Anne JOOS DE TER BEERST : Tranches d'analyse.
14 juin 2016

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JOOS DE TER BEERST Anne
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Anne Joos de ter Beerst

Tranches d’analyse

Dans la deuxième leçon du séminaire :

« L’homme tourne en rond parce que la structure de l’homme est torique », c’est du moins une proposition de Lacan pour penser le système du monde, autrement que sous la forme d’une sphère et penser comment l’homme se situe dans le monde ou plutôt comment de ce monde il en est chu. (p.21 1)

Pourtant, nous ne sommes pas sans savoir que les analysants l’éprouvent avec difficulté, ce tourner en rond, cette rencontre avec le tourner en rond de la structure, ce sur quoi une psychanalyse ne peut faire que buter, ce qui fait que l’analyse ‘n’est pas une thérapie du progrès’(p.19), elle se distingue même de tout mouvement visant le progrès, d’ailleurs comment penser le progrès du sujet ? Si Lacan insiste sur ce point, à savoir que la psychanalyse n’est pas un progrès, il poursuit par une phrase inattendue : « c’est un biais pour mieux se sentir… », et il ajoute qu’à l’horizon de ce ‘mieux se sentir’ pourrait se profiler l’abrutissement. Nous voilà avertis. Mieux se sentir, bien-être, sont des maitres-mots contemporains qui se retrouvent dans les sphères du travail, de la famille, jusqu’à l’école et même dans les facultés de psychologie qui ont désormais une orientation ‘bien-être et santé’. Lacan évoque le biais. Quel biais ? Quel billet ? Billet d’humeur, billet d’amour, aller-simple 2, aller-retour ? Dernièrement une analysante se plaignait de faire du sur-place, n’est-ce pas une des modalités du tourner en rond ?

A la fin de la leçon du 19 avril Lacan propose, pour la psychanalyse, de la penser comme ‘pratique sans valeur, et même que c’est cela qu’il s’agirait d’instituer’. Sans valeur, puisqu’elle n’apporte pas une plus-value, mais serait à penser comme l’œuvre du sculpteur qui enlève de la matière, l’apport de la psychanalyse serait donc de l’ordre d’une soustraction.

N’est-ce pas cela que Lacan rappelle à propos de son passage à Bruxelles, quant aux Belges il nomme l’escroquerie de la pratique analytique. En quoi serait-ce une escroquerie ? En nous référant à la théorisation lacanienne des 4 discours, nous pourrions soutenir en prenant appui sur l’écriture du discours analytique que l’escroquerie se situerait dans le fait qu’en place de production vient S1 et non S2, mais ce S1 ne renvoi pas à un autre signifiant, ne renvoi pas au S2, puisqu’entre les deux places du bas, dans cette écriture, cela ne circule pas, la chaine est interrompue. La promesse d’un plus-de-savoir, un savoir ‘sur soi’, comme cela se dit dans le discours courant, cette promesse si présente dans les débuts d’analyse décevra petit-à-petit, puisque si le discours analytique produit du S1, Lacan qualifiera ce S1 (leçon du 8 mars ’77) comme le commencement du savoir, et qu’avec un savoir qui se contente de toujours commencer, on n’arrive à rien.

Qu’en est-il de ce savoir ? Cette question n’est-elle pas au cœur de l’expérience analytique ? La psychanalyse a commencé par la rencontre qu’a faite Freud du dire hystérique. Et l’écoute de Freud, une écoute traversée par l’hypothèse de l’inconscient, a fait émerger de ce dire le ‘discours hystérique’, Lacan le formulera ainsi. Ce discours que je vous propose de lire ainsi : L’hystérique, pose le sujet divisé et la souffrance liée à cette division en place d’agent, en haut à gauche, et de ce lieu s’adresse au Maître, S1, avec l’espoir soutenu qu’il produise du savoir, S2, mais un savoir sur l’hystérique, sur sa vérité. Espoir et demande impossible à satisfaire, car ce savoir espéré ne pourra jamais se saisir de l’objet de la jouissance, « a ». Entre les deux places du bas, entre S2 et « a », entre production et vérité, la chaine est interrompue. Ce lien social particulier que met en place le discours hystérique, ce rapport à l’Autre est donc tissé d’un grand espoir, nécessairement déçu, puisqu’impossible. Comment penser le passage du déçu au déchu, passage qui offre que quelque chose puisse choir de cette attente adressée au lieu d’un Autre personnifié en la figure du maitre ? De la prise en compte de cet impossible, parce que l’Autre est un lieu certes, mais un lieu vide, une rotation de lettres peut opérer, un quart de tour vers la droite, dépassant ainsi la frustration hystérique pour mettre « a », l’objet en position de « semblant ». Ecriture du discours analytique qui à partir de cette prise en compte de l’impossible, ouvre à l’invention d’un signifiant nouveau, un S1 qui ne serait pas du côté du Sens, sauf à l’entendre du côté du Sens Réel. Un signifiant vidé du sens, ce qui nous réveillerait de cet inconscient, ajoute Lacan. (nous = tant l’analysant que l’analyste). Et cet effort à rester (r)éveillé, ne sera-t-il pas aussi à remettre sur le métier, chaque fois que par le discours courant, voire dans nos institutions soignantes, le discours gestionnaire, nous serions répétitivement entrainés loin de la pratique de l’analyse. D’où l’invitation à refaire une tranche.

Quelque chose se franchit dans ce quart de tour. ‘Le franchissement’ était le titre de mon intervention au séminaire d’hiver « Que serait pour vous une fin de cure ? ». Un franchissement qui ne signifie pas qu’une fois franchi, comme le Rubicon, ce sera gagné pour toujours, qu’il n’y aura plus de symptômes. Un franchissement qui conduirait à un affranchissement du symptôme, ne serait-ce pas là l’espoir en début de cure ? Tel cette analysante qui rappelle régulièrement, que tout n’est pas réglé, qu’il subsiste un reste, constitué pour elle de peur et de culpabilité, un symptôme qui insiste et cela malgré une première analyse et deux thérapies, l’une comportementale, l’autre systémique. Le transfert se signale là dans ce symptôme qui encombre sa vie, qu’elle adresse à l’analyste. Ce symptôme, ce reste, comme elle le nomme, est aussi ce qui ne lui permet pas de clôturer son analyse. Dans la leçon du 15 mars ’77 (p. 109), Lacan dit, à propos du symptôme, que c’est la seule chose vraiment réelle, qui conserve un sens dans le Réel, que l’analyste peut, s’il a de la chance, intervenir symboliquement pour le dissoudre dans le Réel. Mais cela on ne le sait que dans l’après-coup de l’interprétation. En déchiffrant le symptôme, l’interprétation opère déjà une perte de jouissance. L’interprétation a des effets de coupure Réelle dans le signifiant. Elle permet au sujet de s’affranchir de l’ordre métonymique du signifiant, tel que le discours du Maître le met en place. Et donc de s’affranchir d’une certaine charge du symptôme.

Je reviens à la leçon du 14 déc’76, Lacan évoque le passage par l’analyse, ‘ce fait d’avoir franchi une psychanalyse, qui est quelque chose qui ne pourrait être en aucun cas ramené à un état antérieur’, un état antérieur comme on pourrait l’entendre en médecine, où la guérison vise le retour à l’état antérieur, une ‘restitutio ad integrum’, 3 ’sauf à pratiquer une autre coupure, celle qui serait équivalente à une contre-psychanalyse’ 4 (p.29-30)

Je n’aborderai pas la contre-psychanalyse, notre collègue vient d’en parler, j’en resterai à la question des tranches d’analyse, du transfert et de la coupure.

Le dictionnaire historique de la langue française, d’A. Rey précise que le verbe ‘trancher’ semble être issu du latin populaire trinicare : ‘couper en trois’, le passage de trin-, à tren-, puis tran-, s’explique par l’influence de tres (trois). Pourtant le verbe est introduit dès le XII siècle avec le sens, resté courant, de ‘couper en deux (qqchose) en séparant’. En ancien et moyen français ‘trancher’ a pris des valeurs extensives et figurées, comme ‘découper la viande à la table du roi’, puis tailler, couper pour confectionner des vêtements. D’où par métonymie l’instrument à double tranchant, l’outil du tanneur. On employait le terme de ‘trancher’ de façon figurée dans le sens de ‘franchir (une montagne)’. Un dernier sens a retenu mon attention celui des tranchées, non pas le fossé que l’on creuse, comme dans la guerre des tranchées, mais les tranchées terme ancien pour signifier les contractions utérines d’une femme en travail d’accouchement, travail de séparation aussi, terme dont l’emploi est sorti d’usage. Trancher signifie donc : Couper/séparer/franchir. Couper en trois, séparer en deux, franchir un…quart de tour.

Si une première tranche permet pour un sujet de venir hystoriser et hystériser le discours dans cette modalité de prévalence du symbolique sur l’imaginaire et le réel, d’un symbolique qui enveloppe complètement le R et l’I., avec une pratique de la coupure sur le sens qui fait émerger le signifiant à l’œuvre dans l’inconscient, cela risque, c’est la remarque de Lacan, de ‘provoquer une préférence donnée entre tout à l’inconscient’. (p.29) D’où la proposition d’une deuxième tranche qui serait aussi celle d’une autre coupure. Mais laquelle ? Est-ce une coupure dans la jouissance ? On peut jouir de l’inconscient, un inconscient mis en place d’objet.

Cette deuxième coupure étant ‘ce qui restaure le N. Borroméen dans sa forme originale’ (p.30), comment l’entendre ? Ne s’agirait-il pas de restituer au sujet quelque chose de son réel ? La coupure et le retournement du tore qui s’en suit restitue le N. Borroméen, l’écriture du N.Bo et la mise en place des trois jouissances. Triplicité qui ne vient plus faire bouchon au trou. La jouissance acquiert un autre statut d’être ainsi divisée. Ce n’est plus dans l’histoire, mais dans le hic et nunc, c’est dans le nœud de la structure que se situe le manque. La cause n’est plus dans l’histoire mais elle est là comme manque.

Quid donc du temps de l’analyse, et quid de ces différents temps de cures des analysants. Certains analysants ont déjà effectué une ou plusieurs tranches, d’autres ont déjà fait « un travail sur soi », comme ils le disent aujourd’hui. Pourtant ils sollicitent une relance du travail analytique auprès d’un analyste. Si ces différents temps de cure ont chacun leur importance, quel savoir se construit sur ces différentes tranches ? Si l’analysant en sait quelque chose, qu’en élabore-t-il ?

Pour éclairer mon propos, je m’appuierai sur ce qu’en disait une analysante :

– Dans ma première analyse, je me demandais toujours ce que mon analyste pensait de moi. Et avec mes superviseurs aussi, je me demandais ce que j’allais dire, ce qu’ils penseraient de mon travail. Avec mon deuxième analyste, ça n’a pas collé, c’était une méprise. Avec vous, cette question n’a plus d’importance. Alors, qu’est-ce que je viens faire ici ? Je viens me rassurer, j’ai toujours eu peur.

Cette dame dit avoir toujours quelque chose qui coince.

Quelque chose a-t-il chu du côté du moi-idéal5 dans son rapport à l’autre/Autre ? ‘Avec vous ça n’a plus d’importance’, chute ou dénégation ? Si elle dit venir se rassurer, la mise en scène d’un symptôme « ça se coince physiquement » n’est-elle pas adressée au regard de l’analyste ? Est-ce de ce regard qu’elle tente de venir s’assurer ? Ou de s’affranchir ? Cette séance lui aura permis par la suite de s’interroger sur la raison de ce symptôme adressé là.

Une dernière remarque : comment ne pas prendre cette proposition trop à la lettre, à savoir une 1ère tranche comme premier retournement, le S enveloppant le R et l’I, et ensuite une 2ième tranche, second retournement ? Ne peut-on faire l’hypothèse que dès le début de la cure le Réel est convoqué, la présence réelle du corps est convoquée, avec les effets qu’on sait de modification de symptômes, et ce parfois dès les premières séances ? Des symptômes du corps aussi et dont il n’est même pas parlé en séances. Dans ce dispositif topologique qu’est le début de la cure avec la mise en place d’une adresse et d’un lieu d’adresse, quelque chose opère d’une parole avec effets sur le réel du corps. Sans que l’analyste ne sache trop ce qui a opéré et comment.

Ne peut-on penser ces différentes tranches comme des temps logiques où à l’intérieur même de la cure ces retournements sont à l’œuvre ?

1 Les références de pages concernent la version du séminaire de Jacques Lacan, L’insu que sait de l’une bévue s’aile à mourre, séminaire 1976-1977, Ed de l’Association Lacanienne Internationale, Publication hors commerce, 2005

2 Dans la salle d’attente de mon premier analyste il y avait une pile de livres concernant la psychanalyse. Dans l’un je lisais cette définition : la psychanalyse, c’est prendre un billet aller-simple pour un voyage dont on ne connait pas la destination…

3 ad integrum – Qualifie une guérison totale qui a rendu à un tissu ou un organe toutes ses fonctions, mais aussi le retour à l’état normal d’un tissu qui a été le siège d’un processus pathologique

4 une contre-psychanalyse est nécessaire quand l’analyse se finit sur l’identification à l’analyste, cfr texte sur le site, discussion de l’intervention de PC. Cathelineau.

5 Moi-idéal, cfr Pommier dans ‘Les corps angéliques de la postmodernité’, cet idéal qui tire le sujet vers l’arrière et qu’on pourrait résumer comme la jouissance qu’il aurait fallu, (le corps parfait qu’il aurait dû être par amour, celui auquel il est sommé de s’identifier par la demande maternelle)

Discussion :

Nicolas Dissez — Merci Anne, pour ces rappels. Le premier que je n’avais pas entendu avant votre exposé, c’est que c’est vrai que le tourner en rond, c’est un signifiant qui n’est pas propre à ce séminaire ou à la question du tore qui est déjà dans les quatre discours. Ceci dit ça m’est un peu difficile de rapprocher les deux « tourner en rond », il faudrait poser la question aux topologues avertis, de savoir est-ce que c’est du même « tourner en rond » dont il est question, c’est possible. En tout cas, il est question de changer de discours dans le séminaire sur les quatre discours, il faudrait pouvoir de quelle façon ça se rapproche des retournements. C’est un premier point.

Ce qui m’a particulièrement intéressé si je reste attaché aux outils topologiques qui sont proposés, ce que j’ai saisi du fil de ce séminaire, c’est qu’il proposait de façon plus radicale comme ça n’avait jamais été le cas dans les séminaires de Lacan, de reprendre les outils freudiens, y compris l’identification en les abordant dans leur dimension réelle, i.e. d’écritures topologiques. Alors, amener, là, comme vous l’avez fait la question du transfert dans les deux types de modalités, les deux tranches qui sont exposées, ce n’est pas dans le séminaire, et ça m’a paru parfaitement juste de l’indiquer cette question-là. Il me semble que si on reprend, y compris les indications qui ont été données depuis le début de l’après-midi, celle sur l’hystérie parfaite, enfin l’hystérique parfait que Lacan dit être et suppose un transfert comme on dit de type positif, une soumission aux signifiants qui viennent de l’Autre, une attente même, pour permettre ce premier retournement du tore qui vient mettre l’inconscient au premier plan, qui permet d’y penser tout le temps mais ça suppose quand même un peu d’attente à l’égard de l’Autre de transfert positif dont on se fait je crois une idée, peut-être trop facilement, mais assez aisée.

Beaucoup plus difficile pour le coup, c’est ma question sur le type de transfert qui serait impliqué par le retour, le retournement inverse, le deuxième nom. Quel type de transfert donc pour cette deuxième cure ou ce deuxième temps de l’analyse comme Pierre-Christophe disait tout à l’heure, ça me semble quelque chose à garder comme dialectique, ça serait peut-être là que porte ma question ? Voilà.


Discussion


P.-Ch. Cathelineau — En écoutant votre exposé, il m’est venu une idée. Je voulais vous demander si vous étiez d’accord. Par rapport notamment à la vignette clinique que vous avez présentée. Est-ce que dans cette seconde leçon, Lacan n’essaie pas de nous indiquer, justement par rapport à cette deuxième tranche, que l’inscription d’un signifiant nouveau serait effectivement le… la possibilité offerte par cette deuxième tranche, sur un mode qu’il va reprendre dans la suite du séminaire, qui est justement est au-delà de l’inconscient entendu au sens purement freudien mais qui est au sens de l’une bévue, sur un mode poétique. Est-ce que vous seriez d’accord pour nous dire qu’au fond il nous dit, avec l’une bévue, d’être des poètes ?

Anne Joos de Ter Beerst — Oui, au sens où ce ne serait pas un signifiant qui renvoie de façon métonymique à un autre signifiant [P.-Ch. C. — Voilà, c’est ça !] qui ouvre, peut-on dire à une autre dimension ?

P.-Ch. Cathelineau — À une autre dimension, oui, l’une bévue… enfin il me semble, c’est le possible, ce qui s’écrit, vu l’insistance qu’il apporte sur la question du poème ! Et le cas clinique que vous évoquiez m’y faisait penser.

V. Nusinovici — Est-ce que, à défaut d’être poète, a-t-on encore le droit d’être très grossier et de se demander ce que c’est que d’avaler un comprimé ? ! D’autant plus que ça résonne quand même bien avec la topologie de la trique aussi.

Anne Joos — Quand j’ai parlé de cette situation à Lille, on m’a fait la même remarque et je me suis dit « eh bien voilà, le comprimé je l’ai loupé ! » Et je me suis interrogé sur le pourquoi j’avais loupé le comprimé, à savoir que je crois qu’il y avait quelque chose chez cette dame qui en effet est atrocement coincée physiquement par une arthrose extrêmement invalidante. C’était la première fois qu’elle parlait des peurs, et je crois comme ça qu’il y avait de mon côté un désir à re-bifurquer du côté des peurs… Mais du coup j’ai loupé le comprimé en effet.

Enfin je ne sais pas si c’est être grossier que de souligner…

V. Nusinovici — Je parlais de le souligner entre nous…

Anne Joos — Oui, mais même là, mais même en séance !

V. Nusinovici — Éventuellement, là on est entre nous… à moins qu’elle soit là ?

Anne Joos — Parce que c’est quand même ça la question : qu’est-ce qui fait qu’on entend et qu’on n’entend pas ? Hein ? C’est notre question.

V. Nusinovici — Peut-être qu’on n’entend pas quand on refuse pas la prime qu’on nous tend…

Anne Joos — [après un silence] … Oui.

Jean-Jacques Tyszler — Il y a une question qui me vient, c’est parce que Nicolas synthétisait tout à l’heure, et ça s’entendait dans l’exposé, que Lacan reprenait certains fondamentaux de Freud – ce qui est vrai – pour les remettre à sa façon dans une lecture enfin une structure… comme il fait régulièrement. Mais alors il y a une question qui surgit et peut-être qu’on entendra pendant les trois jours, là, c’est que dans les exemples qui sont apportés effectivement, ça touche essentiellement, et même les questions de cure telles que vous en parlez, et de moments de cure, ça touche essentiellement à ce que Freud appelait les névroses de transfert. On est d’accord. Y compris, c’est pour ça que je me posais tout de suite la question ce matin, même les identifications dont Freud parle effectivement pour des névroses de transfert structurées. Ça ne dit rien éventuellement d’autres abords de la clinique, où la question de l’objet par exemple vient au premier plan et non pas le trait, et donc je crois qu’il faudra faire un effort aussi pour savoir comment nous entendons aujourd’hui les mêmes questions, c’est-à-dire les tours de cure ; pour être très simple, par exemple les entretiens préliminaires aujourd’hui sont très différents. Il y a beaucoup de patients qui, aujourd’hui, vont déjà très au-delà de l’inconscient. Je veux dire le refoulement ne les intéresse pas, les figures de la négativité ne les intéressent pas, toute une série de pans ne les intéresse plus. Donc on a par exemple un temps préalable préliminaire très différent de l’époque viennoise et qui vaut non pas comme première cure mais enfin comme premiers temps d’une cure, et qui sont assez distinguables de ce qui se passait précédemment dans la pratique analytique. Enfin voilà ! C’est une question un peu massive qui me vient là tout de suite, parce que dans ce séminaire Lacan reprend des fondamentaux de Freud qui sont quand même pour la plupart coordonnés, me semble-t-il, à ce que Freud appelait : névroses de transfert. Les exemples qui ont été donnés, sur l’hystérie, etc., font partie de ce champ à l’évidence.

Thatyana Pitavy — J’avais entendu ton travail à Lille, j’avais beaucoup aimé. Une autre question me travaille, c’est celle de cette insistance quand on parle de retour, de revenir en arrière, en tout cas de faire retournement, retour, pour retrouver le nœud borroméen par exemple dans une deuxième tranche. De dire qu’il est mouvement…, j’ai l’impression qu’une fois que c’est retourné, ça ne peut retourner que vers l’avant ! On ne peut pas revenir en arrière comme si c’était possible de revenir en arrière ? Ce qui est passé est passé, quoi ! On continue.

Anne Joos — Lacan dit des choses assez contradictoires dans la même phrase puisqu’il dit « une fois que c’est franchi, c’est franchi » sauf…, et on ne retourne pas à un état antérieur, sauf à repratiquer une coupure. Mais ce n’est pas un état antérieur au sens où comme je le disais il s’agirait de retrouver l’état antérieur…

Th. Pitavy — On voit là qu’il n’y a pas de retour, que les retournements vont être successifs et que ça peut être pris dans une autre consistance, un autre corps… qui n’est pas forcément celui du Symbolique non plus

Anne Joos — Je me disais aussi que la passe c’est un exercice où on est amené à peut-être tenter de dire quelque chose de ce qui s’est joué dans les différentes tranches. Puisque c’était ma question : est-ce que les analysants élaborent quelque chose à ce propos-là ? Pas sûr. Sauf ceux qui deviennent analystes, c’est autre chose.

Renata Miletto — Je pensais que c’est une question de reste, ce deuxième, et que le reste c’est constitué d’un premier moment, donc on ne peut pas revenir en arrière, mais quoi faire de ce reste ? De continuer à jouer avec ?… Ou peut-être le poète a une façon de ne pas s’intéresser au reste, il passe à une autre façon de dire, peut-être ? Et tu as ce comprimé qui est resté dans la gorge, bon, ce reste c’est plutôt quelque chose ? ou c’est le trou que l’objet peut venir occuper ?

Anne Joos – Je l’entendais aussi comme : il y a un reste au sens où ça laisse à désirer. Ce qui n’est pas négatif.

Renata Miletto — Non, mais alors c’est plutôt question de… peut-être de ne pas s’occuper du reste comme ?? (mot inaudible…)

Anne Joos –… ou d’en faire quelque chose.