C’est par la "prise en considération de la figurabilité" que Freud amène dans Die Traumdeutung "La figuration par symboles en rêve". Ceci dans le chapitre "Le travail du rêve". Le contexte d’analyse porte alors sur l’esquive, afin que perce le désir en sa représentation, celle-ci nécessairement à la fois déguisée et figurative de celui-là. Ce qui travaille Freud alors est la question de la relation du pictural avec les mots. "Obtenir une possibilité de figuration qui échappe à la censure…" est le but du rêve, mais aussi : "De tous les raccords possibles aux pensées essentielles du rêve, ceux qui permettent une représentation visuelle sont toujours préférés, et le travail du rêve ne recule pas devant l’effort nécessaire pour faire d’abord passer les pensées toutes sèches dans une autre forme verbale…". Ceci ne parait pas explicite si ce n’est dans l’étude de cette relation, représentation de mots et représentation d’images. C’est dans cette recherche que Freud amène, empruntés aux "Anciens", les symboles. Ici leur coté biface mots et images est redoublé par celui de la plasticité, substitution et condensation. "Le rêve utilise les symboles tout préparés dans l’inconscient ; ce sont ceux qui satisfont le mieux aux exigences de la formation du rêve grâce à leur figurabilité et leur liberté à l’égard de la censure". Nous retenons comme possible glissement théorique le fait du "tout préparé" ; il semble toutefois nécessaire. Freud témoigne plus loin cependant d’une certaine méfiance à l’égard de ce qui pourrait être l’esquisse d’une "nouvelle clef des songes selon la méthode du déchiffrage". Il parle de l’analogie de "beaucoup de ces symboles" avec "les signes sténographiques pourvus une fois pour toute d’une signification précise". Que veut dire ce "tout préparé" ?…Qui plus est le rêve n’a pas l’apanage exclusif de ces symboles, que l’on retrouve dit-il "dans toute l’imagerie inconsciente, dans toutes les représentations collectives, populaires, notamment : dans le folklore, les mythes, les légendes, les dictons, les proverbes, les jeux de mots courants…". Ceci est à interpréter dans le contexte de la recherche freudienne de l’époque, c’est-à-dire comment fonctionne l’inconscient, notamment les "emprunts" qu’il fait à la culture, ou plutôt de quelle façon il est marqué et par elle et par le milieu familial, éducatif à l’époque. Là intervient le symbole. Freud s’interroge rapidement sur sa spécificité dans l’analyse, et tente de trouver comment en réduire le champ, trop extensif mais véritable vivier, dans la discipline qu’il est en train d’établir. Le livre est écrit en 1899, avec des ajouts plus tardifs selon les éditions. Décrypter le rêve est au départ de la pratique et de la théorie un appel "naturel" à la signification, et par là aux modélisations classiques, notamment de la tradition, et l’on pense alors à la kabbale ! Freud se méfiait de ces interprétations un peu trop systématiques mais il n’en n’est pas véritablement dégagé tout du moins dans ce livre. Il est vrai qu’il emprunte aussi des symboles communs qu’il a eu l’occasion de rencontrer et qui se trouvent chez les spécialistes de l’Antiquité. Le sens sexuel est toutefois prédominant dans sa théorisation. Le rêve de voler reproduirait ainsi les jeux enfantins – tels la balançoire – auxquels se rattachent souvent des sensations érotiques ! Rêver de rater un train serait un "rêve consolateur" : le train qui part serait symbole de mort, le train disparu le message du rêve est : "ce n’était pas ton heure, remets-toi !". Il faut cependant noter le penchant très fortement marqué, pas toujours mais souvent, pour le lien du symbole au langage en ses équivoques. C’est d’ailleurs une interrogation de Freud : qu’est ce que le concept de "symbole" ?… Il renvoie alors aux "travaux de Bleuler et de ses disciples de Zurich : Maeder, Abraham, etc. sur la symbolique", ainsi qu’aux "auteurs non médicaux auxquels ils se réfèrent (Kleinpaul, etc.)". Mais selon Freud "ce qui a été dit de meilleur sur cette question (celle des problèmes qui se rattachent au concept de symbole) se trouve dans l’ouvrage de O. Rank et H. Sachs, Die Bedeutung der Psychoanalyse für die Geistewissenschaften, chap. I, 1913". Freud indique également "E. Jones, Die Theorie der Symbolik, 1919".
Que veut dire en effet, lorsqu’on se réfère encore aujourd’hui, un peu rapidement, à l’interprétation des rêves, qu’il y a ce "caractère manifestement symbolique des images qui surgissent dans les rêves", ainsi que l’exprime un ouvrage d’"explicitation" de la théorie freudienne !… Déjà en 1899 Freud tentait de préciser "Bornons-nous ici à dire que la figuration symbolique est au nombre des procédés indirects de représentation ; mais qu’il ne faut pas la confondre avec les autres procédés indirects sans s’en être fait un concept plus clair". En effet ce qui le gêne est aussi ce qui le comble ! L’emprunt aux symboles est lié à la représentation d’images par le mot, les images "venant" elles-mêmes des mots. Ce lien est ancien constate Freud, ainsi des symboles sont dorénavant établis dans une communauté qui imprègne l’inconscient mais aussi le généralise en quelque sorte. Cet universalité des symboles et la pratique au cas par cas pose problème, mais aussi donne une voie à l’interprétation ! "Ce qui est aujourd’hui lié symboliquement (entre le symbole et ce qu’il représente) fut vraisemblablement lié autrefois par une identité conceptuelle et symbolique". Et "…dans tout une série de cas la communauté de symbole va bien au-delà de la communauté linguistique…Un certain nombre de symboles sont aussi anciens que la formation même des langues, d’autres apparaissent actuellement, de nos jours (par exemple le dirigeable : le Zeppelin)". Freud s’arrange dans cette association de "la règle générale et de l’individuel" en évoquant la "plasticité particulière du matériel psychique". Nous pouvons remercier ici Lacan d’avoir mis l’accent sur l’aspect de langage à propos de l’inconscient, prolongeant ainsi les remarques premières, fort justes et embarrassées de Freud. Ce dernier établit sa voie : "…il ne peut être question, pour des motifs de critique scientifique, de s’en remettre au bon plaisir de l’interprétateur, comme l’a fait l’Antiquité et comme procèdent les étranges explications de Stekel." Et Freud propose à ce moment de combiner "deux techniques" qui s’appuient d’une part sur "les associations d’idées du rêveur", d’autre part sur le fait de "(suppléer) à ce qui manquera par la connaissance des symboles de l’interprétateur". Un compromis qui évoque ce que sera plus tard la "construction en analyse", dont Charles Melman rappelait que Lacan dans sa pratique ne l’utilisait quasiment jamais. En effet, et c’est là un progrès notable, l’élaboration de Lacan amène à se passer d’interprétation par trop "culturelles", explicatives, anthropologiques. Lacan, par exemple dans le séminaire "L’identification", explore le domaine du signifiant et fait référence à l’établissement de l’écriture et à la fonction de la lettre. Il s’appuie à un moment sur l’écriture chinoise. "Les incertitudes que nous connaissons encore viennent en partie de notre science incomplète – et elles disparaitront au fur et à mesure que nous approfondirons ces problèmes -, en partie de certaines propriétés des symboles du rêve. Ceux-ci ont souvent plusieurs sens, quelquefois beaucoup de sens, si bien que, comme dans l’écriture chinoise, c’est le contexte qui seul donne une compréhension exacte". C’est une phrase de Freud ! Lacan quant à lui réduit encore plus "le contexte", respectant le texte freudien, puisqu’il en repère l’assemblage dans le jeu de la lettre.
Freud a frayé la voie, empruntant à Karl Albrecht Scherner (La vie des rêves, 1861), à Wilhelm Griesinger (livre paru en 1845) et à Radestock (Sommeil et rêve, 1879), de même qu’à Havelock Ellis ("l’existence d’une symbolique onirique").
Toutefois, il reste lié à la symbolique, la "figuration", ceci évoque la belle histoire du fétiche, celle du nom portugais et de l’objet, la figuration ici restant attachée en sa nomination, elle, à l’image. "Les sentiers escarpés, les échelles, les escaliers, le fait de s’y trouver, soit que l’on monte soit que l’on descende sont des représentations symboliques de l’acte sexuel". "Les murs unis auxquels on grimpe, les façades le long desquelles on se laisse glisser (souvent avec une grande angoisse), représentent des corps d’hommes debout". "De même représentent des femmes : la table, la table mise et les planches…". Mais également pointe parallèlement une autre considération : "Le bois parait d’ailleurs, d’après ses rapports linguistiques, représenter la matière (Matiere) féminine. Le nom de Madeire (Madeira) signifie bois en portugais…". Mais il poursuit la liste : "Parmi les pièces d’habillement, le chapeau des femmes peut très souvent être interprété comme un organe génital et plus précisément, mâle. De même le manteau… Dans les rêves des hommes, la cravate symbolise souvent le pénis, non seulement parce qu’elle est longue et pend et qu’elle est particulière à l’homme, mais parce qu’on peut la choisir à son gré, choix que la nature interdit malheureusement à l’homme." !! "Le bagage que l’on emporte est le poids des péchés par lesquels on se sent écrasé" etc. Freud emprunte ici à Scherner pour la symbolique et à Stekel, qu’il critique, pour les très nombreux modèles de symboles, animaux (le serpent, la vermine, le poisson, l’escargot, le chat, la souris) et autres, le plus souvent empruntés eux-mêmes à la mythologie et au folklore !
Dans un texte plus tardif, "Une relation entre un symbole et un symptôme", daté de 1916, Freud à propos d’un patient obsessionnel revient au chapeau en tant que "symbole de l’organe génital, surtout masculin". Il avait élaboré déjà dans Die Traumdeutung tout un chapitre spécial sur le chapeau. Ici le texte, bref, évoque : décollation, décapitation, chapeau bas, s’abaisser, castration…
Le salut ! Salut et chapeau bas, symbole de l’abaissement face à une relation, le patient obsessionnel de Freud vérifiant sans fin que le salut dans la rue lui a été restitué…
Alors, le symbole aujourd’hui ??? Serait-il encore en relation avec le symptôme ? Et celui-ci…. ? Où sont passés les chapeaux ?