ÉTUDE DU SÉMINAIRE XI LES FONDEMENTS DE LA PSYCHANALYSE, J. LACAN - SÉANCE PLÉNIÈRE DU 17/04
23 juillet 2023

-

JESUINO Angela,THIBIERGE Stéphane
Le Collège de l'ALI
image_print

 

Collège de l’ALI 2022-2024
Lecture du séminaire XI de Jacques Lacan, Les Fondements de la psychanalyse    
Séance plénière du 17 avril 2023
(Présentation de l’entretien avec Michel H. par Jacques Lacan, Sur l’identité sexuelle, A propos du transsexualisme, pp. 312 à 353)

2023 0413 College image 1

 

 

Stéphane Thibierge : On démarre ! Vous voyez ce n’est pas une anecdote juste comme ça, le fait que l’on a besoin d’écrire quelques fois, c’est pas du tout un truc comme ça, occasionnel, anecdotique.

Quand on a à parler de choses qui concernent la psychanalyse, on a nécessairement besoin de passer par l’écriture. C’est pour cela que je suis souvent un peu contrarié quand je constate qu’à l’ALI, où l’on est quand même censé être dans un lieu où la psychanalyse a son importance disons, je suis parfois contrarié de constater et ce n’est pas du tout la première fois que cela arrive, ça m’arrive souvent, on veut écrire mais on ne peut pas écrire, il n’y a pas de tableau !

Alors grâce à Angela j’ai trouvé une feuille. Donc j’écrirais là-dessus. Parce que justement, ce n’est pas sans rapport avec ce dont nous allons parler aujourd’hui, c’est-à-dire cette présentation de malade. Et ce n’est pas sans rapport non plus avec ce que certains parmi vous ont pu entendre samedi, puisqu’il y en avait qui étaient là samedi, et il est question beaucoup de la sexuation. La sexuation c’est quand même un petit peu au centre de l’observation que vous avez lue et que nous allons travailler. Donc pendant cette journée de samedi il a été question de la sexuation et il a été question aussi du Phallus. Et à cette occasion j’ai pu rappeler que Lacan dans Encore souligne que la barre qui sépare les signifiants du signifié – je vous le refais parce que çà illustre bien que l’on ne peut pas tout dire, on ne peut pas être seulement dans le champs des signifiants. Sinon comme je disais samedi on n’a qu’à se brancher sur chatGPT et puis à parler avec lui, on aura des signifiants et de la signification à tire-larigot, c’est exactement ce que je disais samedi, mais dès que l’on voudra essayer d’articuler quelque chose, c’est-à-dire de produire des effets de signifiés, pas de la signification, mais des effets de signifiés, autrement dit des métaphores, dès que l’on voudra faire ça, on ne pourrait pas le faire avec ChatGPT.

Il y a les signifiants. Alors je vais vous montrer ce que j’écris, comme j’ai écrit samedi, S1, S2, S3, S4, etc., il y a la barre. Il y a donc des signifiants, il y a une barre et à partir de ces signifiants qu’est-ce que l’on fait ? Habituellement on est pris, on baigne dans cette multiplicité de signifiants. Vous y baignez maintenant, moi aussi. Moi j’essaye de dire quelque chose là, ça veut dire que je suis aux prises avec cette barre, parce que j’essaye de, avec ces signifiants – vous savez les signifiants on baigne dedans comme dans une espèce de truc plus ou moins imprécis, gluant, incertain, brouillardeux – enfin ce que l’on appelle notre pensée, c’est cela en général. Et quand on doit articuler quelque chose, il faut se donner un peu de mal, vous êtes d’accord ?

Il y a donc forcément une tentative, quand on se donne un peu de mal, il faut que de ces signifiants qui sont là, il faut qu’il y en ait qui franchissent la barre pour venir lester quelque chose qui est de l’ordre de l’effet de signifié, pour venir le produire. Parce que vous ne produisez pas des effets de signifié avec tous les signifiants dans lesquels vous baignez, vous êtes obligé d’en choisir. Et vous êtes obligé à partir de ce que vous choisissez – enfin, de ce que vous choisissez ça se choisit souvent sans vous ! – vous êtes obligé, en tout cas il est nécessaire qu’il y ait un choix, et à travers ce choix un franchissement de la barre. Et ce franchissement de la barre va décider des effets de signifié. Pas de question maintenant Patricia parce que je ne voudrais pas perdre le fil de ce que je veux dire. Qu’est-ce qu’il y a ?

Patricia : C’est bête mais je n’ai pas compris ce que c’est que la barre ?

S.T. : Et bien la barre c’est ce que vous venez de franchir en disant votre phrase, eh bien oui ! Parce que vous avez des signifiants dans la tête et vous avez choisi de dire ce que vous venez de dire, voyez ! Donc il y a une barre. Vous ne dites pas tout ce que vous avez dans la tête, vous ne dites pas tout ce qui vous passe par la tête, n’importe qui peut faire cette expérience. On a des signifiants comme ça quand on invite quelqu’un à parler librement, comme on fait dans l’analyse, on sait qu’il ne parle pas du tout librement. En revanche, ce qui va se passer, c’est que le sujet que l’on invite à parler il va franchir la barre à certains points, il y a des signifiants qui vont franchir la barre en quelque sorte, et cela va produire des effets de signifié que j’écris s1, s2, etc. Des effets de signifié, c’est-à-dire des effets de métaphore. C’est ce qui se passe quand on parle, mais ce n’est pas ce qui se passe, ce n’est pas ce qui se passe quand tout le monde parle. Par exemple, Chat GPT parle d’une certaine façon, vous le branchez, cela dit des choses mais il n’y a pas franchissement de la barre. On reste avec les machines de l’intelligence artificielle, on reste ici dans un bain de signifiants, il n’y a aucun effet de signifié, aucune création de métaphore. Et bien cette barre, Lacan la met très étroitement en rapport avec…

On est en train de réinventer de l’écriture. C’est bien. Alors je vous mets en noir ce que j’ai mis là. Si je vous parle de l’écrit, de cet effet, de franchissement de la barre, c’est parce qu’il est beaucoup question de ça dans le texte que vous aviez à lire et à travailler. Je vais vous montrer pourquoi très facilement. Là je remets ce que j’ai mis.

Quand vous réfléchissez, quand vous avez un truc à écrire qui n’est pas facile – ça vous arrive d’écrire des choses, je suppose, qui ne sont pas faciles – ne serait-ce que quand on écrit une lettre, bon on n’écrit plus de lettres avec un papier et un stylo aujourd’hui, mais imaginons que ça nous arrive. Imaginez que vous écriviez une lettre à quelqu’un qui vous importe, vous pouvez, vous n’écrivez pas n’importe quoi. Comment on dit, vous réfléchissez, c’est-à-dire en fait vous vous tourmentez, vous êtes torturé. Vous ne savez pas ce que vous allez écrire sur la feuille. Vous avez beaucoup de signifiants qui vous passent par la tête mais vous êtes là avec votre stylo plus ou moins tourmenté, maladroit, idiot, « je suis nul ». On se dit des choses comme ça dans ces moments-là, facilement, on n’arrive à rien. Bref, quand vous êtes dans ces moments-là vous êtes là (NB : voir la partie supérieure du schéma), et vous cherchez comment franchir la barre. Et quand vous franchissez la barre vous écrivez. C’est là que quelque chose s’écrit. Et bien Lacan, dans Encore, vers la leçon 4 ou 5 à peu près, souligne que cette barre, entre donc, les signifiants et les effets de signifié, a un rapport étroit avec le phallus et la fonction du phallus.

Angela Jesuino : Oui il dit qu’elles sont équivalentes, la fonction de la barre et la fonction du phallus.

S.T. : Ah bien encore mieux. Tu vois ? Il dit même qu’elles sont équivalentes. Je disais de mémoire mais bon. Équivalentes, ça veut dire, il y a quand même une très grande proximité voire un recouvrement entre cette barre et la fonction du phallus.

Donc pour terminer ce petit rappel, qui n’est pas si évident que ça, hein, quand même. Et bien les points de franchissement ici sont des points que l’on peut dire littéraux. On va les écrire par convention, disons ici avec des lettres un peu différentes, x et puis ici y. Ce sont des points littéraux. C’est là que la lettre vient inscrire son opération. Que ce soit la lettre chez nous en occident, que ce soit la lettre chinoise, japonaise. Tout ce que vous voudrez comme lettre, c’est là que ça vient s’inscrire. Alors pourquoi je parle de ça, aujourd’hui au moment où nous allons parler du texte de cette présentation que fait Lacan, d’un jeune homme qui est donc dans le tourment de la question du sexe ? Parce que justement vous avez remarqué, il y a plusieurs remarques que je pourrais vous proposer, mais je vais vous en proposer juste une. Et puis on va partir de là et peut-être que vous aurez des questions à partir desquelles vous voudrez qu’on travaille. Mais la remarque que je voudrais vous proposer, très simple, c’est celle-ci. Donc on a affaire à un jeune homme qui se trouve dans le tourment de changer. Il désire, disons ça comme ça, changer de sexe. Il désire changer de sexe à partir de quelque chose qui n’est pas du tout un choix délibéré, réfléchi, murement médité, non. Il le fait à partir du fait qu’il ne se sent, il ne peut avoir à son corps un rapport à tout petit peu moins difficile, que dans la mesure où il éprouve la jouissance de toucher des vêtements de femme ou d’être enveloppé dans des vêtements de femme, et de prendre une apparence féminine. C’est à partie de là, de ce point de départ là – il se dit pas du tout est-ce que je suis un homme, est-ce que je suis une femme, non. Il dit, je ne supporte le réel de mon corps qu’à condition qu’il soit pris dans ces éléments d’enveloppe ou d’apparence, de maquillage ou de féminin. Alors à partir de là, Lacan, concernant ce jeune homme, les premiers mots de l’entretien, les premiers mots de ce qu’il dit, sont…voilà, Lacan, M. H il tremble évidemment, il est impressionné parce qu’il y a beaucoup de monde. Et Lacan, en souriant, lui dit « c’est tous les médecins, vous savez ici » pour le mettre, pas à l’aise, mais pour le rassurer un peu, pour ne pas qu’il soit complètement tremblant comme ça. « Qu’est-ce que vous avez à raconter ? », il lui demande. Et lui, tout de suite, il dit en quelque sorte la façon dont il entre dans cette question, et il le dit tout directement, « depuis tout petit j’ai revêtu des vêtements de fille ». Voilà, il parle de ça. Et alors la remarque que je voulais vous faire en démarrant, c’est que vous avez pu observer, je pense, comment Lacan d’abord l’engage, et le réengage à plusieurs reprises, toujours à dire les choses à sa façon à lui, comment ça se passe pour lui.

Et régulièrement, vous aurez remarqué, je pense, que Lacan le ramène à quelque chose qui est : « mais enfin, jeune homme, mon vieux, mais enfin, vous savez bien que vous avez de la barbe. Ou bien vous savez bien que vous êtes un homme ». Et lui répond : « mais oui, tout à fait ». C’est-à-dire, qu’est-ce que fait Lacan ? Il n’est pas en train de lui dire ce que vous faites, c’est nul. Non, il le ramène simplement à la prise en compte de ce phallus-là.  C’est à dire que vous avez à faire – et lui dit Lacan – vous avez à faire à cette sexuation et dans cette sexuation, vous vous retrouvez de façon contingente. Le hasard a fait que vous êtes de ce côté-là. Et vous ne pouvez pas être à la fois de ce côté-là et de l’autre côté. Vous ne pouvez pas là-dessus vous faire des illusions. Lacan lui dit ça. Nous aurons à voir pourquoi il lui dit ça. Mais ce que je veux vous souligner, c’est qu’il le ramène régulièrement au réel de cette part et de ce phallus, c’est à dire de la sexuation. Lacan le ramène là toujours très doucement et très gentiment, très humainement en quelque sorte. Vous voyez, je dis ça parce que j’ai déjà eu l’occasion – il m’est arrivé une fois de faire travailler ce texte avec des gens contemporains comme vous, comme là ici – et il m’est arrivé – c’est aussi le cas d’un d’entre vous qui n’est pas là aujourd’hui, mais qui m’a téléphoné d’une façon très sympathique, qui ne pouvait pas venir parmi nous. Mais qui a tenu à me dire qu’il avait trouvé que c’était très intéressant, mais que le docteur Lacan était très violent avec ce patient.

X : C’est un peu l’impression que l’on a. 

S.T. : Je lui ai répondu que non seulement il n’était pas du tout violent, mais qu’il était très humain. C’est à dire qu’au lieu de lui raconter des fariboles du style : « Ah mais oui, vous avez envie de devenir une femme, on va s’occuper de ça, on va vous enlever votre queue, on va vous mettre autre chose. Et vous voulez avec épilation, sans épilation » ? Non mais aujourd’hui, c’est un peu comme ça que ça se présente. On va tout vous donner, on va vous le faire payer, évidemment assez cher. Lacan n’est pas du tout comme ça. Il est beaucoup plus humain. Il le ramène régulièrement et gentiment, mais toujours avec cet effort qui est remarquable, il tente toujours de le ramener à cette instance de la barre qui est aussi l’instance à partir de laquelle nous parlons, parce que nous ne parlons que de ça, et à partir de ça. Ce qui fait que Lacan en fait, nous pouvons dire que dans cet entretien, il le ramène régulièrement aux conditions de la parole en essayant, en espérant que lui va pouvoir de ça, prendre comme un appui, une perche pour pouvoir parler son affaire. Mais le problème, et vous l’avez tous remarqué, c’est qu’il a beaucoup de mal à parler son affaire. Et malgré les tentatives répétées, patientes et franchement, pas du tout violentes, mais vraiment pas, de Lacan, malgré ses tentatives, il ne va pas pouvoir faire autre chose que régulièrement, ramener cette façon de dire : en dehors de cette jouissance dont je vous parle, je ne peux pas exister. Et la preuve, c’est qu’il a déjà tenté une fois de se suicider. Et que peut-être, on ne sait pas la suite, mais peut-être il pourrait le retenter. En tout cas, il ne peut pas faire autrement que de dire à Lacan – enfin, à sa façon – en dehors de ce et de ce réel pris dans l’imaginaire d’une apparence féminine – dans l’imaginaire et dans le réel, il y a les deux – d’une apparence féminine, je ne peux pas vivre, Il ne peut pas dire autre chose à Lacan. C’est pour ça qu’à la fin, Lacan lui dit, « mon pauvre vieux, au revoir ». Et puis il dit aux médecins qui sont là, « personne ne l’arrêtera, il se fera opérer. Il n’y a rien à faire du tout ». Voilà, je prétends pas du tout avoir résumé cette présentation. Mais si je voulais faire ces remarques, si je vous propose ces remarques à partir de notre travail avec Angela et de notre réflexion sur ce cas et sur cette présentation, c’est pour vous rendre sensible le fait que la présentation de malade et l’entretien avec les patients – c’est ça une présentation de malade, c’est un entretien avec un patient ou une patiente – c’est toujours une tentative, c’est très intéressant. C’est un petit peu différent de ce que j’ai écrit, non ce n’est pas différent de ce que j’ai écrit, mais c’est un petit peu ça. Une présentation de malade, vous l’avez en direct quand vous pouvez la suivre. Quand vous la suivez, vous entendez des paroles, vous voyez des choses, vous voyez des gens qui parlent de etc…

   Et puis ensuite ça devient du littéral. C’est à dire que dans une présentation malade en général il y a deux temps. Et nous du fait qu’il n’y en n’a plus beaucoup de présentation de malades, on est obligé de se limiter au deuxième temps. Mais habituellement il y a deux temps. Il y a le temps justement, des signifiants, c’est à dire de ce qui se dit dans la présentation et puis ensuite, il y a la chute littérale et ensuite vous avez à faire aux petites lettres, c’est à dire à la barre. Et c’est à partir de cette opération de la barre, qui se traduit par la chute des petites lettres sur le papier, c’est à partir de là que vous allez travailler et que nous travaillons. C’est comme ça que nous travaillons en clinique. Quand vous écoutez quelqu’un, quand nous écoutons quelqu’un, notamment dans les premiers entretiens, il n’y a qu’à ça que nous pouvons nous fier. A ce qui va tomber des signifiants qui ont pu être articulés, ce qui va en chuter et ce qui va en chuter au titre d’effets de lettres qui sont aussi des effets de signifié, des effets métaphoriques. Alors ça ne va pas tomber de la même manière selon que vous avez affaire à un névrosé, à un psychotique ou à un pervers pour prendre des repérages très simples, ou encore selon que vous avez affaire à quelqu’un dont vous ne savez pas dans quelle catégorie il pourrait se placer. Ça se fait pour chaque patient de façon singulière, mais ça se fait toujours comme ça. Vous vous retrouvez toujours avec l’embarras, la difficulté du fait clinique qui ne peut être autre chose pour nous qu’un fait de floculations, de chutes littérales, ça ne peut pas être autre chose pour nous. Le problème, c’est que nous avons beaucoup de mal avec cet élément littéral et c’est pour ça qu’avec Angela, on a beaucoup tenu à ce que nous puissions travailler sur une ou deux présentations par an en contrepoint de la lecture que nous faisons de Lacan.

Nous avons beaucoup tenu à ça parce que, c’est un exercice de lecture absolument fondamental, et qui doit nous rendre sensibles, justement, à ce maniement de la lettre qui est le fond de notre travail d’analyste normalement. Le problème, et la difficulté, c’est que comme tout le monde, nous sommes plus à l’aise et plus fréquemment en train de, comment dire, de batifoler au-dessus de la barre dans les signifiants, là, à nous étourdir de « bla-bla », nous sommes plus facilement là-dedans que, dans le travail et la discipline aussi, de nous en tenir à ce qui chute de tout ça, à la faveur de cette barre justement, et de l’effort que nous pouvons faire pour réduire justement ces signifiants, pour les attraper dans leur valeur de lettre, dans leur valeur littérale. Autrement dit opérer les coupures qui ne sont pas trop inadéquates. Voilà ce que je voulais vous dire pour ma part en commençant. Il y a beaucoup d’autres choses à dire, hein, mais peut-être que vous, vous aurez des questions et Angela, est-ce que tu souhaites…

A. J. : Oui, j’aurai aussi des choses à dire car il me semble que le choix de ce texte de présentation, ça peut nous faire réfléchir sur la façon dont on fabrique une identification sexuelle aujourd’hui. Parce que le cas de cet homme pointe sur certaines questions qui se posent aujourd’hui dans notre contemporanéité, de comment on fabrique une sexuation. Mais je voulais tout de suite rebondir à ce que tu as introduit par rapport aux remarques de Lacan, qui m’ont beaucoup intéressées, au même titre que toi. Sauf que je j’ai fait une lecture qui va dans ton sens, mais que j’ai pris par un autre bord. Ce que je trouve très important, et ça va dans le sens de l’humanité de Lacan dont tu parles, la question de respecter la dignité de l’autre, ça c’est quelque chose qu’on a beaucoup critiqué par rapport à la présentation de malade. Il se trouve que pendant un temps, j’étais dans le service de Czermak lorsqu’on préparait les prestations de malades, pas de Lacan, mais de Melman et Czermak, et je voyais aussi le retour des présentations de malades chez le patient. Ce n’était pas simplement un exercice pédagogique, il y avait des effets pour le patient qui passaient par la présentation de malades et ça c’est précieux, c’est de la clinique, ça. Ce n’est pas de l’enseignement, ce n’est pas de la pédagogie, c’est de la clinique. Ça a des effets chez les patients qui font la présentation, qui sont l’objet d’une présentation de malade. Mais, pour reprendre mon fil, respecter la dignité du patient, c’est dire ce qui est. Il y a quelque chose de dire ce qui est, ce qu’il y a. Et la façon dont Lacan, avec beaucoup d’humanité, disait : « vous n’y pouvez rien, vous avez de la barbe au menton, mais vous ne pouvez pas vous transformer en femme », c’est quelque chose, je dis ça comme ça, de pointer quelque chose d’un réel.

Il y a là un réel et c’est ça qui nous humanise. La question du réel, c’est aussi quelque chose qui nous humanise. Et donc, je le vois sans cesse, dans cet effort de pointer, à cet homme, « mais il y a un réel, qu’est-ce que vous en faites de ce réel, comment vous vous débrouillez » ? Parce qu’à un moment il pose une question comme ça, « comment vous vous débrouillez avec ce réel ? » Et effectivement, il n’est jamais dans l’imposition, il pointe. De la même façon qu’il va pointer le rapprochement du rêve avec ce qu’il a fait. De la même manière, il fait des rapprochements, comme il dit lui-même. Mais il ne juge pas, il ne dit pas ce qu’il faut faire, il pointe là, un réel. Et il pose la question : « mais comment vous faites avec ça » ?

Donc ça, j’ai trouvé très important de situer la question tout de suite. Et c’est vrai que quand tu parles de contrepoint de lecture, parce que c’est vrai que nous nous sommes tout de suite mis d’accord de l’importance de cette lecture dans la clinique. Parce qu’on dit que l’analyste a un métier d’écoute, mais en fait, nous sommes des lecteurs. Et ça, définir le métier du psychanalyste comme ça, ça suppose aussi, une certaine définition de l’inconscient. Et de quoi est fait l’inconscient. Et la question de cette matérialité du signifiant, de cette littéralité du signifiant, c’est ce qui nous importe au premier chef, parce que c’est de ça qu’est fait l’inconscient. Et on a commencé comme ça dans la lecture du séminaire XI, parce qu’on est venu parler de Signorelli, et de tout le travail de la lettre. Donc nous sommes dans la continuation : quand on amène une lecture de la clinique, c’est à ça que Freud nous a invités dès le départ. Donc cette question de la lettre dans notre pratique, c’est à ça que nous confrontent le rêve, les formations de l’inconscient, le symptôme, le lapsus. C’est toujours une lettre qui vient faire irruption là où elle n’était pas attendue. « Merdre », c’est une petite lettre qui s’invite là où elle n’était pas attendue, une lettre, que des fois Melman disait, « la lettre qui fallait pas ».

Donc cette question de la fonction de la lettre, de la fonction de l’écrit, dans notre pratique, ce sont des choses qui passent un petit peu, des fois, à l’as, et qu’on reste à ce niveau-là du signifiant qui est effectivement, quelque chose qui est de l’ordre du sens, et du sens phallique, aussi…

S.T. : Du sens phallique, mais aussi du bla-bla.

A.J. : C’est pour cela que si on écoute un patient, juste au niveau du sens, on n’est pas dans notre métier d’analyste. Je pense que là c’est une bonne entrée en matière dans la question de « comment on lit la clinique ? ». Lacan dans cette leçon IV d’Encore dit quelque chose de formidable : « le discours a toujours ça de bon, c’est qu’il fait des lettres. » Ça tombe. Quand on parle, il y a des lettres qui tombent. Donc l’effet du discours c’est de produire des lettres. Donc c’est ça notre champ.

Isaac : J’ai une question, c’est que ce patient, il ne nie absolument pas être un homme. Il reconnait qu’anatomiquement il est un homme. Est-ce que, pour autant, il se sent homme ?

S.T. : Il dit bien que non.

Isaac : Alors est-ce qu’il n’y a pas là un problème qui est lié au symbolique ? Parce qu’après avoir travaillé ce cas, je suis allé chercher dans le bouquin Patronymies, sur ce que disait Czermak à propos des transsexualismes. Il y a un élément qui m’a beaucoup intéressé, mais que je n’ai pas réussi à complètement comprendre, il dit : « Le transsexuel sait bien dire et reconnaître de quel côté son anatomie l’a rangé, quel genre elle lui a donné. Sa difficulté est d’être affronté au fait qu’il ne saurait y avoir, du fait de la structure, une adéquation garantie entre anatomie et sexuation ». Et que du coup il part dans l’imaginaire pour venir corriger au niveau de son corps tout ce qui ne va pas. Puisque cela rentre dans le cadre de ce cas, est-ce que vous pourriez m’éclairer un peu là-dessus ? Je ne comprends pas la difficulté d’être affronté au fait qu’il ne saurait y avoir, du fait de la structure, une adéquation garantie entre anatomie et sexuation.  

S.T. : C’est quelque chose que Melman reprend aussi à sa façon dans ce volume-là, qui est très instructif et que je vous conseille, il en reste encore des exemplaires je crois : Sur l’identité sexuelle, A propos du transsexualisme. Il y a deux volumes, ils sont très riches. Dans ce volume, Melman a écrit un texte excellent qui s’intitule « Le corps n’est pas le lieu de la vérité ». Ce n’est pas parce que je me sens homme que je suis homme. Ce n’est pas parce que je me sens femme que je suis femme. Ce n’est pas parce que j’ai la conviction d’être d’un côté ou de l’autre que je le suis. Alors ce que dit Czermak, que vous citez, c’est qu’il n’y a aucune convergence nécessaire entre l’anatomie et la sexuation qui a été décidée par les identifications premières de l’animal humain. C’est-à-dire qu’il y a des hommes qui sont des hommes féminins dans ces corps d’hommes, il y a des femmes qui sont viriles dans des corps de femmes. Tout cela est assez complexe, mais il n’y a pas d’espoir, comme il y a chez les animaux, de faire se recouvrir tranquillement l’anatomie et le côté sexué.

Isaac : On est tous, hommes ou femmes, confrontés à ce « problème » ou à cette réalité ? Pourquoi certains, comme les transsexuels, basculent de l’autre côté ?

S.T. : Alors, ce n’est pas une question à laquelle on peut répondre de façon généralisée. Parce qu’on ne peut pas dire qu’il y a « les transsexuels » de la même manière qu’on ne peut pas dire qu’il y a « les homosexuels » ou « les alcooliques ». Ce ne sont pas des genres – au sens concept – ce ne sont pas des genres homogènes. Quand quelqu’un se présente comme transsexuel ou, comme on dit aujourd’hui, en transition ou voulant changer de genre, cela peut renvoyer à des situations cliniques très diverses. Mais, quand c’est un homme et qu’il souhaite être transformé en femme, c’est souvent, pas toujours, mais c’est souvent, indicatif d’une psychose. Et dans toute psychose – dans toute psychose ! – il y a un point de fuite transsexualiste. Vous l’avez de façon évidente chez Schreber, et c’est chez Schreber que Lacan l’a souligné. Mais vous le trouvez dans toute psychose. C’est pour cela que Lacan pouvait dire que, la psychose, ça pousse à La femme. C’est-à-dire qu’il y a quelque chose d’un franchissement radical de la barre dans la psychose qui situe le sujet du côté où il est, de façon purement imaginaire, l’auto-engendrement de son nom, de ses lettres, de ses signifiants, de son discours, de son corps à la limite. Il y a cette ligne de fuite, cet horizon, dans toute psychose. Cela ne veut pas dire qu’on la trouve exprimée dans toute psychose.

A.J. : Oui, mais si vous le permettez, j’ai une vignette clinique, comme on appelle, qui est assez exemplaire, par rapport à ça. Un cas de paranoïa que je suivais au CMP, une paranoïa assez conséquente et cet homme venait me dire que le dans service où il était avant, tous les matins – il a été hospitalisé très très longtemps – et dans le service où il était avant, il venait tous les matins voir le médecin-chef et il lui posait toujours la même question : « est-ce que je vais être transformé en femme » ? Et le médecin-chef tous les matins lui répondait : « absolument » ! Il tournait le dos et il revenait : « absolument oui ou absolument non » ? Et donc tous les matins il passait par ce rituel qui était adressé à ce psychiatre. Je l’ai suivi pendant de nombreuses années. Très régulièrement, la séance se terminait ainsi : je le saluais, je lui serrais la main, et il me disait : « La femme c’est l’avenir de l’homme » ! Et moi je lui répondais : « Absolument » !

Donc, c’est vrai que cette pente, de ce pousse à La femme est présent dans toute sorte de psychose, pas spécialement dans le transsexualisme et on peut comprendre pourquoi. Parce qu’ils occupent le même espace Autre et une deuxième explication, ils n’ont pas la même référence au phallus et c’est ça que vous disiez tout à l’heure sur la question du symbolique, on est homme ou femme. Est-ce que l’anatomie fait le destin ?

S. T : – Si on prend le mot destin au sens fort et symbolique du terme. 

A. J : Oui, aujourd’hui, elle ne fait plus le destin du tout. On est affranchis de cela, mais ce qui fait qu’on est homme ou femme c’est au regard d’un signifiant, le signifiant phallique. C’est par rapport à lui qu’on se positionne d’un côté ou de l’autre du tableau de sexuation. C’est ça, le problème c’est que, vous voyez bien, que le transsexuel, lorsqu’il qu’il parle de la jouissance du tissu, de tout ça, c’est du côté d’une jouissance Autre. Ce n’est pas du côté d’une jouissance phallique. Voilà dans quoi, dans quel champ il se pose. Mais, comme psychotique – car on peut se mettre dans ce champ Autre sans être dans la psychose – mais il y a cette question-là et il y a le fait que, comment est-ce qu’il va essayer de tenir cette sexuation ? Ce n’est pas par le moyen du Symbolique, c’est par le moyen du vêtement, du revêtement, de la question de l’image. Et le corps, il va aussi être traité comme tel… C’est ça où je pense qu’un cas comme cela est un peu paradigmatique de la façon dont aujourd’hui on veut traiter la question de la sexuation. C’est-à-dire que l’outil symbolique, on va dire cela comme ça, n’est pas au premier plan. Il est mis de côté, au profit du corps et de l’image, mais en sachant que ce corps, il va avoir un traitement particulier.  J’ai encore une remarque, mais je la ferai tout à l’heure…

Raphaël : Ce sera peut-être trois questions en une. D’abord je rappelle le fait qu’effectivement, qu’a souligné Lacan, d’abord le fait, la référence à l’état je dirais biologique du patient, en empruntant à sa condition, en pointant un réel, le réel de son corps. Et vous avez introduit votre commentaire en, indiquant qu’il a tentait de le ramener à sa condition, par apport au phallus, le phallus qui opère la sexuation, posé dans un mode Autre, qui serait un mode de jouissance, et pas uniquement par rapport au corps. Qu’est-ce qui fait que Lacan fait référence selon vous à la sexuation dans ce cadre-là ? Car moi je vois les références au corps, je vois les références au réel et pas nécessairement à la sexuation… Quels sont les repères dans le discours du patient, comment il se situe par rapport à ça ? 

Et une question de pure curiosité, pourquoi est-ce que, à partir du moment où il ne peut pas [appliquer] son analyse avec son patient, il ne se comporte pas en psychiatre quitte à l’orienter, à le conseiller, puisque l’analyse ne serait pas opérante ? 

S.T. : Raphaël, je vous dirais là, si vous le permettez, que Lacan se comporte tout à fait en psychanalyste avec son patient, pas en psychiatre.

R. : C’est tout ce que je dis, mais pourquoi cela ne pourrait pas aboutir à une cure, est-ce qu’une cure ne permettrait pas nécessairement que quelque chose se passe, mais qu’il n’essaie pas tenter la voie du médecin, de celui qui ordonne, qui prescrit. 

S.T. : Mais que voulez-vous qu’il fasse en tant que médecin ? Il ne peut rien faire. Il le dit lui-même : vous ne l’empêcherez pas, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, vous pouvez l’enfermer dans sa chambre, vous ne l’empêcherez pas un jour d’aller se faire opérer. Mais ce qui est très remarquable, c’est que pendant tout l’entretien, Lacan va chercher – alors je n’ai pas noté tous les endroits – mais Lacan à diverses reprises, au moins 3 ou 4, revient à cette question du Phallus pour lui. C’est-à dire de la sexuation, c’est-à dire des conditions de la parole pour essayer d’entendre s’il peut dire quelque chose ce patient, mais il ne peut rien dire. Et à un autre moment, il prendra une autre voie, il va, comme tu le rappelais tout à l’heure, il va l’inviter à associer sur le fait qu’il a rêvé dans deux circonstances différentes. Il y a un rêve où il y a une femme qui coupe des membres, etc., et Lacan essaie de lui faire associer cela à autre chose. Peine perdue. C’est-à dire que là encore il essaie de rendre effectif, si c’est possible, de rendre effective la dimension de la parole chez ce patient. Mais ce patient ne parle pas, il est parlé, complètement, par des significations automatiques, comme le montre bien son poème, d’ailleurs. Le poème ce n’est qu’une suite, pratiquement, de phénomènes automatiques. Il écrit de façon automatique. Il n’y a pas une métaphore dans ce poème.

R. : Par exemple, tenter de le faire parler de son rêve, c’est tenter de lui faire passer la barre.

S.T. : Tenter de le faire parler de son rêve, c’est tenter de l’amener au niveau de cette barre et voir si lui peut en faire quelque chose. Mais régulièrement il répond à Lacan, ou plutôt il ne lui répond pas, là où Lacan essaie de l’attendre. Et c’est pour ça que, très étrangement, on a pu dire aujourd’hui, à notre époque, que cet entretien de Lacan était violent. C’est très étrange puisqu’aujourd’hui – et ça nous, nous avons à être très conscients de ça si nous voulons travailler en tant qu’analystes – aujourd’hui, on considère comme une violence de ramener quelqu’un aux conditions mêmes de son humanité, c’est-à-dire aux conditions de sa parole. Alors on est tellement pris dans cette espèce d’ambiance de bienveillance niaise, franchement de niaiserie bienveillante dégoulinante d’amour comme ça. Enfin d’amour…de cette espèce de glue de l’homme contemporain où il ne veut que son bien à son prochain, bien entendu. C’est pour ça qu’on pourrait dire – d’ailleurs Czermak disait des choses un peu analogues – moi je les dit autrement. Nous sommes en tout cas – enfin je parle pour la France – dans un pays hautement catholique romain, et vraiment ! C’est-à-dire, nous sommes des catholiques intégristes dans nos valeurs. Sauf que l’on croit qu’en coupant la tête de Dieu et en le mettant de côté, on s’imagine qu’on est athée. Ce qui est déjà une vaste rigolade parce que les athées, je n’en connais pas beaucoup autour de moi. Non seulement on s’imagine qu’on est athées mais on s’imagine qu’en plus on est des athées conséquents. C’est-à-dire que oui la religion, tout ça c’est au-dessus de nous. Alors qu’on n’a jamais été autant dans la plus niaise, mais la plus niaise des religions non conscientes d’elles-mêmes. C’est-à-dire la bienveillance. Alors évidemment de dire à quelqu’un : « vous avez envie de vous transformer en femme mais mon pauvre gars, vous êtes un homme, et c’est de là que vous parlez », c’est conçu comme une violence épouvantable. Evidemment, il faudrait lui dire : « ah mais bien sûr, on va s’occuper de ça ». Autrement dit, cette fausse bienveillance qui est en réalité toute l’agressivité de la bêtise compassionnelle, c’est-à-dire de notre christianisme inconscient. Pardonnez-moi de parler comme ça de façon un peu triviale, enfin c’est quand même constatable tous les jours ! La France est toujours la fille ainée de l’église sauf qu’elle s’imagine qu’elle est émancipée, c’est-à-dire que c’est encore plus dangereux. Pardon, là je digresse un peu mais ce n’est pas complétement faux, je crois.

Lara : Vous avez déjà répondu parce que j’avais remarqué un délire « schreberien ». Justement, ce pousse à La femme, quand il dit à la page 316 : « Je me suis aperçu que je ne pouvais pas me sentir complètement femme, me prendre pour une femme vis-à-vis d’un homme ». Donc là il veut être au lit (?), il veut coucher avec un homme à la place de la femme. Il veut avoir cette expérience de la femme pendant l’acte sexuel, être à la place de la femme. Ça m’a fait penser à Schreber, et au fait que vous avez déjà dit aussi que dans la psychose de l’homme, au fond il y a toujours ce pousse à La femme.

X. : Mais pas que chez l’homme, dans la psychose féminine aussi.

S.T. : Juste une remarque, il y a quelque chose qui est intéressante dans cette remarque que vous évoquez, c’est qu’il se demande : « Moi je voulais savoir ce que je pouvais ressentir, me prendre pour une femme vis-à-vis d’un homme. Je me suis aperçu que je ne pouvais pas me sentir femme dans les bras d’un homme ». C’est intéressant, parce qu’il pose très bien à sa façon à lui – pour lui c’est une impasse, il n’y arrive pas, mais il pose très bien la question du phallus. C’est-à-dire, je ne suis femme que dans les bras d’un homme mais le problème c’est que je n’y arrive pas. C’est intéressant qu’il nous montre que même comme il est, comme psychotique pour accéder à ce signifiant femme, il faut qu’il passe, il voudrait vouloir passer par le détour de l’homme « dans les bras d’un homme j’aimerais pouvoir me sentir femme mais je n’y arrive pas ». C’est ça qui montre aussi qu’il n’est pas une femme.

A.J. : Oui, c’est qu’il va se sentir femme quand il est habillé en femme, il a une relation sexuelle avec pénétration. Ce qui suppose qu’il a eu une érection avec une femme qui accepte qu’il soit habillé en femme. Comme si c’était elle qui pouvait l’autoriser ou plutôt lui assurer de son être-femme. Et ça, c’est très important, parce que ça aussi, ça montre quelque chose de sa psychose, dans le sens où ce n’est pas une instance tierce qui vient lui assurer son être-femme ou homme, mais c’est d’être habillé en femme dans les bras d’une femme qui accepte qu’il s’habille en femme. Donc là, il y a quelque chose qui ne vient pas d’une instance tierce. Et ce qui est le plus intéressant – je ne sais quel effet cela vous a fait ça – c’est qu’il en jouit parce qu’il a une érection, il en jouit comme un homme mais il ne peut pas reconnaitre cette jouissance. Ce n’est pas ça qui l’intéresse. C’est très précis ce qu’il dit ce patient malgré tout. C’est assez intéressant, parce que ce qu’il va reconnaitre comme jouissance, c’est la jouissance du tissu et ce qui vient envelopper son corps, cette jouissance du corps. La jouissance sexuelle, la jouissance phallique ça ne l’intéresse pas du tout. Il ne peut pas l’exercer. Mais c’est la jouissance Autre, cette espèce de jouissance du corps qui n’est pas du domaine du langage tout à fait dans laquelle il est saisi. C’est exactement ça, il est saisi là-dedans.

David Glaserman :  Dans les dernières pages, où l’on trouve des traces écrites, des écrits que le patient a laissés, j’ai noté un passage qui éventuellement peut nous éclairer sans comprendre mais pour essayer de repérer un peu la façon dont les choses se passent pour lui et dont il considère les positions homme et femme. Alors, c’est quand il parle de son rêve, il parle d’une femme blonde, page 351, quand il écrit : « Cette femme blonde qui fait du mal, une femme, cela est très rare qu’elle ait la force de caractère pour faire le mal ; l’homme, au contraire, lui le fait. J’ai revu le visage de mon cauchemar et j’ai vu des traits forts, j’ai eu la confusion entre ce visage et moi. J’ai eu peur ». Donc, en lisant ce passage, je me suis justement interrogé sur est-ce que pour lui justement il y a quelque chose dans les signifiants dans lesquels il est baigné, justement de ‘les femmes ne font pas de mal et les hommes font du mal’. Parce que quand il parle de son frère – je n’ai plus la page exacte -, mais je me souviens qu’il parlé de son frère en disant qu’il ne provoquait pas les mêmes problèmes que lui…

A. J. : Il en faisait voir ! 

D.G. : … son frère lui était méchant, il en faisait voir de toutes les couleurs, il tapait des gens, il était en prison – je crois. Alors que lui, il faisait juste des bêtises et était gentil. Et, il disait que quand il était en femme, il disait, en parlant de lui cette fois-ci : « je suis très douce, très gentille ». Voilà. Alors, est-ce qu’il n’y a pas quelque chose, là, dans la façon dont il se place, le patient – quand même – ce rapport à quelque chose d’un peu premier : enfin, le phallus c’est méchant – enfin, si on porte le phallus on est méchant et si on le ne porte pas on est gentil ?

S.T. : Disons que ce sont des remarques de la part du patient qui sont d’un imaginaire très sommaire. Mais dans ce que vous relevez, David, je remarque un point qui est très intéressant, c’est-à-dire la question des traits du visage. Parce que quand il parle des traits de son propre visage, on saisit très bien qu’il y a là quelque chose d’inintégrable à l’image. Il y a un point énigmatique pour lui qui est un point réel de non-intégration à l’image spéculaire. C’est dit de façon très rapide, mais on saisit que les traits, là, désignent des points impossibles à intégrer dans l’image au niveau du visage. Et vous savez – enfin, vous savez ou vous ne le savez pas – combien le visage, d’abord dans la phénoménologie habituelle de l’être humain, mais en particulier chez les psychotiques, combien le visage est un aspect du corps qui est très problématique et difficile à intégrer dans l’expérience perceptive. Et d’ailleurs, vous remarquerez que, chez des sujets que l’on peut qualifier de grands psychotiques, de psychotiques très pris dans leur psychose, le visage peut être un élément extrêmement changeant et impressionnant dans la façon dont il fait l’objet des traits, etc., qui ne se fixent jamais, qui se transforment. Je me souviens d’une petite femme, toute fluette comme ça, que je voyais à l’hôpital, toute discrète, et qui un jour était venue, mais alors, comme une espèce de totem aztèque, que je n’avais jamais vu comme ça. Mais elle était vraiment impressionnante, peinturlurée comme ça dans tous les sens ! C’était assez désordonné. Ça m’avait beaucoup impressionné. La veille on aurait dit une petite dame comme ça, qu’on aurait pu croiser dans le métro sans la remarquer… et puis là, phhhuu !

A.J. : C’est intéressant ce que vous dites aussi parce que c’est ce qu’il essaie d’effacer, ce qu’il cherche à effacer par la chirurgie, par l’esthétique, etc. Et c’est un point très douloureux pour lui. Et en même temps, c’est ce qui le rapproche de la femme du rêve. Dont il épouse la couleur des cheveux quand même.

Patricia Lang : Dans le schéma que vous avez fait, le petit s qui est sous la barre… ça veut dire signifié ?

S.T. : Oui.

P.L. : Et vous l’avez associé à métaphore.

S.T. : Oui

P.L. : Et alors tous les mots, je parle de façon naïve, tous les mots qu’on emploie alors ont une qualité métaphorique ?

S.T. : Non. On peut être dans le bla-bla ou le discours courant. On peut ressasser des trucs qui ont été dits mille fois sans faire l’effort de produire une métaphore. Généralement on fait des métaphores, quand on fait un effort pour dire quelque chose.

P.L. : Vous pourriez préciser alors ce que vous appelez métaphore ?

S.T. : Métaphore, c’est fabriquer un signifié que vous ne trouvez pas à disposition. Quand vous cherchez vos mots.

P.L. : Quelque chose de très personnel ?

S.T. : De personnel disons, oui. De personnel, mais de social en même temps puisque on fait une métaphore ou des métaphores toujours dans une adresse à un autre. Donc c’est personnel, mais c’est aussi social. Ça dépend de l’autre à qui l’on s’adresse.

P.L. : Et quand quelqu’un parle, que c’est un flot de paroles sans signification, ça veut dire qu’il est au-dessus de la barre ?

S.T. : Souvent, oui. A l’extrême, par exemple, prenez une fuite des idées maniaque – un épisode maniaque – ce sont des signifiants qui sortent à toute vitesse. Il n’y a aucun effet de signifié. C’est comme ChatGPT, un petit peu.

P.L. : Et pourquoi sont-ils des points latéraux ? Des points de croisement ? Des points littéraux, vous avez dit, et ça je n’ai pas compris.

S.T. : Ce sont des points où vous êtes obligés de choisir sur quel signifiant vous allez mettre l’accent. Quel signifiant va franchir la barre, en quelque sorte ? C’est un petit peu ce que réalise l’inconscient quand vous faites un lapsus. Quand vous faites un lapsus, vous avez envie de dire – je ne sais pas moi… ‘vraiment ce personnage est très bon’. Et puis vous dites – pas de chance – ‘vraiment ce personnage est très con’. Il y a une lettre qui a franchi la barre : c’est le c à la place du b. Et ça, ça décide de l’effet de signifié. Eh bien, ce que vous faites en parlant, c’est la même chose. Quand vous parlez vraiment, c’est-à-dire vous faites passer quelque chose qui franchit la barre et qui va décider de l’effet de signifié. Mais vous ne pouvez pas le savoir avant. C’est pour ça que quand quelqu’un parle – comme nous faisons en ce moment – on cherche nos mots, on ne les a pas tous préparés comme ça. C’est pour ça aussi qu’il y a beaucoup de gens et je peux tout à fait les entendre – chacun là-dessus est comme il est avec ses propres difficultés – mais il y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas parler sans avoir le support d’un texte écrit. Alors, on peut dire, ça dépend des gens, quelque fois c’est par peur de l’inconscient. Ils ont peur, tellement peur de l’inconscient qu’ils se rempardent derrière un texte.

A. J. : Ça ne résout pas le problème des fois, parce que l’inconscient il s’invite gentiment même dans la lecture (rires).

S. T. : L’inconscient s’en fout. On peut se remparder tant qu’on peut, plus on se remparde, plus ça déborde.

P.L.: C’est parce que l’anatomie n’est pas une fatalité que vous aviez dit samedi qu’il n’y a pas d’essence chez l’animal humain contrairement aux autres animaux ? C’est parce qu’il n’y a pas un déterminisme de sexuation première chez les animaux ? C’est pour ça ?

S.T. : Oui, enfin je disais qu’il n’y avait pas d’essence de l’animal parlant dans la mesure où une essence renvoie à un genre et à un seul. Tandis que l’être humain, l’être humain en soi, ça n’existe pas. Il y a toujours un homme ou une femme, une femme ou un homme, c’est ça qui fait qu’il n’y a pas d’essence humaine.

P.L. : Mais chez les animaux mammifères c’est pareil. Il y a un mâle et une femelle ?

S.T. : Oui, bien sûr, il y a un male et une femelle mais vous pouvez tout à fait les décrire dans leur rapport. Il y a un rapport sexuel chez les animaux. Il est tout à fait inscriptible.

P.L. : Parce que c’est lié à l’anatomie ?

S.T. : Voilà, il n’y a pas d’éjaculation précoce chez la tortue, le lapin ou le rhinocéros (rires).

A.J. : Ton exemple, c’est un argument imparable !

S.T. : Il n’y a pas beaucoup de cas d’impuissance chez l’éléphant. C’est à dire que, il y a du rapport, il y a du rapport et il y a une essence où mâles et femelles sont englobés. C’est pour ça, d’ailleurs que l’histoire naturelle existe et qu’elle fait une place aux animaux, les mammifères, les ceci, les cela, les « espèces » comme on dit.

Y. : J’avais une question par rapport au cas clinique là. Qu’est-ce qu’on peut dire des vêtements et du fétiche en fait ? Parce qu’il me semble que, on a parlé d’imaginaire, de la façon dont la science a recours à l’imaginaire et il m’a semblé en relisant le cas que, en fait, il ne se réfugie pas dans l’imaginaire mais que quelque part c’est toujours l’imaginaire qui vient le heurter. Et je pensais à cette phrase dans les psychoses, « ce qui est forclos du symbolique resurgit dans le réel », et là je me dis, c’est quelque chose de l’imaginaire qui est forclos. Ça n’a pas de sens quand je réfléchis à cette question-là finalement, de parler de forclos de l’imaginaire, et en même temps là je me demande quel statut donner à ces vêtements qui me semblent fortement symboliques pour lui, quelque part…

S.T. : Alors pardonnez-moi, on va être précis sur les termes, ces vêtements ne sont pas symboliques pour lui.

Y. : Ils ne fonctionnent pas en tout cas de façon métaphorisée.

S.T. : Non, ils sont réels.

A.J. : Ils sont réels

Y. : Oui, c’est ça, il y a toujours ce point de bascule de quelque chose qui serait symbolique mais qui va tout de suite devenir réel. Mais il n’y a pas de nouage imaginaire enfin, qui intervient, sauf quand il va planter des antennes d’ailleurs, de télévision, où il va quelque part, curieusement, avoir une vie à peu près normale. Ça Lacan le relève peu, mais j’ai trouvé ça étonnant, je ne sais pas ce que vous en pensez, que quand il va installer des antennes de télévision sur les toits, il arrive à avoir une vie amoureuse, d’ordre sexuel, à la campagne, il est posé. Et c’est quand même étonnant cette fonction des antennes de télévision qui vont installer l’image un peu partout et stabiliser quelque chose de l’image dans un cadre, peut-être pas pour lui mais pour les autres.

S.T. : Oui, cette remarque que vous avez, que vous faites, elle a son prix. Mais faites attention quand même, c’est toujours le risque quand on lit ce type de présentation, on a tendance à mettre beaucoup de sens. Et c’est ce que vous pourriez faire si vous alliez un tout petit peu dans cette direction, de façon un peu plus décidée, vous auriez tendance à y mettre du sens. Remarquez que Lacan ne met pas du tout de sens, il est attentif aux conditions formelles, mais pas aux conditions de contenu. Il lui pose des questions pour se rendre compte Lacan, beaucoup plus que pour comprendre ce que dit le patient. Il ne cherche pas à comprendre ce que dit le patient. Il lui dit, « expliquez-moi, je voudrais me rendre compte, je voudrais savoir un petit peu de quoi vous parlez ». Et c’est toute la difficulté avec les présentations de malades mais aussi quand on reçoit les patients.

A.J. : Et puis il y a quelque chose sur quoi Lacan insiste, et c’est ce qui m’a beaucoup intéressée aussi par rapport à ce patient précisément, c’est qu’il demande à chaque fois qu’il puisse nommer. Monique, je ne sais pas qui, enfin je veux dire, parce qu’il y a cette question de la nomination là, il y a quelque chose-là qui n’est pas dans le discours du patient, c’est comme si tous les, tous les personnages… Il ne distingue pas les femmes, par leur nom et c’est une insistance, il va comme un métronome : Les noms ? Comment elle s’appelle ? Où est ce que vous l’avez rencontrée ? Et ça, ça m’a semblé très important parce que justement, il y a quelque chose de la nomination qui est en difficulté chez lui, y compris dans la question du Michel – Michelle – Corinne, et c’est très intéressant. Le nom de Corinne c’est un invité surprise dans la série, si j’ose dire.

S.T. : Corinne, c’est un invité surprise. Oui, tout à fait. Il y a ce poème très étonnant, vraiment qui est très très étonnant. Complètement automatique. « L’éternel- La femme blonde » – et puis alors des tirets hein, bien tracés, « Hôpital Pinet – Je raconte le projet de vouloir m’oublier dans la persévérance, de trouver ma plus belle personnalité. Corinne Adorée ». Bon ensuite ça continue comme ça.

Alors il y aurait beaucoup de choses à dire. Mais ce que tu viens d’évoquer, Angela, sur le nom, quand il insiste pour qu’il nomme. Les noms de lieux, les noms de personnes, c’est aussi une manière de Lacan, de la part de Lacan, de le ramener doucement, gentiment, aux conditions de la parole. Vous ne pouvez parler que parce que vous avez été appelé sous un nom propre et du coup, Lacan, et Freud faisait pareil il insistait pour qu’on dise les noms propres. Mais, c’est sans effet. Enfin toute cette observation de Lacan, toute cette présentation est vraiment orientée par le souci de Lacan d’essayer de le ramener aux conditions de la parole. Alors, quelquefois, on n’y arrive pas, quelques fois, on n’y arrive un peu. Là, visiblement, il n’y arrive pas, c’est intéressant.

Monsieur R. : A la fin dans leur discussion entre médecins, il y a le Dr Milan qui dit : « on peut supposer qu’à la suite de cette opération la jouissance sera éteinte pour lui ». Là, en vous entendant parler, par rapport à cette barre et à la sexuation, je me suis dit justement peut être qu’il y avait, je me questionnais, pourquoi elle disait ça ? Je demandais si ce n’était pas justement parce que ce serait une mise à mal de cette barre et de la sexuation de manière générale qui fait que ça mettrait à mal sa capacité à jouir, enfin de jouissance. Après là il parle de « avec un homme, avec une femme » mais je me suis demandé si ce n’était pas quelque chose de plus large, par rapport à sa parole, de sa possibilité de parler.

S.T. : Alors là écoutez je ne peux pas vous dire, j’avoue que votre question sans doute est intéressante et pertinente. Moi ce que j’entendais là, c’est que le Dr Elisabeth Milan, elle a effectivement une remarque intéressante. Là, il est en peine, il est en tourment, mais il évoque la jouissance – et même très forte – la jouissance disons fétichiste, il n’est pas fétichiste, il n’est pas pervers pour un sou bien sûr, mais il y a une jouissance fétichiste, disons, du tissu, du vêtement, etc. On peut penser que si on bouleverse complétement son corps, et aussi son appareil sensoriel disons, on peut effectivement penser comme le dit cette dame, que peut-être à la suite de l’opération il n’aura plus de jouissance du tout. Il sera dans un grand embarras. C’est pour ça que, il n’y a encore pas très longtemps, quand quelqu’un avec ce type de problématique venait voir un analyste ou un psychiatre, on avait plutôt l’attitude qu’a ici Lacan, c’est-à-dire qu’on ne l’encourageait pas trop à aller jusqu’au passage à l’acte de l’opération. Justement parce que cette demande, cette plainte, cette revendication même, est quelque chose qui fait tenir aussi le sujet, et si on la fait sauter en lui donnant accès à ça, ça peut le laisser dans un complet désarroi. Ça peut même le faire complétement, totalement, décompenser. Et habituellement ce qu’on voit, c’est qu’une fois que l’opération de changement de sexe a été réalisée, ça va se porter sur une dysmorphophobie par exemple. A ce moment-là ça va être sur un autre point du corps parce qu’il y a une … comment dire… comment ça s’appelle ?… quand on s’imagine qu’on a des trucs partout ?… Une hypocondrie ! Il y a une hypocondrie qui va se porter, alors je ne sais pas, on va vous dire : « Le menton n’est pas tout à fait équilibré par rapport aux abdominaux », « les pieds sont trop grands par rapport aux bras qui sont trop petits ». Et vous avez de fil en aiguille, on en voit régulièrement à la télévision, exhibés par des médias pas très regardants, qui sont des espèces de monstres ambulants, des espèces de Frankenstein, qui sont réparés de tous les côtés.

A.J. : Cette question qui a été soulevée par Betty Milan est intéressante, j’ai eu à faire à un patient – dans le service de Czermak – brésilien, opéré, et qui a été interné pour plusieurs tentatives de suicides, justement parce que de jouissance il n’y en avait plus. Et du coup c’était la drogue et la prostitution, mais il n’y avait plus de jouissance nulle part. Donc cela peut avoir des effets délétères dans l’après coup.

Auditoire : Vous parlez de la jouissance sexuelle ? Du fait qu’on est opéré ?

S. T. : Oui.

Auditoire : C’est juste une remarque. J’ai été étonné qu’il veuille s’appeler Cor-inne [et Mo-nique]. Il y a pas mal de truc comme ça…

S. T. : Oui, mais là il faut faire attention à ne pas trop yoyoter avec le patient. Il est déjà suffisamment pris dans … Non, il ne faut pas trop faire d’équivoque, non, il n’y a pas lieu.

A. J. : Pas avec les psychotiques en tout cas. On n’a pas intérêt à le faire.

P.L. : Vous avez souligné l’importance des noms, et ça a suscité en moi une question. Des personnes qui veulent changer de noms d’état civil, est-ce que ce n’est pas une tentative de s’auto-générer comme les personnes qui veulent changer de sexe ?

S. T. : Ça dépend des cas. Ça dépend des cas. Quand vous avez des cas de gens qui portent un nom qui est associé à des choses très difficiles, ou bien qui portent un nom qui manifestement est injurieux dans sa formulation même, la loi considère qu’on peut changer.

S. T. : Il y avait une dernière question ?

Auditoire : Vous pouvez dire un mot sur la forclusion du Nom-du-Père ? Comme il est clairement psychotique ce patient.

S. T. : Là je ne pourrais pas vous le dire comme ça, parce que nous n’avons pas abordé avec Angela le cas sous cet aspect-là. Pour ma part je l’ai plus abordé à partir de la barre, mais la forclusion du Nom-du-Père elle n’est quand même pas loin de la forclusion du phallus, elle n’est pas loin du tout. Le Nom-du-Père et le phallus ce sont deux termes très proches. Alors je ne pourrais pas faire autrement que de vous laisser aujourd’hui sur cette proximité, mais c’est très proche.

Auditoire : Le père il est totalement absent dans son discours, il n’y a pas de castration symbolique ?

S.T. : Effectivement l’instance tierce paternelle, disons pour parler très simplement, elle n’est pas du tout là.

Transcription établie par : Guillaume BATOT, Virginie BARILARI, Rosa BELLEI, Brigitte BRIQUET-DURONI, Anne FLORENNE-VOIZOT, Léa GRILLIS, Aline LAMARQUE-ROTHERMANN, Mélanie MURACCIOLI, Si SHI, Brigitte SABY

Relecture : David GLASERMAN