Journées sur l’Hystérie masculine – 21 & 22 novembre 1999
Nous allons parler du livre que Christiane a publié chez Flammarion sous le titre L’Inconscient. C’est un livre qui est écrit à la demande d’un éditeur et que Christiane a accepté d’écrire pour témoigner du travail fait dans notre groupe et tous ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion de le lire ont pu voir qu’il était exposé à la nécessité de répondre à de multiples exigences. Des exigences qui tiennent aussi bien au milieu d’où il vient, le lieu psychanalytique, la formation psychanalytique que le milieu auquel, dans cette collection équivalente au Que sais-je, milieu auquel il s’adresse ; une de ces exigences, assurément rendue insistante par l’éditeur, fut celle de la lisibilité, ce qui entre autres problèmes n’a pas manqué de faire souci et de faire question à son auteur.
En effet, je voudrais vous faire rapidement remarquer que le problème de la lisibilité, le fait que ce soit compréhensible pour le plus profane, est plus complexe qu’il n’y paraît puisque s’il s’agit de tout comprendre cela veut dire qu’il n’y a plus rien à entendre. On pourrait dire que l’exigence de lisibilité, de parfaite compréhensibilité est du même coup une façon de forclore, une façon d’annuler, une façon de refuser la dimension de l’inconscient ; de le présenter comme je le fais, témoigne bien déjà de ce qui était la difficulté d’écriture d’un ouvrage comme celui-là et dont Christiane, je trouve, se sort tout à fait à son honneur.
Je vous ferai remarquer encore ceci : nous parlons très facilement du problème du nom-du-père, du déclin du nom-du-père etc. mais de la fonction paternelle, il n’y a rien à comprendre. C’est justement ce qui échappe à toute compréhension. Elle ne repose que sur un acte de foi, sur la croyance, sur le crédit que l’on fait ici à quoi ? A la dimension du réel. Donc on pourrait aussi bien dire que l’exigence, scientifique au demeurant, de la parfaite lisibilité ou de la parfaite compréhensibilité est aussi une façon d’évacuer ce qu’il en est au départ, au principe de la relation à ce qui ne peut que se donner à entendre c’est-à-dire la relation au père.
Alors l’inconscient ? Ce serait après tout un exercice peut-être salutaire si l’on demandait ici à chacun d’entre nous de se risquer et de savoir ce que devant sa page blanche il viendrait raconter, il viendrait dire sur ce qu’est l’inconscient. Le livre commence par une phrase : » Nous soutiendrons que l’inconscient est le champ inventé par la psychanalyse « . C’est une phrase très forte, qui est assez proche de ce que Lacan a pu dire et néanmoins ne reprend pas de façon tout à fait exacte ce que Lacan a pu dire et qui du même coup a le grand avantage – imaginons toujours que nous sommes chacun devant notre page blanche – de nous reposer la question.
L’inconscient qui indiscutablement renvoie à une substance, renvoie à une matérialité, l’inconscient ne renvoie pas à l’esprit ni à l’âme, l’inconscient renvoie à un support matériel ; croire à l’inconscient c’est d’une certaine façon être matérialiste, pas du tout idéaliste ; mais l’inconscient quel est son support, quelle est sa matière et en quoi pouvons-nous dire que c’est un champ inventé par la psychanalyse.
Cette première assertion si forte nous paraît-elle si simple ? Personnellement, devant ma page, j’aurais écrit ceci : »L’inconscient cela veut dire qu’il y a du signifiant dans le réel ». Du signifiant – et c’est déjà une première complexité, peut-on dire que c’est du signifiant ? ou peut-être est-ce avant tout de la littéralité ? En tout cas, dans le réel, il y a assurément de la littéralité et pour que cela existe pour chacun d’entre nous, il n’est pas besoin d’une opération qu’on appellerait le refoulement puisque nous savons par le travail de Lacan inaugural de ses Écrits que ce mécanisme d’évacuation dans le réel de la lettre est un mécanisme lié à la physiologie propre de la littéralité. Pas besoin spécialement d’un commandement à devoir refouler c’est-à-dire à faire de ce qui est ainsi rejeté dans le réel le support du sexe, cela n’est pas nécessaire pour qu’il y ait dans le réel de la littéralité. Il y en a et sans doute est-ce ce qui explique notre attachement particulier à ce qui est textuel ; en tout cas ce qui fut notre attachement particulier à ce qui est de l’ordre textuel et notre attachement à déchiffrer ce qui se propose comme textuel.
Alors, si cela est un phénomène qui est plus physiologique, interne au fonctionnement de la lettre, où se situerait l’intervention de Freud ? Pour ne pas jouer au ping-pong à cette table avec Christiane, je vais me permettre de proposer ma propre interprétation. Ce que Freud découvre grâce à l’hystérie c’est que cette organisation littérale peut être organisatrice d’une adresse, c’est-à-dire que ça peut se mettre à parler, et une adresse qui suppose l’interlocuteur, le destinataire qui lui saurait déchiffrer et il me semble que si l’inconscient auquel nous avons affaire de nos jours est bien l’inconscient freudien et est bien comme l’écrit Christiane un champ inventé par la psychanalyse en tant qu’il s’agit de l’inconscient qui nous habite jusqu’à ce jour, eh bien, c’est que cette littéralité qui n’est pas forcément un langage, – Lacan dit que c’est structuré comme un langage, ce comme est tout à fait énigmatique – il ne dit pas qu’il y a une langue enfouie dans l’inconscient, il dit qu’il y a là une structure qui est comme un langage et donc il semblerait que ladite structure comme un langage puisse être le support d’une parole, d’une adresse et que cette adresse invoque elle-même, cherche à se faire reconnaître. En tout cas, c’est là l’invention de Freud et en remarquant tout de suite que dès lors cet inconscient est éminemment l’inconscient hystérique car, pourquoi ne pas le dire ? ce n’est pas du tout l’inconscient de l’obsessionnel. L’obsessionnel, ce qui différencie ses symptômes, c’est qu’ils ne constituent aucunement une adresse et ne constituent aucunement l’interpellation de quelqu’un qui saurait et comme on l’a déjà fait remarquer, il faudra l’hystérisation produite chez lui par la cure pour que son inconscient devienne freudien. Il n’a pas l’inconscient freudien l’obsessionnel. C’est cela qui est bizarre. Alors vous voyez que cette première phrase de Christiane, à la fois forte et problématique nous amène à reprendre pour nous-mêmes des questions que nous préférons habituellement ne pas toucher, compte tenu sans doute du sentiment que si on se met à un peu trop toucher aux fondements, on ne sait pas si l’édifice va parfaitement tenir ; car surgit en même temps cette autre question : Lacan situe ce lieu du réel, ce lieu investi par une littéralité, une littéralité qui par elle-même est inerte – pourquoi voudrait-elle dire quelque chose après tout ?- il l’investit ce lieu, d’un sujet et en tant que cet investissement serait un effet du discours de la science, naissant avec Descartes. Autrement dit, pour me servir d’une image qui va vous paraître et peut-être aussi à Christiane un peu crue, voilà que le rat qui est là tapi dans le réel, avec le fait que le sujet vienne s’y loger brusquement voilà que son oeil s’ouvre et qu’il se met à frétiller. Voilà que le rat qui est là présent se déchaîne, se met brusquement à être animé, ce déchet qui se nourrit de déchets, brusquement il se met à avoir une âme et brusquement il se met à être vivant.
Cette assertion de Lacan que le sujet dans l’inconscient, de la présence d’un sujet dans l’inconscient… qu’est-ce que ça veut dire un sujet ? C’est finalement un lieu d’où ça se met à parler. Cette littéralité, cet ensemble inerte dont je dirais à la limite qu’est-ce qu’on a à en faire ? voilà que ça se met à parler ; et cette assertion de Lacan fait problème parce que l’hystérique pour exister n’a pas attendu le discours de la science. Même si le discours de la science l’a fait flamber, nous en avons tous les témoignages historiques et dans mon célèbre ouvrage passé complètement inaperçu, je ne manque pas de faire ce rappel historique qui est je crois intéressant, qui m’avait beaucoup amusé à l’époque, que l’hystérie a commencé à être repérée par les médecins égyptiens deux mille ans avant le Christ, que Hippocrate n’a fait que traduire très fidèlement la façon dont les médecins égyptiens la nommaient. Les médecins égyptiens avaient isolé chez les femmes une affection d’expression polymorphe, fonctionnelle, sans lésion organique et ils l’attribuaient au fait que chez ces femmes, l’utérus était desséché, était en souffrance et que donc l’utérus se mettait à parler, à faire des siennes ; il convenait donc de guérir l’affection et dans ce pays plutôt aride en humidifiant cet utérus autrement dit, en traitant les jeunes filles et les jeunes veuves de la façon qui convenait pour que leur utérus ainsi se calme. C’était deux mille ans avant Jésus-Christ et depuis l’hystérie n’a pas longtemps quitté la scène médicale. Donc on aurait envie de dire que cette littéralité ainsi animée s’est donnée à entendre avant le discours de la science, encore que les médecins de l’époque fonctionnaient de manière plutôt scientifique c’est-à-dire qu’ils étaient plus scientifiques que magiciens, thaumaturges. Ils cherchaient une chaîne causale rationnelle à établir pour expliquer les phénomènes qu’ils observaient. Donc cette assertion importante, essentielle de Lacan nous interroge et à propos de ce petit livre qui est bourré d’informations et qui est excellent dans ses développements et justement sa rationalité, pour ma part je regretterai de ne pas y avoir trouvé mais c’est ma question ce n’est pas forcément celle de Christiane, ce type d’interrogation.
Ceci étant, pour que l’inconscient nous parle du sexe, car là aussi pourquoi nous parle-t-il toujours du sexe ? Pourquoi ne nous parlerait-il pas musique, ou philosophie, ou belles lettres, ou je ne sais pas les sujets sont après tout… Comment se fait-il que l’inconscient soit aussi monoidéique, il est vraiment obscène. Il ne pense qu’à ça ! Comment cela se fait-il car si vous reprenez le fonctionnement de la chaîne de Markov, il n’y a rien dans cette chaîne qui prédestine ce qui va à certain moment de la chaîne tomber dans les dessous, c’est-à-dire passer dans le réel et être capable de revenir dans le champ de la réalité, il n’y a rien qui spécialement prédestine ces éléments à être les supports de la sexualité. Alors je poserai la question à Christiane si elle veut répondre, si ça l’inspire, j’aurais envie de dire que c’est avec notre religion que ce qui se trouvait refoulé de soi-même, s’est trouvé prendre un sens sexuel, c’est-à-dire que ce qui s’est trouvé ainsi retranché, – retranché c’est déjà un mot beaucoup trop fort -, que ce qui se trouvait ainsi spontanément évacué est devenu le support du sexuel, de ce qu’il ne faut pas, de ce qui ne doit pas être présent dans la réalité, puisque dans la réalité nous devons nous présenter, selon ce schéma très évocateur de Lacan lorsqu’il dessine le -f c’est-à-dire un bonhomme avec à l’endroit du sexe un pointillé ; c’est comme ça que dans la réalité nous nous présentons ; nous ne le savons plus parce que ça fait partie de notre convenance mais imaginez un instant que celui qui est à la tribune ou dans la salle se présente autrement, ça ferait mauvaise impression. C’est un exhibitionniste, c’est un pervers, c’est quoi ?
Donc ce moment, moi je l’attribue au type de rapport à notre religion qui n’est pas du tout la même que celle des anciens, celle des Grecs et des Romains qui fonctionnait tout autrement, on peut penser que chez les Grecs et les Romains qui avaient un inconscient comme tout le monde, cet inconscient n’avait pas de rapport spécifique avec la sexualité ; ce n’était pas le support de la sexualité et donc du même coup il n’avait rien à dire. Donc nous le devons à notre religion et Freud est venu entendre ce qui était là maintenant un sujet qui cherchait à faire entendre, à faire reconnaître un désir dans la mesure où par la double opération celle de la religion puis de la science, ce qui pouvait s’articuler n’était plus que mensonge. Non pas mensonge délibéré, mensonge voulu, mensonge cherché mais je ne peux raconter que des blagues puisque ce qu’il en est en ce qui me concerne du sujet, de ce qui chez moi anime le désir, ne peut plus s’articuler à ma volonté, à mon commandement. Ça m’échappe et ça s’exprime comme ça veut, quand ça veut et d’une façon qui manifestement cherche avant tout à se faire reconnaître.
Le trauma, puisque nos journées portent sur l’hystérie et si je me souviens bien, Christiane l’aborde mais pas de la façon, peut-être avec les développements que j’aurais souhaités mais là aussi ça me regarde. La question du trauma. Qu’est-ce que c’est que le trauma ? Grâce à ce livre et au point où nous en sommes de nos cogitations, je crois que nous pouvons dire ce que c’est que le trauma. Le trauma, c’est ce qui fait refoulement sans pour autant me donner le droit de faire reconnaître mon désir – c’est ça qui est traumatique -, me prive de l’expression de mon désir ; autrement dit, l’interprétation traumatique de la castration est toujours possible et il suffit que je sorte de la castration dans une position jugée défavorable c’est-à-dire en position féminine – je dis bien qu’elle est « jugée » défavorable – pour estimer que c’est l’interprétation traumatique qui prévaut. Si à part tout ce que je trouve de méritoire dans ce travail fait par Christiane dans les conditions que j’ai rappelées et pour les raisons que j’ai rappelées c’est-à-dire la qualité aussi bien de son plan que le souci de rigueur de ce qu’elle avance et le nombre d’informations qu’elle apporte au lecteur, si j’avais un regret à formuler ce serait qu’elle s’arrête devant ce qui après tout peut être la modification en cours de l’inconscient. Peut-être que l’inconscient tel qu’il se prépare dans les générations à venir chez nos jeunes ne sera pas du même type que celui que nous avons connu. Il y a de nombreux collègues qui s’intéressent à la question, qui l’interrogent. De quelle façon ? Que le sujet y soit, c’est indiscutable puisque la science ne peut que progresser dans son souci d’évacuer tout ce qui est cause à ses yeux de perturbation, d' »irrationalité « . Je veux dire que la science ne peut que forclore plus que jamais et on le voit bien avec le développement du cognitivisme, dont il faudra bien que l’on parle un jour dans notre groupe pour en mesurer toute l’importance parce que ça devient non seulement une philosophie mais ça devient une religion.
Vous croyez que je plaisante bien sûr, mais amusez-vous à parcourir les bouquins de la scientologie. Si j’ai le temps, je ferai peut-être un papier là-dessus. La scientologie, c’est la religion du cognitivisme. Vous pouvez toujours après dire que c’est une secte alors que le cognitivisme est la démarche qui se veut la plus rigoureuse, la plus nette, la plus précise qui soit. C’est très facile à montrer. Donc dans le réel, présence du sujet grâce à la science ça c’est sûr. Mais est-ce que ce qui se trouvera là en dépôt transitoire, passager, dans le réel, cette littéralité sera-t-elle toujours {…} supportant le sexuel ce n’est pas sûr dans une culture où je dirai la diction, la présentation, la monstration de la sexualité n’est plus frappée par le refoulement comme cela a pu l’être pour les gens de ma génération, dans leur temps, dans leur jeunesse, dans leur histoire tout près du XIXe, il n’est pas dit que cette littéralité cependant prise en charge par un sujet parle du sexuel. Ce n’est pas sûr. Alors de quoi parlerait-elle ?
J’ai évidemment une suggestion mais elle est tellement facile à faire ; elle donnera l’impression que je retombe sur mes pieds, que je n’ai pris aucun risque mais j’aurais envie de dire que ce dont elle pourrait parler c’est que ce sujet n’a plus rien d’autre à dire que son propre déficit c’est-à-dire qu’il n’est plus là présent que comme une faille ; qu’il n’a plus à parler que de son propre déficit autrement dit, qu’il n’a plus à parler que de sa propre déprime. Et après tout pourquoi n’est-ce pas de cela qu’un sujet aujourd’hui, pourquoi ne serait-ce pas de cela qu’il parlerait ?
Je me suis essayé moi aussi à me mettre devant une page blanche comme Christiane l’a fait, avec ses scrupules, son souci, les tourments que ce livre a pu lui donner, ses allers et retours et je me suis dit … je vais dire comment je l’aurais commencé. Je l’aurais commencé en disant : tout ce qui suit c’est des histoires, tout ce qui suit c’est du mensonge. Néanmoins c’est grâce au développement de ces mensonges, voire à leurs recoupements que la vérité va pouvoir se donner à entendre mais alors là je saute sur mon Epiménide, le Crétois mais alors quand je commence en disant tout ce qui suit est mensonge, est-ce que ça aussi est un mensonge ? Eh bien, pour le logicien ce n’est pas décidable mais pour le psychanalyste ça l’est puisqu’il distingue le sujet de l’énoncé du sujet de l’énonciation, et c’est ce sujet de l’énonciation qui supporte l’inconscient ; c’est donc grâce à tous mes mensonges que peut-être se donnera à entendre ce qu’il en est de la vérité de tout cela et pas moyen d’opérer autrement. Ce serait mon propre début ce qui convenons-en est absolument irrecevable pour quelqu’éditeur que ce soit. En tout cas, merci à Christiane pour ce livre dont je recommande la lecture bien que je n’aie pas joué au jeu du ping-pong et à celui des questions.
Christiane Lacôte – Oui je vais prendre la parole d’abord pour te remercier d’une lecture qui n’est effectivement pas ping-pong, point par point, mais qui est tout à fait ce que je souhaitais, c’est-à-dire que chacun se mette devant sa page blanche en essayant de dire ce que c’est que l’inconscient ; et puis te remercier parce que ce livre doit beaucoup à ces années d’enseignement, ça se lit, et au travail commun de l’Association. Pour reprendre la question que tu poses c’est-à-dire pourquoi finalement il n’est pas évident qu’une littéralité, une textualité, – on commençait à en parler hier après-midi -, soit liée au sexe c’est vraiment tu parlais de scrupule, non pas du tout mais l’angoisse, l’angoisse dans laquelle j’ai été de ce que ça ne se lit pas. J’ai été aidée dans ce livre par Nella Faroucki qui est philosophe, historienne des sciences et qui a été d’une écoute extraordinaire ; c’était un exercice pour moi d’écrire un livre comme psychanalyste pour l’inconscient, en étant écoutée en faisant passer les choses à quelqu’un qui ne l’était pas du tout c’est-à-dire de sortir de la complicité. Elle m’a dit cette chose qui repose la question de l’enjeu de la symbolisation par rapport au réel, de ces deux domaines : j’ai deux auteurs en difficulté ; c’est vous et celui à qui j’ai donné le Domino sur Dieu. Je me suis sentie tout à fait solidaire de cet homme qui peinait comme moi autour de ce qu’il y a de plus réel parce que effectivement tu rappelais ce qu’a pu être symbolisant par l’interdiction de la religion pour faire parvenir le reste par lequel se définit le sexuel finalement mais c’était le même enjeu. Ça vacille tellement, les liens sont tellement liés, j’allais dire à l’organisation du langage, et au fait de notre propre transfert au savoir d’un autre humain, certainement pas le savoir révélé par Dieu, que ça vacille beaucoup.
Pour les premières phrases, ma première a beaucoup plu à Nella Faroucki mais pas aux autres. Il est évident que c’était une provocation et que les gens qui décident que l’invention ce n’est pas sérieux mais l’invention même c’est cette question du passage de la littéralité à quelque chose qui serait de l’ordre d’un savoir. Pour la psychanalyse c’est effectivement de l’ordre d’un savoir sur le sexuel. C’est organisé par ça. C’est très bien que ce soit dans les journées sur l’Hystérie où effectivement le point de passage est possible mais dès le départ Freud s’est inquiété de la paranoïa, de la névrose obsessionnelle. Le deuxième point que je voudrais ajouter grâce à l’ouverture de cette lecture parce qu’il faut continuer, c’est ce qui m’a troublée sur le fait que les élèves de Freud et la suite contemporaine ne veuillent pas prendre en compte la pulsion de mort. C’est tout de même un moment où tout de même la littéralité vacille dans son raccord avec le sexuel ou est-ce que je me trompe ? C’est une question difficile…
CH. M. – Non, c’est une question …
C.L. – Enfin, difficile parce qu’il faut que chacun s’y avance
Ch. M.- En tout cas, Lacan y avait répondu en disant que la mort là n’était que la compagne justement indissociable de la sexualité. Je ne suis pas certain que ce soit un vacillement. Lacan critiquait l’opposition de Freud entre Éros et Thanatos. Il disait que l’opposition entre Éros et Thanatos c’est une façon de croire que papa ne veut que votre vie, il est là toujours à veiller sur votre vie alors que dire papa c’est évoquer du même coup qu’on s’inscrit dans une chaîne généalogique et que sa mort est inscrite avec la naissance pas moins. C’est ça que ça veut dire. Donc Lacan ne sépare pas la sexualité et la pulsion de mort, il en ferait plutôt la réussite et si maintenant il y a des gens qui essaient de précipiter le mouvement, de faire que ça s’accélère, c’est un thème que j’essaie de traiter cette année dans mon séminaire c’est que la vie nous dérange, elle nous déplace ; nous sommes constamment dérangés par la vie, elle nous harcèle, il y a un harcèlement vital que je ferai passer, qui est très proche du harcèlement sexuel, ce qui fait que nous avons une relation paranoïaque à la vie. Elle nous emmerde et la pulsion de mort se laisse assez facilement déchiffrer dans ce contexte. Le paranoïaque c’est la grande figure de celui qui cherche à se faire dégommer.
Avez-vous des remarques, des questions ?
Alors à bientôt.