Faut-il brûler internet ?
Denise Vincent et Pierre-Christophe Cathelineau
– 12/09/2002
Internet n’a pas bonne presse auprès des intellectuels. En réalité un français sur trois pratique Internet avec plus ou moins de bonheur. Les meilleurs internautes intègrent les avantages du web à leur vie de tous les jours aussi bien dans leur vie professionnelle que dans leur vie pratique. La plupart font partie des cadres ou des professions libérales.
Et puis il y a ceux qui traînent les pieds et qui tardent à s’y mettre. C’est comme le permis de conduire, plus on s’y met tard, moins l’apprentissage est aisé. Ca n’empêche pas bon nombre de retraités et en majorité des femmes d’en faire très sérieusement l’apprentissage pour ne pas laisser se rouiller leur esprit.
On peut ne pas aimer les autoroutes ou le TGV, cela fait tout de même partie de notre vie. Nous prenons notre billet par minitel et nous nous apercevons que c’est joliment pratique quand nous avons à revenir d’un lointain village où nous avons passé nos vacances.
Internet, il est vrai, est plus propice aux fantasmes. Quelqu’un de mes amis m’a assuré qu’Internet rend les plus mordus impuissants. Je lui ai répondu qu’au début des voyages en Chemin de fer, certains assuraient qu’on risquait de perdre la tête dans les tunnels…
Le risque très réel d’Internet est d’y rester de longues minutes empêtrés dans des manœuvres maladroites qui vous coincent dans d’angoissantes impasses. Il faut être attentif, précis. Après tout, n’est-ce pas cultiver des qualités de l’esprit ?
Je m’amuse d’entendre dire que les e-mails sont écrits dans une langue sauvage sans grammaire ni orthographe, alors que les ordinateurs récemment sortis soulignent automatiquement d’un pointillé rouge la moindre faute d’orthographe, la moindre erreur d’accent. Ces signaux peuvent inciter les récalcitrants, au contraire, à se montrer plus rigoureux.
Internet est un fait universel et durable qui peut mettre dictionnaire et encyclopédie à la portée de tous. Son universalisation se heurte à des obstacles internes et externes inévitables. Son exigence éthique d’égalité heurte ceux qui se réclament d’une élite. Il institue un autre rapport au monde. La controverse ne vient pas de ceux qui pratiquent, mais de ceux qui paniquent devant l’obstacle de la technique. Cela ne remplace pas le tissu social et liens de solidarité avec nos voisins mais cela rend plus proche l’internaute lointain à qui nous nous adressons. Le projet technicien n’est pas neutre mais il ne produit pas le bien et le mal, il se conçoit selon les intentions de ceux qui le gèrent. A nous de fixer les objectifs et d’exercer notre critique sur ses effets délétères, s’il y en a.
Il est vrai qu’internet requiert un style d’adresse qui se distingue nettement de celui des articles de nos revues. L’énonciation en jeu dans l’écriture d’un texte pour ce nouveau média est sans doute très différente de nos coutumes langagières. Ce média nous contraint à plus de simplicité et au souci non négligeable de l’interlocuteur, c’est là sans doute son principal mérite.