"Il convient d’écouter celui qui parle quand il s’agit d’un
message qui ne provient pas d’un sujet au-delà du langage, mais bien
d’une parole au-delà du sujet."
(Lacan, D’une question préliminaire
à tout traitement de la psychose, Écrits.)
" – Vous savez pourquoi je suis ici ?… J’entends des voix… par derrière,
qui m’appellent.
– Comment vous appellent-elles ?
– Par mon nom. C’est le docteur qui m’a dit de venir vous voir."
Son expression traquée, presqu’aux abois, prend un relief particulier
chez cet homme africain de grande taille et de forte stature. Il sursaute au
moindre bruit, son regard est inquiet et interrogateur.
Il a trente huit ans, est originaire d’un village de brousse au sud du Mali
et est issu de la tribu des Sarakollés et des Bambaras. Il vit en France
depuis vingt ans, est marié à une femme de son pays et a deux
enfants.
Il poursuivra en déclarant que ce sont les diables qui l’appellent et
m’expliquera que ceux-ci se manifestent et le persécutent de diverses
façons :
– Sous la forme de bêtes : d’insectes, de serpents, qui lui montent le
long des jambes ou pénètrent même dans sa peau et en ressortent.
– Par des signes qu’ils lui montrent sur le sol, en forme de croix, de coeur ou
de serpents.
– Sa tête souffre aussi de décharges électriques qui lui
courent le long du crâne. Il a la tête lourde. Ça bouge dans
sa tête.
– Parfois certains de ses organes sont mal accrochés. Son coeur tombe
dans son estomac. Tous ces maux sont le résultat d’influences diaboliques.
– Cette persécution se manifeste aussi à travers les gens qui
parlent de lui, principalement dans les lieux publics ; il se plaint de ce que
tout ce qu’ils disent le concerne.
– Enfin, il fait aussi des cauchemars où on lui court derrière,
où on le pousse dans le vide et où on le maintient entre la vie
et la mort.
Il réagit à tous ces tourments par une peur panique et songe
souvent à se donner la mort. Les traitements chimiothérapiques
qui lui ont été prescrits jusqu’à présent ont sensiblement
réduit ses réactions anxieuses mais les hallucinations et le syndrome
persécutif persiste depuis plusieurs années de même qu’un
délire peu systématisé.
Un certain nombre de comportements viennent également en réaction
à ces troubles.
Il n’a pu éviter, parfois, d’entrer en altercation avec des passants
dans la rue, qu’il soupçonnait de médire de lui. Actuellement,
il se protège par une pratique quasi incantatoire. Il explique ainsi
que le soir, il dit des prières, se caresse la tête et dit neuf
fois : " Dieu, chasse les diables, protège moi. " Ce,
avant de dormir, pour éviter que les diables lui montent sur les jambes
quand il dort.
Dans la journée, il "lit" des livres de prières :
le Coran et la Bible, ce qui a également la vertu de chasser les diables.
Cette lecture consiste essentiellement à appeler Dieu et à prier.
Des préoccupations sur la vie dans l’Au-delà l’amènent
fréquemment à visiter les cimetières. Il s’y trouve bien,
dit-il. Il y prie pour les morts. C’est pour lui un lieu abrité de tous
conflits et de toute persécution.
Les médicaments lui donnent du courage, diminuent la peur, mais seul
l’appel de Dieu lui permet d’éloigner temporairement le diable
précise-t-il encore en ces termes.
Ces pratiques, autant de caractère religieux qu’animiste, reposent sur
un certain nombre de considérations dont il fera part. En principe avant
de partir en Europe, il y a lieu de se protéger. On va alors voir un
marabout qui vous donne des talismans avec lesquels il faut prendre des bains.
Ceux-ci ont pour vertu de vous protéger la surface du corps autant des
éventuels coups de couteau qu’on pourrait recevoir au cours d’une rixe
que d’une rencontre inopinée avec le diable. Une telle rencontre se fait
d’ailleurs le plus souvent sous la forme d’une belle jeune femme blanche que
l’on décide de suivre et d’aborder. Elle vous entraîne derrière
elle et se révèle alors être le diable. On est ensorcelé.
Une telle aventure conduit irrémédiablement à la maladie,
à la folie ou à la mort. C’est ce qu’on raconte dans son village
et qu’il a entendu depuis son enfance. Lui-même n’y croyait pas top à
l’époque, précise-t-il, et n’a d’ailleurs pas sacrifié
à ces rites.
Voilà comment s’est présenté M.C. lors de notre première
rencontre. Je lui proposai de continuer de venir me voir. C’est tout au long
des entretiens qui suivirent qu’il put m’informer de sa biographie et de l’histoire
de sa maladie.
M.C. est né en 1949 à Bangui ( République Centrafricaine).
Il y vécut avec sa famille originaire du Mali jusqu’à l’âge
de sept ans. Il se souvient qu’à cette époque sa mère parlait
le français et que lui-même le comprenait.
Sa mère était issue de la tribu des Bambaras.
Son père se reconnaissait comme un Sarakollé, étant d’un
village de cette ethnie depuis la génération de ses parents. Pourtant
son propre père ( le grand père paternel de notre patient ) était
un Bambara venant de Ségou région d’origine de cette tribu. On
n’eut jamais plus de ses nouvelles après qu’il fut enrôlé
par les forces françaises coloniales pour la guerre de 1914.
M.C. est donc issu d’un mariage mixte. Toute son enfance et adolescence il
fut confronté à des conflits entre ses parents
ayant pour motif des différends portant tant sur les plans culturel,
social, religieux que politique et linguistique. Chacune des positions respectives
des parents prônait une attitude et une certaine conception du progrès.
Son père privilégiait la religion et la culture islamique. Il
était pour l’usage des langues africaines. Sa mère était
partisane d’une conception beaucoup plus occidentale et européenne du
progrès. Malgré une conversion officielle à l’Islam pour
son mariage, elle continua à pratiquer la religion catholique et voulut
l’inculquer à ses enfants.
Quant à M.C., il se considère lui-même comme un Sarakollé,
ayant vécu la plus grande partie de sa jeunesse dans un village de cette
ethnie d’où était également issu son père et ses
oncles. Bien qu’il ait des liens très étroits avec les Bambaras
– son nom est quasi générique de cette tribu et il en a très
nettement la corpulence – il a une attitude plutôt méfiante vis
à vis de ces derniers et reprend aisément ce que l’on dit généralement
d’eux : ils sont bagarreurs et enclins aux pratiques de sorcellerie. (A l’origine
c’était un peuple de chasseurs contrairement aux Sarakollés qui
sont depuis plus longtemps des cultivateurs).
Vis à vis de la religion, il n’a pas opéré de choix ayant
aussi bien connu l’école coranique que l’éducation religieuse
catholique selon les périodes de son enfance. Dans le conflit
de ses parents il prend le parti de sa mère, considérant que le
père exigeait un mode de vie selon les règles islamiques pour
son épouse plus pour exercer une surveillance jalouse sur sa conduite
que par conviction religieuse. ( Il s’avéra pourtant que cette jalousie
était tout à fait fondée et l’on retiendra que la question
de l’adultère traverse toute la problématique de ce patient jusqu’à
interroger les fondements de sa propre identité).
Au bout de ces sept années, ses parents retournèrent au Mali,
dans la maison familiale où vivaient encore des oncles et des cousins
du patient. C’est là qu’il passa le reste de son enfance et son adolescence.
Outre différents personnages de sa famille qui tinrent une place importante
dans sa vie, deux pères blancs français ont vécu successivement
plusieurs années dans son village. Enfant, il accompagnait sa mère
qui allait souvent leur parler. Il en retient leur exhortation à la prière.
Ces pères étaient à l’époques les seuls blancs dans
cette région isolée de la brousse et leur statut était
reconnu par tous.
A l’adolescence M.C. perdit son père et c’est à l’âge de
vingt ans qu’il vint en France. Il eut à réapprendre le français,
qu’il avait oublié, dans des cours d’alphabétisation et travailla
régulièrement durant les six premières années dans
l’industrie automobile. Ces années furent marquées par le décès
de sa mère et son mariage avec une femme de son village.
Puis un événement va profondément bouleverser sa vie.
Il eut pendant quelques temps pour maîtresse une jeune femme française.
Il était très attaché à elle en même temps
que cette relation lui posait des problèmes d’ordre moral. De son coté,
tout en disant que cela ne lui posait aucune difficulté, elle l’informa
dès le début de leur relation qu’elle le quitterait un jour sans
le prévenir. C’est ce qu’elle fit au bout de quelques mois. Le souvenir
précis de la date, les détails de cette journée, qu’il
évoquera très précisément, laisse suffisamment entendre
l’importance qu’elle eut pour lui. Ce jour là sa détresse sera
si grande qu’il songera à se suicider par défenestration. Une
longue période dépressive s’installe alors.
Il est à noter que si c’est cet événement qui prit dans
son récit un relief particulier, il s’inscrivit au cours d’un autre événement
non moins important. A cette même période son épouse était
enceinte de leur premier enfant. Par contre, il dira que cette perspective ne
l’a pas troublé outre mesure, qu’il était heureux à l’idée
d’être père et que si ce n’avait été cette déception
amoureuse rien ne venait pour lui troubler cette période.
C’est dans l’été de la même année, à l’occasion
d’un voyage dans son pays que débutera un syndrome persécutif,
qui se poursuivra à son retour en France. On se moque de lui dans le
métro, dans la rue, au travail.
L’année suivante, c’est sa femme qui partira, sans lui, au Mali pour
les vacances, en emmenant son premier enfant. Elle est alors enceinte du deuxième.
M.C. les accompagne à l’aéroport. A son retour, seul au domicile,
survient un épisode qu’il évoquera d’abord comme étant
inaugural de ses troubles. Dans la cage d’escalier qui le mène à
son appartement, il entend soudain souffler un vent violent. Puis il est persuadé
d’entendre les pas du diable qui monte derrière
lui. Il se précipite dans son logement. Mais alors il verra sur le sol
l’ombre du diable. Il se couchera mais bientôt il sentira le diable couché
prés de lui sur son lit. Il sursaute et le diable se sauve. Mais il l’entend
alors l’appeler de loin. Ce serait depuis ce jour que le diable l’appelle "
par derrière ". C’est aussi à cette date qu’il situera dans
un premier temps le début de ses problèmes avant de reconnaître
que le syndrome persécutif était présent bien avant déjà.
Sa vie va alors être de plus en plus perturbée. Les arrêts
de travail vont se succéder à un rythme plus rapproché
et vont se prolonger au cours des années qui vont suivre jusqu’à
une reconnaissance d’invalidité.
C’est vers une psychose hallucinatoire et un délire chronique que se
sont le plus souvent portés les diagnostics.
A partir de cette trop brève présentation, je vais tenter de
rendre compte de la nature du travail qui s’est effectue durant la thérapie.
A l’occasion de la reprise de l’étude du cas Schreber, Lacan insiste
sur l’importance d’une analyse quasi linguistique du discours du psychotique.
Ici aussi c’est en approchant au plus prés les signifiants en jeu dans
le discours du patient et leurs effets tant dans la cure que dans sa vie quotidienne
qu’il me paraît possible de témoigner d’une pratique et de son
articulation à la structure.
Reprenons les propos du patient tels qu’il les formule dès le premier
entretien. Ces quelques mots qu’il prononce alors sont porteurs de toutes les
préoccupations et les plaintes qu’il développera par la suite.
Par une sorte de surdétermination à rebours, ces quelques signifiants
seront déterminants tant pour relater son histoire et celle de sa maladie
que pour décrire les phénomènes dont il est victime et
les moyens qu’il déploie pour s’en défendre.
"J’entends des voix qui m’appellent ; elles m’appellent par mon nom
; elles m’appellent par derrière."
Isolons le terme "appel" par exemple. Si des voix l’appellent par
derrière, il appelle lui-même Dieu dans ses prières pour
éloigner les diables, mais également il est appelé par
Dieu en ce sens qu’il est élu, qu’il ira au paradis après sa mort
(référence au jugement dernier). On voit ainsi opérer le
signifiant "appel" sous tous ses retournements : à la première
et troisième personne du singulier et du pluriel, à la forme directe
et ré../../images/zedoc/fl_sm/fléchie.
De la même façon pouvons nous extraire de ses premiers mots l’expression
"par derrière". Là, la production imaginaire qu’elle
sollicite renvoie moins à des références culturelles et
religieuses qu’à la représentation du corps et l’organisation
de l’espace qui en découle. Elle exprime son vécu persécutif
: dire des choses "par derrière" désigne ainsi toute
l’hypocrisie dont il est victime (au même titre que lorsqu’on le regarde
"de travers").
Le caractère sexuel y est également présent : "courir
derrière une femme" et les dangers que cela comporte, est un thème
souvent évoqué. Il en est de même de l’angoisse concomitante
: on "lui court derrière", on le poursuit dans de nombreux
cauchemars. C’est aussi un rapport très problématique à
la limite ("par derrière" suppose un lieu et une limite) où
le corps peut être impliqué dans une de ses représentations
imaginaires qui s’exprime ici. Nous y reviendrons.
On voit bien ici, immédiatement, dans quelle mesure, dès que
le patient rapporte son vécu psychotique, il le fait avec des mots qui
sont partie prenante de ce vécu. En ce sens le terme d’"expérience"
psychotique peut être trompeur car il ne s’agit pas d’une position empirique
pour le sujet. Malgré les apparences, il n’est pas observateur extérieur
et ne peut tenir un propos sur ce qui se produit pendant la phase aiguë
d’un épisode. Il ne peut être plus manifeste que si un discours
le traverse, il ne dispose d’aucun métalangage pour en relater quelque
chose et que ce sont les mots même qu’il utilise qui l’agitent.
Nous pourrions poursuivre avec un certain nombre – assez réduit – de
termes, présents dès le premier entretien et qui conserveront
une résonance sur tous les propos qu’il développera ultérieurement.
Ainsi en est-il des bêtes qui lui montent sur les jambes et traversent
sa peau. Également de ses sensations dans la tête où
il ressent à la fois des grésillements électriques mais
aussi que sa tête est lourde ou froide, qu’un bloc de glace
y est à l’intérieur.
Enfin, que les gens parlent de lui, que tous ce qu’ils disent le concerne,
mais aussi qu’on lui parle de coté et qu’on le regarde de travers.
Ces derniers mots suffiront à témoigner des phénomènes
élémentaires qu’il éprouve, tant comme activité
interprétative que comme phénomène hallucinatoire ou de
parasitage. Dans ces quelques phrases sont contenus presque tous les signifiants
qui opèrent dans sa psychose. Tous les propos qu’il tiendra au cours
des années de cure convergeront vers ces signifiants. Ses considérations
sur le temps qu’il fait aussi bien que celles portant sur Dieu, la vie après
la mort etc. reviennent toujours vers ces premiers contenus.
On remarque alors deux choses :
– d’une part, ce sont ces mêmes signifiants, en même temps
qu’ils organisent son discours, qui déterminent son vécu et sont
à l’origine de ses agissements : le fait d’avoir la tête lourde
l’amène à se couper les cheveux ou à porter un bonnet avec
un talisman. Que les gens parlent de lui de manière hypocrite l’amènera
à fuir certains lieux. Le signifiant "appel" le fait
d’abord chercher d’où vient cet appel mais le fait aussi prier et fréquenter
les cimetières.
– d’autre part, un certain nombre de confusions tournant autour de ces
signifiants seront à l’origine de nombreux troubles de la pensée
et du comportement de même qu’elles s’offriront comme le dernier mot de
nombreux vécus hallucinatoires.
C’est ainsi que le patient, lorsqu’il est invité à dire ce qui
motive certains de ses comportements ou à s’expliquer sur les particularités
de certains de ses raisonnements, révèle, à leur fondement,
l’incidence d’un télescopage entre deux mots que seule une proximité
homophonique peut justifier le plus souvent. Ainsi en est-il à l’occasion
d’une confusion entre "gens" et "jambes". Lors d’une séance,
il relate, une fois de plus, les persécutions que lui subir les
gens. Mais en parlant il se frotte les jambes. Alors que je le lui fais remarquer
il reconnaît que lorsqu’il n’est pas bien il mélange les deux termes
"gens" et "jambes" et la confusion induit une réciprocité
jusqu’aux manifestations qu’il vit au niveau de ces deux représentations
: les gens sont menaçants, et en même temps ses jambes sont agressées
par les bêtes ou les diables. Il précisera alors même ce
qui est en jeu dans cette confusion. C’est la limite entre "gens"
et "jambes" qui le perturbe, qui provoque chez lui une ré../../images/zedoc/fl_sm/flexion
qui débouche finalement sur une confusion. Cette interrogation sur la
limite sera évoquée à diverses reprises et portera non
seulement sur des termes phonétiquement proches l’un de l’autre mais
même sur son vécu et montrera à quel point celui-ci est
marqué par ces signifiants. Il en est ainsi de ses ré../../images/zedoc/fl_sm/flexions
sur les saisons. Alors qu’au Mali on compte deux saisons : une saison sèche
et une saison humide, ici il constate les différences de températures
dans l’année et par ailleurs il sait, pour l’avoir appris, que nous avons
quatre saisons. Mais là aussi il se demande ce qui sépare une
saison d’une autre, où est la limite entre été et automne
par exemple. Il n’y a pas de limite entre ces deux saisons selon lui parce qu’il
n’y a pas un jour où c’est l’été et l’automne. A la place
il y a un vide, dit-il. C’est ce vide dans la limite qui l’interroge. Ça
n’est inscrit nulle part et dehors ça ne se voit pas, dira-t-il encore.
Il finira par déclarer : "Ça doit être écrit
dans la Bible."
Ses ré../../images/zedoc/fl_sm/flexions sur la limite entre deux termes aboutiront
toujours à ce vide sur lequel il demeure arrêté et par lequel
a-t-on envie de dire, passent finalement les deux termes pour se confondre.
On assistera alors à l’expression d’un malaise inhérent à
ce trou qu’aucune barre ne viendrait re-marquer.
Pour "gens" et "jambes" on ne peut cependant parler de
relation univoque et constante. D’autres relations peuvent s’établir
selon les circonstances de son discours et de ce qu’il vit sur le moment. D’une
part les jambes sont le lieu privilégié dans l’évocation
des parties du corps, de toutes les persécutions. On peut d’ailleurs
raisonnablement penser que certains effets secondaires des neuroleptiques se
traduisant au niveau des jambes sont réinterprétés de façon
délirante. Chez notre patient, ces douleurs sont alors traduites par
des attaques de serpents sur ses jambes. Ces serpents s’appellent "Malla"
dans sa langue. Il sent ces serpents attaquer ses jambes mais il ne les voit
jamais, précise-t-il. La venue de ces serpents est strictement liée
au signifiant. Sa douleur aux jambes provoquera la pensée "mal là"
et le comportement de se frotter les jambes. Le "mal là" amène
immédiatement le "Malla", serpent de son pays.
Dans un autre contexte notre patient évoquera encore cette région
du corps. Au cours d’une période où il sera amené à
décrire longuement les circonstances du déclenchement de sa maladie,
et donc à relater de façon détaillée cette période
de tentative de deuil faisant suite au départ de son amie française,
il évoque un rêve qu’il vient de faire : dans ce rêve il
appuie là et là (il montre successivement le poignet et la cheville)
et il en sort des bêtes (serpents, insectes..). En réponse à
ma question il m’informe que ces deux parties du corps dans sa langue s’appellent
respectivement "Ta" et "Kité".
On observe bien ici à quel point le bi et même tri linguisme facilite
ce genre d’association phonétique.
Mais cette dernière opère aussi bien sur une seule langue. Ses
plaintes au niveau de la tête exprimaient, entre autre, une collision
entre deux expressions : parlant de ce bloc de glace qui remue dans sa tête
il dira : "Je ne dis pas ça ré../../images/zedoc/fl_sm/fléchit,
je dis ça rafraîchit." De fait, il y reconnaîtra
à la fois son souci de garder la tête froide et son activité
psychique intense qui ne devait jamais s’interrompre un instant. De nombreux
autres exemples mériteraient d’être mentionnés si nous en
avions le temps. En tout état de cause, on ne peut réduire ce
phénomène de confusion à la simple conséquence d’un
désordre qui se situerait ailleurs. En effet, ce qui se manifeste là
est porteur d’une indéniable effectivité : ces particularités
du langage produisent des effets sur le sujet et d’autre part un certain travail
sur ces distorsions du langage produit également chez lui un effet résolutif
incontestable.
On assiste à cette espèce de délitement et recomposition
du langage à l’occasion de l’apparition d’expressions ayant perdu tout
ancrage subjectif, toute référence pour le sujet. Ce a fortiori
quand ces références défaut comme c’est le cas pour
tout émigré dans son rapport à la langue d’accueil. Le
formalisme qui suffisait à maintenir ces expressions jusque-là
dans le discours ne suffit plus, elles s’isolent dans leur incongruité
et un recours est nécessaire. Ce recours se fait par association à
des termes de la langue d’origine ou à la langue d’emprunt, peu importe,
cette tentative de toute manière échoue (un ancrage originaire
faisant défaut) et en même temps ce qu’elle "réussit"
montre à quel point le travail de l’imaginaire peut avoir d’efficacité
sur un sujet : dans le rapport imaginaire que le sujet entretient alors au langage,
un nouage s’est établi et cela suffit à instaurer une certaine
réalité.
Un autre exemple : Au cours d’une séance le patient commence ainsi :
"Ça va mieux. Il n’y a pas de doute ." Bien qu’il ait
employé cette expression de façon tout à fait adaptée,
soudain il s’interroge : "Doute ? Qu’est-ce que c’est doute. Doute…
Doutou en sarakollé c’est la femme, la fille… Il n’y a pas de fille…
C’est ça , ça va mieux, il n’y a pas de fille." Il adhère
pendant un temps à cette version, puis finit par dire : "Des
mots me mélangent" et reconnaît enfin la confusion. Sans
négliger le poids que ce signifiant (doute) peut prendre puisqu’il concerne
éminemment notre patient, d’une part dans ce qui fait sa psychose – la
conviction : il n’y a plus de doute – mais aussi en tant qu’il est l’avers de
la foi que lui inculquait déjà sa mère francophone en même
temps que ce que devait être son comportement avec les femmes, cet exemple
révèle bien le rapport imaginaire que le patient entretient au
langage à ce moment là.
On pourrait encore dire que ce qui caractérise son rapport à
la langue française, c’est que ce Français qui lui vient ou lui
revient est une langue de son enfance mais qui n’a jamais été
cautionnée par son père (qui a perdu son propre père à
Verdun). Ça n’est une langue maternelle qu’en tant qu’elle s’oppose au
paternel. En cela elle se manifeste à plus d’un titre dans sa dimension
imaginaire pour lui.
C’est bien tout l’intérêt de ce cas outre que je le suis depuis
de nombreuses années. Ce multilinguisme est révélateur
de certains aspects de notre rapport au signifiant qui sont valables pour chacun
de nous mais qui prennent une tournure particulière ici du fait de la
structure en cause. Cet effet révélateur est du même ordre
que ce qui motivait Freud dès ses premiers écrits à utiliser
des exemples de bilinguisme pour montrer les effets de l’inconscient sur un
sujet. (Cf. par ex. "Signorelli" in Psychopathologie de la vie
Quotidienne.)
L’autre aspect qui motive le choix de ce cas est son évolution puisque
j’ai pu assister à la rémission des hallucinations et surtout
des thèmes délirants qui ont été abandonnés
un à un et ce au fil d’un discours toujours articulé au déploiement
de ces mêmes signifiants. Dans le même temps disparaissaient ces
phénomènes de confusion et se restaurait une certaine capacité
de métaphorisation.
Cette lecture des premiers propos du patient nous conduit encore à prendre
la dimension de ce que nous appelons ici "signifiant" et à
préciser la difficulté qu’il y a à l’isoler. Bien qu’il
soit élément de langage, il ne se réduit à aucune
formulation, nulle expression ne peut l’arrêter, et pourtant des mots,
des fragments de noms, des prépositions s’en dégagent et ce avec
une concision, une précision d’une détermination toujours aussi
remarquable que radicale.
Ainsi, un autre patient, animé, lui, dans ses épisodes psychotiques
aigus, par le signifiant: "les gens me veulent" (et non "les
gens m’en veulent "), décrivait exactement les mêmes
phénomènes que bien des délirants persécutés
(les voitures de police le suivent et le surveillent, les voisins l’écoutent,
les partis politiques le sollicitent etc.), mais au lieu d’être vécus
dans un contexte de persécution, ces phénomènes étaient
vécus dans une ambiance de mégalomanie, versus manie. (il les
vivait sans N et sans apostrophe !).
Si le signifiant ne peut se "montrer" que partiellement, (que s’isoler
partiellement dans sa matérialité), alors qu’on le voit à
l’oeuvre dans tout son éclat, c’est bien sûr, parce qu’il n’est
pas seulement un élément de notre lexique, mais qu’il est porteur
de la subjectivité d’un individu en tant que s’y inscrit une dimension
historique : celle par laquelle le langage est venu habiter le sujet ou plus
précisément comment ce dernier a pu lui donner corps.
Ce sont tous ces aspects du signifiant en exercice que nous avons voulu montrer
en tant qu’ils ont été notre seul guide dans la conduite de la
cure.
"De la direction de la cure à la question de la structure."
Une cure se dirige-t-elle ? Qui dirige quoi ? Si l’on constate que, dans la
névrose déjà, le moi (autant celui de l’analyste que celui
de l’analysant) est, selon la métaphore utilisée par Freud, comme
ce cavalier qui se donne l’air de guider son cheval alors qu’il est emporté
par lui, il est bien évident que dans la psychose, l’idée d’une
quelconque maîtrise impliquée dans le terme de direction est encore
plus hors de propos.
Un bref retour à l’article de J. Lacan sur la direction de la cure (Ecrits),
non seulement nous permet de vérifier qu’il n’y était question,
bien sûr, d’aucun dirigisme, mais nous permet aussi d’interroger, par
exemple, la liberté qui est au principe de la règle fondamentale
de l’analyse, ( l’association dite libre).
Rappelant ce qui règle la cure, Lacan nous dit :
" – La parole y a tous les pouvoirs.
– La règle ne dirige pas le sujet vers la parole pleine mais on le
laisse libre de s’y essayer.
– cette liberté est ce qu’il tolère le plus mal. "
C’est même de là, de cette intolérance quémanderait
la résistance de l’analysant – à s’affronter à la
parole pleine." Rien de plus redoutable que de s’affronter à
quelque chose qui pourrait être vrai et qui conduit alors à ne
plus pouvoir entrer dans le doute."
Par contre, dans la névrose "la résistance du sujet,
quand elle s’oppose à la suggestion, n’est que désir de maintenir
son désir. A mettre au rang du transfert positif, puisque c’est le désir
qui maintient la direction de l’analyse" dit encore Lacan.
On sait que dans la psychose, cette dimension du désir est précisément
ce qu’il y a de plus problématique. De même est-ce ce qui arrive
au psychotique d’être soudain confronté à ce qui est sûr.
L’absence de doute s’installe au prix de la subjectivité. Aucune liberté,
là non plus, ( et on voit ce qu’aurait de fallacieux d’exiger du sujet
de se soumettre à cette liberté de parole), ça n’est pas
un choix mais quelque chose qui s’impose et qui prend d’ailleurs sur le plan
de la parole la forme d’un commandement. C’est ce même "Tu"
de la parole pleine du "tu es ma femme" ou "Tu es mon maître",
c’est ce même signifiant que l’on retrouve dans la psychose sous un aspect
de commandement. "Tu dois être pure" est l’injonction qui s’imposait
à une autre patiente. "Tu ne regardera pas la femme d’un autre"
pourrait être celle de notre patient aujourd’hui. On peut alors, en effet,
considérer que le psychotique ne résiste pas à la psychanalyse
dans la mesure où il ne résiste pas à cette parole pleine.
Le propos de notre patient, au même titre que celui de tout sujet délirant
(cf. Schreber) exprime une défaillance de l’ordre symbolique. Ceci peut
s’approcher de très diverses façons. Ici, on a vu que la représentation
de la limite faisait question à tous propos, en même temps qu’elle
révélait la structure de l’imaginaire qui dominait alors le vécu
du sujet. Imaginaire du corps à travers la peau qui ne parvient plus
à maintenir la séparation d’un intérieur et d’un extérieur,
mais qui s’exprime aussi bien dans les phénomènes d’intrusion
et de persécution où là encore même la paire opposée
persécuteur-persécuté se trouve remise en cause. On l’a
vu aussi dans son rapport à la langue elle même, dans son interrogation
sur les saisons. Chez Schreber aussi on assistait dans son discours à
la dissolution des paires opposées en tant qu’antonymes. Ceci nous permet
de repérer que c’est en général au niveau du signifiant
que gît la difficulté. Au niveau du signifiant en tant que pure
différence. Dans ce rapport imaginaire au langage, le signifiant ne se
caractérise plus de sa valeur différentielle. Au niveau du signifié,
par contre, on constate que, globalement, la signification se maintient.
De façon concomitante a-t-on envie de dire que ces patients souffrent
de la "maladie de l’Un". Le Un en tant que signifiant n’assure plus
sa fonction dans l’Autre (de cerner le trou dans l’Autre) et produit, souvent
à partir d’un premier dédoublement, cette multitude de petits
autres. Par exemple, dans sa persécution, M.C. repérera que la
méchanceté dont il est victime est toujours issue d’un dédoublement
de l’autre. "Les gens sont méchants quand ils sont deux",
soit possédés. Ainsi Schreber ne manque-t-il pas d’affirmer l’unicité
de Dieu et en même temps de se plaindre de ce que Dieu se soit divisé
en deux figures qui se chamaillent leurs places (Dieu inférieur et Dieu
supérieur). De même y a-t-il deux soleils pour lui pendant un temps.
Si le phallus, c’est le signifiant du manque de signifiant dans l’Autre, et
qu’il vient à cette place cerner le trou dans l’Autre, qu’en est-il d’une
fonction phallique dans ces sortes de psychoses ? Qu’en est-il de la fonction
phallique quand la castration de l’Autre n’est pas assumée et que donc
il n’y a pas eu une découpe de l’a-chose, de l’objet cause du désir
et non constitution du fantasme ? Il est notable que dans ces troubles, tous
les éléments de structure se manifestent, même si c’est
dans leur défaut. Ch. Melman discutant, il y a longtemps, du cas Schréber,
remarquait que la perception du Nom du Père comme principe organisateur
du monde jouait comme révélation pour le paranoïaque qui
réinscrit alors tout son passé dans cet ordre.
Notre patient qui reconnaît, comme Schreber, qu’avant ses troubles il
n’était pas particulièrement croyant et que surtout il n’adhérait
pas à tout un réseau de croyances et de pratiques animistes de
son pays, va par la suite, réorganiser tout son monde en fonction des
préceptes monothéistes (chrétiens et musulmans) et des
croyances animistes qui trament sa culture.
La relativement bonne adaptation sociale de ces patients, même durant
les phases aiguës de leur trouble, nous fait nous interroger sur cette
fonction phallique qui en constitue justement un fondement. Un rapport totalement
gouverné par l’imaginaire à la norme sociale, tel qu’on peut le
voir dans des cas de schizophrénie, ne peut suffire ici. (Seul l’exercice
de leur profession semble être le plus souvent le lieu d’une défaillance.
Lorsque l’on sait le type de rapport au père que gouverne notre rapport
au travail dans nos sociétés occidentales, on ne s’en étonnera
pas trop.)
Nous aurions voulu, à travers ce cas, montrer à divers niveau
d’articulation théorico-cliniques, à quel point "défaillance
de l’ordre symbolique" n’est pas "abolition"
de cet ordre, loin s’en faut. Nous nous contenterons d’en témoigner encore
à travers l’évolution qui conduisit à la résolution
des troubles.
Sur le plan phénoménologique, dans le cas de ce patient, ce qui
nous a le plus frappé, c’est d’assister à une sorte de superposition,
tout au long de la cure, de discours successifs portant sur les mêmes
thèmes de départ (usant des mêmes signifiants également),
mais se différenciant par le niveau de structuration. Au-delà
du déploiement de tous ces discours faisant appel autant à des
souvenirs personnels qu’aux mythes et aux rites qui s’attachent à sa
culture, c’est encore une fois le passage d’un discours où domine la
métonymie à la restauration progressive d’une capacité
métaphorique qui nous parut la plus marquante.
Sa propre conception de la guérison, par exemple, va se formuler différemment
au cours de son évolution. Dans un premier temps, il dira qu’il va bien
parce qu’il est protégé et que surtout les diables se sont éloignés.
A travers la restauration d’une limite et d’un simple éloignement, on
a là une représentation dominée par la métonymie.
Par contre, beaucoup plus tard, il se demandera si ses troubles n’étaient
pas liés à un manquement dans des rituels attachés à
la cérémonie de son baptême, qui, à travers un certain
nombre d’échanges symboliques, le situaient dans sa lignée et
dans sa génération.
Face à ces questionnements sur la structure et l’évolution d’un
tel cas, que peut-on dire de la conduite de l’analyste ? La richesse et la diversité
du matériau progressivement apporté dans la cure pouvait inciter
à des interventions multiples visant à donner un sens à
ces contenus, tant sur le plan relationnel que culturel, (telles qu’on pourrait
le concevoir dans une démarche ethno-psychiatrique, par exemple). Mais
ces modes d’intervention se ramènent toujours à une compréhension
qui ressort du registre de la relation d’objet. C’est ce que l’on observe encore
aujourd’hui dans les courants anglo-saxons que Lacan discutait à l’époque
de ses premiers séminaires. Une lecture des articles récents de
ces courants ( cf. un article d’Otto Kernberg de 1986 dans l’I.J.P. "L’Identification
et ses vicissitudes telles qu’elles sont observées dans la psychose")
montre qu’ils développent toujours ce mode de compréhension de
la cure même si la description des mécanismes psychiques s’est
considérablement complexifiée depuis cette époque. Alors
que les compte rendus de cure de psychotiques y sont toujours très finement
détaillés et qu’y sont observés les même phénomènes
que ceux que nous décrivons ici, ceux-ci sont appréhendés
sur le mode d’une relation d’objet. Loin de prendre en compte l’autonomie du
symbolique et le déterminisme du signifiant, ces articles, tant dans
l’exposé de leurs présupposés théoriques que dans
la partie clinique ramènent le conflit en terme de
"self représentation" et "object représentation",
dans une confrontation toujours duelle entre le self du patient et celui de
l’analyste. Et aujourd’hui comme hier ces relations réciproques sont
réglées par cette exclusive pondération bien connue qu’est
le couple "gratification – frustration". On a finalement encore cette
même impression d’écrits offrant beaucoup d’intérêt
sur le plan clinique mais ne nous offrant aucun appui sur celui d’un repérage
structural.
Notre position, tout au long de cette cure, fut simplement de se contenter
de suivre le fil de ce discours, d’en cerner les signifiants déterminants
et de n’intervenir que pour lever un certain nombre de confusions et leurs effets
de symptôme.
On peut déjà remarquer que s’il n’est pas toujours heureux de
jouer de l’équivoque signifiante avec ces patients, il est cependant
possible d’avoir à en déjouer le patient lui-même.
Que se passe-t-il quand on se contente de suivre les propos du patient ? Tous
les patients délirants demandent d’abord à être crus par
un autre. Crus pour ce dont ils témoignent. Le plus souvent d’être
soumis à la tyrannie d’un ou plusieurs autres. Cet autre renvoie toujours
à un grand Autre mais de très diverses façons. Ce grand
Autre n’est pas localisé comme référant mais imprègne
plutôt l’ambiance de sa présence ambivalente.
Si le rapport au grand Autre pose question chez les sujets délirants,
la clinique des psychoses nous montre par contre la possibilité d’une
certaine autonomie de la relation imaginaire. C’est ainsi que Schreber s’adresse
à ses semblables dans son livre et qu’il continua, déclara-t-il,
à aimer sa femme comme avant sa maladie.
Cette relation au petit autre, de l’ordre de l’amitié, pourrait se maintenir
malgré le désaxement de la relation au grand Autre. Cette relation
d’amitié "hors sexe" éviterait la confrontation au signifiant
de la différence des sexes et se maintiendrait donc dans une certaine
tranquillité. C’est alors cette place de petit autre que viendrait d’abord
occuper le thérapeute qui aura su ne pas prendre celle d’"Un-père",
signifiant problématique pour ces patients. (On pourra rendre compte
des décompensations qui surgissent au début d’une cure analytique
parfois de cette manière : l’analyste en position d’"Un-père"
somme le sujet de soutenir son dire, ce que ce dernier a pu précisément
éviter jusque là).
Mais ça n’est pas parce que cet axe aa’ garde une certaine autonomie
dans la psychose que la relation imaginaire y a la même configuration
que dans la névrose. C’est ce que montre le rôle de l’objet a
dans la structure de l’autre.
Finalement, si c’est du grand Autre qu’émane la persécution et
toute assignation désubjectivante, il est bien évident que lorsque
l’analyste est mis en cette place, il ne peut rien répondre et ne peut
qu’attendre, puisqu’il participe du phénomène psychotique de façon
toute puissante et que rien ne peut y récuser.
Par contre en place de petit autre il est pris à témoin du phénomène
psychotique que vit le patient. Il lui est fait confiance comme à un
ami pour lui demander confirmation de ce qui est vécu. C’est alors à
un semblable supposé savoir s’y prendre autrement avec le phénomène
psychotique qu’une demande est adressée dans le transfert.
Mais faut-il considérer pour autant que rien ne se dira d’un lieu Autre
sinon que dans le réel pour ces patient ? Certainement pas, à
notre avis. Tous les développements de notre patient sur sa culture constituent
justement un discours du grand Autre. D’où la nécessité
de l’entendre, même s’il se présente d’abord sous un aspect délirant.
Il faudrait enfin préciser en quoi la structure de l’analyste fait barrage
à entendre le discours du psychotique. En tant que névrosé,
tant son rapport au grand Autre que la sidération que lui fait subir
l’exclusive de la signification phallique, sont des facteurs qui le handicapent
dans la direction de la cure, lui voilant plus ou moins radicalement le réel
de ce discours.