76, RUE DES ARCHIVES
14 novembre 2022

-

LANG Patricia
Hommages à Ch. Melman
image_print

76, RUE DES ARCHIVES

76, rue des Archives. Une petite porte verte, toute simple. Pas de plaque, pas même de nom. Combien de personnes en franchirent le seuil, à la rencontre du Docteur Charles Melman, à la rencontre de leur vérité, de leur destin ?

Entrons dans la grande et belle salle d’attente, aux murs de pierre – sas qui sépare du brouhaha du monde. On s’installe, on lit, écrit, travaille, médite, on met en ordre ses pensées ou, au contraire, on ne fait rien – accalmie précédant l’explosion d’activité mentale.

La porte intérieure s’ouvre. Le voici. Nul besoin de le nommer, nul besoin de lever la tête. On sait que c’est lui, le Docteur Melman, le maître des lieux : immobile et muet dans l’embrasure de la porte, paré de simplicité, nimbé de majesté. 

Un patient se lève, avance vers lui à grands pas, entre dans le bureau. Le Docteur Melman n’a rien dit, sa présence suffit. Son autorité repose sur sa stature, sur la confiance qu’on a en lui, l’amour qu’on lui porte.

Nous voici dans le Saint des Saints. Combien de secrets ces murs entendirent-ils? Combien de souhaits insensés, de peurs infondées, d’idées folles, de rêves troublants, d’histoires malheureuses ? Mais aussi, de combien de projets heureusement aboutis furent-ils témoins ? De combien de nouveaux départs ?

Le Docteur Melman écoute, muet. Ou peut-être n’écoute-t-il pas vraiment : il travaille à l’écriture de son prochain livre. Écoute-t-il, n’écoute-t-il pas ? Toujours est-il que, dans le discours de l’analysant, il repère le fait marquant, le signifiant qui compte – infailliblement. Muet, il ne l’est pas vraiment non plus. Un « hum » ponctue le monologue de l’analysant, parfois un monosyllabe, plus rarement – débauche de paroles – une phrase complète, question, désaccord ou approbation. En de rares moments, un regard, un geste, un déplacement dans la pièce : modes d’expression sans paroles, sobres, mystérieux, et combien puissants ! Jusqu’au « Bon ! » énigmatique qui vient clore la séance.

L’analysant se retrouve dans la rue, un peu sonné, décontenancé. « Pourquoi a-t-il fait « Hum » à tel moment ? » « Pourquoi a-t-il interrompu maintenant ? Il y avait encore tant de choses à dire ! » « Que signifie le « Bon ! » final ? »

L’analysant suit la longue rue des Archives, somnambule à peine conscient des pensées qui commencent à germer dans son esprit troublé. Soudain, de la brume de son cerveau, jaillit une idée nouvelle, une idée lumineuse qui réoriente le cours de sa pensée. Quelle exaltation, quel stimulus mental, quelle impatience de retourner au 76, rue des Archives, afin d’exposer cette idée nouvelle, et toutes les autres auxquelles elle aura donné naissance !

Au 76, rue des Archives, une petite porte verte toute simple. Une petite porte qui n’a l’air de rien. 

Que de conseils y furent donnés, de projets de travail élaborés, de vies reconstruites !

Merci, Docteur Melman, magicien du verbe !

Merci, Docteur Melman, accoucheur de désirs refoulés !

Merci, Docteur Melman, restaurateur de vies !

Merci à vous, Docteur Melman, qui étiez un Mensh.

À jamais, un immense merci.

Patricia Lang