Étude du séminaire XI Les Fondements de la psychanalyse, J. Lacan - séance plénière du 29/11
06 février 2023

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THIBIERGE Stéphane
Le Collège de l'ALI
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Collège de l’ALI 2022-2024
Lecture du séminaire XI de Jacques Lacan, Les Fondements de la psychanalyse        

 

Leçon III du 29 janvier 1964, séance plénière du 29 novembre 2022

 

Bon avant de commencer je voudrais vous faire une remarque, j’espère que vous lisez parce que vous avez remarqué qu’il est question de Hamlet dans cette leçon et il est question de Descartes aussi et il est question de Freud bien sûr.  Et dans les 3 cas, il est question de certains textes qui sont quand même très importants alors je vous le dis ça n’est pas évidemment pour donner dans quelque chose du genre, faut avoir de la culture etc., non ce n’est pas ça, mais l’analyse, la psychanalyse implique quand même un goût de la lecture, qui n’est pas seulement le fait de lire, de déchiffrer éventuellement ce qui peut nous être livré par les patients mais ça peut être aussi un goût de la lecture parce que notre pratique prend appui sur la lecture de certains textes, et là par exemple pour Freud, le passage au début du chapitre 7 de Linterprétation des rêves, passage tout à fait extraordinaire sur lequel je reviendrai évidemment, concernant le rêve de l’enfant qui brûle. Pour Shakespeare et Hamlet, donc la pièce Hamlet que pour beaucoup d’entre vous vous connaissez pour l’avoir travaillée à l’occasion de notre étude sur le désir et son interprétation. Et puis, texte de Descartes enfin, parce que quand il parle du je pense, je suis, etc., je ne suis pas sûr que ce soit familier pour tous et toutes parmi vous, donc là je vous recommande très simplement de lire le discours de la méthode éventuellement qui est un ouvrage, ça ne fait pas de mal de le lire comme ça, ça n’est pas très long. Et puis un texte plus difficile mais après tout qui est accessible et il est plutôt pas mal d’en lire un peu, les méditations métaphysiques, la première méditation et la deuxième méditation, en tout cas le début je crois que le cogito dans mon souvenir il arrive au début de la deuxième, ça n’est pas des lectures qui vous prendront beaucoup de temps mais je crois qu’elles sont indispensables parce que sinon la lecture de Lacan reste un petit peu non seulement sans ses soubassements textuels, mais plus profondément sans son soubassement de principe. C’est-à-dire que Lacan c’est quelqu’un qui parle bien sûr mais qui parle à partir d’une lecture de Freud initiale. Vraiment l’exercice de la lecture il est fondamental et c’est pour ça aussi qu’avec Angela, nous avons décidé d’intercaler dans nos commentaires des séminaires de Lacan, des lectures de présentation de cas que nous mettrons en place dans le courant de l’année c’est-à-dire bientôt parce que l’année elle est quand même bien commencée déjà.

Alors pour entrer dans cette leçon, je vais y entrer justement par, alors de quoi s’agit-il dans cette leçon ? Lacan nous montre comment Freud vient ponctuer quelque chose qui est amorcé chez Descartes et qui est la question du sujet en tant qu’elle se détache de la question de la vérité. Lacan dans cette leçon dit oui bien sûr Freud il s’intéressait à la vérité, il y a une soif de vérité chez Freud c’est incontestable mais c’est un propos qui est un peu général qui n’est pas bien sûr, qui est vrai, mais il y a surtout chez Freud c’est de ça que Lacan va parler dans cette leçon il y a surtout un ancrage d’un sujet qui s’assure d’un réel c’est-à-dire d’un sujet qui s’assure d’une certitude. Il y a ça chez Freud et d’une manière très éclairante, Lacan va montrer que ça renvoi très directement au même type d’expérience que celle à laquelle se livre Descartes quand il tente de s’assurer à travers le fameux cogito, quand il tente de s’assurer Descartes, d’un réel.  Alors Lacan il ne déplie pas le cogito de Descartes dans cette leçon, il va au principal de ce qui l’intéresse ici c’est-à-dire qu’il dit voilà, Descartes dit, pour douter, vous savez parce que Descartes il commence par mettre en place un doute systématique qui va toucher progressivement toutes les composantes de l’intuition sensible ou intellectuelle, Descartes va commencer à mettre en doute tout ce qui fait notre, ce que nous appelons ordinairement la réalité et il va aller jusqu’au plus loin possible dans cette dimension du doute et il va arriver à un point où il va poser en quelque sorte pour douter il faut au moins que je pense et pour penser il faut être. Donc Lacan résume ça en disant de douter, je suis.  Il y a là quelque chose qui fait que Descartes s’assure de ce : je suis et il s’assure par là d’un réel. D’un réel, c’est-à-dire qu’il a bien à faire à quelque chose dans cette espèce de fantasmagorie comme ça qui peut apparaitre comme étant notre expérience ordinaire comme nous le réalisons quand nous y sommes un peu attentifs. Calderon s’était demandé dans sa pièce très connue : La vie est un songe, est-ce que la vie n’est pas un songe ?  De quoi s’agit-il ? est-ce que l’on n’est pas dans une complète fantasmagorie ? Bon par rapport à tout ça, Descartes tente de s’assurer d’un réel et il le fait en s’assurant de ce : je suis. Lacan va montrer que cette certitude dont Descartes s’assure ainsi et bien alors ça c’est quand même très fort de la part de Lacan de rassembler comme ça ces deux auteurs et d’une manière très convaincante, très convaincante parce que ce n’est pas du tout quand on le lit on voit bien que d’abord il connaissait très très bien le texte de Descartes, le texte de Freud bien sûr aussi et son rapprochement n’est absolument pas forcé,  il n’y a aucune torsion aucune contrainte dans le rapprochement, il dit chez Freud comme chez Descartes, il y a la tentative, et la tentative réussie d’assurer une certitude. La démarche de Freud s’assure d’une certitude. Bien sûr, elle s’occupe de la vérité mais ça n’est pas le point le plus important dans la démarche même de Freud. Cette vérité, elle est en quelque sorte seconde dans la démarche de Freud par rapport à cette nécessité de s’assurer d’une certitude. Et, je regarde mes notes parce que comme toujours il y a plusieurs voies de passage possible mais justement ce passage de l’enfant qui brûle, ce rêve de l’enfant qui brûle, Freud l’amène au début du chapitre 7 de La science des rêves, et il l’amène avant de commencer à évoquer justement, Freud, la manière dont il s’assure d’une certitude, la manière dont il s’assure d’une certitude et encore une fois j’espère que vous avez relu ce chapitre 7, ce début en tout cas, c’est que Freud dit en quelque sorte, là où dans le récit de rêve, là où nous voyons le rêveur nous faire part de la moindre hésitation, du moindre doute, du moindre vacillement comme ça,  là nous pouvons être certain dit Freud et le mot en Allemand c’est, Lacan le reprend d’ailleurs, c’est Gewissheit, c’est vraiment la certitude,  nous sommes certains que nous touchons à quelque chose qui est absolument assuré. C’est bien de ça qu’il s’agit.  C’est un point qui justement quant à la vérité, va au-delà de la vérité, c’est un point où la vérité peut s’assurer dans une certitude. Il appuie vraiment ce point Freud. Chez le sujet, là, nous trouvons un point de certitude. Mais alors avant de développer toutes ces remarques sur l’oubli et sur ces points de vacillement comme ça qui nous indique quelque chose de l’ordre de la certitude quant à ce que dit le sujet et à son rapport à la vérité, avant ça, il y a ce rêve de l’enfant qui brûle. Qu’est-ce que vient faire ce rêve, pourquoi, c’est très étonnant si on y pense. Freud début le chapitre 7, reportez-vous-y, débute ce chapitre 7 de La science des rêves en évoquant ce rêve de l’enfant qui brûle et en ne le développant pas beaucoup d’avantage que de simplement le mentionner, le rapporter et le mettre là au début de son chapitre 7. Et Lacan dit, de mémoire, il dit dans la leçon à un moment donné, Freud s’y arrête pas plus que ça, il le pose, il le pèse ce rêve, il en pèse tout le poids, j’aurais envie de dire, de réel, parce que de la même façon que Descartes avec le : je pense donc je suis, s’assure d’un réel, de la même manière Lacan lit ce rêve rapporté par Freud comme étant une manière de s’assurer d’un réel, parce que juste après ce rêve justement, c’est juste après que Freud va nous expliquer avec une assurance parfaite comment il est certain que là où il y a le moindre doute, là est la certitude. Donc ce rêve est en quelque sorte le prélude de cette articulation de la certitude Freudienne. Vous voyez cette distinction entre certitude et vérité ? Certitude c’est la façon de s’assurer d’un réel. La vérité c’est ensuite comment on va qualifier les éléments de ce réel mais le point évidemment qui est très très décisif c’est celui de la certitude. Et là Lacan nous évoque cette très grande proximité entre la démarche de Freud et celle de Descartes, à ceci près, il le dit, que Descartes oublie de prendre en compte que la certitude qu’il nous évoque, elle s’appuie sur un dire et ce dire, c’est ce que dit Descartes d’ailleurs, c’est ce qu’il écrit qu’il dit. Il dit, je vous cite de mémoire, ayant donc mis en doute toutes les choses que je pouvais mettre en doute et étant arrivé au plus loin de la mise en œuvre de ce doute il y a quand même ce fait que si je pense alors je suis ça, je pense donc je suis, ça ne peut pas être mise en doute mais ce que relève Lacan c’est que, ce je pense donc je suis, c’est une énonciation.

M.C. : ben voilà, exactement.

S.T : Vous êtes d’accord avec Moi Mr Cohen ?

M.C. : Non ce que je disais c’est que…

S.T. : Vous êtes d’accord avec Descartes.

M.C. : Non, comme c’est écrit, on n’a pas d’audio donc on ne peut pas distinguer une énonciation de l’énoncé.

S.T. : Tout à fait. Mais vous avez tout à fait raison et alors ce que Lacan rehausse en quelque sorte en disant c’est oublié par Descartes, mais c’est oublié mais non pas absent c’est présent il y a cette énonciation qui fait que Descartes est extraordinairement efficace et moderne dans la position du sujet, du sujet qui nous intéresse, c’est qu’il appuie sa certitude à un dire, je suis, donc je suis. Lacan le reprendra quelque part je ne sais plus où en disant en évoquant le cogito je pense : « donc je suis ». Et ce donc je suis, cette énonciation donc n’est pas le savoir d’un énoncé c’est l’appui pris par un sujet, l’appui actuel et toujours renouvelable dans une certitude. Bon, vous voyez j’insiste sur ce point parce qu’il est je crois vraiment très important dans cette leçon. Maintenant ce que Freud, lui, va amener concernant cette certitude ce n’est pas la certitude d’un je pense, parce que comme le dit Lacan, Descartes ne savait pas ce que c’était que le sujet. Il dit je pense mais il oublie qu’il faut qu’il le dise pour que ce soit effectif, mais il ne réalise pas que derrière ce je pense ou à côté de ce je pense il y a un ça pense, ça pense. Et ça c’est Freud qui s’en occupe. Et Freud effectivement dans tout ce début du chapitre 7 va nous montrer qu’à travers les hésitations comme je disais les vacillements de ce que le rêveur peut articuler de son rêve et qui semble se dérober, parce que Lacan le rappelle dans un rêve, tout semble se dérober. Ce qui vous revient à la mémoire, vous pouvez vous dire est-ce que c’était bien ça les images du rêve ? Et puis quand vous le dites, est-ce que vous traduisez bien les images du rêve ? est-ce que je traduis bien les images de mon rêve et Freud dit partout où il y a doute là vous êtes sûr, certitude que vous êtes là où ça parle, mais donc ce que Freud apporte quant au sujet de la certitude et bien c’est le fait que ce n’est pas seulement un je qui se pose mais un ça qui parle et Lacan insiste, ça Descartes ne le savait pas et il ajoute par contre Freud l’articule et nous on se retrouve avec ça sur les bras hein et on est bien embarrassé, on est bien embarrassé parce que c’est avec ça que l’on a à faire dans notre travail d’analystes.

Mais alors je reviens à ce prodigieux rêve de l’enfant qui brûle que Freud donc pose au début de ce passage assez long où avec une assurance parfaite, Lacan dit cette question de la vérité, ah ouais bon, comment êtes-vous sûr que c’est vrai si c’est mis en doute etc., ça ne trouble pas Freud dit Lacan, il ne se laisse pas troubler, de même, j’y reviendrai, quand on lui dit oui mais la jeune homosexuelle que vous avez analysée, elle aimait les filles, elle était homosexuelle ? enfin elle se comportait comme une homosexuelle, elle vous fait des tas de rêves dans lesquels elle revient vers le désir des hommes, alors quoi ? elle vous raconte des bobards, le rêve c’est la vérité, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? ça ne trouble pas Freud, l’inconscient trompe, l’inconscient ça n’est pas le rêve dit Freud, l’inconscient peut tromper donc là encore, Freud ne se laisse pas intimider, il avance avec cette tranquille certitude. Cette certitude qui fait le fondement de La science des rêves. Et encore une fois, voyez que je mets du temps avant d’entrer dans le vif du sujet mais je crois que c’est quand même important, au début de ce chapitre 7, il y a le rêve de l’enfant qui brûle. Alors, ce rêve, de quoi s’agit-il ? Ce n’est pas un rêve de Freud évidemment, Freud évoquait beaucoup ses propres rêves, ce n’est pas un rêve de Freud, si vous y êtes attentifs, vous verrez que Freud nous évoque ce rêve d’une façon très curieuse, c’est un rêve qui se transmet dans son contenu incandescent si on peut dire, brulant, un rêve qui se transmet, c’est une patiente de Freud qui lui rapporte ce rêve comme lui ayant été évoqué dans une conférence sur le rêve. La patiente elle a entendu une conférence sur le rêve où il était question de ce rêve. D’où il était fait par qui on ne sait plus mais il était question de ce rêve de l’enfant qui brûle. La patiente pourquoi elle en parle à Freud parce qu’elle va le re-rêver le rêve, elle va l’intégrer dans un de ses rêves, le rêve de l’enfant qui brûle, la patiente va le reprendre dans un de ses rêves, c’est-à-dire que c’est un rêve à la puissance deux (2) en quelque sorte. Un rêve de rêve. Et Lacan dit quelque part je ne sais plus où mais il dit quelque part que le rêve d’un rêve où quand on rêve que l’on rêve ça renforce encore plus le caractère de lien au réel du rêve. Tu te souviens ? il dit ça quelque part. Et donc là nous avons un phénomène de cet ordre qui mérite quand même notre attention, c’est-à-dire que nous avons trois niveaux de transmission : On a la patiente qui entend ça d’une conférence, ce rêve de l’enfant qui brûle, elle le rêve à son tour en l’intégrant dans un de ses rêves, deuxième truc, et elle rapporte ça à Freud qui nous en fait le rapport. Vous avez, il y trois temps.

X : Et Lacan aussi

S.T. : Et Lacan en plus ! qui en rajoute un quatrième mais dans la manière même dont Freud le rapporte vous voyez que c’est un rêve qui, qui… Alors ce rêve c’est quoi ? Lacan va y venir au milieu de la leçon et il va évoquer là-dessus quelques propos qui méritent d’être très fort accentués. Voilà, c’est un petit peu le fil de cette leçon, la vérité ça intéresse Freud mais sur le fond d’une certitude. Freud n’est pas, comment dire, un, n’est pas un chercheur scientifique qui cherche à augmenter, comment dire, les dimensions de notre savoir objectif ou vrai sur les choses. Non il cherche un ancrage pour la vérité qui s’assure dans la certitude, c’est tout à fait nouveau. Ça n’a jamais été fait dans les sciences ni dans la cogitation, sauf chez Descartes. Descartes aussi s’intéresse à la vérité mais il veut un point de certitude, et d’ailleurs Lacan va montrer que, va rappeler plutôt, que Descartes désolidarise tout à fait la certitude et la vérité. Une fois qu’il a la certitude, la vérité il l’a fait garantir par un autre non trompeur, j’y reviendrai. Mais là concernant le rêve de l’enfant qui brûle, Lacan introduit ce rêve en rappelant que le statut de l’inconscient, parce que vous savez il ouvre la leçon, je n’ai pas voulu commencer par ça parce que c’est un petit peu, c’est facile en fait c’est pas très difficile, il ouvre la leçon en disant, j’ai eu une question de Jacques-Alain Miller qui concernait l’ontologie, est-ce que ce dont je parle, il m’a interrogé donc sur mon ontologie et Lacan revient à ce qu’il disait dans la leçon d’avant qu’a commentée la dernière fois Angela, la béance de l’inconscient, oui, effectivement il s’agit d’ontologie dit Lacan, là qui joue quand même un peu sur mais pas complètement, c’est vrai que s’il y a une ontologie psychanalytique c’est une ontologie qui s’appuie sur une béance pas sur l’assurance d’un être. Donc évidemment, Lacan porte les choses au plus grand, au point de la plus grande tension conceptuelle parce que dire que la psychanalyse est une ontologie, à part cette leçon, je ne crois pas qu’il y reviendra, toute façon ça n’était pas son propos mais il voulait répondre à la remarque de cet auditeur attentif qu’était Miller incontestablement. Donc il dit, il tombait particulièrement à point, c’est bien d’une fonction à proprement parler ontologique qu’il s’agit dans cette béance, le seul problème c’est qu’il va dire presque exactement le contraire à la page suivante, il va dire, c’est en fait, il va dire, voilà, il va dire, en fait l’inconscient ce n’est ni être ni non être, c’est du non réalisé. Ça c’est très très fort parce que déjà ça situe les choses délibérément en dehors de toute référence à l’ontologie et à ce qui serait une problématique ancrée dans le questionnement de l’être. Ensuite il va rappeler Lacan, l’épigraphe que Freud place en tête de Linterprétation des rêves, « Flectere si nequeo superos acheronta movebo » c’est-à-dire si je ne peux pas toucher, rendre sensible les dieux d’en haut, si je ne me fais pas entendre et bien je mettrais en branle les puissances infernales de l’Achéron, c’est-à-dire du royaume des morts, et c’est-à-dire de tout ce que nous refoulons, de tout ce que nous contenons dans les dessous. C’est ça que Freud libère. Et d’ailleurs Lacan remarque que cette espèce d’épigraphe quand même assez terrible de Freud : si vous ne voulez pas m’entendre, je mettrai en branle les enfers. Le moins que l’on puisse dire que depuis qu’il a écrit ça en 1900 on voit comment d’une certaine façon ça s’est réalisé. C’est vrai que l’on n’a pas beaucoup entendu le message, enfin ce que voulait apporter Freud dans disons notre contexte de civilisation, on ne l’a pas beaucoup entendu, notamment la pulsion de mort par exemple qui n’est pas sans rapport avec Acheronta, la pulsion de mort, on n’a rien voulu en savoir moyennant quoi on se retrouve quand même 122 ans après la parution de La science des rêves et cette épigraphe, on se retrouve quand même dans une relation quand même pour le moins délicate avec la pulsion de mort, c’est-à-dire quAcheronta movebo, on a à faire à ça, on ne l’a pas pris en compte donc. Quand Lacan dit on a, c’est drôle on a complétement oublié cette épigraphe, on a fait du message de Freud quelque chose de complètement aseptisé et bien ça ne l’est pas et cette épigraphe avait tout son poids de rapport à un réel dont nous faisons l’expérience aujourd’hui d’une manière qui n’est pas toujours sans nous en angoisser. Mais alors, je reviens à ce rêve et à la façon dont Lacan va le commenter. Je garde le fil, l’inconscient pas ontologique, enfin d’abord Lacan dit ontologique ensuite il dit ce n’est ni être ni non être c’est du non réalisé. Ensuite il va dire c’est l’ontique de l’inconscient on n’est plus dans l’ontologique mais dans l’ontique c’est-à-dire quelque chose de plus concret de plus phénoménologique, l’ontique de l’inconscient dit Lacan, ce n’est pas ontique c’est éthique. Et là vous voyez logique, ontique, éthique et là on est au cœur du sujet. Et quand il parle d’éthique je vais vous lire le passage parce que je pense que c’est pas mal de le lire là. C’est à la page 42, à propos justement du fait que ce qui se passe dans le champ de l’inconscient c’est du registre de l’éthique quand Freud s’en occupe. « Ce n’est pas, dit Lacan, sous un mode impressionniste que je veux dire que sa démarche est ici éthique, à savoir le fameux courage du savant qui ne recule devant rien », image à tempérer comme toutes les autres. Idéal du savant, intrépide, qui s’avance etc. Image à tempérer comme toutes les autres d’un idéal. « Si je dis que le statut de l’inconscient est éthique, non point ontique, c’est dans la mesure où ce que discute Freud quand il s’agit de lui donner son statut ce n’est justement pas ce que j’ai dit d’abord en parlant de soif de la vérité, ça n’est pas d’abord la soif de la vérité qui anime Freud simple indication, la soif de la vérité c’est une façon d’indiquer ce qui intéressait Freud, simple indication la trace des approches, des approximations qui nous permettront de nous demander où fut la passion de Freud. »

Ça n’était pas seulement dans la soif de la vérité, elle était dans quelque chose de plus, qui va encore plus loin que ça et justement quand il en discute ce n’est pas cela qu’il met en avant, continue Lacan, ce qu’il discute dans la suite de la science des rêves ça va être justement cette certitude où il est que quand on a à faire à quelque chose qui tremble, qui vacille un peu, là on est dans le registre du vrai au sens du certain. Mais alors, voilà où se place le rêve de l’enfant qui brûle, ce qu’il discute dit Lacan, après l’avoir introduit par un de ces miracles d’un art consommé, un de ces miracles d’un art consommé. Il parle de Freud là, Freud qui en évoquant ce rêve au début du chapitre 7 nous produit une sorte de miracle d’un art consommé de Freud. Ces mots d’ailleurs, je ne sais pas si vous avez remarqué, vous ne les trouvez pas dans la version de Miller, c’est dommage, ils ne sont pas dans la version de Miller qui effectivement élague beaucoup au profit d’un sens très commodément abordable mais enfin ce n’est quand même pas rien de dire ce qu’il discute Freud après l’avoir introduit par ce rêve justement, c’est-à-dire, Lacan l’appelle un de ces miracles d’un art consommé, ça n’est quand même pas une façon de s’exprimer anodine, ce rêve qui, de tous ceux qui sont analysés dans La Traumdeutung a ce sort à part justement de rêve suspendu autour du mystère le plus angoissant, celui qui unit un père au cadavre de son fils tout proche, de son fils mort. Alors qu’est-ce qu’il va sortir de ce rêve Lacan ? Et bien pas mal de choses. Il va en sortir, d’abord ce simple propos de ce fils qui vient troubler le sommeil de son père, ce fils réel enfin mort dans la chambre d’à côté qui vient réveiller son père qui s’est endormi et qui lui dit : ne vois-tu pas ? père, ne vois-tu pas que je brûle ? Alors Lacan pose la question effectivement de quoi brûle-t-il ce fils ? De quoi brûle-t-il et c’est vrai que c’est une torche enflammée qui est tenue là par Freud pour nous. De quoi il brûle ? Parce que ce fils c’est aussi le sujet moderne, ça je vais vous le montrer sans peine vu la façon dont Lacan va très vite l’illustrer. De quoi brûle-t-il ? Lacan ajoute, il y a là dans ce rêve, l’évocation d’un mystère, un mystère, quelque chose de profondément caché qui est bien sûr lié au mystère de l’au-delà. On retrouve lAcheronta, la mort, bien sûr c’est lié au mystère de l’au-delà mais un petit plus avant, c’est lié à ce que Lacan qualifie comme je ne sais quel secret partagé entre cet enfant qui vient dire au père, ne vois-tu pas père que je brûle ? et puis le père, ce que là encore Miller a transformé en une phrase tout à fait claire sur le sens, secret partagé entre le père et le fils. Et là, Lacan ne dit pas ça comme ça il dit : quel secret partagé entre cet enfant et il ne dit pas et le père cet enfant qui vient dire au père etc. et puis bien sûr le père. Quel secret partagé ? Sinon alors là Lacan fait un saut qui est extraordinairement éclairant : ce que nous voyons se dessiner en d’autres points désignés par la topologie Freudienne, c’est-à-dire que le fait que Freud ait doublé le mythe et on pourrait dire il a doublé le mythe d’Œdipe enfin l’utilisation qu’il fait d’Œdipe par celui d’Hamlet, il a éclairé Freud le mythe d’Œdipe par celui d’Hamlet enfin par la pièce, par la référence à Hamlet, où ce que porte le fantôme, le ghost au début dHamlet, le père donc, Hamlet le roi, le roi mort, le roi que l’on a tué, ce que porte le fantôme c’est et il insiste beaucoup  là-dessus Shakespeare, le ghost c’est le poids de ses péchés parce qu’il a été tué sans avoir pu être remis de ses péchés donc dans le contexte catholique, il est mort dans le plein exercice de ses péchés. Ce qui veut dire qu’il est voué à la damnation, qu’il n’est absolument pas, il quitte ce monde dans l’état le plus agité, tourmenté, torturé, angoissé que l’on puisse imaginer, et c’est ça dont il fait part à son fils. Donc, cette référence de Freud à Hamlet que Lacan ici d’une manière vraiment inventive enfin comme toujours, très féconde, très géniale, cette référence à Hamlet que Lacan utilise pour éclairer le rêve de l’enfant qui brûle, de quoi il brûle ce fils ? Et bien il brûle de ce dont Hamlet brûle par rapport à son père aussi bien, c’est-à-dire de se retrouver devant cette situation où, Lacan nous la résume très bien en deux ou trois points. Nous savons, ça c’est une reprise d’un acquis de la psychanalyse qui est toujours actuel même s’il est aujourd’hui fortement, j’allais dire contesté, mais c’est moins contesté que mis en question enfin ça tangue beaucoup par rapport à tel énoncé mais nous savons qu’il reste quand même vrai, même s’ils sont contestés. Cet énoncé donc que Lacan rappelle, Le père, le nom du père, le signifiant père soutien la structure du désir avec celle de la loi. Ça reste vrai, c’est contesté on dénonce le patriarcat mais quand on dénonce le patriarcat on ne s’aperçoit pas que c’est autre chose que cette référence au père et à la loi que l’on dénonce. Mais bon, peu importe, tout ça est pris dans une grande confusion aujourd’hui mais il n’empêche que le père, le nom du père, soutient la structure du désir avec celle de la loi c’est quelque chose qui articule les termes fondamentaux d’une structure effectivement qui est tout à fait celle qui nous introduit au désir. Le père, la père-version comme dira Lacan, la façon dont le père est tourné vers l’objet qui va causer son désir et lui permettre de le réaliser, cette façon dont le père articule son désir est en même temps une manière d’indiquer quelque chose de l’interdit à son enfant et donc de lui indiquer quelque chose de la loi où cet enfant pourra articuler son désir. Vous me suivez ? Ça c’est le premier élément que Lacan rappelle à propos de cet enfant qui brûle. Si l’enfant brûle si l’enfant est dans cette situation d’extrême tourment infernal ce n’est pas du fait que le père le nom du père soutien la structure du désir etc., c’est qu’il ne peut plus le faire et nous sommes là devant l’émergence du sujet moderne, sujet justement qui va être abordé tout de suite après par Lacan donc après avoir évoqué ce qui est de la structuration fondamentale du désir et de la loi en référence au nom du père, Lacan ajoute tout de suite mais l’héritage du père et là en quelques lignes il vous précipite à la fois la complexité et l’extrême simplicité, l’élégance de la manière dont Lacan nous rappelle le contexte dans lequel nous baignons. Il y a d’abord cette évocation du nom du père et de son rapport à la loi mais l’héritage du père c’est celui que nous désigne Kierkegaard, c’est son péché. Autrement dit ça n’est plus du tout un rapport aussi assuré au désir et à cette père-version justement et le fantôme d’Hamlet surgit d’où ? dit Lacan sinon du lieu d’où il nous dénonce que c’est dans « la fleur de son péché » qu’il a été surpris, qu’il a été fauché, qu’il a été tué. Et Lacan conclue, et je vous demande d’être attentif à ça parce que c’est absolument capital. « Loin de donner à Hamlet les interdits de la loi, de la loi qui peut faire subsister son désir c’est d’une profonde mise en doute de ce père trop idéal qu’il s’agit à tout instant ». Et effectivement Hamlet, alors c’est une pièce complexe, mais Hamlet je vous rappelle c’est justement la difficulté du désir. Hamlet c’est ce sujet qui ne peut réaliser quelque chose de son désir, qui est sans cesse à l’endroit de son désir dans une sorte de rendez-vous manqué du fait de cette référence à un père qui en quelque sorte vient déchoir radicalement de l’idéal où Hamlet l’avait placé. Il découvre que ce père en réalité a été en quelque sorte détruit dans son efficace par le fait d’avoir été tué dans l’exercice de son péché. Autrement dit, il n’est pas la hauteur de l’idéal ni de la loi qu’il pourrait faire tenir pour Hamlet. Je vous rappelle tous ces points là nous les avions vu de façon très précise et détaillée quand nous avions, il y a trois ou quatre ans, repris toutes les leçons de Lacan sur Hamlet dans le séminaire Le désir et son interprétation. Ce qui fait que si cela vous intéresse vous pouvez vous reporter à ces leçons et à ces articulations. Mais je le rappelle là juste simplement pour vous dire et vous rappeler que le sujet moderne, le sujet d’aujourd’hui, c’est un sujet dont Hamlet nous repère les coordonnées structurales, ce sujet qui ne peut plus être dans un rapport à la loi et au désir donc assuré du fait qu’il y a quelque chose d’un terrible secret partagé entre ce fils et ce père et c’est ça que Lacan rapproche de l’enfant qui brûle. Tu ne vois pas que je brûle de ce secret partagé que tu n’es pas l’idéal de ce que je pensais mais que tu es tourmenté, angoissé, rongé, ravagé par le fait d’avoir été détruit dans l’exercice de tes péchés, c’est-à-dire pas à la hauteur de l’idéal où je t’appréhende comme père.

Alors vous voyez, Lacan évoque tout ça, alors je vous rappelle aussi que dans Hamlet, quelques rappels très simples. Hamlet, la pièce de Shakespeare c’est à peu près aux alentours de l’an 1600. Les méditations de Descartes, 1641, c’est à dire il y a même pas cinquante ans entre Hamlet et les méditations métaphysiques, entre cette articulation du sujet moderne dans Hamlet et l’articulation du sujet moderne chez Descartes, il n’y a pas cinquante ans. Donc vous voyez c’est vraiment l’époque où à la fois va prendre son essor la science détachée justement détachée de toute contrainte quant à la vérité, j’y reviendrai tout à l’heure. C’est à la même époque donc que Shakespeare et Descartes, de façon différente, nous proposent, plus que nous proposent, nous articulent les conditions du sujet moderne. Alors, cette évocation du rêve de l’enfant qui brûle, Lacan l’a conclut en disant : « c’est de ce point le plus fascinant », de ce point c’est à dire de ce rêve, que Freud nous détourne. » Il évoque le rêve et puis tout d’un coup il passe à autre chose, c’est à dire que il a posé ce rêve, qui est en lui-même une extraordinaire énigme mais qu’il va, Freud, il va adosser à cette énigme qui n’est pas si énigmatique que ça, Lacan vient de la déplier. Freud va adosser à cette énigme, les éléments de sa certitude à lui, et c’est là qu’il va en venir à ce que je vous évoquais rapidement tout à l’heure, quand nous entendons les rêves de nos patients, les récits plutôt, enfin les paroles à propos des rêves, eh bien tout ce qui a de moins assuré nous donne au contraire les appuis de la certitude. Alors, je voudrais aller avant de… je ne veux pas être trop long pour que vous puissiez avoir des questions et que Angela puisse aussi intervenir à propos de ce que j’ai dit où à propos de la leçon. Il va y avoir une transition assez intéressante, c’est à dire que Lacan nous dit donc, Freud ne se trouble pas quand on lui dit oui mais, vous dites que le rêve c’est l’expression d’un désir mais alors qu’est ce que vous dites quand, par exemple votre patiente la jeune homosexuelle, vous vouliez, enfin elle suppose que vous voulez la faire réintégrer le chemin de l’amour des hommes, et alors elle vous donne des rêves d’amour des hommes en veux tu en voilà, c’est une façon de… elle se moque de vous, vous voulez des rêves où j’aime les hommes alors je vais vous en donner autant que vous voulez. Eh là, on objecte à Freud, alors là est -ce qu’elle se moque pas de vous ? Est-ce que c’est pas complètement à côté de ce que vous nous enseignez ? Et Freud dit Lacan ne se trouble pas, non ce n’est pas du tout à côté, c’est exactement ce que je dis, c’est à dire que l’inconscient trompe, l’inconscient c’est pas le rêve, il y a quelque chose dans l’inconscient qui parle et qui trompe, et qui dit à Freud en quelque sorte, tu veux ça et bien je te le donne, t’imagine pas pour autant que tu m’aies attrapé. Freud ne voit à ceci aucune espèce d’objection. L’inconscient nous dit-il n’est pas le rêve. L’inconscient, c’est quand même important là…vous vous souvenez à la dernière plénière, on se demandait si l’inconscient savait lire, écrire etc…je ne reviens sur la question. Mais là, Lacan nous dit l’inconscient peut s’exercer dans le sens de la tromperie, ça c’est quand même très fort, ça va loin comme affirmation. Ça veut dire que au niveau de ce qui se donne comme production de l’inconscient, il peut y avoir une…

Intervention dans la salle : une intention

S.T. Oui ,j’hésitais à dire une intention, mais oui on peut dire une intention trompeuse. Et là dessus, Freud va faire une transition, à la question passionnante de la fin de la leçon sur le désir de l’hystérique. La transition elle est là, simplement Freud à cette occasion a manqué à formuler correctement, ce qui était l’objet aussi bien du désir de l’hystérique que du désir de la jeune homosexuelle. Alors là, Lacan va apporter quelque chose qui est comme toujours absolument évident quand il le déplie cliniquement, mais c’est pas évident avant qu’il le dise, mais après qu’il l’a dit ça devient évident, c’est pour ça que… Freud ne pouvait pas encore, faute des repères de structure qui sont ceux que j’espère pour vous dégager concernant la menée de l’expérience analytique. Freud ne pouvait pas encore voir que le désir de l’hystérique, alors que c’est lisible d’une façon éclatante dans l’observation, que le désir de l’hystérique c’est de soutenir le désir du père. Vous voyez, combien ces éléments sont liés, le moment Hamlétien en quelque sorte qui est vraiment le moment de la modernité où le désir du père est profondément entamé, j’allais presque dire cassé par cette plainte de ce père qui dit « J’ai été tué dans l’exercice de mes péchés », et ce fils qui du coup ne peut plus se fier, se prendre comme appui cette référence à ce père idéal tellement aimé, c’est ça Hamlet. Eh bien là qui va venir au secours du désir du père si profondément entamé dans son aspect moderne, c’est l’hystérique, et Lacan le dit donc, le désir de l’hystérique c’est de soutenir le désir du père. Il va ensuite le montrer d’une façon lumineuse à partir de Dora, et il y a d’ailleurs une erreur dans notre version, c’est à la page 47 : « ce qu’il lui faut », à Dora, « c’est que ce lien soit conservé à cet élément tiers », cet élément tiers qui est justement le support du désir pour Monsieur K en l’occurence, ce lien c’est à dire la femme de Monsieur K, « Qui lui permet », à Dora « à la fois de voir subsister un désir, quand de toutes façons il lui faut être », et c’est pas « insatisfaite », c’est insatisfait, ce désir, vous voyez c’est évident. Je ne sais pas si on comprend parce qu’ensuite il y a un point, alors que c’est deux points qu’il faudrait mettre. Il lui faut être insatisfait ce désir, et Lacan précise « aussi bien le désir du père qu’elle favorise en tant que désir impuissant », puisque il n’était pas capable d’honorer sa partenaire comme il eut été souhaitable, aussi bien donc le désir du père que son désir à elle, les deux sont insatisfaits. Le désir est entretenu comme insatisfait, « son désir à elle, de ne pouvoir se réaliser en tant que désir de l’autre », c’est pas qu’en tant que enfin ou peut-être mais, son désir ne peut pas se réaliser parce que c’est le désir de l’autre avec un grand A.

Intervention dans la salle : c’est pour ça qu’elle frappe monsieur K ?

S.T. Elle frappe monsieur K quand monsieur K lui…

Intervention dans la salle. … son désir insatisfait

S.T. Voila tout à fait. Et de la même manière dans le cas de la jeune homosexuelle, et bien ce qu’elle montre par la provocation constante qu’elle exerce à l’endroit de son père, c’est qu’elle lui dit en quelque sorte regarde comme on fait pour être correctement le phallus qui est au service d’une dame. Simplement, voilà … et jusqu’au jour dit Lacan ou rencontrant son père, ce qu’elle rencontre dans le regard du père hein, le regard du père qui est furieux, c’est la dérobade, le mépris, l’annulation de ce qui se fait devant lui. C’est à dire cet entretien du désir, cet entretien du phallus comme symbole du désir, c’est annulé par le regard du père, et la jeune fille direct va se jeter depuis le pont. Alors dernière remarque, et puis je m’arrête. Il y a un passage qui est très intéressant où Lacan rappelle le pas de Descartes qui mine de rien vous savez a une importance énorme pour nous, vous pouvez penser quelque fois que toutes ces références, c’est des trucs pour les bibliothèques, c’est des choses savantes qui ne nous intéressent plus mais nous sommes en plein dans ce que Descartes a ouvert, a déchainé même. C’est à dire que une fois qu’il s’est assuré de sa certitude, Descartes « je suis » il s’assure d’une certitude c’est à dire d’un réel, je ne suis pas dans la fantasmagorie etc … je suis bien articulé à un réel, si je doute alors je pense et si je pense alors je suis. Ce « je suis » c’est bien un réel, quel réel ? La suite des méditations métaphysiques montre que c’est pas un réel extrêmement simple, mais c’est un réel. Ensuite, la question de la vérité, c’est presque secondaire chez Descartes, il va s’assurer, comme le dit Lacan, qu’il y a un Autre, un grand Autre, c’est Dieu, qui n’est pas trompeur donc qui assure les vérités éternelles…très bien. Mais du coup, si ces vérités son assurées, si cet Autre n’est pas trompeur, comme le dit Lacan du coup, on devient complètement libre quant à l’agencement des petites écritures de la science, et c’est comme ça que l’on va pouvoir commencer à ouvrir l’algébrisation, c’est à dire la mise en lettres de la géométrie, ce que pratiquera Descartes et c’est la voie directement tracée à des écritures mathématiques, qui ne se rapportent en aucune manière à l’intuition, c’est à dire à quelque chose comme notre appréhension de l’espace et du temps. Et ça va donner le déchainement des écritures scientifiques que nous connaissons aujourd’hui, qui n’ont absolument aucun égard à quoique ce soit du sujet, c’est une vérité qui court toute seule en fonction de critères qui lui sont purement internes, sans même vous parler des logarithmes etc … c’est à dire que ce qu’a ouvert Descartes là, dans sa démarche, ça a déchainé quelque chose dans quoi nous sommes en plein, ça nous concerne, c’est pas des élucubrations comme ça pour savants érudits, on est là dedans. Dernière chose, toute dernière chose, Lacan souligne qu’avec ce sujet freudien moderne, ça pense et bien le sujet névrosé qui vient nous voir il a pas peur d’un Autre trompeur, comme Descartes l’évoque a un moment donné. Descartes évoque la possibilité que l’Autre puisse être trompeur et il va finalement s’assurer du fait qu’il n’est pas trompeur. Lacan dit, le névrosé lui, le sujet contemporain, il a très peur que l’Autre soit trompé. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire ce qu’on observe tous les jours dans la clinique, c’est à dire que quand quelqu’un nous raconte ses difficultés, nous fait état, il fait très attention à bien tout nous raconter comme il faut pour qu’on ne se trompe pas, pour qu’on sache bien à quoi il a à faire. C’est très vrai cette remarque de Lacan que dans le rapport à l’analyste en l’occurence, à l’Autre, il y a cette crainte du sujet d’avoir à faire à un Autre qui se trompe, à un Autre trompé. Et il a une remarque là-dessus assez humoristique, Lacan il dit « ce que je veux accentuer, ici au passage, c’est que dès lors, le corrélatif de l’Autre n’est plus maintenant de l’Autre trompeur, il est de l’Autre trompé. Et ça, nous le touchons du doigt » dit-il « de la façon la plus concrète dès que nous entrons dans l’expérience de l’analyse, à savoir que c’est ce que craint le plus le sujet, c’est de nous tromper », autrement dit qu’on se trompe à son sujet qu’il nous raconte pas bien les trucs, qu’on ait fait une erreur, qu’on se souvienne pas bien, par exemple « ce que craint le plus le sujet, c’est de nous tromper, de nous mettre sur une fausse piste, ou plus simplement que nous nous trompions », et il ajoute « car après tout il est bien clair, à voir notre figure, que nous sommes des gens qui pouvons nous tromper comme tout le monde. » Vous voyez, bon j’ai ponctué quelques points qui me paraissaient importants de la leçon, je n’ai pas évidemment tout déplié mais voilà, je m’arrête là et je laisse place aux questions et aux remarques à commencer par celles d’Angela.

A.J. : Je pense que tu as très bien déplié la leçon. Merci beaucoup Stéphane, je pense que tu as été aux points essentiels, notamment sur cette question de la naissance du sujet moderne et de l’intrication de ces moments Descartiens avec la découverte Freudienne. Une petite chose, pour te faire parler un peu plus. Ce n’est pas tout à fait une petite chose mais c’est intéressant parce que,  cette petite différence, entre un Autre qui ne trompe pas et un Autre trompeur, donc un Autre qui peut être trompé, ça peut changer beaucoup de choses dans le sens où, il n’y a pas cet Autre qui va nous assurer de la vérité.

S.T. : Complètement.

A.J. : c’est une subversion absolue.

S.T. : Totalement.

A.J. : Ça ouvre le champ des écritures mathématiques, mais surtout, ce glissement que Lacan va signaler, de passer d’un Autre pas trompeur, à un Autre qui peut être tromper, ça change aussi la place de la vérité.

S.T. : Et le statut de la vérité.

A.J. : C’est là où la question du sujet prend aussi sa place et de ce qui peut être son rapport à la vérité. C’est encore une fois un décentrement que Lacan signale, tout à fait dans la lignée de son séminaire, qui est, à chaque fois et à chaque pas, de mettre au travail cette question de ce qui peut être une science qui inclut la psychanalyse. Il procède par  petites touches. Celle-ci en est une importante, parce que c’est aussi le rapport du réel avec la vérité, ce qui n’est pas une simple affaire pour la psychanalyse et que la science va traiter complètement différemment. Je pense que tu as très bien situé ce moment et c’est important cette façon qu’a Lacan de montrer la congruence des démarches de Freud et de Descartes et en même temps ce qu’il appelle lui-même les dissymétries. Il va faire un travail d’orfèvre et  montrer à chaque fois les petits écarts qui changent la face du monde comme il dit. 

S.T. : Tu as tout à fait raison d’insister sur ce point. Adosser l’appui qu’on prend sur un réel ,à un Autre qui garantit la vérité, ça veut dire qu’un Autre est habité. Ça pouvait assurer tous les savants depuis le 17ème siècle que la progression de la science allait vers le progrès, vers le bien, vers tout un tas de choses dont on a dû déchanter. Avec Freud, on a à faire à un Autre qui non seulement n’est pas une garantie de la vérité mais qui peut être trompé. Cela fout une sacrée trouille au sujet ! Et non sans raison, parce que c’est le pressentiment chez le sujet qu’il n’y a pas de garant dans l’Autre.

A.J. : Exactement et que du coup il va falloir que le sujet puisse répondre quelque chose. C’est pour ça que c’est très intéressant que l’ouverture de cette leçon soit presque un jeu entre ontique et éthique

S.T. : c’est un jeu.

A.J. : C’est un jeu sonore et en même temps, on a, si on arrive à ce que tu dis là, par rapport à la responsabilité du sujet, on retrouve le fil de l’éthique.

S.T. : Complètement.

A.J. : C’est assez magnifique je trouve. Parce qu’il dit ça comme ça, il dit il faut y aller. À un moment donné il dit qu’on est bien embarrassé, mais c’est ça que nous avons sous le bras et auquel nous ne pouvons pas nous refuser. On ne peut pas se refuser à la question que ça pose. C’est aussi une question éthique. Il lance ça comme ça, mais on va trouver dans les enjeux même de la leçon, cette position éthique qui est la position de la psychanalyse, par rapport à la responsabilité du sujet.

S.T. : Complètement.

A.J. : Voilà les petites choses que je voulais ajouter.

S.T. : Merci pour ces précisions Angela, tu as tout à fait raison.