique de leur pratique.
Gérard Pommier était formé par son analyse chez Lacan. Il vient après coup de la décrire et de l’approfondir dans son dernier livre Mon aventure avec Lacan.
Tous ceux qui ont éprouvé la radicalité du travail clinique de Lacan trouveront dans le livre de Gérard Pommier la dimension exigeante de la lecture du texte de l’analysant mais pas seulement : une présence sans complicité, un regard direct, un rire sonore sur les trouvailles de l’inconscient. Il était attentif à tout ce que nos sociétés engendrent de nouveautés et d’impasses parfois. Mais encore une fois, sans complaisance avec les modes intellectuelles
actuelles.
La revue La clinique Lacanienne a essayé de travailler sur ces questions contemporaines à plusieurs. Parfois nous n’étions pas d’accord mais cela faisait le terreau de la revue. Car nous n’étions pas pour le consensus mou, mais pour une recherche de ce qui pouvait faire acte psychanalytique dans les processus inconscients mis au jour dans une cure.

L’essentiel en effet, au-delà de toutes les mises en cause actuelles, c’était la dimension de l’inconscient. Et cette dimension était aussi ce qui fondait la pratique de l’écrivain qu’était Gérard Pommier. S’il prenait parti c’était selon une vérité qu’il faisait s’élaborer et s’inscrire chez ses patients. Cette vérité touchait à ce qu’il y a de réel dans la poésie de l’inconscient comme dans la poésie des poètes. La poésie brûle, son avant dernier livre, n’est pas un manifeste romantique mais pose la question de la possibilité même du sens de façon abrupte. Ce livre affronte, dans la poésie, cette énigme qui fait qu’une suite de mots organise un ordre tout à fait autre et permet à un sujet de se déplacer. Cela est infiniment précieux à un moment où la psychologie retourne à des impératifs flous tournés vers un bien-être de surface.

Notre amitié était fondée sur un même souci de l’écriture et sur ce que la psychanalyse freudienne et lacanienne enseigne sur cela. Cela va de pair avec ce qu’une cure peut inscrire de déplacement chez un sujet.
Dans le travail concernant la revue et qui était notre lieu de rencontre, il tenait compte des positions de l’autre mais sans compromis. Il pouvait trancher, se mettre en colère – il a d’ailleurs écrit un livre brillant sur la colère – traquer l’injustice et la malhonnêteté. Non pas selon des principes moralisateurs, mais cliniquement : c’est-à-dire selon ce que la fraude engendre, la dépression et le malaise qui mène à la confusion.
Nous avions gardé le vouvoiement de départ : il mettait la juste distance de l’estime réciproque. Nous avions, Paul Destribats et moi, participé avec lui et quelques collègues à ce premier congrès chinois de psychanalyse à Pékin à l’occasion duquel nous avions pu mesurer son amitié et son humour.
Nous perdons un ami de grand talent qui a tracé son chemin avec courage jusqu’au bout.
Nous saluons sa mémoire et nous relirons ses livres en le remerciant.

Christiane Lacôte-Destribats