Lecture 2 : Leçon I du 10 décembre 1974[2]
« Ce sont de près, des points que nous aurons à élaborer, puisqu’aussi bien ce sont ceux qui nous interrogent.
Un point que je suggère est d’ores et déjà celui-ci, pour revenir à Freud, c’est à savoir ce quelque chose de triadique, il l’a énoncé Inhibition, Symptôme, Angoisse.
Je dirai que l’inhibition, comme Freud lui-même l’articule, est toujours affaire de corps, soit de fonction. Et pour l’indiquer déjà sur ce schéma [figure I-8], je dirai que l’inhibition, c’est ce qui quelque part s’arrête de s’immiscer, si je puis dire, dans une figure qui est figure de trou, trou du Symbolique. Nous aurons à discuter cette inhibition pour savoir si ce qui se rencontre chez l’animal, où il y a dans le système nerveux des centres inhibiteurs, est quelque chose qui est du même ordre que cet arrêt du fonctionnement en tant qu’imaginaire, en tant que spécifié chez l’être parlant, s’il est concevable que quelque chose soit du même ordre, à savoir la mise en fonction dans le névraxe, dans le système nerveux central, d’une activité positive en tant qu’inhibitrice. Comment est-il concevable que l’être présumé n’avoir pas le langage se trouve conjoindre dans le terme d’inhibition quelque chose du même ordre que ce que nous saisissons là, au niveau de l’extériorité du sens, que ce que nous saisissons là comme relevant de ce qui se trouve en somme extérieur au corps, à savoir comme surface pour la topologiser de la façon dont je vous ai dit que c’est assurément seulement sur deux dimensions que ceci se figure, comment l’inhibition peut avoir affaire à ce qui est effet d’arrêt qui résulte de son intrusion dans le champ du Symbolique.
Il est, à partir de ceci, et pas seulement à partir, il est tout à fait saisissant de voir que l’angoisse, en tant qu’elle est quelque chose qui part du Réel, il est tout à fait sensible de voir que c’est cette angoisse qui va donner son sens à la nature de la jouissance qui se produit ici, sous a, Du recoupement mis en surface, du recoupement eulérien du Réel et du Symbolique.
Enfin, pour définir le troisième terme, c’est dans le symptôme que nous identifions ce qui se produit dans le champ du Réel. Si le Réel se manifeste dans l’analyse et pas seulement dans l’analyse, si la notion de symptôme a été introduite, bien avant Freud par Marx, de façon à en faire le signe de quelque chose qui est ce qui ne va pas dans le Réel, si en d’autres termes, nous sommes capables d’opérer sur le symptôme, c’est pour autant que le symptôme est l’effet du Symbolique dans le Réel. C’est pour autant que ce Symbolique, tel que je l’ai dessiné ici, doit se compléter ici, et pourquoi est-ce extérieur ? c’est ce que j’aurai à manipuler pour vous dans la suite, c’est pour autant que l’inconscient est pour tout dire ce qui répond du symptôme. C’est pour autant que ce nœud, ce nœud, lui bien réel quoique seulement reflété dans l’Imaginaire, c’est pour autant que ce nœud rend compte d’un certain nombre d’inscriptions par quoi des surfaces se répondent, que nous verrons que l’inconscient peut être responsable de la réduction du symptôme.
[2] LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 10 décembre 1974), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (pages 25-26)
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Lecture 4 : Leçon IV du 21 janvier 1975[4]
L’important est la référence à l’écriture. La répétition du symptôme est ce quelque chose dont je viens de dire que, sauvagement, c’est écriture, ceci pour ce qu’il en est du symptôme tel qu’il se présente dans ma pratique. Que le terme soit sorti d’ailleurs, à savoir du symptôme tel que Marx l’a défini dans le social, n’ôte rien au bien fondé de son emploi dans, si je puis dire, le privé. Que le symptôme dans le social se définisse de la déraison, il n’empêche pas que, pour ce qui est de chacun, il se signale de toutes sortes de rationalisations. Toute rationalisation est un fait de rationnel particulier, c’est-à-dire non pas d’exception, mais de n’importe qui. Il faut que n’importe qui puisse faire exception pour que la fonction de l’exception devienne modèle. Mais la réciproque n’est pas vraie. Il ne faut pas que l’exception traîne chez n’importe qui pour constituer, de ce fait, modèle. Ceci est l’état ordinaire. N’importe qui atteint la fonction d’exception qu’a le père, on sait avec quel résultat, celui de sa Verwerfung, ou de son rejet, dans la plupart des cas, par la filiation que le père engendre avec les résultats psychotiques que j’ai dénoncés.
Un père n’a droit au respect, sinon à l’amour, que si le dit, le dit amour, le dit respect, est, vous n’allez pas en croire vos oreilles, père-versement orienté, c’est-à-dire fait d’une femme, objet petit a qui cause son désir.
[4] LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 21 janvier 1974), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (pages 63)
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Il est certain que quand j’ai commencé à faire le séminaire Les Noms-du-Père, et que j’ai, comme certains le savent, au moins ceux qui étaient là, que j’y ai mis un terme, j’avais sûrement — c’est pas pour rien que j’avais appelé ça Les Noms-du-Père et pas Le Nom-du-Père! J’avais un certain nombre d’idées de la suppléance que prend le domaine, le dis- cours analytique, du fait de cette avancée par Freud des Noms-du-Père, ce n’est pas parce que cette suppléance n’est pas indispensable qu’elle n’a pas lieu. Notre Imaginaire, notre Symbolique et notre Réel sont peut-être pour chacun de nous encore dans un état de suffisante dissociation pour que seul le Nom-du-Père fasse nœud borroméen et tenir tout ça ensemble, fasse nœud du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel. Mais ne vous imaginez pas que, ce serait bien pas dans mon ton habituel, je sois en train de prophétiser que du Nom-du-Père dans l’analyse et aussi bien que du Nom-du-Père ailleurs, nous puissions d’aucune façon nous passer pour que notre Symbolique, notre Imaginaire et notre Réel, comme c’est votre sort à tous ne s’en aillent très bien chacun de son côté. Il est certain que, sans qu’on puisse dire que ceci constitue un progrès, car on ne voit pas en quoi un nœud de plus sur le dos, sur le col et ailleurs ! on ne voit pas en quoi un nœud, un nœud réduit à son plus strict constituerait un progrès, de ce seul fait que ce soit un minimum, ça constitue sûrement un progrès dans l’Imaginaire, c’est-à-dire un progrès dans la consistance. Il est bien certain que dans l’état actuel des choses, vous êtes tous et tout un chacun aussi inconsistants que vos pères, mais c’est justement du fait d’en être entièrement suspendus à eux que vous êtes dans l’état présent.
(Lecture commentée par Nicolas Dissez)
j’ai fait remarquer à l’occasion ce que ça suppose, à savoir à proprement parler l’impossible, que cette droite infinie s’oppose, s’oppose du fait de sa rupture, et cette rupture, comment ne pas la considérer comme affine à quelque chose qui est bien l’essentiel du nœud, cette droite s’oppose à ce qui fait rond comme ce que j’ai appelé la consistance, à d’autre part quelque chose, sur quoi je n’ai pas appuyé la dernière fois et qui est bien ce qui fait l’essentiel de ce que nous appelons un rond, et nommément un rond de ficelle, c’est-à-dire le trou qu’il y a au milieu. D’où l’interrogation que j’ai posée la dernière fois de savoir s’il n’y avait pas correspondance, correspondance de la consistance, de l’ek-sistence et du trou à chacun même des termes que j’avance comme Imaginaire, Symbolique et Réel. Si la consistance est bien comme je l’ai énoncé la dernière fois de l’ordre de l’Imaginaire, puisqu’aussi bien c’est vers ce point de fuite de la ligne mathématique que la corde s’en va, nous avons à nous interroger sur ce qu’il en est de ce qui fait le rond de ficelle comme tel, et que si nous disons que c’est le trou, c’est un fait que nous n’en sommes pas satisfaits : qu’est-ce qu’un trou, si rien ne le cerne ?
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Lecture 8 : Leçon VII du 11 mars 1975
C’est ça les Noms-du-père, les noms premiers, en tant qu’ils nomment quelque chose comme l’indique — oui ! comme l’indique la Bible à propos de cet extraordinaire machin qui y est appelé Père, le premier temps de cette imagination humaine qu’est Dieu est consacré à donner un nom, mon Dieu ! à quelque chose qui n’est pas indifférent, à savoir un nom à chacun des animaux. Bien sûr, avant la Bible, c’est-à-dire l’écriture, il y avait une tradition, ça n’est pas venu de rien…
LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 11 mars 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 102-103, 105).
Lecture 9 : Leçon VIII du 18 mars 1975
Tout couple, tout ce qu\'il y a de couple se réduit à l’Imaginaire, la négation est aussi bien façon d’avouer, Verneinung, Freud y insiste dès le début, façon d’avouer là où seul, l’aveu est possible parce que l’Imaginaire, c’est la place où toute vérité s’énonce et une vérité niée a autant de poids imaginaire qu’une vérité avouée, Verneinung que Bejahung.
(Lecture commentée par Virginia Hasenbalg-Corabianu)
Je parlerai la prochaine fois des trois formes de Noms-du-père, celles qui nomment comme tels, l’Imaginaire, le Symbolique et le Réel, car c’est dans ces noms eux-mêmes que tient le nœud.
( Lecture commentée par Martine Lerude)
que c’est malgré tout de nature à prouver l’ek-sistence de Dieu lui- même. Tout le monde y croit ! Je mets au défi chacun d’entre vous que je ne lui prouve pas qu’il croit à l’ek-sistence de Dieu ! C’est même ça le scandale. Le scandale que la psychanalyse seule fait valoir. Elle le fait valoir parce qu’actuellement il n\'y a plus que la psychanalyse qui le prouve. Je parle de le prouver. C’est pas du tout pareil que de vous prou- ver que vous y croyez. Formellement, ceci n’est dû qu’à la tradition juive de Freud, laquelle est une tradition littérale qui le lie à la science, et du même coup au Réel. C’est ça le cap qu\'il y a à doubler.
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La notion de l’inconscient se supporte de ceci que ce nœud, non seulement on le trouve déjà fait, mais on [le] trouve fait en un autre accent du terme: «On est fait!». On est fait de cet acte X par quoi le nœud est déjà fait. Il n’y a pas d’autre définition, à mon sens, possible de l’inconscient. L’inconscient, c’est le Réel, je mesure mes termes. Si je dis c’est le Réel en tant qu’il est troué, je m’avance. Je m’avance un petit peu plus que je n’en ai le droit, puisqu’il n\'y a que moi qui le dis, qui le dis encore, bientôt tout le monde le répétera et, à force qu’il pleuve dessus, ça finira par faire un très joli fossile. Mais, en attendant, c’est du neuf ! Mais jusqu’à présent, il y a que moi qui ai dit qu’il n’y avait pas de rapport sexuel, et que ça faisait trou en un point de l’être, du parlêtre. Le parlêtre, c’est pas répandu hein ! Mais, quand même, c’est comme la moisissure, ça a tendance à l’expansion. Alors, contentons-nous de dire que l’inconscient c’est le Réel en tant qu’il est affligé… — Vous vous en allez, vous avez bien raison. Comment est-ce qu’on peut supporter ce que je raconte ! — que l’inconscient, c’est le Réel, en tant que chez le parlêtre, il est affligé de la seule chose qui fasse trou, qui du trou nous assure, c’est ce que j’appelle le Symbolique, en l’incarnant dans le signifiant, dont en fin de compte il n\'y a pas d’autre définition que c’est ça, le trou. Le signifiant fait trou.
(Lecture commentée par Jean-Jacques Tyszler)
Le couple, bien sûr, qu’il était nouable, quelles que soient les paroles pleines qui l’ont fondé. Ce que l’analyse démontre, n’est-ce pas, ce qu’elle démontre, d’une façon tout à fait sensible, c’est qu’il est mal- gré ça noué. Il est noué par quoi, hein ? Par le trou. Par l’interdit de l’in- ceste. Oui, il n’y a pas tellement de gens qui ont mis ça en valeur. Il faut tout de même le dire, dans la religion juive, il y avait un truc quand même que je voulais vous dire là comme ça, au passage — pourquoi est- ce qu’ils n’ont pas bonne presse, hein, ces Juifs? Ben, je vous mets ça dans votre poche, parce que ça remet les choses au point. C’est parce qu’ils sont pas gentils. S’ils étaient gentils, ben ! ils seraient pas Juifs quoi. Ça arrangerait tout! — C’est l’interdit de l’inceste. Il y a quand même des gens qui sont parvenus à faire émerger ça dans des mythes, et même, les Hindous sont après tout vraiment les seuls qui ont dit qu’il fallait quand on avait couché avec sa mère, qu’on s’en aille, je ne sais plus vers l’Orient ou vers le Couchant, je crois que c’est vers le Couchant, vers le Couchant avec sa propre queue dans ses dents, après l’avoir tranchée bien entendu!
LACAN (Jacques), R.S.I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 15 avril 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 60).
Jacques Lacan