Discussion de la leçon 4
11 février 2022

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L’Association lacanienne internationale
Préparation au Séminaire d’Été 2022 – Étude du séminaire X de Jacques Lacan, L’Angoisse Mardi 19 octobre 2021

 

Président de séance : Pierre-Christophe Cathelineau
Leçon 4 présentée par Valentin Nusinovici
Discutant Didier de Brouwer

 

DISCUSSION

 

Didier de Brouwer – Bon merci beaucoup Valentin [Nusinovici], mais je, voilà ces développements, il y a des moments où je me perds un peu sur cette distinction à faire entre objet a et phallus. Il est beaucoup question encore du phallus dans cette leçon. Il me semble que quand il parle de l’usage fallace de l’objet, dans le fantasme du névrosé et qu’il dit un nom très simple, c’est la demande, c’est bien toute la question, je dirais, de la névrose. 

Comment, peut-être que ma question tourne autour de cette présence ailleurs qui fait cette place comme absence et qui est à l’origine de la question de l’angoisse. Alors comment entendre cette présence ailleurs qui fait cette place comme absente, alors est-ce qu’il s’agit de quelque chose qui reste du côté d’un Autre refoulé, on pourrait dire ?  Alors, il y avait peut-être un point que j’avais envie, enfin, j’en ai déjà un peu discuté dans ma présentation, qui concerne le double, tu disais, le double n’est pas une manifestation habituelle de l’angoisse. Ce qui est probablement vrai, on le trouve plutôt dans les romans ou Lacan l’a bien développé à d’autres occasions. N’empêche qu’il me semble que la manière dont, dans une cure, l’angoisse peut, petit à petit, se dissoudre ou, en tout cas, se résoudre ou aboutir à quelque chose d’autre que le pur manque ou que le vide absolu auquel l’angoissé, parfois phobique, peut se confronter, ne peut se résoudre qu’en passant par les carences du moi-idéal et la manière dont cette carence du moi-idéal peut transparaître dans le discours. Je trouve que c’est un indice clinique qui est tout à fait important dans le déroulement d’une cure, que c’est vraiment en passant par-là que quelque chose peut s’en résoudre, c’est-à-dire qu’on doit passer par ce signifiant refoulé. Voilà. 

Alors peut-être que, il me semble que quand tu parles  de la question de ce bout de corps, d’ objet a  qui est repris par Lacan ultérieurement, en tout cas, dans les développements ultérieurs, sur la question, entre autres, de la circoncision me semble-t-il, est-ce que ça ne fait pas écho, aussi, enfin, je crois que j’ ai déjà ma réponse puisque la belle bouchère entre en jeu par rapport à la question de l’ objet petit postiche mais je trouve que c’ est très en réponse, très en écho avec  ce que Freud développe sur l’ hystérie, c’ est-à-dire que c’ est quelque chose qui reste incarcéré au niveau du corps mais qui le cisaille en quelque sorte. Voilà, je n’ai pas d’autres remarques à faire. 

Valentin Nusinovici – Oui, je pense comme toi que, si le moi-idéal peut prendre moins d’importance la vulnérabilité à l’angoisse peut diminuer. Peut-être cela va-t-il de pair avec le fonctionnement du fantasme. Lacan dit que le névrosé, de son fantasme, il n’en fait rien. En faire quelque chose (et par là réaliser son désir) implique de faire de sa castration la garantie de la fonction de l’Autre, c’est-à-dire céder l’objet a. Il me semble que les deux lignes de l’imaginaire que présente le graphe (le faux imaginaire : le moi-idéal, et le vrai : le fantasme, comme Lacan les nomme dans L’identification) ne fonctionnent pas indépendamment l’une de l’autre…

« La présence ailleurs qui fait la place (– j) comme absente », il me semble que c’est celle du petit en tant qu’il a été cédé à l’Autre, je pense que cela correspond à la structure du cross-cap

Le a « postiche » que constitue la demande (ou qui répond à la demande de l’autre comme tu le rappelles en citant la Belle bouchère) couvre l’angoisse. Lacan dit parfois qu’il défend contre l’angoisse, mais plus rigoureusement il dit qu’on ne se défend pas contre l’angoisse, que c’est elle qui est à l’origine des défenses. Il dit qu’il faut que le névrosé donne son angoisse. Évidemment celui-ci voudrait en être débarrassé, mais pour cela il faut qu’il parle de façon à mettre effectivement son petit (pas le postiche) en jeu. À défaut qu’il donne un peu son symptôme, dit Lacan, c’est-à-dire qu’il ne se contente pas de décrire ce qui ne va pas, mais qu’il s’y implique subjectivement, c’est un point essentiel, autrement il n’y a pas d’analyse.

Julien Maucade – Oui alors deux questions, deux remarques, en t’écoutant, je pense, c’est-à-dire Lacan parle de l’article de Freud dans Inhibition, symptôme et angoisse, je me demandais si ce que tu disais, c’est la question du manque en l’Autre posé par le sujet parce qu’il y a un moment où l’enfant, le sujet, s’identifie à sa question : qu’est-ce qui manque à l’Autre ? Et la deuxième question, c’est que, je l’avais posée, il y a deux semaines à la première réunion, c’est que, est-ce que Lacan tente de répondre à la question de Freud, là où l’article de Freud termine où le questionnement de Freud qui est la castration, est-ce qu’elle apparaît de la fusion avec la mère ou de la séparation avec la mère ? 

Valentin Nusinovici – Est-ce que l’enfant s’identifie au manque de l’Autre ? Il me semble qu’il s’identifie imaginairement au phallus, comme étant le manque de la mère. Il en devient le représentant. C’est une position où il est très sensible à l’angoisse.

Julien Maucade – Oui mais il ne le voit pas le manque dans l’Autre, c’est une question…

Valentin Nusinovici – Oui, le manque dans l’Autre c’est que l’Autre ne peut pas répondre à tout, c’est pour ça que l’enfant répète sa demande, mais il y a des mères qui donnent le sentiment qu’elles peuvent répondre à tout et ça ne simplifie pas l’évolution. 

Le bon cas, c’est celui où l’enfant peut percevoir qu’il y a ce manque dans l’Autre, qu’il n’y a pas, comme dit Lacan, de garant de la vérité, et c’est aussi le cas où la demande n’est pas automatiquement comblée. Du besoin, tout ne peut pas passer dans la demande, il y a un reste, mais si on s’applique à combler la demande, ça donne des résultats qui ne sont pas les meilleurs. Pour la deuxième question, je n’ai pas très bien saisi ce que tu m’as dit, que la castration, ça passait aussi bien au niveau de la fusion que de la séparation ?

Julien Maucade – C’est un peu sur quoi j’ai cru entendre, sur quoi tu as terminé qui est, la question de Freud : « Est-ce que la castration apparaît à partir de la fusion avec la mère ou la séparation avec la mère ? » 

Valentin Nusinovici –   Je me suis mal expliqué, je n’ai pas voulu dire ça.

Julien Maucade – Je parlais de l’article de Freud.

Valentin Nusinovici – Je n’ai pas le texte en tête. J’ai voulu parler de la clinique ordinaire. Lacan accentue dans cette leçon que ce n’est pas, comme on le répète souvent, d’être séparé de la mère qui angoisse, mais que c’est au contraire l’excès de sa présence qui angoisse. S’il y a alternance de la présence et de l’absence, l’enfant y trouve la sécurité, cela est évident. Je me suis permis d’ajouter que ce n’est pas seulement l’excès de présence, de demande, de désir de la mère, qui cause l’angoisse, ce peut être aussi la menace de la disparition de celle-ci. C’est ce qu’il y a de totalisant dans un cas comme dans l’autre qui angoisse. Et les deux peuvent s’associer, l’excès de présence qui est angoissant prépare l’angoisse de l’absence. Cela donne des pathologies difficiles à traiter.

Julien Maucade – Mais on dit la même chose, c’est-à-dire que la toute présence (inaudible).  

Valentin Nusinovici – La castration c’est la cession de l’objet a. L’angoisse c’est la précession de ce moment. Quand il a été cédé il n’y a plus d’angoisse. 

Pierre-Christophe Cathelineau – Marc [Darmon], est-ce que tu aurais des choses à…

Marc Darmon – Ce que vous nous exposez est tout à fait éclairant et remarquable alors il m’est venu des questions au cours de cette soirée, déjà sur ce schéma optique qui court tout au long du séminaire et qui pose certaines énigmes. 

Je vous proposerai la réflexion suivante, c’est que la toute première apparition du schéma optique dans ce séminaire, c’est une reprise du schéma optique de Bouasse. C’est-à-dire que Bouasse mettait les fleurs dans la caisse du bas et le vase au-dessus et Lacan a inversé les choses puisqu’ il a mis les fleurs au-dessus et la caisse contenant le vase en bas.

Alors on peut se demander quel est le dispositif suivi dans ce séminaire ? Il me semble que c’est, non pas le schéma optique tel qu’il est traité dans « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » mais il prend pour point de départ le schéma de Bouasse. C’est-à-dire que dans le schéma de Bouasse, il y a les fleurs qui sont en bas, dans la caisse et apparaissent comme par magie, au niveau du col du vase en question. Donc le phénomène optique, c’est que les fleurs éclairées fortement dans la caisse du bas, il faut un éclairage, Bouasse précise quelle est, quelle sorte d’éclairage il faut pour produire le phénomène.  Donc ces fleurs vont, grâce à la propriété du miroir sphérique, ces fleurs vont réaliser, en haut, donc au niveau du col du vase, une image réelle. Une image réelle, c’est-à-dire une image qui émet des rayons lumineux comme un objet réel émettrait des rayons lumineux donc il n’y a aucune distinction possible sinon qu’il faut que l’œil s’accommode à ce point et occupe une certaine portion de l’espace. Donc il faut une certaine condition, il faut qu’une certaine condition soit réalisée. Alors si on veut traduire ce qui se passe dans ce premier dispositif, les fleurs se sont les objets petit dans le sens, disons, courant, dans le sens de Lacan mais dans une première apparition, c’est-à-dire, comme tu disais, des morceaux de corps, des objets partiels qui correspondent aux pulsions partielles. Il va le noter d’un petit a sur le bord du miroir sphérique et tout près du sujet, dans la première position du sujet, c’est-à-dire qu’il nous explique que le sujet avec ce petit du sujet, ce sujet est très proche, au départ, du petit a mais il est, à la fois, très proche et très éloigné. Il nous raconte comment ce sujet va caresser son objet petit mais il en est radicalement éloigné. C’est là où intervient le miroir plan qui va offrir au sujet une vue indirecte sur ce phénomène du schéma optique de cette expérience de Bouasse, donc le sujet va avoir accès, non pas à une image réelle mais à une image virtuelle qui est le reflet de l’image réelle dans le miroir plan. C’est très présent mais il n’a pas accès à ce qui est tout proche de lui et il a accès, il doit passer par le spéculaire, par le miroir plan pour y avoir accès.       

Valentin Nusinovici – Et pas accès à l’objet.

Marc Darmon – Pas accès à l’objet non sauf dans « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » où il y a une bascule du miroir.

Valentin Nusinovici – Oui mais c’est parce que l’objet petit a, ce n’est pas tout à fait celui qu’on aura après.

Marc Darmon – Non mais il n’est quand même pas tout à fait étranger.

Valentin Nusinovici – Non, non, il n’est pas étranger non plus. Il n’est ni familier, ni étranger.

Marc Darmon – Oui. Alors il y a le grand I là que le sujet va rejoindre à un moment. Ce grand I, il faut signaler que Lacan parlait du signe de l’Autre, du grand Autre dans je ne sais plus quel séminaire, Les formations de l’inconscient, peut-être, il parle de l’idéal du Moi comme insigne de l’Autre.

Valentin Nusinovici – Oui, oui. Dans les « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » aussi.

Marc Darmon – Dans « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » aussi. Donc c’est avec une disposition très particulière dans le schéma optique. C’est-à-dire que le sujet, pour avoir accès à l’illusion du bouquet inversé doit se placer sur une ligne S barré grand I qui déborde le miroir plan. C’est-à-dire, il doit se placer dans une position symbolique, c’est-à-dire qui est définie par le point de grand I, qui doit se définir par rapport à la symétrie de ce point grand I dans un espace, qu’on va dire, symbolique qui déborde l’espace du miroir plan. Alors ce n’est pas dit dans, je rassemble un peu les éléments, sur le miroir, sur le schéma optique qui sont, sans doute, tout au long du séminaire et il ne faut pas oublier que le point de départ de Lacan est particulier et différent. Je ne sais pas pourquoi je vous ai parlé de tout ça. 

Valentin Nusinovici – C’était très bien.

Pierre-Christophe Cathelineau – Merci beaucoup et merci à tous. Bonne soirée. 

          Transcription Sophie Perrot

         Relecture Érika Croisé Uhl, Dominique Foisnet Latour

Didier de Brouwer – Bon merci beaucoup Valentin [Nusinovici], mais je, voilà ces développements, il y a des moments où je me perds un peu sur cette distinction à faire entre objet a et phallus. Il est beaucoup question encore du phallus dans cette leçon. Il me semble que quand il parle de l’usage fallace de l’objet, dans le fantasme du névrosé et qu’il dit un nom très simple, c’est la demande, c’est bien toute la question, je dirais, de la névrose. 

Comment, peut-être que ma question tourne autour de cette présence ailleurs qui fait cette place comme absence et qui est à l’origine de la question de l’angoisse. Alors comment entendre cette présence ailleurs qui fait cette place comme absente, alors est-ce qu’il s’agit de quelque chose qui reste du côté d’un Autre refoulé, on pourrait dire ?  Alors, il y avait peut-être un point que j’avais envie, enfin, j’en ai déjà un peu discuté dans ma présentation, qui concerne le double, tu disais, le double n’est pas une manifestation habituelle de l’angoisse. Ce qui est probablement vrai, on le trouve plutôt dans les romans ou Lacan l’a bien développé à d’autres occasions. N’empêche qu’il me semble que la manière dont, dans une cure, l’angoisse peut, petit à petit, se dissoudre ou, en tout cas, se résoudre ou aboutir à quelque chose d’autre que le pur manque ou que le vide absolu auquel l’angoissé, parfois phobique, peut se confronter, ne peut se résoudre qu’en passant par les carences du moi-idéal et la manière dont cette carence du moi-idéal peut transparaître dans le discours. Je trouve que c’est un indice clinique qui est tout à fait important dans le déroulement d’une cure, que c’est vraiment en passant par-là que quelque chose peut s’en résoudre, c’est-à-dire qu’on doit passer par ce signifiant refoulé. Voilà. 

Alors peut-être que, il me semble que quand tu parles  de la question de ce bout de corps, d’ objet a  qui est repris par Lacan ultérieurement, en tout cas, dans les développements ultérieurs, sur la question, entre autres, de la circoncision me semble-t-il, est-ce que ça ne fait pas écho, aussi, enfin, je crois que j’ ai déjà ma réponse puisque la belle bouchère entre en jeu par rapport à la question de l’ objet petit postiche mais je trouve que c’ est très en réponse, très en écho avec  ce que Freud développe sur l’ hystérie, c’ est-à-dire que c’ est quelque chose qui reste incarcéré au niveau du corps mais qui le cisaille en quelque sorte. Voilà, je n’ai pas d’autres remarques à faire. 

Valentin Nusinovici – Oui, je pense comme toi que, si le moi-idéal peut prendre moins d’importance la vulnérabilité à l’angoisse peut diminuer. Peut-être cela va-t-il de pair avec le fonctionnement du fantasme. Lacan dit que le névrosé, de son fantasme, il n’en fait rien. En faire quelque chose (et par là réaliser son désir) implique de faire de sa castration la garantie de la fonction de l’Autre, c’est-à-dire céder l’objet a. Il me semble que les deux lignes de l’imaginaire que présente le graphe (le faux imaginaire : le moi-idéal, et le vrai : le fantasme, comme Lacan les nomme dans L’identification) ne fonctionnent pas indépendamment l’une de l’autre…

« La présence ailleurs qui fait la place (– j) comme absente », il me semble que c’est celle du petit en tant qu’il a été cédé à l’Autre, je pense que cela correspond à la structure du cross-cap

Le a « postiche » que constitue la demande (ou qui répond à la demande de l’autre comme tu le rappelles en citant la Belle bouchère) couvre l’angoisse. Lacan dit parfois qu’il défend contre l’angoisse, mais plus rigoureusement il dit qu’on ne se défend pas contre l’angoisse, que c’est elle qui est à l’origine des défenses. Il dit qu’il faut que le névrosé donne son angoisse. Évidemment celui-ci voudrait en être débarrassé, mais pour cela il faut qu’il parle de façon à mettre effectivement son petit (pas le postiche) en jeu. À défaut qu’il donne un peu son symptôme, dit Lacan, c’est-à-dire qu’il ne se contente pas de décrire ce qui ne va pas, mais qu’il s’y implique subjectivement, c’est un point essentiel, autrement il n’y a pas d’analyse.

Julien Maucade – Oui alors deux questions, deux remarques, en t’écoutant, je pense, c’est-à-dire Lacan parle de l’article de Freud dans Inhibition, symptôme et angoisse, je me demandais si ce que tu disais, c’est la question du manque en l’Autre posé par le sujet parce qu’il y a un moment où l’enfant, le sujet, s’identifie à sa question : qu’est-ce qui manque à l’Autre ? Et la deuxième question, c’est que, je l’avais posée, il y a deux semaines à la première réunion, c’est que, est-ce que Lacan tente de répondre à la question de Freud, là où l’article de Freud termine où le questionnement de Freud qui est la castration, est-ce qu’elle apparaît de la fusion avec la mère ou de la séparation avec la mère ? 

Valentin Nusinovici – Est-ce que l’enfant s’identifie au manque de l’Autre ? Il me semble qu’il s’identifie imaginairement au phallus, comme étant le manque de la mère. Il en devient le représentant. C’est une position où il est très sensible à l’angoisse.

Julien Maucade – Oui mais il ne le voit pas le manque dans l’Autre, c’est une question…

Valentin Nusinovici – Oui, le manque dans l’Autre c’est que l’Autre ne peut pas répondre à tout, c’est pour ça que l’enfant répète sa demande, mais il y a des mères qui donnent le sentiment qu’elles peuvent répondre à tout et ça ne simplifie pas l’évolution. 

Le bon cas, c’est celui où l’enfant peut percevoir qu’il y a ce manque dans l’Autre, qu’il n’y a pas, comme dit Lacan, de garant de la vérité, et c’est aussi le cas où la demande n’est pas automatiquement comblée. Du besoin, tout ne peut pas passer dans la demande, il y a un reste, mais si on s’applique à combler la demande, ça donne des résultats qui ne sont pas les meilleurs. Pour la deuxième question, je n’ai pas très bien saisi ce que tu m’as dit, que la castration, ça passait aussi bien au niveau de la fusion que de la séparation ?

Julien Maucade – C’est un peu sur quoi j’ai cru entendre, sur quoi tu as terminé qui est, la question de Freud : « Est-ce que la castration apparaît à partir de la fusion avec la mère ou la séparation avec la mère ? » 

Valentin Nusinovici –   Je me suis mal expliqué, je n’ai pas voulu dire ça.

Julien Maucade – Je parlais de l’article de Freud.

Valentin Nusinovici – Je n’ai pas le texte en tête. J’ai voulu parler de la clinique ordinaire. Lacan accentue dans cette leçon que ce n’est pas, comme on le répète souvent, d’être séparé de la mère qui angoisse, mais que c’est au contraire l’excès de sa présence qui angoisse. S’il y a alternance de la présence et de l’absence, l’enfant y trouve la sécurité, cela est évident. Je me suis permis d’ajouter que ce n’est pas seulement l’excès de présence, de demande, de désir de la mère, qui cause l’angoisse, ce peut être aussi la menace de la disparition de celle-ci. C’est ce qu’il y a de totalisant dans un cas comme dans l’autre qui angoisse. Et les deux peuvent s’associer, l’excès de présence qui est angoissant prépare l’angoisse de l’absence. Cela donne des pathologies difficiles à traiter.

Julien Maucade – Mais on dit la même chose, c’est-à-dire que la toute présence (inaudible).  

Valentin Nusinovici – La castration c’est la cession de l’objet a. L’angoisse c’est la précession de ce moment. Quand il a été cédé il n’y a plus d’angoisse. 

Pierre-Christophe Cathelineau – Marc [Darmon], est-ce que tu aurais des choses à…

Marc Darmon – Ce que vous nous exposez est tout à fait éclairant et remarquable alors il m’est venu des questions au cours de cette soirée, déjà sur ce schéma optique qui court tout au long du séminaire et qui pose certaines énigmes. 

Je vous proposerai la réflexion suivante, c’est que la toute première apparition du schéma optique dans ce séminaire, c’est une reprise du schéma optique de Bouasse. C’est-à-dire que Bouasse mettait les fleurs dans la caisse du bas et le vase au-dessus et Lacan a inversé les choses puisqu’ il a mis les fleurs au-dessus et la caisse contenant le vase en bas.

Alors on peut se demander quel est le dispositif suivi dans ce séminaire ? Il me semble que c’est, non pas le schéma optique tel qu’il est traité dans « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » mais il prend pour point de départ le schéma de Bouasse. C’est-à-dire que dans le schéma de Bouasse, il y a les fleurs qui sont en bas, dans la caisse et apparaissent comme par magie, au niveau du col du vase en question. Donc le phénomène optique, c’est que les fleurs éclairées fortement dans la caisse du bas, il faut un éclairage, Bouasse précise quelle est, quelle sorte d’éclairage il faut pour produire le phénomène.  Donc ces fleurs vont, grâce à la propriété du miroir sphérique, ces fleurs vont réaliser, en haut, donc au niveau du col du vase, une image réelle. Une image réelle, c’est-à-dire une image qui émet des rayons lumineux comme un objet réel émettrait des rayons lumineux donc il n’y a aucune distinction possible sinon qu’il faut que l’œil s’accommode à ce point et occupe une certaine portion de l’espace. Donc il faut une certaine condition, il faut qu’une certaine condition soit réalisée. Alors si on veut traduire ce qui se passe dans ce premier dispositif, les fleurs se sont les objets petit dans le sens, disons, courant, dans le sens de Lacan mais dans une première apparition, c’est-à-dire, comme tu disais, des morceaux de corps, des objets partiels qui correspondent aux pulsions partielles. Il va le noter d’un petit a sur le bord du miroir sphérique et tout près du sujet, dans la première position du sujet, c’est-à-dire qu’il nous explique que le sujet avec ce petit du sujet, ce sujet est très proche, au départ, du petit a mais il est, à la fois, très proche et très éloigné. Il nous raconte comment ce sujet va caresser son objet petit mais il en est radicalement éloigné. C’est là où intervient le miroir plan qui va offrir au sujet une vue indirecte sur ce phénomène du schéma optique de cette expérience de Bouasse, donc le sujet va avoir accès, non pas à une image réelle mais à une image virtuelle qui est le reflet de l’image réelle dans le miroir plan. C’est très présent mais il n’a pas accès à ce qui est tout proche de lui et il a accès, il doit passer par le spéculaire, par le miroir plan pour y avoir accès.       

Valentin Nusinovici – Et pas accès à l’objet.

Marc Darmon – Pas accès à l’objet non sauf dans « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » où il y a une bascule du miroir.

Valentin Nusinovici – Oui mais c’est parce que l’objet petit a, ce n’est pas tout à fait celui qu’on aura après.

Marc Darmon – Non mais il n’est quand même pas tout à fait étranger.

Valentin Nusinovici – Non, non, il n’est pas étranger non plus. Il n’est ni familier, ni étranger.

Marc Darmon – Oui. Alors il y a le grand I là que le sujet va rejoindre à un moment. Ce grand I, il faut signaler que Lacan parlait du signe de l’Autre, du grand Autre dans je ne sais plus quel séminaire, Les formations de l’inconscient, peut-être, il parle de l’idéal du Moi comme insigne de l’Autre.

Valentin Nusinovici – Oui, oui. Dans les « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » aussi.

Marc Darmon – Dans « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache » aussi. Donc c’est avec une disposition très particulière dans le schéma optique. C’est-à-dire que le sujet, pour avoir accès à l’illusion du bouquet inversé doit se placer sur une ligne S barré grand I qui déborde le miroir plan. C’est-à-dire, il doit se placer dans une position symbolique, c’est-à-dire qui est définie par le point de grand I, qui doit se définir par rapport à la symétrie de ce point grand I dans un espace, qu’on va dire, symbolique qui déborde l’espace du miroir plan. Alors ce n’est pas dit dans, je rassemble un peu les éléments, sur le miroir, sur le schéma optique qui sont, sans doute, tout au long du séminaire et il ne faut pas oublier que le point de départ de Lacan est particulier et différent. Je ne sais pas pourquoi je vous ai parlé de tout ça. 

Valentin Nusinovici – C’était très bien.

Pierre-Christophe Cathelineau – Merci beaucoup et merci à tous. Bonne soirée. 

 

          Transcription Sophie Perrot

         Relecture Érika Croisé Uhl, Dominique Foisnet Latour