De l’Acte Politique à l’Acte Psychanalytique
28 août 2025

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Carlos Antonio RUIZ-ELDREDGE
Textes

L’intitulé de notre table ronde comporte trois termes : Politique, Psychanalytique, et un dénominateur commun : Acte.

 

Acte peux être entendue comme une action vis-à-vis de la castration, qui a une répercussion sur la topologie qui est spécifique à chaque sujet. Elle se construit dans le temps, selon une temporalité singulière à chaque parcours de vie. Et enfin, en fonction du degré du compromis transférentiel entre l’analyste et l’analysant, il y aura des effets qui en découlent.

 

Par ailleurs, l’intitulé suggère une direction : De l’Acte Politique à l’Acte Psychanalytique. J’ai choisi de l’explorer à partir d’une optique dialectique à savoir, une lecture fondée sur le discours, qui sera le fil conducteur de mon intervention.

 

Enfin, parler d’acte et de discours, revient à questionner les mécanismes du discours et ses effets sur le sujet.

 

Je commencerai par une rétrospective sur la résonance politique de la psychanalyse.

 

Dans l’histoire de la psychanalyse, et en rapprochant l’acte politique de l’acte psychanalytique, je distingue trois jalons fondamentaux.

 

Le premier, correspond à la fondation même de la psychanalyse par Freud, dans un contexte marqué par les traumatismes de la Première Guerre mondiale. Ce moment trouve une expression majeure dans Malaise dans la civilisation. Elle s’appuie sur des mécanismes d’identification au père, où Freud développe une critique de la civilisation et introduit une réflexion sur la violence, la culpabilité et la répression, qui résonne déjà comme un acte politique.

 

Le deuxième, est situé dans les années 1960-70, à un moment où les mutations sociales et culturelles s’accélèrent à un rythme effréné. C’est dans ce contexte que Jacques Lacan, en 1970, formule la théorie des quatre discours. Lacan y met en lumière la perversion utilitariste du discours du maître et anticipe l’émergence d’un discours capitaliste, en 1972. Ce discours court-circuite les limites symboliques : il pousse à consommer, à jouir sans frein, sans passer par la castration symbolique. C’est un système qui produit du sujet sans ancrage, toujours en quête d’objet, de plus-de-jouir., et accentuant ainsi une crise dans les liens sociaux.

 

Le troisième moment est développé par Charles Melman. Dans ses écrits, en particulier L’homme sans gravité  nous sommes en 2002, il prolonge la réflexion de Lacan en analysant les effets d’un nouveau régime de subjectivité, qu’il qualifie de « nouvelle économie psychique ». Selon lui, cette mutation repose sur un changement de paradigme où le sujet se trouve désormais sommé d’exhiber sa jouissance sur la scène sociale comme valeur sociale, il ne culpabilise plus, il ordonne de jouir.. Ce retournement place la pulsion de mort au cœur du lien social, dans un système où le symbolique se délite et pousse à la jouissance, jusqu’à l’épuisement.

 

Dans ces trois moments, on voit comment l’acte psychanalytique est toujours en tension avec l’évolution du lien social. Il révèle, à chaque époque, les impasses du discours, les identifications collectives et les formes de jouissance qui en découlent.

 

Voici quelques bribes de ce discours qui va à l’encontre de l’altérité et transforme la différence en un objet pour détruire, avec le qualificatif : « Toi ou Moi et pas le Toi et Moi ».

 

Le discours manageriel dans les relations médico-sociales est une de ses manifestations. À propos de la Santé publique, par exemple, le problème commence quand il a été demandé aux médecins de produire du séjour alors qu’ils avaient l’habitude de prodiguer de soins.

 

Dans cette même perspective, orienter un accompagnement pour les personnes âgées, basé sur les symptômes et la panoplie pharmaceutique, finit très souvent par cacher avec de cachets le parlêtre. Lacan , va plus loin, dans cette modalité il identifie comme un des fruits des progrès de la science, la ségrégation.

 

Il suscite par les voix des médias, de signifiants bien de notre époque comme « en même temps », qui semble pointer vers des figures du sujet clivé ! Voir, l’élan publicitaire pour fomenter la misogynie et la misandrie ou un être androgyne, comme tentative d’effacer la différence des sexes, du sexe anatomique et de la position sexuée.

 

Un autre cas de figure, s’agit d’installer les fonctions familiales : père-mère-enfant, dans une relation symétrique, qui appellent à la forclusion du nom du père et la dissolution des identités en faveur de l’anonymat.

 

La traversée, de l’acte politique à l’acte psychanalytique, demande autant un autre défi, celui de déceler l’Imaginaire et Réel dans l’agressivité qui découle, de la fausse pudeur promue, par les trois religions monothéistes.

 

L’idée de la rentabilité, des sondages, procédures et classifications est à mes yeux l’un des plats de résistance de L’Homme sans gravité de Ch. Melman , qui situe le sujet en un point qui est identifié par l’autre sous forme de messages sans énonciateur qui nous sont destinés et pas adressés et auxquels nous n’avons pas d’espace pour répondre autrement que sur un mode automatique, en excluant le temps pour comprendre. Ces messages font de la vraisemblance une vérité et du probable une certitude. Nous arrivons aujourd’hui, à mon sens, au constat que ce discours signe l’exil subjectif, à partir du fait d’aller à l’encontre de que le sujet puisse articuler un désir et d’être en capacité d’entendre l’équivoque dans son discours.

 

A l’aide des technologies de pointe, le discours politique sous sa forme actuelle de propagande,  a pour cible les individus en fonction de leur structure et il y prend une fonction structurante en raison de sa forme. Il utilise les mécanismes du mot d’esprit comme la surprise et la fascination, le mécanisme de la répétition de l’hypnose, la musique et les images comme outils d’induction émotionnelles, afin de susciter des comportements dominés par, l’émotivité, la peur, la culpabilité, la persécution, l’impulsivité, l’insécurité, l’individualisme et l’absence de raisonnement. Il vise à faire remporter la victoire au principe de plaisir sur le principe de réalité. Il passe à travers la fixation imaginaire et réelle de la jouissance sur un objet concret, par exemple, le traitement médiatique du changement de sexe auprès des mineurs.

 

Enfin ,il parait proposer une modification substantielle à la formule du fantasme et simultanément des répercussions sur le détricotage borroméen.

 

J’ai l’impression que dans la formule du fantasme, cette fois-ci S barré, la barre est en pointillée et aussi le discours subvertit le prisme du losange, le transformant en signe d’égalité. Il réduit à une simple pulsion scopique la propriété de l’image spéculaire, afin de pousser au sujet divisé ver l’abîme de la récusation, lui assujettissant par une sorte de symbiose sujet-objet.

 

Cette action sur le fantasme, entraîne que le référent phallique chute et que la fonction paternelle se délite. Par ses effets « domino », par exemple, la jeunesse n’est plus soumise à une initiation de passage à l’âge adulte. Le culte du grand âge s’est inversé en culte matériel d’une jeunesse sans fin. Dans les termes du philosophe Alain Badiou, l’adulte devient celui qui a un peu plus de moyens que n’en a le jeune pour acheter de gros jouets.

 

En d’autres termes, il s’agit de l’idée de la réduction du point de capiton du graphe du Désir à sa boucle inférieure, le « moulin à paroles », qui présente à mon avis, la marque d’une exhibition de jouissance, en raison des effets qui fait remonter. Tel le refus de rentrer dans une chaîne signifiante. (usurpe)

 

En psychanalyse, quand on parle de politique, on ne parle pas forcément d’institutions ou de partis, mais plutôt de tout ce qui, dans le langage, la parole et les normes sociales, influence la place du sujet et son désir.

 

L’acte analytique est un acte politique quand il permet au sujet, d’une part, de se détacher de la normalisation, et de l’autre, de pouvoir dire quelque chose de son désir autrement. Mais ça, ça repose sur une éthique très précise : l’analyste ne doit pas se poser en maître, ni en détenteur du savoir. À la fin de l’analyse, il doit accepter de tomber de sa place, de devenir ce petit reste – l’objet a – qui a juste permis au désir du sujet de se remettre en mouvement. C’est là que l’éthique devient acte politique : permettre au sujet de ne plus dépendre d’un Autre qui saurait pour lui.

 

Il y a une phrase au style de Freud qui l’illustre, une coquetterie selon Ch. Melman mais que c’est bien ce qu’il pensait : « Moi, si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne pas revenir ».

 

En somme, l’acte psychanalytique, loin d’être un simple acte thérapeutique, est une véritable performance, une mise en scène du vivant où l’art de l’analyse devient un acte de Faire un agencement originelle de lettres et phonèmes, pour l’analysant, afin de mettre un terme au symptôme et susciter un nouveau signifiant.

 

Enfin, pour terminer, je suis tenté de dire, que l’acte psychanalytique, ne vise qu’à éveiller l’analysant et non à le métamorphoser, pour l’épargner du syndrome d’Icare.