8ème séminaire de préparation au Séminaire d’été 2016
Mardi 2 février 2016
I – Les Écrits techniques de J. Lacan, Leçon XIII, par Pierre Coërchon,
II – Le moment de conclure de J. Lacan, Leçon II, par Pierre-Christophe Cathelineau.
I – Les Écrits techniques de J. Lacan, Leçon XIII, par Pierre Coërchon :
Pierre-Christophe Cathelineau — Nous allons travailler sur la Leçon XIII des Écrits techniques et ensuite la Leçon II du Moment de conclure…
Pierre Coërchon — C’est un pari impossible mais bon ! On va essayer de s’y attaquer quand même.
P.-Ch. Cathelineau — Si possible, quarante minutes.
P. Coërchon — Quarante minutes ? D’accord.
P.-Ch. Cathelineau — Quarante / quarante-cinq minutes.
P. Coërchon — Je vais, peut-être pour introduire les choses, essayer d’évoquer ce qui a fait pour moi, un petit peu, l’articulation de cette leçon qui est quand même très dense, très remplie, très ramassée, avec tout un tas de références qui partent dans différents sens. Mais, bon, j’ai essayé de relier ce qui pouvait concerner l’utilisation par Lacan du schéma optique, avec la façon dont ensuite il va introduire la structure par le nœud borroméen. Existe-t-il un lien entre ce schéma optique, en tant que structure, et ce que Lacan va ensuite travailler avec le nœud borroméen ? Voilà, ça a été un peu mon angle de lecture.
Alors, pour moi, il y a trois éléments qui s’articulent dans cette Leçon XIII, du 7 avril 1954. Le premier élément, et c’est peut-être en ça que ça rejoint un petit peu la Leçon I du Moment de conclure, le premier élément c’est le retour de Lacan sur ce qui… Bon, en répondant aux questions que posent Hippolyte, Lacan revient sur le schéma optique, et antérieurement sur le miroir… l’expérience de Bouasse. Et il va expliciter aussi l’expérience de Bouasse, alors, moi, ce sera la lecture que je vais vous proposer, comme quelque chose qui s’articulerait chez l’être parlant, comme un fantasme de science. C’est-à-dire que la question de la copulation chez l’animal, à mon avis, enfin rejoint quelque part ce que Lacan évoque dans la première leçon du séminaire du Moment de conclure, sur le fantasme de science. La science comme fantasme, avec la question de l’exfoliation de l’imaginaire. Voilà.
Alors, c’est le moment où Lacan revient sur Bouasse, et puis ensuite Lacan passe, dans ses explications en réponse à Hippolyte, à la question de la structure du langage, et c’est là qu’il introduit via le miroir plan la question trinitaire qui est déjà là évoquée dans une articulation assez complexe, dans le texte, qu’il est difficile de suivre dans les entrelacs des formulations de Lacan, mais il y a une préfiguration d’une articulation là très complexe, à partir du moment où entre en jeu la question de la réflexion, l’introduction par rapport à l’expérience de Bouasse, du miroir plan. Donc là, il y a une ternarité qui entre en scène et du coup une complexification de la façon d’attraper les choses, je vais le dire comme ça. Voilà.
Et puis, à la fin, il y a un dialogue avec Perrier qui fait, pour moi, une troisième partie de cette leçon, et ce dialogue avec Perrier reprend un texte de Freud, que moi je ne connaissais pas personnellement, enfin que je n’avais pas lu jusqu’à présent, qui est un texte qu’on trouve dans Métapsychologie : Compléments métapsychologiques à la théorie du rêve (1915).
Donc là, dans cet échange avec Perrier sur le commentaire de ce texte, Lacan se propose d’essayer d’appliquer le schéma optique à des déclinaisons cliniques et à la façon dont on pourrait revenir à un narcissisme primaire, grâce au rêve. Est-ce que le rêve pourrait nous enseigner par rapport au narcissisme primaire ? Et puis, en même temps, il y a une comparaison dans l’enjeu de Freud dans ce texte, c’est de comparer des éléments structuraux, par le biais d’une régression initialement temporelle puis finalement qui va basculer sur une régression topique, donc déjà la topologie qui se profile. Donc, il va s’appuyer sur ce que nous enseigne le rêve du point de vue structural pour essayer de le décliner par rapport à des symptômes, qu’on peut rencontrer dans la clinique, notamment les troubles du narcissisme sur le plan des psychoses.
Voilà un petit peu pour moi les appuis de la leçon, parce que c’est difficile d’extraire un peu quelque chose de cette leçon et pour moi c’est là les trois grands appuis de la leçon. Voilà.
Donc, dans cette première partie, Lacan dialogue avec Hippolyte pour expliciter le montage du schéma optique et de son utilité en psychanalyse. Il nous dit :
« Cet imaginaire est dominé par un certain mode d’impression. Il est possible d’en présenter les caractéristiques du réel sur l’image. » (p. 267 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 249 anc. éd.) Voici d’emblée le programme, et comment la question ne saurait exclure le tiers terme dans les rapports de l’imaginaire, du réel et du symbolique.
Une définition de Lacan arrive très vite : « … c’est une image réelle, pour autant que l’œil accommode sur un certain plan, d’ailleurs désigné par l’objet réel. […] Pour autant que l’œil accommode sur l’image réelle, il voit cette image. Elle arrive à se former nettement dans la mesure où les rayons lumineux viennent tous converger sur un même point d’espace virtuel, c’est-à-dire où, à chaque point de l’objet, correspond un point de l’image. » L’œil doit être placé dans un certain cône pour voir l’image. « …pour être perçue, il est nécessaire que l’observateur soit assez peu écarté de l’axe de l’appareil du miroir sphérique : dans une sorte de prolongement de l’ouverture de ce miroir. » (p. 268 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 249-250 anc. éd.)
Voilà. Ça, c’est la reprise, l’explicitation de l’expérience de Bouasse. Si vous voulez, je peux vous la présenter vite fait avec le matériel.
Donc, dans l’expérience de Bouasse, on a un vase renversé, en fait il faudrait que je le tourne vers vous… Donc on a une sorte de vase renversé, je ne sais pas si vous le voyez, cela doit être un peu près comme ça.
Virginia Hasenbalg-Corabianu — On ne voit pas bien la fleur.
P. Coërchon — Il y a l’épingle qui cache le vase.
V. Hasenbalg — On ne voit pas la fleur. Monte un petit peu.
Marie-Christine Laznik — C’est-à-dire qu’on n’est pas placé comme il faut.
P. Coërchon — Il faut être vraiment dans l’axe. Il y a un cône.
M.-Ch. Laznik — À cet endroit, on verrait la fleur, au dessus du col du vase. Mais on n’est pas placé comme il faut.
V. Hasenbalg — J’en ai fait un petit film, que tu trouves dans le site de l’A.L.I. C’est une question de comment on situe les miroirs sphériques. Il faut le situer plus haut, sinon la fleur tu ne la vois pas. Il faut que ça coïncide.
Bernard Vandermersch — Il faut que ce soit bien éclairé aussi.
P. Coërchon — Alors, moi, je n’ai pas pu m’empêcher… parce que Lacan s’appuie beaucoup sur la question du renversement et de la création de l’image réelle à l’endroit là de ce schéma de Bouasse, enfin de cette expérience de Bouasse, et finalement il s’agit là quand même d’une expérience, qu’on pourrait qualifier d’observation scientifique, si vous en êtes d’accord ?
Madame Y — Technique.
P. Coërchon — Hein ? Physique, optique…
V. Hasenbalg — C’est de l’optique pure.
P. Coërchon — C’est de l’optique. Et c’est ce qui permet de créer ce que Lacan appellera une image réelle. Voilà. Donc la création d’une image réelle à partir d’un objet réel, en passe par cette correspondance biunivoque, parce que là on a une correspondance biunivoque. C’est ce qu’il raconte pour l’animal. Donc, il va appliquer dans cette leçon l’expérience de Bouasse
à la copulation chez l’animal. Il dit : « chez l’animal, voilà ce qui se passe ».
V. Hasenbalg — C’est-à-dire… pardon, que l’animal aurait à faire avec l’image réelle ?
P. Coërchon — Oui.
M.-Ch. Laznik — … déclenchant.
P. Coërchon — Voilà. Qui déclenche ce renversement, parce qu’il y a déjà de la topologie là-dedans aussi. Il y a un renversement de l’objet réel dans une image réelle, avec un effet de torsion et d’inversion déjà de l’image. Ce qui fait que le pot qui est renversé se redresse pour venir chopper les fleurs, et donc dans une correspondance biunivoque, c’est-à-dire que là il me semble que ce qu’évoque Lacan à cet endroit là c’est peut-être le fantasme du rapport sexuel qui pourrait s’appuyer sur un point de vue scientifique. Il y a quelque chose d’un rapport là, qui serait encore possible, puisqu’on a cette correspondance biunivoque. On a, nous dit Lacan, cette correspondance de l’Innenwelt et de l’Umwelt chez l’animal, c’est-à-dire de son intégration intérieure de son monde, c’est-à-dire le pot, quoi, son corps intériorisé, qui va rencontrer dans le contexte, dans l’environnement, quelque chose dans une certaine circonstance optique qui déclenchera l’automatisme de la copulation et la reproduction, c’est-à-dire le mécanisme reproductif à l’infini des éléments, ce qui fait que cette copulation est, pour Lacan, très liée à la mort. Il évoque dans cette structure-là, dans laquelle on imag…, on projette l’animal, parce qu’après tout on ne sait pas ce que… Mais la démarche scientifique consiste à traiter cette structure-là à l’animalité et c’est peut-être ce qu’on appelle l’instinct dans la théorie scientifique. Je pense que c’est en ça que ça rejoint aussi la question psychanalytique avec tout le travail de Freud sur l’instinct. Je pense que là il y a une articulation de la question de l’instinct et de la bascule de l’instinct sur la pulsion. Je pense qu’il y a quelque chose qui topologiquement vient s’articuler à cet endroit-là.
Hubert Ricard — Excusez-moi, vous venez de parler de la mort à propos de l’animal ?
P. Coërchon — De l’animal. C’est ce que dit Lacan.
B. Vandermersch — C’est parce qu’il est au service de la reproduction.
P. Coërchon — De la reproduction. Il est dans la perpétuation de l’espèce, et donc dans cette perspective là…
B. Vandermersch — Il baiserait pas pour lui-même.
P. Coërchon — … il est déjà mort.
H. Ricard — Je ne sais pas s’il a des idées sur la question !
B. Vandermersch — Mais enfin, quand il mange, c’est pour lui.
H. Ricard — Ça, si il est déjà mort, bon ça c’est la structure de la vie et de la reproduction sexuée, mais…
B. Vandermersch — C’est assez simple.
H. Ricard — Ça n’a pas quand même la même connotation de terme acquis que dans la pulsion de mort freudienne.
Pierre Coërchon — Là, je pense que peut-être la mort, enfin moi comment j’ai entendu la référence de Lacan à cet endroit-là de son texte, c’est la mort du sujet. C’est qu’il n’y a pas de sujet là.
H. Ricard — Il n’y a pas de sujet.
V. Hasenbalg — Chez l’animal.
P. Coërchon — Chez l’animal, il n’y a pas de sujet.
V. Hasenbalg — La question ne se pose pas.
B. Vandermersch — Seul, l’homme meurt. L’animal cesse de vivre.
Monsieur X — Bravo. Ça c’est fort !
B. Vandermersch — J’ai lu ça quelque part !…
H. Ricard — C’est pas Pascal qui a dit une connerie comme ça, c’est pas possible.
V. Hasenbalg — Mais tu le cites au bon moment.
P. Coërchon — Voilà. Donc, en tout cas, cette question du lien à la science… Et ça m’a évoqué justement cette histoire du fantasme de science dans la Leçon I du Moment de conclure, avec cette question de l’exfoliation de l’imaginaire. Alors, je me suis même demandé si cette expérience qui nous parait optique justement, et vraiment fondamentalement imaginaire, elle ne véhiculait pas en elle quelque chose presque de l’exfoliation de l’imaginaire, au sens du corps, justement…
V. Hasenbalg — Pardon. Est-ce qu’on peut dire que c’est vraiment quelque chose d’exclusivement imaginaire ? Je pose une question.
M.-Ch. Laznik — C’est la constitution en tout cas du narcissisme…
V. Hasenbalg — Non, non, mais attends, on est au niveau…
M.-Ch. Laznik — … à ce moment-là, il y a une dimension imaginaire peut-être
V. Hasenbalg — On est au niveau de l’animal.
H. Ricard — On est chez l’animal là.
P. Coërchon — On est chez l’animal.
V. Hasenbalg — On est chez l’animal, on ne met pas le narcissisme chez l’animal.
Marc Darmon — C’est imaginaire et réel.
V. Hasenbalg — Merci.
H. Ricard — Oui, mais il n’y a pas de symbolique.
V. Hasenbalg — Il y a du réel. On est au niveau de l’animal.
P. Coërchon — Voilà. C’est sensé être imaginaire et réel. Mais il y a quand même une loi. C’est ça qui est un peu curieux. Il y a quand même une loi.
H. Ricard — Il y a même un savoir.
P. Coërchon — Parce que la copulation n’aura lieu qui si on se place dans le cône. Il y a déjà cette notion du cône de la perception, c’est dans un certain angle de….
M. Darmon — Il faut certaines conditions, même pour l’animal.
B. Vandermersch — Ce n’est pas une loi, c’est de la physique.
M. Darmon — C’est les travaux de Lorenz qui étaient, à l’époque…
V. Hasenbalg [en riant] — … et de l’épinoche !
B. Vandermersch — Ou sinon l’animal déconne.
M. Darmon — Il faut qu’il y ait l’empreinte dans une certaine… l’empreinte se fait dans un certain délai et ne peut plus se faire après avoir dépassé ce délai.
H. Ricard— Mais un délai dans la formation de l’animal, dans sa…
M. Darmon — Oui, dans le développement.
H. Ricard — Dans le développement. Mais si vous parlez d’instinct, il y a même un savoir aussi. Je ne dis pas que c’est du symbolique mais enfin…
B. Vandermersch — Pour Lacan, le savoir c’est une articulation se signifiant, mon cher.
H. Ricard — Bien sûr, bien sûr, mais tout le monde dit que l’instinct c’est un savoir.
V. Hasenbalg — Oui, l’instinct, comme savoir, bien sûr… mais assez automatique.
H. Ricard — L’animal, il sait y faire quand même d’une certaine façon.
M. Darmon — Oui, mais… de dire savoir, c’est déjà faire une métaphore.
H. Ricard — Oui, par rapport à la caractérisation de Lacan. Bien sûr.
B. Vandermersch — Il fait. Bon alors, on va laisser parler l’orateur quand même.
P. Coërchon — Voilà. Mais Lacan souligne que pour le parlêtre, « il est nécessaire de constituer un appareil un tout petit peu plus complexe et astucieux » (p. 271 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 253 anc. éd.) Lacan rappelant ici « le thème hégelien fondamental : le désir de l’homme est le désir de l’autre » (p. 271 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 253 anc. éd.) D’où le miroir plan, ajouté ici et d’où « le stade du miroir « classique » de Lacan », par « le caractère tournant, [de] virage, qu’a [à] un certain moment de triomphe, d’exercice triomphant de lui-même, [là, je cite Lacan] que l’individu fait de sa propre image dans le miroir, […] saisie anticipée, d’une maitrise), […] Urbild. Mais aussi […] retard ». (p. 272 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 253 anc. éd.) Donc il y a, à la fois l’accession à cette unité de l’image mais en même temps « de retard de décollement, de béance par rapport à sa propre libido » chez l’homme, avec pour conséquence radicale [je cite Lacan] la « différence radicale entre la satisfaction d’un désir, et la course après l’achèvement du désir » [p. 271 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 253 anc. éd.].
Alors, je crois que là Lacan évoque ce moment d’assomption au stade du miroir, avec ce que Bergès évoquait du côté du débordement, le fonctionnement déborde la fonction, c’est bien ça Marie-Christine ?
M.-Ch. Laznik — Oui, mais non il y a un problème, c’est qu’on ne peut pas oublier que ça va être repris dans plusieurs séminaires et que ce côté Gestalt du stade du miroir sera abandonné, pour faire introduire une place beaucoup plus grande à l’intra [sic] intersubjectif où ce miroir deviendra le grand Autre et on perdra ce côté aussi Gestalt de cette époque-là.
P. Coërchon — Mais c’est quand même dans cette faille du débordement du fonctionnement par la fonction tel que l’enfant [M-Ch. L. : Qui est soutenu par le grand Autre.] voilà, soutenu par le grand Autre, la mère dans l’expérience du miroir, c’est dans cette faille-là que Lacan place justement l’entrée en scène du symbolique, par le biais de l’introduction dans le système optique, là, du miroir plan. C’est quand même par cette faille là qu’il…
M.-Ch. Laznik — C’est très important qu’on se rappelle que la dernière fois où il prend le schéma optique, André Green lui demande de nouveau de rétablir… C’est, je crois, ou dans les identifications (L’identification) ou dans L’angoisse, Green lui redemande de réorganiser, de réexpliquer cette histoire de Réel, d’Imaginaire et de Symbolique, il reprend, et c’est je crois la dernière fois dans le séminaire, il redessine et à ce moment-là il y a quelque chose de très important, c’est que dans le miroir plan il n’y a plus d’assomption jubilatoire, ce que le sujet perçoit s’il est tout seul devant le miroir plan, c’est un manque, c’est un – φ. C’est-à-dire que cette fabrication, qu’on pourrait appeler perverse dans le sens qu’elle est positivée de la phallicité du sujet, de sa puissance, que ce soit le bébé ou le plus grand, n’est donnée que dans le regard de l’Autre, c’est le système psychique de l’Autre, parce que s’il se retrouve devant le miroir plan c’est du manque qu’il remarque et là, tout d’un coup on a des – φ qui viennent circuler et ça c’est très important parce que par cette béance, bien sûr que c’est un ordre du symbolique qui s’institue, mais aussi la dépendance radicale du désir de l’homme par rapport à l’Autre.
H. Ricard — Si je peux ajouter… Il semble qu’il n’est quand même pas dans la Gestalt parce qu’à la fin de la leçon, il ridiculise une description de type gestaltiste, si mes souvenirs sont bons. Deuxièmement, la formule le désir c’est le désir de l’autre …
M.-Ch. Laznik — Ça, c’est complètement pas du tout dans la Gestalt.
P. Coërchon — C’est là-dedans…
P.-Ch. Cathelineau — C’est dans la leçon… Il reprend Hegel.
P. Coërchon — Tout à fait. Et ça s’appuie sur un signifiant allemand précis, c’est Urbild. [H. R. — Urbild, ça veut dire image originelle] Bildung… [Brouhaha] la Bildung c’est aussi la formation, il y a quelque chose de la formation.
Hubert Ricard — Bild, C’est l’image quand même.
P.-Ch. Cathelineau — C’est l’image originelle.
P. Coërchon — C’est l’archétype…
P.-Ch. Cathelineau — Non ce n’est pas l’archétype.
[Brouhaha]
H. Ricard — Mais ça veut dire image quand même Bild aussi.
P. Coërchon — Oui, ça a à faire avec l’image.
Martine Bercovici — C’est important puisqu’ on est dans l’optique et l’image, justement, ça renvoie à l’optique.
H. Ricard — C’est difficile, ce texte.
V. Hasenbalg — Il me semble que les choses, pour moi en tout cas où j’en suis dans ma lecture, c’est important de distinguer l’image réelle de l’image virtuelle. Ça, c’est très clair dans la leçon précédente. C’est-à-dire on est porteur de l’image réelle mais on n’a pas accès à l’image réelle, on passe par l’image virtuelle du miroir plan… [P. C. – Pour accéder à l’image réelle…] Mais quand le miroir bascule, ça suppose qu’on a accès à l’image réelle, l’image virtuelle reste horizontale quand le miroir tombe. C’est-à-dire ça change, l’image virtuelle change à ce moment là où le miroir devient horizontal.
M.- Ch. Laznik — Oui, mais au moment… [M. D. – C’est la traversée du fantasme.] C’est une métaphore. [V. H.C. – Merci ! Marc, merci !] Ce sont des petits modèles métaphoriques. Au moment où l’image virtuelle deviendra comme manquante à la fin du périple, il y aura une illusion de quelque chose de phallique, dans quelque chose qui est dans le regard de l’Autre et qui, elle, est image réelle, pas image virtuelle, et qui peut donner au sujet l’illusion de sa phallicité. Et dans l’image virtuelle, il ne verra plus que du manque.
V. Hasenbalg — Mais, l’image virtuelle, il n’y a que du manque parce que le zizi n’est pas investi dans l’image virtuelle. Le zizi reste investi là où se trouve le sujet. Ce qu’il dit dans le séminaire sur L’angoisse c’est que l’image virtuelle elle n’est pas investie sauf à la place du phallus et ça va créer une image qui manque, incomplète. Ce qui est la position à mon avis, c’est dans la lecture… Mais je n’aime pas, tu vois Marie-Christine… [M.-Ch. L. – On ne peut pas ne pas savoir la suite, quelque part on la sait la suite)] Je n’aime pas aller plus loin. Je crois que c’est difficile d’avancer tu vois, on est dans le moment où les choses se posent [M.-Ch. L. – Il commence à construire, oui.] Mais dans le séminaire sur L’angoisse, puisque tu parles du manque, c’est le manque dans l’image de l’autre, qui sera nécessairement une image qui va manquer de cet investissement phallique, parce que l’investissement phallique va rester à la place du sujet.
M.- Ch. Laznik — Alors si tu veux que je te donne le vertige jusqu’au bout, sur ce que vous disiez, c’est comme ça que pour l’animal la copulation est possible, on peut monter le schéma optique dans les formules de la sexuation et on trouvera quand le « la barré femme » vise le phallus dans le champ de l’Autre, elle le vise sur un mode pervers, c’est-à-dire qu’elle le vise en le positivant, et là l’homme peut copuler. On va très loin dans cette affaire… Mais bon. Ne prenons pas des crises de vertige ce soir !
V. Hasenbalg — Vive les vertiges !
[Brouhaha]
P.-Ch. Cathelineau — Ce sont des recettes ça !
M. Darmon — Ça se termine bien !
P.-Ch. Cathelineau — Ça se termine bien !
M.- Ch. Laznik — On peut continuer si tu veux !
P. Coërchon — C’est un rêve !
P.-Ch. Cathelineau — Merci de l’indication ! [Rires].
P. Coërchon — C’est la fin de la leçon. C’est un rêve !
Martine Bercovici — Mais il y a un mot intéressant d’ailleurs là, c’est la Gegenbild …
P. Coërchon — Oui, on va y arriver. Donc, le réel ici, précise Lacan, il est « en deçà du miroir ». Au-delà du miroir, c’est un peu ce que vous disiez, Virginia, se situe « cet imaginaire primitif de la dialectique spéculaire avec l’autre » – c’est-à-dire qu’effectivement c’est par l’autre que ça passe – « qui introduit déjà la dimension mortelle de la destrudo » soit l’instinct de mort [p. 274 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 256 anc. éd.]. Et là Lacan explicite cette histoire de l’instinct de mort de la façon suivante, en deux points : car la captation libidinale est soumise à cet x de la vie éternelle et participe ainsi à l’irrémédiablement mortel. – Donc, c’est une phrase difficile. – Et la libido chez l’homme, « est originellement […] contrainte de passer par une étape imaginaire. […] « image d’image », pour « l’atteinte à la maturité de la libido » guidant « à cette adéquation de la réalité [et] de l’imaginaire qu’il y aurait en principe par hypothèse […], chez l’animal ; dont il nous semble […] qu’elle est tellement plus évidente » que la nôtre, « c’est le grand fantasme de la Natura mater, de l’idée même de la Nature » par rapport à laquelle l’homme « se représente son inadéquation originelle », son « impuissance dès l’origine de sa vie, cette prématuration de la naissance » déjà repérée par exemple dans l’histologie, système nerveux inachevé à la naissance, par exemple. Ainsi, l’homme a « à rejoindre l’achèvement de sa libido avant d’en rejoindre l’objet », mais par-là « s’introduit cette faille spéciale qui se perpétue chez lui dans cette relation alors à un autre, infiniment plus mortelle pour lui que pour tout autre animal ; » et qu’il confond « cette image du Maître (qui est en somme ce qu’il voit sous la forme de l’image spéculaire) alors qu’il la confond, d’une façon tout à fait authentique, qu’il peut nommer, avec l’image de la mort. » [p. 275 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 256 anc. éd.]. Voilà.
Alors, ce n’est pas simple du tout cette affaire. Parce que c’est quand même là qu’il introduit cette question de la maîtrise du côté de l’Idéal, c’est-à-dire dans l’unité de l’image virtuelle – moi, je vous dis ce que j’ai compris – dans le cône de la saisie de l’image virtuelle, avec l’introduction du miroir plan, se met en place l’Idéal en quelque sorte unifiant, et l’Idéal en tant qu’il fait l’injonction du maître…
V. Hasenbalg — Là, on est dans l’œil au niveau du cortex alors ?
P. Coërchon — Non. On est vraiment dans la saisie de l’image virtuelle dans le miroir plan.
M. Darmon — Mais l’œil est du côté du miroir sphérique.
V. Hasenbalg — L’œil est au niveau du miroir sphérique ?
P. Coërchon — L’œil est bien du côté du miroir sphérique.
V. Hasenbalg — C’est-à-dire quand il voit l’image virtuelle de sa propre image réelle qui présuppose que derrière il y a l’autre.
P. Coërchon — Pour l’émergence du désir, il faut en passer par cette étape de la constitution du repérage, dans l’image virtuelle, à un autre qui, lui, nous apparaît comme parfaitement unifié. C’est quelque chose de la clinique ordinaire, je pense, que tout un chacun ou des patients peuvent nous raconter : quand il y a ces effets de comparaison avec l’autre, où l’autre apparaît comme idéal et soi apparaît soi-même, la conscience de soi est plutôt du côté de la faille, enfin du défaut, du morcellement, de quelque chose qui ne se trouve pas parfaitement unifié, comme le Maître en ferait figuration, ou le Un en ferait figuration, l’unité en ferait figuration. Et donc pour libidinaliser ce morcellement initial, ce morcellement qui, lui, aurait plutôt à faire avec l’image réelle, il faut en passer par l’autre et l’autre en tant que rival puisque dorénavant c’est lui le porteur de l’attribut unitaire et de l’effet de maîtrise et d’idéal, et c’est cette articulation entre le vécu du sujet, les éprouvés du sujet qui sont plutôt du côté du morcellement, des pulsions, de l’objet, enfin de quelque chose de plutôt partialisé qui s’articule avec cette idéalisation du côté de l’unité attrapée dans l’image virtuelle, et c’est ça qui va permettre de libidinaliser les choses, enfin le monde, et à partir de là de vectoriser, de phalliciser, j’ai envie de dire, les objets.
H. Ricard — Mais est-ce bien la mort ? Enfin, peut-être c’est une mort un peu différente de celle de la pulsion de mort. Est-ce que ce n’est pas tout simplement, excusez-moi de dire une chose très simple mais « le ou toi ou moi » de l’imaginaire ?
P. Coërchon — Alors, il l’évoque dans cette rivalité-là, c’est-à-dire qu’il y a ça, mais au-delà de ça aussi, il y a ce jeu de miroir et de reflet dans le miroir, dans la perpétuation des images, et ce lien à la mort qu’on a déjà saisi un petit peu dans l’image chez l’animal, dans la mise en place de l’image réelle. Je pense que ça va au-delà du simple duel rival et que c’est vraiment pris dans la question de l’articulation, c’est-à-dire de la topologie, de la régression topique, comme dit Freud dans son texte.
H. Ricard — C’est quand même très violent le rapport du moi et de l’autre, c’est vraiment destructif.
P. Coërchon — Oui, c’est ce qu’il dit, c’est la destrudo.
H. Ricard — Que évidemment il y ait une construction symbolique qui s’ébauche, moi je veux bien, mais je ne vois pas très bien la portée…
P. Coërchon — Je commente la leçon là !
P.-Ch. Cathelineau — Il le dit.
P. Coerchon — Ce sont les commentaires de Lacan dans la leçon…
Madame Y — Et c’est ce qu’il développe aussi dans Les complexes familiaux.
H. Ricard — Il parle aussi beaucoup du symbolique aussi dans cette leçon à partir d’un certain moment sans le dénoter, donc je n’ai pas l’impression que le pur imaginaire suffit à faire cette construction. Voilà.
V. Hasenbalg — Ce n’est pas purement imaginaire …
P. Coërchon — Non, non ! Justement là je crois que déjà il articule le trinitaire.
M. Ch. Laznik — Dans le schéma optique, on a les trois. Ce n’est pas du pur imaginaire.
V. Hasenbalg — L’Idéal n’est pas imaginaire, non ?
H. Ricard — Heu… c’est un trait qui commande l’Imaginaire…
P. Coërchon — Il est virtuel donc quand même c’est par l’imaginaire…
M. Darmon — Le Moi idéal est imaginaire, l’Idéal du Moi est symbolique. C’est-à-dire dès le début le symbolique intervient puisqu’il faut se repérer sur un point symbolique [M.-Ch. L. — tout à fait] pour accéder à l’image réelle.]
V. Hasenbalg — Déjà au niveau de l’image réelle…
P. Coërchon — Le symbolique, il l’articule dans cette faille entre l’unité et le morcellement, il l’articule comme loi, loi physique, c’est-à-dire qu’il faut être dans un certain cône pour pouvoir arriver à saisir cette image unifiée.
M. Ch. Laznik — Et ça il lui donne une valeur symbolique.
P. Coërchon — Et ça c’est le symbolique, c’est l’entrée en scène du symbolique, et l’articulation du symbolique…
V. Hasenbalg — Mais c’est déjà dans le stade du miroir sous le regard de l’Autre.
P. Coërchon — Et déjà dans la nomination, il le met déjà dans l’appel de l’enfant, dans la pulsion invocante, quand l’enfant appelle, pour lui il en fait déjà un signifiant, de cet appel, de ce cri, et déjà il articule, dans cette leçon, il articule ce cri à l’Autre. Ce cri, on peut dire qu’il a déjà quelque chose à faire avec le miroir plan.
B. Vandermersch — Dans la leçon d’avant, vous vous en souvenez puisque c’est moi qui l’ai présentée, je pense, [rires] il parlait de l’inclinaison du miroir qui était gouvernée justement par la voix. Et il disait : « qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire la façon dont, pour mettre les points sur les i, socialement nous définissons mutuellement, par l’intermédiaire de quelque chose qui s’appelle la Loi, l’échange des symboles dont nous nous situons les uns par rapport aux autres… », etc. [p. 262 nouv. éd. janv. 2016 ; p. 245 anc. éd.]. La chose était dite tout à fait clairement.
H. Ricard — Juste un petit mot. L’Idéal du Moi, c’est un signifiant. Ça il le dit. Mais qui ne serait peut-être pas encore articulé, dans la perspective qu’il nous présente, à l’ensemble du système. Il le dit ça, Lacan, dans un séminaire ultérieur. C’est un premier temps mais ce n’est pas encore l’articulation avec le Nom du père et le phallus. Voilà ce qu’il dit.
Valentin Nusinovici — Dès qu’il y a appel, puisque c’est la réponse qui fait appel, il y a déjà le signifiant. Enfin ça, il le développe après dans La remarque au rapport de Daniel Lagache(1) , mais là il faut quand même le réintroduire dedans, du moment qu’il y a cet appel…
P. Coërchon — Alors l’Idealich, ici dans ce texte, il l’articule à quelque chose qu’il appelle l’observateur, c’est-à-dire que finalement le… comment dire ? Tout à l’heure dans l’expérience de Bouasse, l’observateur était en position de venir avoir accès presque directement à l’image réelle, l’observateur étant dans cette position-là. [Pierre Coërchon manipule de dispositif.] Et là, l’observateur il est en quelque sorte dégagé au profit de l’émergence de l’image virtuelle, mais finalement peut-être que cet Idealich, il aurait à faire, et c’est ça le sujet supposé savoir, et à mon avis la façon dont il conclut sa leçon, que l’analyste il est en face de l’image virtuelle, il est à la place de l’image virtuelle, c’est-à-dire il supporte virtuellement quelque chose de la position de l’observateur et de l’introduction dans cette articulation nodale du symbolique comme loi, presque dans une régression topique où rentre en scène et s’articule structuralement le point dont on parle et à partir duquel on est parlé. Voilà.
V. Hasenbalg — Et à partir duquel on est parlé.
P. Coërchon — Voilà. On conclut ? Je pense qu’on a déjà donné des éléments explicatifs de
ce que Lacan amène là à propos de son schéma optique. Après, c’est vrai que ça demanderait beaucoup de temps parce que la deuxième partie avec Perrier qui se sert beaucoup de la question du rêve comme moyen d’accès à des éléments structuraux fondamentaux, c’est-à-dire que le rêve peut nous enseigner quelque chose qui aurait affaire au narcissisme primaire, et en quoi cette structure du rêve et les éléments de régression topique qu’on peut retrouver dans le rêve pourraient nous servir aussi pour décrire des choses cliniques qui par ailleurs ont lieu à l’état d’éveil chez certains patients psychotiques. Voilà. Donc ça c’est tout l’enjeu de ce texte assez extraordinaire de Freud sur le Complément métapsychologique à la théorie du rêve. Moi, je vous conseille de le lire et de le travailler ; il est très complexe aussi mais Lacan pioche beaucoup de choses là-dedans, par rapport à la constitution du moi et les enjeux de l’imaginaire en tant que structure topologique trinitaire déjà articulée au Symbolique et au Réel. Voilà.
M. Darmon — Merci beaucoup. Tu as pu éclairer des choses très difficiles. Très très intéressant. Tu parlais d’une articulation avec Le moment de conclure.
P. Coërchon — Oui. Parce que dans Le moment de conclure, Lacan évoque la science comme fantasme et puis en même temps il la distingue du rêve justement. C’est pour ça que je pense qu’il faudrait travailler ce texte de Freud sur le rêve parce qu’il arrive jusqu’à une écriture topologique du fantasme scientifique, et nodale, mais il dit que le rêve c’est différent mais il laisse de côté l’écriture nodale du rêve, dès la Leçon I. Et c’est là où à mon avis ça rejoint beaucoup ces questions-là, parce que la science par le biais de Bouasse et puis ensuite le travail de Freud sur le rêve, l’articulation nodale qui est déjà introduite là-dedans parce que toute la dimension trinitaire est à l’œuvre dans toutes les formulations du texte, toute la complexité trinitaire est à l’œuvre, il y a déjà une topologie aussi de l’inversion c’est-à-dire de la bouteille de Klein et des phénomènes de renversement dans l’image. Il y a, à mon avis dans le schéma optique, mais je ne suis pas parvenu à le démontrer, mais pour moi il y a déjà la nodalité dans le sens où, Lacan, on dirait qu’il en passe avec le schéma optique et ce jeu d’ailes de papillons qu’on voit dans les traits, les tracés entre les objets, l’image, les reflets, etc. il y a tout un jeu de lignes et de tracés qui en fait rejoignent la structure du nœud borroméen, quand on dégage le rond intermédiaire. Dans le nœud borroméen, il y a cette structure-là en cercles pliés en quelque sorte et on la retrouve quand même dans le schéma optique et moi j’avais le sentiment à l’issue de la lecture de ce texte que justement c’est comme s’il faisait passer pour chaque élément, le réel, le symbolique et l’imaginaire, chaque élément dans son texte déjà en position intermédiaire dans le nœud borroméen, comme si chacun il le passait à la moulinette structurale nodale en fait en quelque sorte par le schéma optique.
M.-Ch. Laznik — Alors, tu sais quand on a travaillé la tresse, pour aboutir au schéma optique, au nœud borroméen, quelles seraient les erreurs de la tresse pour se retrouver avec le réel, avec le symbolique noué et l’imaginaire qui foutait le camp, il y avait, il fallait trois erreurs, mais deux de ces erreurs qui étaient claires, étaient celles qui arrivaient dans la tresse en 2 et en 5 exactement, c’est-à-dire le moment où l’imaginaire doit prendre la main sur le réel et c’était là que nous avions construit et la préforme de l’image spéculaire, c’est-à-dire le moment où on est encore dans l’image réelle, et au niveau de la tresse mais plus tard puisque nous savons que pour ce qui est du stade du miroir il faut du temps, Lacan le dit, il faut un temps chronologique, la reprise de la même tresse un temps d’après.
P. Coërchon — Alors il en parle là aussi.
M.-Ch. Laznik — C’est-à-dire si ces deux moments ratent, si l’Urbild du schéma… si tu veux, si les deux moments de la construction de ce qu’on est en train de faire là ratent, on peut avoir un nœud borroméen dans lequel l’imaginaire n’est pas lié aux deux autres.
P. Coërchon — Mais c’est ce dont il parle là. Finalement, enfin, il évoque toutes ces choses-là, il évoque le temps chronologique, comme justement l’indique Hume, c’est-à-dire quelque chose de l’ordre d’une évolution, il évoque la Wirklichkeit, je crois, ou quelque-chose qui vient faire justement point d’arrêt, coupure dans le temps chronologique et passage à la topologie. Dans la référence au texte de Freud, Freud y parle d’une trinité aussi qu’on n’étudie pas comme ça parce que Lacan l’a beaucoup étudiée, la trinité, du côté de inhibition, symptôme et angoisse, là, il parle du conscient, du préconscient et de l’inconscient. Dans son texte, Freud revient à la mise en place de la structure du narcissisme à partir de cette trinité, préconscient, conscient, inconscient. Donc je pense que là il y aurait un travail à faire justement de ce côté-là pour voir un petit peu l’articulation de tout ça.
M. Darmon — Bon, on va poursuivre avec Le moment de conclure.
II – Le moment de conclure de J. Lacan, Leçon II, par Pierre-Christophe Cathelineau.
Pierre-Christophe Cathelineau — Le texte est coton. Donc la faille, on la sent.
P.-Ch. Cathelineau — Donc, il y a cette figure, ce nœud borroméen à 4 qui est utilisé par Soury, pour être retourné. Alors, en tout cas le rond 1 qui est un tore va être retourné et va donner la figure… – Comment on l’enlève ? (ajustements techniques) Excusez-moi, je ne suis pas très doué Donc on arrive à cette figure topologique qui est donc un tore qui enserre, comme vous le voyez, trois ronds noués borroméennement grâce à ce tore.
B. Vandermersch — Le tore, c’est ce qui est en noir, le gros tore là.
V. Hasenbalg — Le 1, c’est le un dont tu as parlé tout à l’heure…
P.-Ch. Cathelineau — C’est le un dont j’ai parlé tout à l’heure.
H. Ricard — Il n’est plus au même endroit.
B. Vandermersch — Bien non, il s’est retourné, mon grand.
P.-Ch. Cathelineau — Donc le tore évidemment est retourné et il englobe les trois autres [2, 3, 4]. Alors, ce qui est important dans la leçon c’est une idée que développe Lacan, je le fais sans texte là, qui est l’idée d’une dissymétrie. Et cette dissymétrie, il va la penser à partir d’une autre idée qui très importante, qui est l’idée que lorsque ce tore enserre de façon très nette les trois autres dimensions, il y a la possibilité de produire sur ce tore deux types de coupure. Alors, attendez, on va regarder.
Vous avez un type de coupure, qu’il appelle section concentrique, et qui aboutit au fait que si vous coupez le tore par une section concentrique vous ouvrez le tore, ça vous fait un cylindre et le cylindre libère les deux faux trous qui sont liés l’un avec l’autre.
V. Hasenbalg — Mais là c’est plus le même nœud que tu nous montrais tout à l’heure
P.-Ch. Cathelineau — Non, non, ce n’est plus le même nœud. C’est-à-dire qu’il évoque à propos de ce nœud la possibilité de nouer de façon borroméenne le nœud à trois, et pour l’instant on ne voit pas l’intérêt clinique de ces figures, mais j’y viens, j’y viens.
B. Vandermersch — La section concentrique c’est le rond, c’est le rond…
M. Darmon — C’est le rond violet.
P. Coërchon — Pourquoi tu dis que c’est un cylindre, là ?
P.-Ch. Cathelineau — Je vous explique. Si vous coupez, j‘anticipe sur la suite, si vous coupez par la section concentrique le tore, vous écartez de part et d’autre les bords et vous avez un cylindre qui dégage les deux faux trous, le faux trou entre les deux oreilles. Vous avez les deux sections. Vous comprenez le principe. Vous écartez le centre concentrique, vous faites un bord, vous l’écartez et vous obtenez un cylindre et le cylindre libère le faux trou qui est au milieu.
Tathyana Pitavy — Les 2 et 3.
P.-Ch. Cathelineau — Les 2 et 3.
Alors vous allez me dire mais quel intérêt ? Je vais vous le dire tout de suite. Voilà c’est la figure qui nous intéresse :
Pourquoi, ça nous intéresse ? Parce que vous avez dans la leçon, l’un des thèmes principaux de la leçon, le cœur de la leçon, c’est l’idée qu’il est possible de pratiquer sur le tore deux types de coupures : une coupure qui est une section perpendiculaire, comme c’est montré sur le tore que vous voyez, et une coupure en section concentrique. Alors en section concentrique, vous avez lorsque vous avez affaire à un nœud à quatre comme celui-là avec un tore qui le structure, si vous faites la coupure au centre, vous libérez les trois autres qui sont au milieu, de la même façon qu’on l’a vu… vous les libérez.
B. Vandermersch — Ils passent par la faille.
P.-Ch. Cathelineau — Pourquoi ? J’explique. Si vous faites abstraction du tore, supposons que le tore, le cylindre s’est déployé et vous enlevez l’oreille, par exemple, inférieure et que vous la dépliez, vous allez dénouer le reste du nœud. Vous comprenez ? [Dans la salle – Oui.] Bon. Vous allez dénouer le nœud. Par contre, si vous faites une section perpendiculaire : vous prenez votre tore, vous le découpez en section perpendiculaire et ensuite par déformation continue, vous avez le droit de faire une déformation continue, vous faites basculer le reste de votre tore sur l’autre côté, vous faites tourner la coupure et vous la ramenez sur l’autre côté, et vous obtenez une bande, une simple bande, et vous remarquez que si vous prenez par exemple le dessin de la section perpendiculaire comme la bande, eh bien si cette bande est maintenue vous avez toujours un nœud borroméen, c’est-à-dire que l’oreille que vous voyez en dessous, là, ne peut pas partir, elle est bloquée par la bande qui se trouve sur le bord.
V. Hasenbalg — Pardon, Pierre-Christophe, si j’ai bien compris le tore devient un anneau ?
P.-Ch. Cathelineau — Le tore devient un anneau.
V. Hasenbalg — Et il suffit qu’il y ait un anneau pour que ça tienne ?
P.-Ch. Cathelineau — Exactement. Pour le dire aussi simplement que ça, c’est exactement :
« Il suffit d’un anneau pour que ça tienne ». Vous allez me dire : mais quid de la dimension clinique, parce que c’est ça l’idée, quid de la dimension clinique, parce que c’est ça l’idée, de cette description fort intéressante ?
Alors, là, je vais vous faire une hypothèse qui n’est pas dans le texte de Lacan, mais je vais vous la faire quand même. Vous avez dans le mode d’interprétation possible, dans une cure par exemple, une façon d’intervenir sur le réel du sujet qui fait que l’interprétation que vous faites, peut être une interprétation forclusive, c’est-à-dire telle que la dimension qui soutient précisément (par référence à l’identification) le désir, se trouve littéralement forclose, c’est-à-dire c’est une interprétation qui, pour le dire de façon imagée, fait surgir le réel du sujet sur le mode d’une vérité telle que cette violence du surgissement du réel du sujet vient dissoudre le nœud.
Y ? — Voilà c’est les deux, le sujet se distingue.
H. Ricard — Qu’est-ce qui se passe ?
P. Coërchon — C’est la coupure concentrique là dont tu parles.
P.-Ch. Cathelineau — C’est la section concentrique. Ça peut arriver.
H. Ricard — C’est la dépersonnalisation.
B. Vandermersch — Il faudrait supposer que préalablement l’un des tores ait englobé l’ensemble du nœud.
P.-Ch. Cathelineau — D’accord, j’y viens à cette hypothèse. Donc, effectivement, ça suppose que… et là j’aurais dû commencer par ça : il faut se resituer la problématique telle qu’elle est présentée là par rapport à ce qui est dit dans la leçon 2 de l’Insu. Le retournement, vous vous souvenez du retournement du tore qui donne une trique, et autour de quoi se situent l’imaginaire et le réel, la trique du symbolique avec l’imaginaire et le réel. La question qu’on peut se poser c’est de quel tore s’agit-il ? Est-ce qu’il s’agit du tore du symbolique ? Ou est-ce qu’il s’agit du tore du réel ? Ou est-ce qu’il s’agit du tore du symptôme ? Ou est-ce qu’il s’agit du tore de l’imaginaire ?
M.-Ch. Laznik — Ça n’avait pas l’air d’être le 4 là le symptôme ?
P.-Ch. Cathelineau — Alors la question est ouverte. Dès le début de la leçon, il évoque cette notion de privilégier l’un des ronds. Et donc la question évidemment est de savoir quel rond est privilégié ici. Mais en tout cas est-ce qu’on est en mesure de privilégier n’importe lequel de ces ronds ?
V. Hasenbalg — Tu veux dire par privilégier c’est le choix de celui qui fera tore.
P.-Ch. Cathelineau — Voilà le choix de celui qui fera tore.
M. Darmon — Enfin, ce sont des tores de toute façon. C’est celui qui est choisi pour être retourné.
P.-Ch. Cathelineau — Celui qu’on choisit pour être retourné. Et donc dans la leçon, en tout cas, il n’y a pas d’indication sur le fait que ce soit, soit l’imaginaire, soit le réel, soit le symbolique, soit le sinthome, on ne sait pas. En tout cas, ce qu’on peut dire c’est que le type d’interprétation, celle que je vous propose, avec section concentrique, c’est une interprétation qui opère là dans le champ soit du sinthome, soit du réel. En tout cas, c’est là que cette interprétation trouve son sens le plus net. Si on se réfère, pour réfléchir à ça, au séminaire sur l‘Identification et donc à cette question du trou du désir par rapport aux tours de la demande, on peut se poser la question de quel sens a la section perpendiculaire ? Parce que, effectivement, on s’est posé la question de la section concentrique, quel sens a la section perpendiculaire ? La section perpendiculaire, c’est très précisément ce qu’on pourrait dire ce qui fait le tour du trou du désir par la demande. Et donc on peut se poser la question de savoir quel type d’interprétation, quel type de coupure c’est-à-dire quel type d’interprétation, opère en permettant au sujet de faire le tour précisément du trou du désir. Mais évidemment là c’est le type d’interprétation qui met en avant la dimension, je dirais, à proprement parler métaphorique, c’est-à dire celle qui justement ne vient pas, je dirais dans un tout-savoir, mettre à vif la dimension du réel.
P. Coërchon — Pierre-Christophe, je peux faire une remarque ?
P.-Ch. Cathelineau — Oui.
P. Coërchon — Parce que je ne comprends pas l’avancée de cette proposition de Lacan avec le tore retourné, par rapport à ce qu’il avait proposé antérieurement pour faire émerger la dimension de fallace et donc la dimension de nouage qui ne tient pas et qui peut se défaire, par rapport au moment où, avec le faux trou ou la fallace, il proposait le trait unaire comme droite infinie qui venait dans le trou pour assurer, vérifier, la consistance de l’articulation. Et là, j’ai du mal, en ce qui me concerne, à … Est-ce qu’il y a une équivalence à faire ? Est-ce que ça va plus loin que ce que Lacan a apporté avec le trait unaire et la droite infinie, sachant que la section perpendiculaire que tu évoques, elle a affaire, justement, avec une interprétation qui respecterait cette dimension d’einziger Zug, là où l’autre, elle serait plutôt centrée sur l’objet, par rapport au miroir tout à l’heure ce qu’on faisait peut-être, ce qu’on évoquait de l’émergence de l’image réelle dans le miroir, et elle, elle irait vers une dissolution, un dénouement, une fracture par dénouement ?
P.-Ch. Cathelineau — L’autre, on va dire que c’est une interprétation, enfin le terme que j’ai trouvé, c’est que du fait qu’elle va au noyau du désir, c’est une interprétation qui est une interprétation forclusive.
V. Hasenbalg — Alors, Pierre-Christophe, excuse-moi, mais si j’ai bien compris, là, tu parles d’une interprétation sur l’interprétation ?
P.-Ch. Cathelineau — Exactement. Je vous propose mon hypothèse.
M.-Ch. Laznik — C’est une hypothèse intéressante.
H. Ricard — C’est une hypothèse.
V. Hasenbalg — C’est-à-dire que cette section, ton hypothèse à toi, c’est d’interpréter que cette section puisse être considérée comme étant un certain type d’interprétation.
P.-Ch. Cathelineau — Un « certain type » d’interprétation !
M.-Ch. Laznik — C’est une proposition intéressante… très intéressante.
H. Ricard — Mais ça veut dire qu’il y a une bonne et une mauvaise interprétation ?
P.-Ch. Cathelineau — Disons que je pense, qu’il y a…
V. Hasenbalg — C’est ça qu’on entend.
H. Ricard — Oui.
M.-Ch. Laznik — Attends ! Ce n’est pas la bonne ou mauvaise, il y en a une qui est très vraie sauf qu’elle dissout tout et il n’y a plus personne après !
H. Ricard — Elle dissout tout. Et alors ? Et alors ? Et après ?
M.-Ch. Laznik — Après ? Eh bien on ramasse à la pelle et on…
H. Ricard — Non, le type peut se ramasser quand même, il ne faut pas exagérer, le pauvre.
M. Darmon — Non, non. Je vais essayer de te répondre et de reprendre ce que dit Pierre‑Christophe. Dans ce séminaire, Lacan revient sur sa topologie de l’Identification. C’est-à-dire il revient sur le terme de coupure alors qu’il n’y avait pas – pendant toute une période de la topologie des nœuds, enfin, bien que la coupure faisait partie de la définition du nœud borroméen, c’est-à-dire que lorsqu’on en coupe un le nœud se dissout – il n’y a pas de référence à la coupure, on est plutôt dans une topologie du coincement. Là, avec l’introduction des tores l’année précédente et le développement du Moment de conclure, on revient à la topologie de la coupure et Lacan essaye d’articuler les deux. Il essaye d’articuler cette topologie de la coupure et des surfaces avec la topologie des nœuds. Alors, effectivement, je crois que l’interprétation de Pierre‑Christophe est tout à fait autorisée, dans la mesure où il y a un retour sur la topologie de l’Identification et avec cette coupure sur le tore des cercles de la demande et du désir.
Alors, la section concentrique serait une coupure qui viendrait cerner l’objet et le pointer d’une façon traumatique ; c’est-à-dire que cette coupure est exactement la même que celle qui consiste à couper un des ronds du nœud borroméen, c’est tout à fait équivalent.
Alors que l’autre coupure, la section perpendiculaire, ce serait une coupure qui ouvrirait la surface du tore sans défaire le nœud.
P. Coërchon — Ce serait un dénouement qui ne raterait pas, là, dans la coupure concentrique ?
M. Darmon — Voilà, qui maintiendrait le…
P.-Ch.Catelineau — Qui maintiendrait…
B. Vandermersch — Ce qui serait gagné dans l’affaire, c’est la perception d’un nœud.
M. Darmon – … oui, le maintien du nœud…
B. Vandermersch — Et une certaine vue sur la structure…
M. Darmon : … et la réalisation du nœud à trois.
Monsieur Y — qui n’est plus qu’à trois, c’est ça ?
V. Hasenbalg — Qu’est-ce que tu dis, Bernard ?
B. Vandermersch — Non, il est toujours pareil.
P. Coërchon — À quatre.
Tathyana Pitavy — Oui, à quatre.
M. Darmon — Oui. Ou à quatre.
P. Coërchon — À trois ou à quatre, peu importe ?
B. Vandermersch — C’est-à-dire qu’il n’y a rien de changé dans le nombre de consistances.
Simplement ce qui était caché dans le tore devient apparent, en gros c’est la différence.
Julien Maucade — C’est un nœud à quatre parce que le psychanalyste est toujours présent. Et, juste si tu permets, Pierre‑Christophe, je vais te donner ma lecture et une remarque, mais qui n’est pas incompatible avec ce que tu dis. C’est que ce nœud-là, c’est un moment dans la cure où l’analysant passe par une dépersonnalisation mais qui peut, comme disait Monsieur Ricard, peut se rattraper parce qu’il y a une section perpendiculaire. C’est-à-dire ce n’est pas ou une coupure ou l’autre, c’est les deux coupures simultanées dans un moment, dans un temps de la cure, et qui est un passage obligatoire de dépersonnalisation, mais qui permet, grâce à la section perpendiculaire, si on peut dire comme ça, que le sujet retombe sur ses pattes, ici c’est une image, mais de se reconstruire, mais différemment par rapport au premier tore que tu as montré, c’est-à-dire ce retournement de tore qui passe par plusieurs périodes aboutit à ça. Et il y a encore après… je ne veux pas anticiper…
P.-Ch. Cathelineau — Oui, je ne suis pas contre cette interprétation, l’essentiel…
V. Hasenbalg — Je croyais que c’était l’une ou l’autre. Là c’est les deux. S’il y a les deux, ça permet de conserver la section perpendiculaire pour un inaudible 6807
J. Maucade — Moi, je pense qu’il y a les deux et ce n’est pas l’une ou l’autre.
V. Hasenbalg — Ça rappelle les images de l’année dernière.
B. Vandermersch — Mais si on fait les deux…
P. Coërchon — Ça défait. Si on fait les deux, ça défait…
M. Darmon — Non. Si vous faites les deux à la fois…
B. Vandermersch — Ça libère tout.
Marc Darmon — Non. On retrouve la combinaison des deux cercles de l’Identification.
B. Vandermersch — Ah ! Si on les fait…
M. Darmon — En même temps que l’autre.
B. Vandermersch — En même temps, oui, d’accord. Si on fait les deux tours en même temps.
M. Darmon — Ça a pour effet de défaire le tore, en quelque sorte de le découper, par exemple comme une double boucle…
B. Vandermersch — Oui.
M. Darmon Et à ce moment là, le nœud n’est pas défait.
B. Vandermersch – À ce moment-là, ce n’est ni la section perpendiculaire ni la section concentrique, c’est une section qui à la fois…
M. Darmon – Qui combine les deux.
B. Vandermersch — … qui combine les deux mais en une fois, une seule.
V. Hasenbalg — C’est joli !
P. Coërchon — C’est une autre section alors.
J. Maucade — Marc, c’est la question de l’identification à l’analyste, au psychanalyste qui se pose là.
M. Darmon — Oui tel que c’est repris de l’Identification
P.-Ch. Cathelineau — Bon, c’est tout ce que j’avais à dire.
B. Vandermersch — Et après ? Et la suite ? Et les ronds là ?
P.-Ch. Cathelineau — Je laisse…
M. Darmon — On a le temps ?
P. -Ch. Cathelineau — Je ne sais pas. Quelle heure est-il ?
B. Vandermersch — On a encore cinq minutes.
M. Darmon — Alors Lacan pose une question à la fin de la leçon. Il présente un nœud à 6 fait de trois faux trous disposés borroméennement, et il présente un nœud, une chaîne à la queue leu leu, à 6.
Alors, déjà, ça nous donne une indication pour une question qui avait été abordée à la fin de R.S.I, à propos des nominations et du titre du séminaire suivant 4, 5, 6.
Donc le nœud borroméen de 3 faux trous, c’est-à-dire à 6 composants, est ce à quoi Lacan pensait dans ce titre 4, 5, 6. C’est-à-dire un nœud où chaque consistance serait reliée en faux trou à sa nomination. Alors Lacan, là, pose une question proprement topologique, c’est-à-dire est-ce que lorsque l’on retourne…
Voilà donc, voilà le nœud à 6 fait de 3 faux trous noués borroméennement :
Et Lacan pose la question, si on retourne – parce que ce sont des tores, donc chaque composant est un tore – si on retourne un des tores, n’importe lequel, évidemment puisqu’ils sont tous équivalents, est-ce que l’on obtient quelque chose qui serait la même chose que le nœud à la queue leu leu avec un retournement de tore ?
B. Vandermersch — Est-ce que quelqu’un l’a fait ici ?
P.-Ch. Cathelineau — On l’a. On l’a.
B. Vandermersch — On l’a fait le retournement de…
T. Pitavy — Elsa, elle l’a fait ce nœud !
M. Darmon — On peut le faire. On peut le faire facilement
V. Hasenbalg — Et ça donne ça ? Ça se vérifie ?
B. Vandermersch — À la queue leu leu, ils ne sont pas tous pareils.
P. Coërchon — Alors, Elsa !
T. Pitavy — Vas-y Elsa ! Ça a donné quoi ?
B. Vandermersch — Ce n’est pas le même à chaque fois si on prend le premier rond ou le deuxième…
M. Darmon — Elsa, elle est où ?
Elsa Caruelle-Quilin — De ce que j’ai compris, enfin de ce qu’on a vu, qu’on a constaté, c’est que ça ne fait pas une structure de vérification. C’est-à-dire qu’en retournant un des tores, on va conserver trois trous différents, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas vérification. Parce que dans le nœud à 3 retourné, dans le nœud à 4 retourné, il y a vérification d’un trou par un autre trou. Et, à mon avis, tout l’enjeu du nœud à 6, c’est que l’on conserve les 3 trous. C’est-à-dire la vérification…
J. Maucade — Que deviennent les faux trous ?
E. Caruelle-Quilin — Les faux trous, ils restent en faux trous, chacun a une nomination, mais on conserve 3 trous, c’est-à-dire il reste le Réel du 3, quand on est à 6 retourné, il n’y a pas un trou qui se rabat sur les 2 autres trous.
J. Maucade — On passe de 6 à 3 ?
B. Vandermersch — Je n’ai pas compris.
E. Caruelle-Quilin — Il faut le faire. Ça donne quelque chose de très curieux. Ça conserve les 3 trous en fait !
P. Coërchon — C’est différent.
M. Darmon — Oui. Mais c’est une structure complètement différente de l’autre.
P. Coërchon — C’est différent.
E. Caruelle-Quilin — Ça, ça donne comme un nœud à 4 ou un nœud à 3, c’est-à-dire que ça va donner une vérification.
V. Hasenbalg — Est ce que ça donne ça ou ça plutôt ?
M. Darmon — On peut retourner le 6 par exemple et on va obtenir un tore avec les oreilles à la queue leu leu appendues à l’axe du tore. Si on retourne le nœud à 6 qu’on voyait précédemment, vous voyez tous ce que c’est, on obtient un tore où l’axe du tore va se nouer borroméennement aux 2 faux trous.
P. Coërchon — L’axe de la trique.
M. Darmon — L’axe de la trique, oui.
P. Coërchon — Du tore retourné.
M. Darmon — Du tore retourné.
P. Coërchon — C’est-à-dire qu’il y a un jeu de dessus-dessous comme dans le nœud borroméen à 3 ?
M. Darmon — Oui, voilà. Avec les faux trous.
B. Vandermersch — Mais, dis-moi, Marc, dans cette chaîne-là, est-ce que c’est la même chose si on retourne le 6, le 5, le 4, le 3 ou bien, en fait, il y a une spécificité des nœuds terminaux là ? des ronds terminaux ? Parce que si on retourne le 6…
M. Darmon — C’est la même chose de retourner le 6 et le 5. Parce qu’on peut réaliser un faux trou, ils sont échangeables. C’est la même chose de retourner le 1 et le 2.
B. Vandermersch — Mais après, si on retourne le 3 ?
M. Darmon — Mais le 3 et le 4, alors je vous laisse étudier la question.
V. Hasenbalg — Une question bête : ce nœud là est équivalent à celui du nœud avec les 3 faux trous ?
B. Vandermersch — Non, non.
V. Hasenbalg — On peut passer de l’un à l’autre ?
M. Darmon — Non. C’est deux nœuds borroméens différents, il y a des dizaines de nœuds borroméens différents.
P.-Ch. Cathelineau — Moi, j’ai une question qui est évidemment quel est l’usage clinique du nœud à 6 ? C’est une question.
E. Caruelle-Quilin — De ne pas vérifier… de passer de la question de la vérification à la question du Réel. Je pense que, cliniquement par exemple, que ce soit dans la névrose obsessionnelle, on voit bien que la vérification, ce n’est pas le fin mot de l’affaire, je crois qu’on peut dire ça. [Brouhaha].Tant qu’on est dans le retournement du nœud à 3 ou du nœud à 4, le retournement va venir vérifier un trou.
B. Vandermersch — Oui mais c’est une métaphore quand on dit qu’il vérifie…
E. Caruelle-Quilin — Non, je ne crois pas.
B. Vandermersch — Quand même un peu. Vérifier un faux trou, c’est-à-dire en faire un vrai, c’est une façon de parler quand même.
E. Caruelle-Quilin — Non. Parce que ça en privilégie un.
B. Vandermersch — Oui. Enfin la vérité, la question de la vérité, ça dépasse un peu ça !
E. Caruelle-Quilin — Alors que dans le nœud à 6, aucun ne sera privilégié
P. Coërchon — Est-ce que ça n’aurait pas affaire avec la transmission aussi ? Une transmission de série par rapport à une transmission de tissu, c’est-à-dire de nodalité sans ordre…
M. Darmon — Tu veux dire, ce nœud ce serait la série…
P. Coërchon — Oui, et l’autre conserve la borroméanité à 3 même quand on monte en…
M. Darmon — Il y a un certain ordre – relatif – qui est respecté dans le nœud à la queue leu leu alors que dans le nœud à 3 fait de 3 faux trous…
P. Coërchon — L’équivoque, l’équivalence …
M. Darmon — Il y a équivalence totale entre les…
P. Coërchon — … est conservée… et que ce n’est pas la même transmission, le même enchaînement dans un cas comme dans l’autre.
M. Darmon — De toute façon, il n’y a pas de transmission de la psychanalyse.
V. Hasenbalg — Il paraît.
P. Coërchon — Oui. Mais il y a transmission du discours du maître
M. Darmon — Ah oui.
B. Vandermersch — Eh bien, ce n’est pas mal, hein ? Bravo !
H. Ricard — C’était bien, c’était bien !
Transcripteurs : Annie Douce, Annie Gebelin-Delannoy, Catherine Parquet, Christian Chabernaud ; relecture : Elisabeth Olla –La Selve et M. de Lagontrie
(1) Lacan, Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : «Psychanalyse et structure de la personnalité», Ecrits, 1966, Seuil.