Cette question du mythe et du délire est considérable. Elle est la même d’une certaine manière que celle du rêve. Et ce triptyque du mythe, du délire et du rêve est un de ceux qui ont animé les débats au début du siècle dans ce champ neuf de la psychanalyse qui s’inventait avec S. Freud et quelques autres.
Elle est considérable non seulement par l’importance de la littérature qui lui est consacrée mais aussi, et plus fondamentalement, parce qu’en suivant ce fil nous sommes amenés à revisiter ce qui va faire l’histoire de la psychanalyse: c’est-à-dire une relecture des points carrefours où quelques-uns, devant les conséquences à tirer de leurs travaux, se sont arrêtés là où d’autres, comme J. Lacan, ont fait cet effort de bonne logique.
Cette importance est d’autre part paradoxale. En effet si très tôt les débats sont vifs et animés sur ces questions, les termes de la discussion restent en l’état jusqu’à ce que J. Lacan les reprenne pour les remettre au travail dans les termes d’une logique du signifiant. C’est ce qui fait un des intérêts de ce séminaire sur les structures freudiennes des psychoses de 1955-56 où J. Lacan aborde cette question du délire avec les repères apportés par S. Freud.
Quels sont ces premiers repères et termes dans lesquels S. Freud pose cette question du délire? Il faut tout d’abord noter que Freud s’applique à lire le délire pour en dégager sa structure et son mode d’organisation. Nous trouvons ses propos les plus articulés dans ses commentaires des mémoires du Président Schreber. Des propos lumineux dont il n’est fait que très rarement cas et leur importance nous impose de les citer. "Si nous envisageons l’ensemble du délire, de la même manière que le persécuteur se décompose en Flechsig et en Dieu, Flechsig lui-même se divise ultérieurement en deux personnalités, le Flechsig "supérieur" et le Flechsig du "milieu", ainsi que Dieu se divise en Dieu "inférieur" et Dieu "supérieur". Dans les stades ultérieurs de la maladie, cette décomposition, pour Flechsig va plus loin encore. Une telle décomposition est tout à fait caractéristique de la paranoïa. La paranoïa décompose comme l’hystérie condense. Ou plutôt la paranoïa désagrège les identifications et les condensations produites dans le fantasme inconscient. Le fait que cette décomposition soit répétée plusieurs fois chez Schreber est, selon C. Jung, l’expression de l’importance de la personne en question. Toutes ces divisions de Flechsig et de Dieu en plusieurs personnes veulent donc dire la même chose que le partage du persécuteur en Flechsig et en Dieu. Ce sont des redoublements du même rapport significatif, comme O.Rank a pu le reconnaître dans la formation des mythes. Mais pour l’interprétation de chacun de ces traits, nous sommes de plus renvoyés à la décomposition du persécuteur en Flechsig et en Dieu, et à la conception de cette décomposition comme étant une réaction paranoïde à une identification auparavant établie entre les deux, ou à l’appartenance des deux à une même série."
"Là où l’hystérie condense le paranoïaque décompose", et "un même rapport significatif" entre ces deux termes, voilà ces deux propositions freudiennes centrales que je vous propose de suivre dans ce travail.
Dans son étude sur les mythes qu’avance O. Rank sur cette question des "Doublierungen", de ces redoublements ou oppositions auxquels S. Freud fait une telle place? Dans son incontournable article "Le mythe de la naissance du héros", cité par S. Freud, il y démontre comment l’ensemble des mythes vient répondre à une séquence discursive et comment le mythe, dans son travail de décomposition, a une structure paranoïde et possède ainsi une organisation analogue à celle du délire. Cet article date de 1909 et inspire manifestement S. Freud dans ses travaux. D’autre part S. Freud fera une place toute particulière dans la quatrième édition de la Traumdeutung en 1914 à deux articles de O. Rank, l’un sur "Rêve et mythe" et l’autre sur "Rêve et poésie". Tous ces articles tournent autour de quelque chose de la structure, c’est-à-dire de quelque chose qui organise aussi bien l’individuel que le collectif.
Cette séquence discursive, ou ce "mythe-type", vient s’écrire de la manière suivante:
1 Le héros est l’enfant de parents les plus éminents; c’est la plupart du temps un enfant de Roi.
2 Sa naissance est précédée de difficultés comme la continence ou une stérilité, ou de rapports clandestins entre les parents à la suite d’interdits ou d’obstacles extérieurs; au cours de la grossesse, ou même avant, un présage (rêve, oracle) vient mettre en garde contre cette naissance, annonçant le plus souvent un danger pour le père.
3 En conséquence, le nouveau-né est destiné à la mort ou à l’exposition, le plus souvent à l’instigation du père ou d’une personne qui en tient lieu; habituellement il est confié à l’eau dans un coffret.
4 Il est ensuite sauvé par des animaux ou des gens de basse condition (des bergers) et allaité par un animal ou une humble femme.
5 Devenu grand, il retrouve, à travers maintes aventures ses nobles parents, se venge de son père, et d’autre part, reconnu, parvient à la gloire et à la renommée.
Cette séquence est lue par O. Rank comme scandée, rythmée, par le jeu d’un redoublement qui vient ici s’écrire par la succession temporelle de ces deux couples parentaux. La tension introduite dans le déroulement du mythe l’est par cette double scansion qui se conclut par un retour et boucle le scénario.
Ainsi le mythe de la naissance du héros dans cette séquence viendrait nous présenter une analogie entre le héros et le moi de l’enfant, moi de l’enfant pris dans une opposition semblable entre ses parents rêvés et ses parents réels. Le moi de l’enfant ne serait pas autre chose en fait que le héros de cette fiction romanesque et le mythe la réalisation du fantasme du roman familial.
Ces travaux ont une grande importance et ils sont, me semble-t-il, bien souvent mésestimés. En effet, dégagés de la gangue imaginaire qui les affaiblit, s’y trouve à lire des repérages qui nous intéressent.
D’où cette conclusion de O.Rank: le délire est construit comme le mythe. C’est-à-dire que le mythe peut se lire comme une formation paranoïde. C’est ce trait que fait valoir Freud dans son travail sur les mémoires du Président Schreber.
Il est toujours délicat, pour des raisons épistémologiques, de franchir le seuil d’un champ pour faire valoir dans le champ connexe ou voisin les repères qui ordonnaient le premier. Cependant rien ne nous empêche d’en examiner la cohérence interne à la propre lumière des repères qui viennent l’ordonner comme un champ.
Peut-être vous êtes vous intéressé aux contes et plus spécialement aux contes merveilleux et peut-être êtes vous allé jusqu’à lire les travaux de Vladimir Propp parus en 1928 sous le titre de "Morphologie du conte"? Pour quelques un, dont Claude Lévi-Strauss, ce livre est aussi important dans son domaine que le "Cours de linguistique générale" de F. de Saussure.
En effet de la somme touffue et considérable que forme l’ensemble de ces contes merveilleux russes V. Propp tente de dégager les lois et une écriture de ce qui vient régler leur engendrement. Là où jusqu’alors il n’y avait qu’une multiplicité de contes rangés par thèmes et sujets divers il propose une première écriture. De la même manière qu’O. Rank dégageait un "mythe type" il propose un "conte type" susceptible de rendre compte de cette multiplicité; contes qui deviennent dès lors des présentations ou des variantes de ce "conte type". Que fait Propp avec son écriture? Il prend en compte des jeux d’oppositions pour les nommer et y lire le jeu d’une fonction, à la valeur le plus souvent double. Le conte se résume ainsi à une chaîne de fonctions, réglée et scandée par un certain nombre d’impossibilités.
Le deuxième exemple que je vais évoquer sans le développer plus longuement, pour simplement vous donner l’envie d’y aller lire de plus près, est celui des travaux de Claude Lévi-Strauss. Celui-ci avance dans le champ de l’organisation sociale, de l’art, et des mythes avec une lecture voisine qualifiée de structurale. Il décrit le mythe comme un être verbal où les versions successives du mythe appartiennent toutes au même mythe. Ainsi les questions habituelles sur l’origine du mythe s’en trouvent-elles déplacées. Par exemple la version freudienne du mythe d’oedipe appartient au mythe d’oedipe. Le mythe est donc conçu comme un montage où les relations entre un certain nombre d’éléments sont fixes et constantes; un montage qui doit prendre en compte toutes les versions existantes et rendre compte de toutes les versions susceptibles de s’inventer…. Cet être verbal peut répondre d’une écriture qu’il nous propose et se prêter ainsi à une formalisation selon deux axes que les linguistes connaissent bien, celui de la diachronie et celui de la synchronie. Si celui de la diachronie prend en compte les versions successives du mythe dans l’écoulement temporel l’axe de la synchronie est lu, par Claude Lévi-Strauss, comme celui mis en acte dans le jeu des oppositions entre deux termes contradictoires, inconciliables, dont l’un ne trouve son statut que dans une opposition radicale, exclusive et fondatrice à un autre; et réciproquement. Aux deux termes d’une première opposition vient se substituer un autre couple de termes opposés et ainsi de suite….C’est ainsi que le mythe est habité par une dialectique qui le fonderait dans son être et dont l’expression ne serait que le travail du mythe; travail qui peut dans certains cas déboucher sur un terme tiers qui possède les qualités des deux termes extrêmes de la contradiction. Cette écriture s’avère, dans ce champ propre, d’une puissance redoutable puisqu’elle permet de rendre compte d’un certain nombre de phénomènes jusqu’alors incompréhensibles pour les spécialistes de ces questions, comme celle du trickster par exemple. Claude Lévi-Strauss conclut son propos en ajoutant que cette formule prendra tout son sens si l’on se souvient que, pour Freud, deux traumatismes sont requis pour que naisse le mythe individuel en quoi consiste une n névrose. Le mythe se donne à lire dans une structure feuilletée qui transparaît en surface dans et par le processus de répétition. La logique qui anime la pensée du mythe ne s’avère que peu différente de la pensée positive; cette différence ne tenant pas tellement à la qualité des opérations logiques qu’aux objets auxquels elle s’applique. Une même logique au travail dans la pensée mythique et dans la pensée scientifique? C’est là sa question conclusive.
J.Lacan connaît ces travaux et dialogue avec leur auteur mais c’est en freudien, et donc en analyste, qu’il aborde ces questions. Le travail de celui-ci appartient à un autre champ que celui de l’anthropologie, à savoir celui de la parole et du langage, champ directement ordonné par le travail de l’analyse où il se donne comme boussole cette logique du signifiant qu’il essaye de dégager. En effet pour l’analyste le symbole n’est pas le signifiant, signifiant spécifié de ce que celui-ci n’est pas identique à lui-même et ne trouve son statut que dans une opposition à un autre signifiant.
Si le mythe est une formation discursive, "un être verbal", pour Lacan il ne fait aucun doute que cette logique qui règle le mythe et cette "Massenpsychologie" n’est pas autre chose que cette logique du signifiant dont il tente de rendre compte. À tel point que dans sa conférence de 1953 intitulée "Le mythe individuel du névrosé" J.Lacan fait le pas de lire le scénario du fantasme du névrosé comme un mythe, c’est-à-dire comme réglé par des jeux d’oppositions. Il s’agit, dans ces deux exemples cliniques, de montrer comment cette clinique répond d’une lecture. Que cela soit du côté de la névrose obsessionnelle avec l’Homme aux rats ou celui de l’hystérie avec le jeune Goethe. Le pli de cette opposition "femme riche/ femme pauvre" repérable dans les propos de l’Homme au rats tels que peut les entendre S. Freud est celui la même mis au travail dans le transfert et la cure. Et cette lecture structurale, celle en jeu dans le travail de la cure, est une lecture qui vient toucher au réel du symptôme. Ainsi, non pas seulement une analogie de structure entre fantasme et mythe mais des formations qui répondent à une même lecture.
Son séminaire sur "Les structures freudiennes des psychoses" de l’année 1955-56 va être l’occasion pour lui de prolonger son travail sur cette logique du délire en s’appuyant à nouveau sur le mythe pour nous en proposer une première formalisation, celle du schéma L, où nous pouvons lire dans son "quatuor" le jeu croisé de ces oppositions. Dans ce schéma nous pouvons y lire une première opposition a-a’ dialectisée autour d’un deuxième axe, l’axe du symbolique. Dans ce séminaire où il rend compte, en suivant S. Freud, du retour xénopathique du trait hallucinatoire de la voix par un défaut de symbolisation d’un signifiant primordial, il nomme pour la première fois ce défaut de symbolisation, une forclusion: un défaut de symbolisation repéré à l’endroit même où la fonction qui noue et règle le jeu de ces oppositions signifiantes fait défaut. Ainsi si l’Homme aux rats, pris dans le jeu des oppositions qui règlent son fantasme, peut se poser la question de son désir en jeu dans cette affaire qui l’habite et mise au travail avec Freud, pour le patient psychosé sollicité dans son désir et démuni au lieu même de ces oppositions, ces oppositions font retour dans les modalités particulières d’un commandement xénopathique et énigmatique. Cette énigme, mise en place par le jeu de ces oppositions, le commande dans le réel. C’était déjà là la lecture freudienne et rankienne du délire schrébérien.
Chacun a pu faire l’épreuve, à un moment ou à un autre, de l’épuisement tout à fait singulier qui peut nous envahir à la simple lecture de ces mémoires et qui mérite en lui-même attention. Et peut-être également de cet étonnement stupéfait qu’a été celui de V. Propp à la manière dont cette somme de contes merveilleux pouvait répondre à une lecture.
Cet étonnement est également le nôtre. En effet suivre le fil rouge de cette lecture inaugurée par Freud ouvre littéralement le livre, l’ordonne et l’architecture dans une quasi topologie. Elle lui donne corps. Et ce livre devient un livre passionnant: c’est-à-dire un livre qui traite de la formation de l’objet.
Ainsi le "dualisme" dont nous parle Schreber n’est pas tenu pour Freud comme anecdotique mais comme un véritable trait de structure. Il nous faut l’examiner d’un plus près. Comment Schreber lui-même le met-il en place?
Tout d’abord ce terme de "dualisme" est un mot de cette langue fondamentale dont les termes sont écrits en italique dans le texte. Cette "Grundsprache" est produite par Schreber dans des conditions particulières puisque c’est sous influence xénopathique que celle-ci s’invente dans un circuit, celui des "phrases interrompues", où Schreber occupe une place essentielle: là est sa mission, une mission imposée où il ne reste à Schreber que le choix de finir par consentir à se plier à cet obscur commandement. C’est-à-dire aussi pour lui l’acceptation de sa féminisation: de fait, seule voie possible pour une reconstruction délirante de sa réalité.
Le "dualisme" se manifeste alors à Schreber comme l’expression de ce qui ne marche plus au royaume de Dieu. Celui-ci est devenu l’enjeu d’un conflit dont il est partie prenante. Dieu a perdu son éternité et ce conflit est l’expression de cette perte. D’où cette mission schreberienne de restaurer cette éternité perdue. Et la perspective qui s’en déduit de repeupler ce monde perdu à son image. Ce "dualisme" s’installe et surgit dans un temps que Schreber décrit comme celui d’une mort du sujet, le "Seelenmord" , un meurtre d’âme qui place l’intimité de Schreber dans une véritable extimité. Plus de chez soi mais un simple espace soumis à un commandement xénopathique aussi impératif qu’obscur. Ainsi se présente ce "dualisme" voisé où, à Flechsig ou à un Dieu antérieur qui parle sur un bord, vient répondre sur l’autre bord de cette faille fondatrice un Flechsig postérieur ou un Dieu postérieur. Au lieu même de ce "Seelenmord" surgit ce que Freud nomme une "décomposition" qu’il lit dans ces jeux d’oppositions qui viennent présenter les deux bords de cette faille réelle et parlante. Ces jeux d’oppositions, s’ils viennent s’écrire dans des termes variables en finissant par se stabiliser dans l’opposition des deux bords de cette faille des royaumes divins en conflits, restent l’expression d’une seule et même contradiction toujours identique à elle-même. C’est du lieu de cette faille, toujours identique à lui-même, que se pose en acte cette question énigmatique qui commande Schreber et l’engage dans son travail d’écriture: travail d’écriture qui n’a pour projet que la formalisation de ce lieu qui le cause en l’engageant dans ce destin, et à qui il donne pour finir le statut d’une énigme….Il y a là quelque chose d’un paradoxe vivant et parlant, au sens fort et logique du terme, qui permet au délire schrébérien de trouver une épaisseur et une certaine consistance. Et seule la voix hallucinée peut donner consistance à ce bord qui fait trait, supporte et introduit ainsi cet au de-là causal irreprésentable. "Je suis le trait" disait un patient dont le propos était de faire la "balance" au lieu même de cette contradiction vivante. Un travail de logique sur le trait pourrait-il produire le lieu d’une cause dont celui-ci se soutiendrait rétroactivement? Telle pourrait être les enjeux d’une telle lecture du délire et du mythe qui pourrait rendre compte d’un côté de l’identification délirante et de l’autre d’une identification communautaire.
Pas de métamythe avec Claude Lévi-Strauss, pas de métalangage avec J. Lacan. Et cette séquence qui a la structure du paradoxe se présente comme une séquence topologique réelle qui présente le lieu vide réel qui la commande, la cause, et dont elle se soutient et s’origine: le lieu d’une énigme.
Ch. Melman, dans son séminaire sur "Les structures lacaniennes des psychoses" donne à cette faille le statut d’une fausse coupure. Et si la topologie schreberienne n’est pas sans évoquer, dans ses raboutages, la bande de Moebius pour en faire son horizon, de fait celle-ci n’est pas moebienne et restera une bande bilatère à deux tours. La structure d’un tel espace-temps, comme le fait déjà remarquer Claude Lévi-Strauss, a dès lors la structure d’un espace feuilleté. Sans franchissement possible pour le psychosé et sans pouvoir prendre à son compte le lieu vide de son énonciation, lieu vide de la vérité, il reste collé et livré au réel de ce commandement obscur. Et ne lui reste que le trait de l’énoncé fondamentalement xénopathique avec lequel faire valoir cette dimension de la cause présentée alors, après ce travail de logique, sous les traits de l’énigme.
S. Freud disait dans une lettre à S. Ferenczi: "J’ai réussi là où le paranoïaque échoue". C’est de ce franchissement ou de son impossibilité pour le paranoïaque dont il est question. Et ce faisant le psychosé invente, établit- dans ce travail de logique avec lequel il trame son délire, c’est-à-dire cette néo-réalité- les lois de la parole qui s’imposent à lui. Et n’ayant pas symbolisé cette fonction qui le spécifierait en tant que parlêtre c’est d’une langue de fond, et non pas d’un ordre signifiant qu’il prend appui, et cet Autre n’est qu’un Autre absolu réel dont le trou ne peut avoir que le statut d’une énigme.
Cette logique qui anime le travail du mythe et celui du délire est une logique dont la spécificité est de s’intéresser non pas tellement à la lettre mais au trait que celle-ci vient soutenir et présenter. Claude Lévi-Strauss pouvait faire valoir comment cette logique n’était pas, dans son fond, si différente de celle qui animait le travail de tout scientifique et nous pourrions ajouter de tout logicien; avec la forclusion adjacente de l’énonciation qui habituellement l’accompagne.
A cette question J. Lacan, à la fin de son enseignement, a pu apporté des éléments de réponse en nous mettent en main les noeuds et tout spécialement le noeud borroméen. La manière dont il nous propose de construire ce noeud n’est pas autre chose que l’expression même de cette logique que le noeud vient nous présenter avec la mise au travail de ce qui fait trait unaire. Et donc d’introduire du même coup le jeu de la différence. Avec la topologie borroméenne l’étude de ces différentes formes cliniques devient l’étude des différentes formes de suppléances possible au défaut de cette fonction qui spécifie le parlêtre; ici cette fonction noeud. Etude qui reste à faire dans la suite du séminaire "Le sinthome".
Et si nous repérons les termes de cette séquence paradoxale dans le délire schrébérien où les repérer et les lire dans les autres formes de délire? Pour le revendiquant, l’interprétatif… et pour l’érotomane par exemple ?
Où repérer les bords de cette faille, de cette contradiction vivante, de cette balance dont parlent souvent les patients?
Et comment mettre au travail de la bonne manière, et en bonne logique, les bords de cette faille si c’est bien elle qui vient s’actualiser jusque dans le transfert? Comment conduire et diriger cette cure si le pli de cette opposition n’est pas symbolisé?
Voilà des questions auxquelles il nous est difficile de nous soustraire et que je vous soumets.