Didier De Brouwer Paris, ALI 12 janvier 2019.
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D’un usage de la lettre qui ne soit pas à lire
Notre écriture alphabétique, si soucieuse qu’elle puisse être d’esthétisme ne procurera jamais ce rythme si particulier de l’écriture chinoise, nouage de traits inclus dans une matrice carrée virtuelle toujours identique, portion d’espace délimitée alternant avec le blanc d’un silence musical. « Alors que notre écriture suggère un temps qui nous emporte dans sa fuite ou défile devant nousl’écriture chinoise évoque l’idée d’un temps surgissant d’une source située face à nous et se manifestant par une succession ininterrompue de figures émergeant et dépérissant aussitôt sous nos yeux »[1]. La caractéristique linéaire du signifiant, comme Saussure en établit le principe, empruntée à la conception abstraite du temps de la rationalité scientifique fait place à une temporalité scandée, celle d’un surgissement renouvelé à chaque caractère qui fait toute la valeur poétique de l’exécution calligraphique. Il ne s’agit pas ici d’une ligne signifiante s’écoulant comme le flux régulier d’une parole abstraite, mais plutôt d’un tracé chorégraphique impliquant une temporalité animée par les variations d’un corps en mouvement. Si la caractéristique du caractère chinois est d’être avant tout une forme constituée de traits représentant directement un mot, il faut bien souligner qu’il s’agit d’un mot et non d’une chose. Toute figuration est fiction soit semblantet c’est bien ici que les choses se compliquent car d’une part le mot, soit le signifiant dans sa matérialité n’est pas la lettre comme ne cessera de le développer Lacan, d’autre part la lettre chinoise pas plus que le mot seul ne donne accès directement à l’idée comme la trompeuse dénomination d’idéogramme ou de pictogramme voudrait le laisser croire. La lettre chinoise n’est pas une simple transcription de la parole comme l’écriture alphabétique.
Comment se dit la lettre en chinois
Il y a deux mots en Chinois pour nommer les signes d’écriture : wen 文et zi 字, le wenest « l’affleurement visible d’un dynamisme caché » propose Jean-François Billeter faisant ainsi le lien étroit entre les premiers signes d’écriture et leur fonction divinatoire, sorte de traces que la perspicacité du devin percevra sur certaines catégories d’êtres. Wen c’est aussi le mot qui désigne la culture dans sa quintessence, c’est par l’assimilation des signes d’écriture qu’il y a passage de la nature à civilisation. Wen hua 文化le mot chinois disant la culture peut aussi se traduire transformer par la lettre. La deuxième catégorie de caractères sont leszi字, littéralement les caractères engendrés par les wen dont ils sont en quelque sorte les enfants comme la graphie l’indique. Ils constituent le plus grand nombre et sont le fruit d’une recombinaison d’éléments constituant les formes premières prises souvent pour leur valeur phonétique. Lesziprolifèrent sont matière à analyse (littéralement en les disséquant, c’est la signification étymologique du caractère jie解) et interprétation, comme les rébus du rêve auxquels Freud les compare. Le mot chinois traduisant nos lettres alphabétiques est zimu 字母soit « mère ou origine des zi ». Le terme de lettre appliqué aux éléments qui composent l’écriture chinoise apparaît peu approprié. Certains sinologues occidentaux préfèrent sinogrammes. Le trait étant une caractéristique majeure, tant dans le geste que dans la construction d’une forme individualisée, c’est le terme de caractère, évoquant les unités mobiles maintenant révolues de nos imprimeurs ou encore une connivence avec un style propre, qui nous semble le meilleur. Si l’idéographie a certainement pris une place importante dans les origines d’une proto-écriture associée aux opérations divinatoires, l’importance de celle-ci a été supplantée par la recombinaison d‘éléments composés pour leur valeur phonétique ou d’indices catégoriels de choses (cf. le système des clés : métal, bois, eau, feu, insectes, animaux sauvages etc…)
L’inconscient structuré comme un caractère chinois ?
L’intérêt de Lacan pour la langue et plus particulièrement les lettres chinoises est bien antérieur à son séminaire. Le chinois lui a offert pendant de nombreuses années ce recul nécessaire pour confirmer cette thèse conséquente à sa relecture de l’œuvre freudienne : « L’inconscient est structuré comme un langage ». Un premier temps de ses frayages théoriques pourrait laisser croire que lettre et signifiant ne sont que les deux faces d’une même réalité à l’œuvre dans les formations de l’inconscient. La lettre telle que Lacan en parle bien avant ses développements sur la logique propre à l’écrit, est cependant d’emblée polysémique et plurivoque, on ne peut lui attribuer la précision de la formulation saussurienne : elle est épistole de la « Lettre volée » des Écrits ou lettre comme « support matériel que le discours concret emprunte au langage » du texte « L’instance de la lettre dans l’inconscient », Lacan équivoque encore sur la proximité homophonique entre lettreet l’être. L’homophonie est un point de rencontre, celui de la parole et de l’écrit. Très présente dans la langue chinoise dont elle constitue pour nous, locuteurs de langues occidentales une grande difficulté dans l’apprentissage, seul l’écrit permet souvent de réduire les équivoques qui en résultent. Ces équivoques abondent et font l’objet de multiples jeux de mots qui abondent dans la vie quotidienne. L’homophonie est ce moment très particulier du lapsus ou du Witz, du pas de sens d’une jouissance, rature d’une trace débordant son auteur. Empruntée au génie de chaque langue c’est souvent en elle que se fait entendre la réalité de l’inconscient. L’inconscient à ciel ouvert dans la psychose, le mot devenant lui-même chose par le truchement de la lettre en donne magistralement l’exemple. L’être que Lacan fait « raisonner » dans lettre est ce mot majeur qui depuis Parménide, Platon et Aristote centre le noyau dur de la métaphysique occidentale. Il nous sépare profondément de la pensée chinoise dont la langue ignore la fixité intemporelle du monde des Idées, déterminée par un mot-verbe permettant de confondre identité de l’être et existence. Le verbe être fait invariablement copule dans la grammaire de nos langues occidentales, articulant sujet et prédicat il est agent de toute substitution métaphorique. C’est bien d’une souplesse retrouvée dans le pouvoir métaphorique et pragmatique de la langue chinoise qui peut utiliser le même mot tantôt comme verbe tantôt comme conjonction que Lacan se réjouit et nourrit sa théorie du signifiant[2]. L’écriture chinoise soutiendra longtemps Lacan dans ses élaborations, à plusieurs reprises il ne se privera pas de ce plaisir, toujours présent pour celui qui se plie à la discipline de son apprentissage, de tracer quelques caractères sur le tableau noir de sa classe de séminaire. L’équivalence parfaite entre chaîne monosyllabique de la langue et caractères d’écriture correspondant chaque fois à un mot et un seul lui fera déclarer dans l’après-coup, puisqu’il aura fallu attendre le séminaire 18 : « Je me suis aperçu d’une chose, c’est que peut-être je ne suis lacanien que par ce que j’ai fait du chinois autrefois »[3]. Cette phrase prise hors de son contexte pourrait laisser croire que le chinois est exemplaire dans son rapport à l’inconscient. De la formule « l’inconscient est structuré comme un langage », l’écriture chinoise lèverait l’indétermination de « un langage »et constituerait la métaphore la mieux adaptée. C’est le pas que franchira d’ailleurs le psychanalyste chinois Huo Datong[4]dans son désir d’acclimater l’inconscient selon Freud et Lacan à la culture chinoise, il déclarera en effet : « L’inconscient est structuré comme l’écriture chinoise ». Certes la thèse est discutable puisque tout langage est métaphore par définition et que les figurations de l’écriture chinoise en usent sans cesse, c’est d’ailleurs ce qui fait une grande part de sa prédestination à la poésie. La thèse de Huo Datong ne retient cependant du langage que ce que Lacan nommera « le fait de l’écrit » en oubliant « où les effets de langage prennent leurprincipe »[5]c’est-à-dire dans le dit. « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend », dit Lacan dans Radiophonieinsistant sur l’acte de parole, celui de l’analyste comme celui de l’analysant. Lire dans l’entendu qui se manifeste dans les formations de l’inconscient tel que l’articule le professeur Datong valorise le seul point de vue de la lecture d’une écriture constituée, transcription directe et à ciel ouvert de l’inconscient. L’écriture chinoise de la version substituée de la formule lacanienne risque fort de réactiver l’idée d’un métalangage. La version lacanienne revue par Huo Datong est-elle seulement une question de sensibilité culturelle, celle d’une culture pétrie du Logosversus la culture du signe d’écriture auquel s’identifie si étroitement la culture chinoise [6]? L’opposition écrit/parole tellement féconde et indispensable à la psychanalyse disparaît dans la proposition faite par Monsieur Huo. C’est en effet dans leur écart que se déroule la cure analytique, le savoir inconscient se lit dans le dit d’une parole sous transfert, un entre-dit. Comme dans le rêve de l’injection faite à Irma, se révèle les figures chiffrées de l’inconscient de Freud. Figure évanescente d’un écrit sur l’écran du rêve. Dans la reconnaissance hésitante du chiffrage que présente la formule de la triméthylamine surgit un réel, celui d’une rencontre manquée[7]. Ce chiffrage borde un trou, un non-réalisé qui ne cesse de se manifester dans le symptôme et renvoie le rêveur à ce par quoi il supplée à ce ratage. A l’instar de l’inconscient dont on ne peut se contenter de faire concept (« Begriff » signifie littéralement saisir par la main ce dont on parle) puisqu’il serait concept du manque, l’écriture de l’inconscient n’est pas plus assimilable à un système bien identifié de transcription, elle ne peut être positivée dans un système de signes isolables un à un et liés à la logique transcriptive d’une seule langue[8]. Si discutable qu’elle soit au regard de la nécessaire opposition écriture/parole cette hypothèse du psychanalyste chinois aura eu cependant le mérite d’intéresser à la psychanalyse et dans des termes les reliant directement à leur culture, toute une génération de jeunes psychanalystes. Il ne faut jamais perdre de vue les blessures profondes d’une identité culturelle chinoise traumatisée après des années de guerre, de domination occidentale sans scrupule et de politique totalitaire destructrice de culture.
La langue et la muraille
L’intérêt de Lacan pour la culture chinoise est profond, soutenu et répété : les auteurs et mouvements de pensée qu’il cite sont nombreux. Il est une des seules grandes figures intellectuelles françaises, remarque le professeur Xiaoquan Chu premier traducteur d’une partie conséquente de ses Écrits. Peu d’intellectuels se sont intéressés d’aussi près à la culture chinoise et à sa pensée, si tant est qu’on puisse la mettre au singulier. A la même époque Michel Foucault tint des propos plus sévères sur la Chine dans « Les Mots et les Choses »[9], il y pose le jugement que la complexité de cette écriture figurée maintient l’élite intellectuelle dans « un respect superstitieux » dictant un conservatisme rigide empêchant toute transformation dans les mœurs et dans la connaissance. Ne confond-il pas un moment de l’histoire politique et sociale avec un prétendu effet de structure sur la pensée par une écriture déconsidérée comme gaspilleuse de temps et d’énergie ? Les temps changent et la rapidité avec laquelle la Chine assimile depuis les conquêtes du discours scientifique l’aurait certainement amené à revoir son jugement. L’écriture chinoise s’accorde très bien avec les exigences du numérique. Pour Jacques Derrida ayant manifesté son intérêt en faisant le voyage en Chine un peu plus tardivement, la rencontre avec un éminent penseur tourna court sur un malentendu. La traduction du titre de l’intervention de Derrida laissa en effet surtout entendre à son interlocuteur chinois que la Chine n’avait pas de philosophie mais seulement une pensée[10]. Manque entendu comme un handicap pour une sensibilité encore largement déterminée par les humiliations subies par des décennies de morgue occidentale. Le malentendu est cependant paradigmatique, on se pose souvent en Occident la question de savoir si la Chine a une philosophie[11]. De la place d’une pensée philosophique qui ne se réfère qu’au Logosgrec, la Chine ne peut qu’être exclue. A chaque fois, tant pour Foucault que pour Derrida, c’est la méconnaissance de la langue ou ses pièges qui font barrage.
Dès les premiers séminaires Lacan marque son intérêt pour l’opéra chinois. La gestuelle chorégraphique d’acteurs totalement investis dans des rôles emblématiques le frappe par cette scansion si particulière qui se retrouve d’ailleurs dans le geste du calligraphe. Si la traduction de Mencius par Lacan dans le célèbre passage de son séminaire « D’un discours qui ne serait pas du semblant » est généralement rejetée pour une discutée question de grammaire dans le milieu des sinologues, il n’en reste pas moins qu’il a assidument pratiqué le chinois, sous contrôle, et que cette pratique a eu une influence profonde sur son œuvre[12]. Le chinois de Lacan est le chinois classique le wen yan文言, littéralement, la langue des caractères ou langue de l’écrit. Cette langue graphique comme Le dit l’éminent sinologue Léon Vandermeersch a été à l’origine d’une tradition littéraire et d’un discours devenu une propriété ontologique de l’homme[13], par ce qu’à travers lui c’est la loi du Ciel qui se manifeste de même que les multiples réseaux de corrélation et de résonance du monde. Elle a prévalu tant dans la littérature que dans la sphère administrative dans l’organisation par l’administration de l’empire céleste des examens pour l’accès aux hautes fonctions de mandarin, et ce jusqu’à la fin de l’empire. Plus concise, grammaticalement différente elle n’était pas la langue parlée bien que composée des mêmes caractères d’écriture. C’est donc bien avec une langue qui n’est pas directement une transcription de la parole vive, dont l’essence même réside dans la pensée de pouvoir s’en passer, que Lacan aborde le Chinois. Le signifiant de la « linguisterie » lacanienne comme il ironisera plus tardivement, doit cependant autant au signifiant saussurien qu’aux spécificités de cette langue graphique. La tension entre la parole et l’écrit est présente dès l’origine du parcours. La référence à la littérature et à la lettre chinoise est restée pour certains trop imaginaire, la Chine de Lacan serait une Chine intellectualisée ne retenant que quelques bribes d’une tradition littéraire très ciblée. Ses références au Chinois durant ses séminaires rencontraient peu de contradicteurs, le posant sans doute par trop en maître d’un savoir dont l’assemblée de son séminaire était exclue, la remarque faite par Rainier Lanselle est pertinente à ceci près qu’il était en dialogue permanent avec François Cheng. Il est vrai que la société chinoise moderne, les terribles soubresauts de la révolution culturelle contemporaine sont totalement absents de ce séminaire qualifié parfois de séminaire chinois. Le voyage en Chine organisé par Sollers et Kristeva n’eut jamais lieu il ne s’en expliquera pas plus. Au moins il ne tomba pas dans le piège tendu par le pouvoir de l’époque à ses invités de marque, pouvoir sachant si bien déformer les images d’une société sortant péniblement des désastres qu’il avait provoqué. Faut-il reprocher à Lacan un tel silence sur les événements propre à la Chine de son temps ? Je pense pour ma part qu’il suivait le seul fil qui le guidait et nécessitait toute son énergie inventive : comment renouveler le discours analytique et se dégager des dérives psychologisantes qui le menaçaient en lui donnant un fondement structural dans lequel la question du passage à la dialectique de la logique qu’implique l’écriture prend une place de plus en plus déterminante.
La Chine serait vouée à une religion du signeselon Claudel, l’expression ne manquait pas de pertinence. « Il n’est que de l’écrit que se constitue la logique »[14]dit Lacan dans le séminaire où il poursuit son inlassable quête sur cette émergence de l’écrit dans la parole que constitue l’inconscient. Le séminaire de Lacan faisant le plus référence à l’écriture chinoise s’intitule : « D’un discours qui ne serait pas du semblant » et il faut préciser que « du semblant » est un génitif objectif et non subjectif marquant bien ainsi cette recherche de Lacan d’un discours qui puisse rendre compte de ce que l’interprétation, comme d’ailleurs l’oracle dont l’écriture chinoise garde l’indélébile empreinte, déchaîne la vérité[15]. Le semblant tel qu’il y est désigné et démasqué, c’est le signifiant encore trop déterminé par la linguistique, « cette bonne petite chose apprivoisée par le structuralisme »[16]. C’est du côté d’une écriture qui laisse apparaître ce qu’il en est du plus-de-jouir, subversion de la plus-value de Marx par la prise en compte du symptôme, que Lacan trace le sillon d’un discours nouveau pour la psychanalyse. Les caractéristiques de l’écriture chinoise, son lien à la singulière jouissance présente dans le geste du calligraphe en sont le moteur[17]. Côté langue c’est le monosyllabisme des mots de la langue chinoise facilité et ensuite renforcé par l’équivalence un mot un caractère qui l’intéresse. Il n’y a pas de double articulation du langage telle que l’avance la linguistique scientifique, pas de possibilité de séparer des étages bien distincts de phonèmes et de mots. Ceux-ci apparaissent coulés d’une pièce, comme dans nos anciens caractères mobiles d’imprimerie. Faire un pas de plus que la linguistique scientifique serait rendre compte de ce qui du langage fait trace inconsciente avec ce qui s’y attache de corps, soit de matière jouissante. Il revient à l’analyste de faire apparaître « les bons trous à la bonne place » soit de tenir compte des effets de l’articulation du semblant. La lettre est ce qui fait trou, rupture d’un semblant comme la science le démontre tout en congédiant, en ce qui la concerne, ce qui de « cette rupture fait jouissance »[18]. La lettre ne décalque nullement le signifiant affirmera toujours plus Lacan, s’opposant à une conception purement transcriptive de la parole, l’analyse en repère les effets par qui la parle, c’est sa lecture de la lettre 52 de Freud, du V romain de la célèbre scène primitive de l’Homme-aux-loups, du réel de la lettre dans la psychose ou de sa fétichisation dans la perversion qui le poussent à le dire. C’est en elle que le refoulé se niche.
Mais parle-t-on bien de la même lettre lorsqu’on parle de la lettre chinoise ?
Du caractère chinois au nœud
Le séminaire 18 plus haut cité est d’ailleurs le tournant qui prépare aux formules de la sexuation du séminaire « Encore ». « Il n’est que de l’écrit que se constitue la logique » dit Lacan, et « …c’est de l’écrit que s’interroge le langage ». Un caractère chinois, le caractère si厶qui signifie ce qui est de l’ordre privé mais aussi et par cela-même signifie suspect ou encore retors, lui sert même de schéma pour bien distinguer l’effet de langage du fait de l’écrit[19]. Ce caractère devient diagramme, triangle dont un côté est interrompu par le réel d’un impossible, celui d’écrire un rapport entre les sexes. Cet impossible résulte du fait de l’écrit, marqué par la coupure verticale du trait, il est le fait d’une inscription qu’ordonne le signifiant phallique. Cet effort pour réécrire la logique d’une fonction s’avérera de plus en plus essentielle dans l’abord du discours analytique. « Sans l’écrit il n’est en aucune façon possible de revenir interroger ce qui résulte au premier chef de l’effet de langage comme tel, autrement dit de l’ordre symbolique »[20]et c’est à partir de là qu’il abandonnera définitivement la conception classique d’un espace infini et tridimensionnel implicite aux graphes et schémas sur lesquels il s’était appuyé jusqu’alors en équivoquant sur le terme de dimension. Ce concept si cher à notre conception géométrale de l’espace il le réécrit dans l’homophonie propre au trait d’esprit en demansion[21]oudit-mention, soit ce qui fait demeure au dit. Le dit et ce qui peut logiquement s’en écrire dans les trois dimensions du Réel de l’Imaginaire et du Symbolique deviennent les dimensions d’une topologie du nouage s’appuyant sur le savoir-faire des nœuds borroméens et l’espace topologique de leur mise à plat. A partir des nœuds borroméens et de la topologie de leur représentation l’écriture chinoise ne fera plus autant support à la théorisation de Lacan. Une dernière phrase en chinois dans laquelle Lacan s’exercera en traducteur approximatif illustrera encore le séminaire « Ou Pire ». Elle met bien en relief, sur un mode apparemment peu sérieux, le lien de l’écriture à la logique phallique puisqu’il y est question de traduire : « Je te demande de me refuser ce que je t’offre parce que : c’est-pas ça ». L’objet du don entre les sexes c’est le phallus qui tente de l’écrire. La vérité trouve sa limite du réel d’une jouissance que l’écrit cherche à border, réel qu’implique toute existence. Le nouage borroméen permet de situer là où ça coince, où ça serre, là où ça se fixe aussi puisque c’est le lieu d’une lettre qui se nomme de l’objet ‘’a’’. D’autre part la vérité d’un sujet ne s’établit que dans le temps, le temps propre d’un nouage, voire d’un renouage opérant sur la matière même du symptôme. Ces deux apports que constituent le geste du nouage avec le temps qu’implique son exécution, rapprochent Lacan de la calligraphie chinoise. Il faut en effet considérer la lettre chinoise comme un nouage accompli dans l’exécution des traits qui la compose. Les lettres se succèdent dans un espace et un ordre bien défini, on dit d’ailleurs dans le langage calligraphique nouer un caractère jie zi结字ou nouer le corps du caractère jie ti结體[22]que l’on pourrait aussi traduire « donner incarnation au nœud ». Un récit mythologique fréquemment avancé donne aux nœuds sur une cordelette la fonction d’une écriture archaïque ayant précédé la découverte des caractères par le devin du mythique Empereur Jaune. Chaque caractère semble de plus surgir d’un invisible centre de gravité, point d’équilibre d’une forme accomplie en toute indépendance et cependant reliée aux autres. Surgissement à chaque fois répété alternant avec le vide de l’espace qui les sépare donnant l’effet d’un battement, d’une apparition-disparition. On est loin d’une conception linéaire du temps, la lettre porte en elle ce poids d’existence qui se marque dans les variations infinies du style du calligraphe. Le taoïsme conçoit l’avènement de l’univers comme une coagulation ou un nouage de souffles en lettres, nommées écritures réelles, issues de la matrice d’un chaos primordial. Lettres mystiques imprononçables dont seuls les maîtres accomplis connaissent le secret dans l’intimité de leur corps. L’écriture devient talisman, objet direct du sacrifice rituel puisque son sacrifice par la flamme constitue le moment clé dans les rituels populaires. Il serait trop long de développer ici une pratique religieuse qui s’appuie autant sur la vertu de l’écrit et l’efficace de la lettre, celle-ci fonctionnant souvent comme nom propre que l’officiant cherche à faire entrer en résonance avec les lieux de son corps, le travail de Kristopher Schipper initié aux pratiques populaires encore vivantes en communauté rurale à Taïwan dans les années soixante est très parlant à ce sujet. L’auteur insiste sur un point remarquable intéressant directement notre sujet : « En toutes circonstances– écrit-il – la théologie taoïste est mathématique »[23]. La catégorisation numérique de la triade des dieux primordiaux, des souffles et du panthéon intérieur y prend une grande importance. Cet aspect du taoïsme apparaît étrange voire bizarre pour nos yeux d’occidentaux, il est à interpréter comme un effet de l’écrit sur le discours, effet d’une lettre se calquant sur la vertu première du nombre cardinal. La corrélation des Nombres avec la divination et donc l’écriture a très tôt été opératoire en Chine. Marcel Granet a relevé l’intérêt essentiel des Chinois pour les Nombres, leur valeur emblématique, classificatoire de l’espace-temps [24]. Ils permettent de mettre en ordre et rapprocher des réalités apparemment disjointes sous une forme unifiée, la mise en série d’unités identifiées pouvant être manipulées[25]. La numérologie chinoise a renforcé le pouvoir de l’écrit et du texte d’une incontestable aura qui continue à fasciner à travers un livre aussi prestigieux que le Canon des Mutations ou Yi Jing. Les spéculations offertes par les recombinaisons de la célèbre paire primordiale, « un yin un yang tel est le Dao », ont permis de relier et faire rentrer dans un discours naturalisant les différents aspects d’une réalité toujours envisagée dans les mouvements de leur dialectique primordiale.
Quel mot pour dire la lettre ?
La langue monosyllabique coulée en unités d’écriture a été renforcée par une logique de discours s’appuyant sur une numérologie. « La prise de l’être parlant sur le monde où il se conçoit comme plongé, cette prise ne va en augmentant que dans la mesure où quelque chose s’élabore et c’est l’usage du nombre »– dit Lacan- et de poursuivre : « Je prétends vous montrer que ce nombre se réduit tout simplement à YADLUN »[26]. Cette formule lancée en apostrophe par Lacan concerne un réel et ce réel il le signifie avant tout dans un mode d’écriture. Présence de l’écrit dans le dire la formule Yadlun vient briser une évidence, celle d’une pensée qui ordonne en termes d’individualités. Critique de l’individu conçu comme réalité organique indépendante organisant le discours contemporain, ce yadl’un se rapporte à l’au-moins-un, réécriture par Lacan du mythe freudien : « il donne à ce qui se pose comme fonction valeur qualifiable du vrai »[27]. L’Œdipe de Freud est un mythe écrit développe Lacan et ce mythe inscrit ce qu’il en est du rapport sexuel, pas d’Un sans l’Autre. La castration ne tient pas à un organe mais à une jouissance discordante entre homme et femme à la place de laquelle se situe le signifiant phallique. Accès par le symbolique d’un réel qui n’est pas la réalité précise Lacan. Le triangle homme-femme-phallus reste ouvert par un de ses côtés, le phallus n’est en aucun cas un médiateur d’un hypothétique rapport. Le phallus prend dès lors fonction de lettre dans une écriture qui le développe comme opérateur logique. « Il n’y a pas dans le langage d’autre Bedeutung que le Phallus »[28], la part écrite du langage dominant la plupart des discours en Chine cette signification phallique est largement portée par l’écriture[29]. Les femmes ont d’ailleurs eu très longtemps un accès limité à celle-ci. Poursuivant sur le semblant dont s’habille toute signification phallique, Lacan dans les métaphores d’un style propre au lettré calligraphe déclare que « L’écriture n’est depuis ses origines …que quelque chose qui s’articule comme os dont le langage serait chair »[30]. En ce qui concerne la jouissance sexuelle il n’y a justement pas d’os comme le dit avec ironie Lacan, c’est pourtant de cela que doit rendre compte le discours analytique et que Freud a inscrit à l’aide de métaphores devant beaucoup à la mythologie. Point d’appui extérieur nécessaire à une logique binaire du il y a ou il n’y a pas. C’est de celle-ci que Lacan cherche à dégager la psychanalyse. Lacan renomme le mythe freudien du père de la horde primitive, l’exception à la fonction phallique, comme pas-plus-d’un. Fonction essentielle dit-il et « qu’il convient de réserver à l’écrit »[31]. Le mythe tente d’écrire un impossible en recourant à l’image d’un père qui s’excepterait de la castration. L’essence des monothéismes réside là pour Lacan. Le mythe du devin Cang Jie à l’origine d’une écriture que ses quatre yeux peut déceler dans les linéaments des constellations ou d’objets terrestres, le mythe du Diagramme du Fleuve (河圖he tu)selon lequel des nombres représentés par des ronds sur un carré magique sont dévoilés au regard de Fuxi sur le dos d’un animal chimérique sorti du fleuve-berceau de la civilisation Han, sont la version chinoise de ce chainon manquant en jeu dans toute question sur l’origine. Ces mythes font autrement écho à Yadlun, non pas Un de totalité mais répétition d’Un, prolifération d’uns, pluralité qui réside dans le réel du signe d’écriture allant jusqu’à s’assimiler au nombre. Les objets d’art énigmatiques que soumet à notre regard l’artiste coréen Chung Yung Wang le montrent magnifiquement.
La lettre chinoise dans son unité signifiante ramassée sert à Lacan de support métaphorique pour illustrer ce qui est à l’œuvre dans l’identification, il ne s’agit pas tant de la signification que celle-ci véhicule que de son effet comptable. Par la répétition de l’inscription signifiante dans les deux dimensions d’une surface d’écriture ainsi que Freud[32]définissait l’espace psychique, le sujet peut se compter comme UN, un-en-pluséchappant comme tel à une addition comptable car tout en s’en constituant il en reste exclu. Répétition non d’une « identité de semblance » mais identité d’un quelque chose qui fera trait d’une inscription dans l’après-coup du mouvement scandé d’une pure différence signifiante[33]. C’est bien cette pure différence qui se répète dans la succession de caractères uniques et autonomes lorsqu’on est face à une calligraphie chinoise qui fascine le regard. Il y a une affinité repérée par Lacan entre lettre chinoise et trait unaire, l’einziger zugfreudien. Cette affinité lui fait appui pour se dégager d’une conception imaginaire de l’identification (encore largement dépendante d’une certaine conception de la mimêsis[34]) et s’attacher au réel d’une structure combinatoire à l’œuvre dans la mise en place de la textualité inconsciente, tissage de fils langagiers par la navette pulsionnelle. C’est bien dans cet écart créé entre effet réel de la lettre à même le corps jouissant et symbolique signifiante de la parole que Lacan remettra sans cesse le discours analytique sur le métier. Ce lien de l’identification au trait peut se traduire comme trait d’écriture, je pense ici à une situation clinique qui m’avait été rapportée lors d’une supervision à Shanghaï. Le thérapeute présentait le cas d’un jeune garçon de neuf ans en 3èmeannée primaire dont les parents l’amènent en consultation par ce que très peu sûr de lui, s’isolant. Son institutrice pointe qu’il est en difficulté dans l’écriture, il manque toujours un ou deux traits dans ses caractères et lorsqu’il écrit le nom de celle-ci il manque immanquablement un trait. Les premiers entretiens débutent sur de nombreuses questions concernant le chat de la thérapeute : « C’est un mâle ou une femelle ? Est-il castré ou pas ? ». Il se pose des questions comme « le chat mâle a-t-il des seins ou pas ? » Il manifeste son dégoût de la sexualité tout en s’interrogeant sur celle-ci par ses questions sur les félins. Ses jeux sont très orientés vers des jeux effrayants qu’il trouve sur le smartphone de son père, personnalité du monde médiatique, dont la violence qu’il évoque spontanément lui fait peur. Il s’intéresse beaucoup aux armes, pistolets en tout genre qu’il aime dessiner. C’est bien de son identification comme garçon qu’il est mal assuré, son insécurité se fixe sur sa propre « puissance » phallique centrant une image narcissique en difficulté dans ses rapports aux autres. Le trait manquant de l’écrit devient lieu du symptôme.
Au commencement était le geste
En même temps que cette si singulière spécificité de la lettre chinoise qui fait que chaque lettre est une représentation de mot parfois vide de toute signification propre, c’est à la lettre dans le geste de son exécution calligraphique que s’intéresse Lacan[35]. Ce que nous nommons calligraphie (art de l’écriture shu fa書法comme le propose Billeter traduisant mieux sa désignation en chinois) est cet art suprême du lettré mêlant à un degré de synthèse inconnu en Occident connaissance intime des textes canoniques, pratique poétique, culture de soi dans tous les sens du terme et maniement du pinceau, outil commun à la calligraphie et à la peinture[36]. La calligraphie est un art du geste, elle implique tout le corps, « Les Chinois ont toujours su qu’au commencement de l’écriture était le geste » souligne Billeter. Les caractères se mémorisent plus par les schémas moteurs qu’ils mettent en branle que par la mémorisation de leur image comme ont tendance à le penser les Occidentaux. Apprendre peut aussi vouloir dire imiter en chinois et cette polysémie du mot chinois xue 學est déterminée par un apprentissage où la répétition par imprégnation du modèle tient une large place, et ce tout au long des années d’initiation à l’écriture et encore après dans l’imitation du maître que l’on se choisit. L’éducation chinoise est souvent qualifiée comme une orthopraxie du geste. Apprendre en acte est savoir acquérir un ensemble de comportements instaurés par des siècles de ritualisme. Dans le terme moderne de politesse il y a le caractère du rite. L’éducation chinoise jusqu’à ce jour fait une bien moindre place à la parole. C’est une constante qui déconcerte les psychanalystes occidentaux et nécessite des ressources de tact dans les entretiens mettant en présence parents et enfants. La conséquence couramment observée de cette éducation réprimant sentiments et émotions est la fréquence des débordements d’émotions, les colères qui se manifestent en actes destructeurs, portes claquées voire brisées, objets cassés etc…Il faut nuancer ceci par le phénomène des enfants uniques, plus habitués voire incités à exprimer leurs demandes, et tenir compte de l’écart avec une génération de parents, maintenant devenus grands-parents, ayant vécus un contexte social aussi radicalement différent. Certes on en est plus à la famille patriarcale de l’époque impériale, les changements sociaux et leurs répercussions sur la famille sont majeurs, cependant le contexte socio-politique de ces dernières années après une période de relative libéralisation pose question sur un contexte plus général de défiance quant à la circulation de la parole par ce que potentiellement dangereuse.
Un éléphant dans un magasin de porcelaine
Pour poursuivre voici un petit apologue, il a pour titre : « Comment les aveugles voient-ils un éléphant ? ». L’histoire débute par l’arrivée d’un éléphant amené d’une contrée lointaine dans un pays où personne n’en avait jamais eu connaissance. Autour de lui se pressent quatre aveugles curieux de se faire une idée d’un animal aussi extraordinaire : c’est au tour du premier de le découvrir à tâtons. N’ayant pu poser les mains que sur une de ses longues défenses il s’écrie : « Maintenant je sais, l’éléphant a l’aspect d’un très long et très dur gourdin ». Ensuite un deuxième aveugle plus grand que le premier ayant tâté l’oreille de la bête dit : « c’est tout à fait inexact, l’éléphant ressemble à un très souple et large éventail ». Un troisième, bien plus petit que les autres explorant de ses mains une de ses pattes dit : « Que racontez-vous, l’éléphant n’est vraiment pas ce que vous croyez, il a l’aspect d’une puissante colonne ». Je vous épargnerai ce que dit le quatrième aveugle. Cette fable probablement d’origine indienne est reprise fréquemment dans l’enseignement bouddhiste. Elle est moins explicite qu’il n’y paraît : en effet éléphant en langue chinoise se dit xiang 象, la stylisation de l’animal telle que l’explique le très ancien dictionnaire étymologique des caractères chinois constitué au premier siècle de notre ère par Xu Shen(le shuo wen jie zi, soit ce qui se dit en tant qu’écritcomme le traduit partialement Lacan)[37]semble donner raison à une première conception occidentale de la lettre chinoise qui pensait pouvoir la définir comme un pictogramme ou un idéogramme. En effet dans sa forme archaïque le caractère fait presque distinguer un corps affublé de cette longue trompe qui caractérise l’animal. L’explication ne s’arrête cependant pas sur une supposée proximité de la forme dessinée avec la chose représentée puisque l’explication renforçant la construction mythique d’une écriture se réfère à une célèbre métaphore du penseur légiste Han Feizi. Je la reprends telle qu’elle nous est présentée par Anne Cheng dans son Histoire de la pensée chinoise : « Les hommes voient rarement un éléphant vivant, mais quand ils trouvent la carcasse d’un éléphant mort, ils se fondent sur cette vision pour se le figurer vivant. Voilà pourquoi tout ce qui sert à se former une idée ou une figure est appelé xiang 象»[38]. Ainsi le philosophe Han Feizi nous le dit clairement, croire que l’on pourrait se représenter dans les traits ramassés d’une seule figure la chose dont on parle est une illusion, mais une illusion nécessaire, la vérité n’a-elle-pas structure de fiction ? La déclaration du philosophe légiste est ambigüe, elle manifeste une défiance par rapport au langage, le mot n’est pas la chose, tout en consacrant la valeur mythique d’une figure de style largement utilisée puisque ce caractère est fondamental dans la pensée chinoise. L’importance de ce caractère emblématique n’a pas échappé à Lacan. Si l’éléphant fait la couverture de l’édition du séminaire II de l’édition du Seuil c’est en se reportant à la leçon du 12 Mai 1955 que l’on peut le comprendre. Ce n’est pas le potentiel trompeur du signe dévitalisé par rapport à la choseque Lacan y met en exergue, mais tout ce qui peut arriver à cette chose dès lors qu’elle rentre dans le monde des hommes par le pouvoir de la nomination[39]. Ce caractère xiang, mot de la langue qui signifie encore actuellement « éléphant » a une place toute particulière dans la pensée chinoise, il devrait faire partie de ce que Barbara Cassin nomme « intraduisibles ». Concepts fondamentaux d’une langue ayant presque valeur de nom propre, ils donnent à penser et font toute la saveur et le tourment des traducteurs. On peut en effet traduire xiangpar figure, par image ou encore et surtout par symbole selon les contextes car il rentre dans la traduction chinoise actuelle tant du symbolique que de l’imaginaire lacanien en composition avec un deuxième caractère[40]. Une autre signification possible et non des moindres lui donne le sens d’imiter, ressembler lorsqu’on lui ajoute la clé de l’homme 像. Cette proximité postulée de la représentation graphique avec son signifié mène à faire oublier l’articulation aux mots de la langue parlée. Mythe[41]fondateur d’une langue graphique naturalisant les éléments qui la composent, la langue de l’écrit prolifère généreusement (les zi 字sont engendrés) à l’image de la Nature produisant les dix mille êtres (le萬物wan wu du Dao De Jing, Le livre de la voie et sa vertu). Le mot xiang dans la réflexion des penseurs chinois ne désigne pas le signe d’écriture comme tel, il est ce qui en précède l’avènement et le conditionne dans son surgissement, c’est une « figure dynamique » comme le traduit Jean-François Billeter. Calligraphie et peinture se rejoignent en sa signification par ce qu’il revient au peintre-calligraphe de capter les figures mouvantes du réel[42]. Ni dessin ni lettre, ce caractère est majeur tant pour les penseurs que pour les artistes. Il traduit bien l’essence et le mobile de l’écriture pour les Chinois : capter l’essence des êtres et des choses dans leur « réalité unique et singulière »[43]. L’origine divinatoire de l’écriture chinoise sur les carapaces de tortue marque indélébilement la formalisation rituelle qui caractérise sa mise en place. Il s’y opéra par le savoir-faire codifié du rituel mantique, indispensable à tout événement social d’envergure, la mise en correspondance progressive des phonèmes de la langue parlée avec des signes graphiques dont la plupart constituaient au départ des noms propres. Dans un jeu de questions adressées aux dieux et mânes des ancêtres, où tout est pensé dans un grand souci de correspondances que favorise les ressources analytiques du signe graphique, l’écriture insuffle une aura de sacré. A contrario de la lettre hébraïque cette valeur sacrée ne véhicule pas l’idée d’un unique dieu créateur. L’origine oraculaire de l’écriture n’a pas plus évolué vers une religion avec sa caste de prêtres car son ordonnateur et mandataire principal est resté le chef d’un lignage cherchant à se conformer à la volonté de dieux et ancêtres[44]. La signification de l’écriture est cependant restée quasi religieuse pour les lettrés. L’écriture garde aux yeux des Chinois un prestige et une puissance lui accordant plus le pouvoir de susciter le réel que celui d’être l’instrument pour en rendre compte. Le caractère Xiangc’est encore le terme consacré pour ces célèbres figures hexagrammatiques du livre canonique dit livre des Mutations ou livre du Changement. Héritier direct des pratiques divinatoires des scribes–devins de temps immémoriaux, il consiste en figurations instables de situations, mouvances du réel chiffrées en un nombre limités de figures issues d’une combinatoire obéissant à une rigoureuse succession logique. Dans la pratique divinatoire chinoise ce n’était pas temps la réponse de l’augure qui était attendue que sa capacité à incorporer les contingences d’une situation dans les coordonnées d’un discours capable de mettre en résonance les affaires humaines avec le cours naturel des choses. Les textes ne cessent de souligner l’importance à accorder à la sagesse de ceux qui se constituent lecteurs de la figure divinatoire, lecteurs qui très vites par leur connaissance des textes classiques pourront interpréter le résultat de l’opération dans les codes que fournissent des livres canoniques, en l’occurrence le très ancien canon des poèmes. Cela se fera par le pouvoir allusif de métaphores devant être connues par tout homme de qualité. Par leur vertu unifiante et emblématique les Nombres qui antécédent d’ailleurs les traits continus ou discontinus des hexagrammes du Yijing et qui se sont substitués à l’ostéomancie archaïque ont renforcé l’axiome fondateur d’un discours mythique : le graphisme coulé dans une image dynamique dont la structure constitutive se répète est cette unité minimale qui donne à l’écrit la capacité de mettre en correspondance l’ordre cosmique et les affaires humaines. Le Nombre comporte dès lors une valeur de vérité influant une morale, et son application est à rechercher dans des domaines aussi divers que la politique, la sphère privée, les poids et mesures en vigueur dans la société, les punitions et récompenses etc… Nombre, image, graphisme entrent ainsi en fusion avec la Grande triade Ciel-Terre-Homme, ordonnant un monde postulé et vérifié par une écriture capable de faire oublier une de ses fonctions premières, sa capacité de transcrire le phonétisme de la parole. En rester à ce constat serait cependant oublier la présence de la parole dans la place déterminante de la poésie. Poésie où la voix et la récitation sont essentielles pour en restituer toute la saveur. Les poèmes récités et scandés du très ancien texte canonique le Shijing诗经manifestent une oralité riche de scansions et de sonorités incantatoires. Il s’y exprime toute la puissance allusive d’une langue qui à l’instar du signe graphique déplace sans cesse un référentiel qui échappe à vouloir le poursuivre. Ces poèmes d’amour, il faut le souligner, ont constitué matière à d’infinies exégèses et commentaires, leur valeur allusive toujours plus riche est venue donner le modèle interprétatif d’un discours plus tardivement introduit, c’est-à-dire dans la période dite des Royaumes Combattants. Valeur chiffrée, cryptée d’un certain nombre de formules dont la signification politique pouvait entrer en correspondance avec la situation du moment et selon l’habileté de son utilisateur.
Pour conclure : trahir un peu pour traduire et peut-être réinventer
Conclure un exposé sur une question aussi complexe que les interactions entre discours analytique et monde chinois n’est pas chose simple. C’est un chantier qui s’est ouvert à quelques psychanalystes occidentaux et des psychothérapeutes chinois qui tentent d’en tirer quelque chose pour une clinique dont les exigences sont criantes. Les témoignages cliniques des praticiens qui désirent s’initier à la psychanalyse n’évoquent nullement l’idée d’une radicale altérité dans laquelle on se plaît à voir parfois la Chine (Malraux : « La Chine est l’autre pôle de l’expérience humaine »). L’écriture chinoise se confond avec la culture qui l’a inventée, qu’elle cristallise parfois le symptôme est manifeste car le Nom est souvent assimilé au destin en Chine. La lettre y est de plus liée à un accent porté sur une orthopraxie du geste, l’importance de comportements socialement validés. L’éducation se fait plus par imprégnation voire inculcation de ceux-ci. Ce n’est sans doute pas un hasard qu’un des premiers mots de la psychanalyse ayant fait mouche dans la société chinoise fut le mot refoulement, mais en fut-il bien autrement chez nous ? Le rapport au savoir est sans doute un point où des différences tout en nuances se manifestent. Le savoir est traditionnellement plus l’apanage du maître conçu comme sage que comme expert bien que le discours de la science s’affirme toujours plus présent. Le danger de l’image du maître omniscient et ayant de ce fait tout pouvoir est sans doute bien là comme le remarque le sinologue et psychanalyste Rainier Lanselle[45], c’est un écueil dont il faut être conscient, particulièrement dans un contexte culturel qui laisse peu de place à une parole contestataire voire tout simplement critique. Les aléas du transfert, tel qu’on peut l’entendre durant les séances de supervision de la pratique, ne donnent cependant pas toujours raison à ce postulat, celui-ci concerne sans doute plus la transmission de la psychanalyse et les formations données. Le symptôme ne peut être interprété par un discours culturaliste qui ne renverrait qu’à une conception archaïque de la Tradition. On sait à quel point celle-ci peut tourner à la promotion d’une idéologie identitaire, le Moi est bien comme le souligne Freud le plus puissant agent du refoulement. Il n’en reste pas moins que la psychanalyse par le considérable effort de traduction qu’elle nécessite est l’occasion de puiser dans les richesses d’une tradition souvent ignorée. « L’analyse est un fait social tout au moins, qui se fonde sur ce qu’on appelle la pensée, qu’on exprime comme on peut avec lalangue qu’on a »[46]dit Lacan dans son avant-dernier séminaire Le Moment de conclure. Les Chinois si sensibles à la lettre dans tout discours pourront-ils se convaincre que la psychanalyse ça opère ? Seul l’avenir le dira.
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[1]Jean-François Billleter : « Essai sur l’art chinois de l’écriture et ses fondements ». p144- Editions Allia 2010.
[2]Cf. le commentaire de Lacan sur le caractère wei為séminaire 18, leçon du 10/2/18.
[3]Séminaire 18, séance du 20/1/1971.
[4]Huo Datong fut le premier analysant chinois engagé en France avec un psychanalyste lacanien (Michel Guibal). Il est le fondateur d’une école de psychanalyse très active à l’université de Chengdu.
[5]Cf. Séminaire 18, séance du 17/2/1971.
[6]L’étymologie de wen 文se rapporte au dessin de traits entrecroisés à même les choses. Ce caractère fondamental ce rapproche de xiang象dont l’importance dans la pensée chinoise est relevée plus loin dans ce texte. Tout en précédent le wen, xiang désigne le stade antérieur d’une mise en forme, nomination encore muette d’une structure écrite si on permet l’oxymore, qui établit une première catégorisation des choses.
[7]Cf. Freud « L’interprétation des rêves » O.C. vol.IV p.151 PUF repris par Lacan, Séminaire II leçon du 9/3/1955
[8]« Vous m’accorderez que le un qui est introduit par l’expérience de l’inconscient c’est le un de la fente, du trait, de la rupture ». Cf. Lacan, séminaire XI, leçon du 22/1/1964. – On pourrait dire qu’à trop vouloir identifier le un de la lettre dans ce qui se manifeste de l’inconscient on en vient à manquer le réel qui y surgit comme ne cesse de témoigner Freud dans le mot d’esprit, les figurations du rêve ou les symptômes névrotiques. « Ce un est un mirage- dit encore Lacan– sorte de double de l’organisme où résiderait cette fausse unité ». Le statut topologique de la lettre des derniers séminaires l’aborde tout autrement, il approche le réel du symptôme et son lien à l’identité de la lettre. Cf. Eric Porge : « Lettres du symptôme ». Erès 2010
[9]Michel Foucault : « Les Mots et les Choses » p. 127. Edition Gallimard
[10]Cf. l’article de Yijing Zhang, Le Logos est-il un nom propre ?ou la logique aristotélicienne est-elle traduisible en chinois ? dans « Psychanalyser en langues : intraduisibles et langue chinoise ». Sous la direction de B. Cassin et Fr. Gorog. Ed. Demopolis 2016.
[11]Cf. Le numéro (27) préparé par Anne Cheng et consacré sur le sujet par la revue Extrême-Orient, Extrême-Occident « Y a-t-il une philosophie chinoise ? Un état de la question »
[12]Cf. à ce propos les articles du prof. Xiaoquan Chu et de Guy Flécher sur le site Lacanchine, ou encore le bien documenté livre de Philippe Porret « La Chine de la psychanalyse » p.192 et suiv. Ed. Campagne Première 2008. La traduction de ce passage du Mencius est énigmatique depuis des générations pour les exégètes chinois eux-mêmes.
[13]Léon Vandermeersch : « Les deux raisons de la pensée chinoise, divination et idéographie ». Gallimard 2013.
[14]Jacques Lacan : « D’un discours qui ne serait pas du semblant » p.25 – Edition hors commerce ALI 1994
[15]« L’interprétation n’est pas mise à l’épreuve d’une vérité qui se trancherait par oui ou par non, elle déchaîne la vérité comme telle ». Idem leçon du 13 Janvier 1971.
[16]« Tout ce qui est discours ne peut que se donner pour semblant » y tient Lacan en prenant appui sur le « Traité des Météores » de Descartes et sa théorie de l’arc-en-ciel, entre illusion des sens et réalité physique. Lacan y trouve un moment essentiel de fondation pour le discours scientifique. La linguistique structurale sera toute empreinte de ce mode de rationalité. La barre séparant signifiant et signifié est avant tout un mode d’écriture inaugurant un discours. Cf. séminaire 18, leçon du 13/1/1971.
[17]« Là où le singulier de la main écrase l’universel » Lacan assimile la lettre à peine méconnaissable de la calligraphie cursive à « produire la rature », mise en place de l’Achose, oxymore dans l’homophonie d’une équivocité entre deux termes qui lui sont chers (A et a). « Produire cette rature c’est produire cette moitié dont le sujet subsiste » Cf. Séminaire 18 leçon du 12 Mai 1971.
[18]Jacques Lacan : « Autres Ecrits » Litturaterrep.17 – Seuil
[19]Ce caractère a l’aspect d’un triangle, à un côté près puisqu’il reste ouvert, comme interrompu par un trait. Ce trait est le trait de l’écrit, effet de langage empêchant qu’il y ait véritablement rapport entre deux sommets. Le phallus n’est en aucun cas médiateur.
[20]Jacques Lacan, Séminaire XVIII, séance du 17/2/1971.
[21]Equivoque Joycienne de Lacan, mansion vient du latin mansio qui signifie demeure ou encore demeurer. La lettre fait godet (d.e.m.a.n.s.i.o.n) en ce qu’elle vient battre le flux du signifiant et en modifie le cours. Autre ficelle à tirer dans ce nœud de sens, l’astrologie chinoise divise le ciel en 28 mansions.
[22]Jean-François Billeter : « Essai sur l’art chinois de l’écriture et ses fondements » p.35 – Edition Allia 2010.
[23]Kristoffer Schipper : « Le Corps Taoïste » p.160, Fayard 1982.
[24]Marcel Granet : « La pensée chinoise »Les Nombresp.149 et suivantes, La Renaissance du Livre 1934, réédité en poche.
[25]Mark Lewis : « Writing and Authority in Early China » p.278 State University of New-York press.
[26]Jacques Lacan : « Ou pire » Leçon du 19 avril 1972. Edition hors commerce ALI
[27]Idem
[28]Jacques Lacan : « Ou pire » leçon du 9 Juin 1971.
[29]La traduction du concept de Phallus n’ayant pas son équivalent mythologique grec sur lequel s’appuie nos langues occidentales le mot chinois évoque dans une homophonie approximative la loi (法律石fa lü shi pierre de la loi).Une autre traduction évoque la stèle dressée, surface d’écriture calligraphiée (石祖évoque la stèle ancestrale). L’évocation de la dimension sexuelle vectorisant le désir, où se conjoignent avoir et jouissance est bien lointaine ce qui en retour laisse apparaître la dimension mythique dans nos langues d’un terme clé de la psychanalyse. Le modèle ancestral symbolique chinois vient à la place d’un imaginaire mythique occidental, comment échapper au semblant ? On voit qu’on aborde la castration, lot de tout parlêtre,par un biais différent selon la culture : mise en valeur du rite pour l’une, du mythe pour l’autre.
[30]Jacques Lacan : « Ou pire » idem. La métaphore de la chair et des os décrit une règle de composition du caractère, un équilibre nécessaire entre deux aspects de la forme d’ensemble. La métaphore est une figure consacrée de la consubstantialité généalogique père-fils.
[31]Jacques Lacan : « D’un discours… » leçon du 17 mars 1971
[32]Cf. l’importance donnée par Freud à la surface du corps comme lieu d’échange : « Le moi est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais il est lui-même la projection d’une surface » dans Le Moi et le Ça « Essais de psychanalyse ». A cette intuition freudienne d’un Moi représentable comme surface d’inscription on peut associer l’importance accordée par la médecine chinoise aux méridiens énergétiques à l’interface mettant en contact les énergies du corps et les énergies du monde. Plus prosaïquement et à la manière bouddhiste Lacan ironisera sur ce Moi comme image d’un sac troué, baudruche surtout occupée de vacuité.
[33]Cf.la référence faite par Lacan àl’unique trait de pinceauextrait du magnifique ouvrage du lettré-calligraphe Shi Tao inspirant des générations de peintres : « Les propos sur la peinture du moine citrouille-amère » traduit par Pierre Ryckmans, Institut Belge des Hautes Etudes Chinoises, Bruxelles 1970.
[34]Le passage de la théorie classique de la mimêsis, théorie artistique héritée de Grèce et interprétée dans le registre de la ressemblance par les différents mouvements de pensée philosophiques occidentaux, à la conception radicalement nouvelle de l’image par Descartes est un tournant essentiel de la pensée occidentale. Celui-ci ouvre à une théorie de la représentation fondée sur le signe et non plus sur une conception picturale de l’image, ouvrant ainsi la représentation à une conception plus symbolique. Cela permettra par ailleurs de recentrer la mimêsis sur la représentation dans l’action théâtrale et la fiction poétique. Cette question de la représentation et de son représentant qui n’est pas l’image mais pourtant l’implique traverse la question posée par la découverte de l’inconscient. La mimêsis parcourt aussi et à sa manière spécifique la pensée chinoise mais à partir de la figure et du signe d’écriture comme le développe la réflexion sur le caractère xiang象un peu plus loin. Cf. aussi sur cette question l’indispensable « Vocabulaire Européen des Philosophies, dictionnaire des intraduisibles », article Mimêsis. Sous la direction de Barbara Cassin. Ed. Seuil-Le Robert 2004.
[35]Tel que le définit Saussure le signifiant est unité différentielle d’un système d’opposition, par essence vide de tout signifié défini ou fixé. Le caractère chinois s’en approche mais dans le cadre d’un tout autre discours. Il opère comme une matrice mythique, forme se vidant régulièrement d’un sens figé mais ouverte à un espace de pensée renouvelant sans cesse le discours. (Cf. Le Mythe aujourd’hui de Roland Barthes dans « Mythologies », Points – Seuil).
[36]Le chinois utilise le même mot pour dessin-dessiner ou exécuter un trait de calligraphie hua画et sous forme non simplifiée 劃(l’image du caractère associe le calame, la surface d’inscription comme champ et le tranchant du couteau). Est-ce un hasard des équivoques, certes nombreuses en Chinois, que hua, avec le même ton signifie aussi parole mais écrit par un autre caractère 話 ? « Une langue entre autres n’est rien de plus que l’intégrale des équivoques que son histoire y a laissé persister » dit Lacan dans l’Etourdit. Ce en quoi l’analyste ne peut souscrire à la théorie de l’arbitraire du signifiant.
[37]La traduction de lacan est plus proche d’une traduction littérale de wen yan文言soit langue graphique que de shuo wen jie zi 说文解字soit « propos sur les wen et analyse des zi » selon la traduction plus fidèle de Françoise Lauwaert dans son excellent ouvrage « Puissance et pouvoir de l’écriture chinoise ». Académie royale de Belgique, Edition L’académie en poche 2015.
[38]Anne Cheng : « Histoire de la pensée chinoise » p. 263- Seuil 1997
[39]Lacan : « Les écrits techniques de Freud » leçon du 12/5/1955.
[40]Le symbolique s’écrit xiang zheng象征et l’imaginaire xiang xiang想象. L’on voit que xiang est respectivement en place de déterminé puis de déterminant selon la place occupée dans le binôme signifiant de la langue actuelle. Ces binômes fusionnent le sens de deux caractères en faisant passé sous la barre toute signification propre à un seul caractère pour initier une idée nouvelle. Imaginaire et symbolique présentifient bien la question de la figure comme signe, fixiondu semblant par l’écrit pourrait-on dire en paraphrasant les homophonies de Lacan. Présence aussi du mythe naturaliste de la naissance de l’écriture chinoise dans le discours moderne. Cette question de ce que Lacan nomme semblantest au cœur de nos théories de la représentation et du trop banalisé concept d’image mentale, ce n’est pas sans rappeler les débats en Occident sur la Mimèsis (cf. note 14).
[41]Sur le lien mythe-écriture cf. Françoise Lauwaert : « Ecriture et mythologie, à propos du Shuowen Jiezi de Xu Shen » Civilisations vol. 46 n°1/2 1998, http://www.jstor.org/stable/41229596.
[42]Billeter cite un célèbre calligraphe soulignant la nécessité de saisir le moment expressif, de littéralement capter les figures 取象qu xiang. Cf. Billeter ouvtage cité p.255
[43]Jacques Gernet : Aspects et fonctions psychologiques de l’écrituredans « L’intelligence de la Chine, le social et le mental » p.372 – nrfGallimard 1994.
[44] « … les devins ne deviennent pas prêtres ce qui ne se pourrait sans entraîner la ruine complète du culte des ancêtres » Léon Vandermeersch dans « Wang Dao ou La Voie Royale » p.280, Publication de l’E.F.E.O. Paris 1980.
[45]Rainier Lanselle : « La Chine des psychanalystes français » consultable en ligne sur le site Lacanchine.
[46]Jacques Lacan : « Le moment de conclure » leçon du 11 avril 1978. Edition hors commerce ALI.