04/10/2016 Le Moi Leçon 1, M. Darmon /La topologie et le temps Leçon 1, M. Darmon
27 avril 2017

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CATHELINEAU Pierre-Christophe,DARMON Marc
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04/10/2016 Le Moi Leçon 1, M. Darmon /La topologie et le temps Leçon 1, M. Darmon

Marc Darmon – Comme nous avons réussi notre pari de l’année dernière, pour le séminaire d’été qui a entrecroisé deux séminaires, l’avant-dernier et le premier, donc nous allons persévérer cette année, avec l’étude du séminaire sur Le Moi, qui est le deuxième séminaire de Lacan. Le Moi dans la théorie de Freud et dans la technique psychanalytique – vous voyez la continuité entre le premier et le deuxième séminaire puisque Lacan fait référence à la technique aussi bien qu’à la théorie – nous allons parallèlement étudier le dernier séminaire de Lacan, c’est-à-dire La Topologie et le temps. On peut dire que ce dernier séminaire est à la fois précieux et reste énigmatique puisque le discours de Lacan était alors très ralenti et très haché. Il passait son temps, son heure de séminaire le dos tourné au public en dessinant des nœuds ou des bandes de Mœbius au tableau. Et certains analystes ont participé à ce dernier séminaire de Lacan, il y a un passage d’Alain Didier-Weill et des interventions de Soury, de Vappereau [Jean Michel], de Nasio [Jean-David]. Voilà, donc c’est un séminaire dont il nous reste des transcriptions et des enregistrements. Je vous conseille d’aller sur le site de Valas pour écouter les enregistrements qui ont été réalisés au cours de ce séminaire ; on ne manque pas d’être frappés par le débit extrêmement ralenti de Lacan et de nous interroger sur sa recherche topologique ultime.

Le séminaire sur le Moi, est tenu par Lacan dans un contexte qu’il faut rappeler. C’est-à-dire, on l’a vu l’année dernière, un certain nombre de théories sur la relation d’objet qui mettaient en avant le contre-transfert et la relation d’individu à individu. Dans le séminaire étudié cette année, Lacan a pour point de mire la théorie du Moi autonome, dont les porte-drapeaux sont Kris [Ernst], Hartmann [Heinz] et Lœwenstein [Rudolf], qui était l’analyste de Lacan.

Donc, c’est un séminaire de combat ; il s’agit de retrouver le vif de la découverte freudienne et d’étudier sérieusement ce qu’il en était.

Lacan commence par nous rappeler que le Moi ce n’est pas une invention de la psychanalyse parce que le Moi, c’est une notion qui a toute une histoire. Une fois posé, ce concept de Moi parait éternel, il a toujours été là et sera toujours là, mais il n’en est rien ; c’est-à-dire on peut se poser la question comme le fait Lacan dans cette première leçon, sur l’origine du Moi, et ce qu’il en est en particulier chez Platon. Et il y a donc tout un développement sur Platon et sur les dialogues de Socrate, qui étaient…, enfin c’est un peu circonstanciel, parce que Koyré, la veille venait de faire une conférence où il évoquait le dialogue de Platon, le Ménon. Alors, Lacan dit : ce que nous faisons c’est dans le droit fil des dialogues platoniciens. Donc, il se réfère à cette tradition et il dit : « Vous avez lu le Ménon pour préparer cette conférence de Koyré, vous auriez pu lire aussi le Protagoras ». Le Protagoras qui commence d’une façon très amusante par un ami de Socrate qui demande à Socrate de ses nouvelles, parce qu’il le voit revenir chez lui d’un pas alerte et il lui demande de ses nouvelles, s’il est toujours avec Alcibiade, où en sont ses amours ? Et Socrate dit « oh non, Alcibiade, ça ne m’intéresse plus, j’ai rencontré quelqu’un de beaucoup mieux » et bien sûr il est ironique, il parle de Protagoras et le dialogue commence par le jeune Hippocrate, qui va le matin, alors qu’il fait encore nuit, chez Socrate pour lui annoncer que Protagoras est là. Donc, dès l’aube de la pensée, on a cette réflexion sur l’amour de transfert et l’enthousiasme, le transfert de travail qu’il peut susciter. Voilà comment commence ce séminaire sur le Moi.

Le Moi est une notion, comme je viens de le dire, qui a une histoire pré-analytique et la découverte freudienne joue sur cette conception du Moi, joue comme un décentrement, c’est-à-dire un acte qui a la même portée que celui de Copernic, c’est-à-dire qu’il opère essentiellement un décentrement. Le Moi était placé au centre, la découverte freudienne provoque un désaxement et fait valoir cette phrase de Rimbaud : « Je est un autre », je est un autre, cette phrase du poète – alors Lacan dit que les poètes nous devancent toujours – enfin dans ce qu’ils disent « nous devancent toujours, mais ils ne savent pas ce qu’ils disent ». La découverte freudienne va donner sens à cette phrase « Je est un autre ». Ensuite, il y a un passage amusant sur les dentistes.

Hubert Ricard – Qui sont les dentistes… ? Qui sont les dentistes ?

M. Darmon– Si vous avez une idée ? Les dentistes sont ceux qui ne voient pas très loin.

  • P.-Ch. Cathelineau – Dans la bouche…
  • M. Darmon – Ils sont penchés sur l’orifice buccal. Évidemment, ce n’est pas une critique de cette noble profession mais c’est limité par rapport à cet orifice buccal qui n’empêche pas la surdité de ce qui peut sortir de cette bouche. Il nous dit par exemple que Descartes a marqué l’histoire du Moi, en quelque sorte, puisque « Je pense donc je suis » situe donc au centre, en apparence, le Je. Mais c’est un tour de passe-passe, car s’il est vrai que la conscience est transparente à elle-même, le je reste opaque. Il est…, c’est comme un tour de passe-passe, où le je va de soi mais le je reste opaque, c’est-à-dire qu’il n’est saisissable par la conscience que comme un objet peut l’être et Descartes va beaucoup plus loin que cette simple transparence de la conscience à elle-même, dans le sens où il a besoin d’un Dieu trompeur pour asseoir sa démonstration, pour la consolider. Le cogito ne suffit pas, il y a l’intervention de ce Dieu trompeur qui laisse supposer que Descartes avait une appréhension de ce qu’il en est de ce décentrement. Toujours est-il que la conception cartésienne, déduite de Descartes, conduit la philosophie à identifier le Moi et la conscience, si bien que Freud s’est trouvé embarrassé, lorsqu’il essayait de donner un statut à l’inconscient et lorsqu’il parlait de pensée inconsciente. C’est-à-dire il va jusqu’à s’excuser puisque de dire « une pensée « inconsciente » », c’est une contradiction de l’adjectif ; – contradictiones in adjecto – c’est aussi incongru que de dire « un carré « rond » » et donc, cela explique comment Freud s’est trouvé embarrassé pour parler de « pensées inconscientes » et pour le terme même de unbewusst, c’est-à-dire ce terme négatif, alors que nous dit Lacan, ce que la découverte freudienne opère, ce décentrement, c’est de découvrir au-delà de cette entité illusoire et illusionnante que constitue le Moi, cette fonction déjà, dit-il, de méconnaissance, au-delà du Moi, qui fait valoir le Je et sa place véritable qui est justement ce Je qui articule les pensées inconscientes. Il y a un passage où Lacan opère pour décrire ce décentrement, il opère une distinction entre ce qu’il appelle l’individu, c’est-à-dire comment un organisme régi par une sorte de programme, quelque chose qui relève des réflexes conditionnés ou du conditionnement et qui va vers des buts définis. La découverte freudienne oppose à cet axe de l’individu, l’axe du sujet qui se trouve donc décentré, décentré par rapport à ce qu’on appelle l’individu.
  • C’est du côté des moralistes que Lacan se tourne pour retrouver certains énoncés de vérité qui tiennent compte de ce décentrement, finalement. Il évoque La Rochefoucauld et sa notion d’amour propre. Lacan s’interroge sur l’amour propre par rapport à une conception classique qui s’en distingue et qui serait que l’homme serait guidé par son plaisir, avec l’identification du plaisir et du bien. Donc ça serait la même chose, l’homme serait guidé par son plaisir, son plaisir serait la meilleure route vers le bien. Il y a chez La Rochefoucauld et son amour propre, quelque chose qui ne se réduit pas à cette conception utilitariste du plaisir – comme chez Bentham – et donc une critique de cette conception de l’homme guidé par son plaisir.

    Ça va, je pense, déboucher à la fin de cette leçon sur la demande que Lacan fait à Pontalis d’étudier le texte « Au-delà du principe de plaisir ».

    On a presque fini la leçon. Donc Lacan, dans la dernière partie de cette leçon, situe le concept psychanalytique de Moi et les textes de la Métapsychologie : les textes de 1920 où la triade : « Moi, Ça, Surmoi » c’est-à-dire ce qu’on appelle la « deuxième topique », est avancée.

    Cette évolution de la théorie freudienne répond à des considérations cliniques ; c’est-à-dire : qu’est-ce qu’on constatait ? On constatait que les premières découvertes freudiennes avaient une grande réussite sur le plan pratique. Lacan se moque un peu des observations de Freud ; enfin, il parle des interprétations fulgurantes de Freud et de ses explications à n’en plus finir ; donc cette technique des interprétations comme une mitraillette, et des explications, des constructions et des considérations théoriques qu’il ne manquait pas de servir à ses patients…

    eh bien ça marchait, ça a marché, mais ça a de moins en moins marché ! Et donc le tournant de la « deuxième topique » se situe dans ce contexte où il s’agissait de donner aux analystes des instruments plus efficaces pour donc une théorie plus proche de ce qui se passait réellement dans les cures.

    Et c’est là, où pourrait-on dire que les choses se sont retournées contre Freud, puisque cette « deuxième topique » va ramener le Moi, c’est-à-dire, que ça va amener cette respiration, ce soupir de soulagement chez les analystes qui n’avaient pas oublié la première conception pré-analytique du Moi, c’est-à-dire la conception où ce Moi était au centre.

    Et donc, par un curieux retournement, ce moi qui avait perdu ses privilèges et qui se trouvait mis en défaut par rapport à ce sujet que Freud découvrait dans l’inconscient ; ce Moi revenait en force et c’était la théorie du Moi autonome qui apparaît comme noire à Lacan, comme quelque chose qui vraiment vient contredire la découverte freudienne.

    Voilà, c’est-à-dire, c’est une notion qui s’accordait assez bien avec une conception de l’analyse où il s’agissait de mettre face à face deux individus et où donc le plan symbolique reste inaperçu.

    Voilà, donc je vous ai résumé à grands traits cette première leçon, quelle heure est-il ? Si vous avez des…

    H. Ricard ‒ C’est une articulation excellente, moi je…, il y aurait peut-être des petits points de détail, mais je sais pas si ça vaut la peine de… le pauvre Saint Thomas il n’est pas quand même pas tout à fait du côté du plaisir, le bien et le plaisir je me tourne vers Aristote…

    P.-Ch. Cathelineau ‒ Merci beaucoup !

    H. Ricard ‒ C’est pas, ça va ensemble mais son propre bien c’est quand même pas tout à fait…

    M. Darmon ‒ Mais c’est-à-dire qu’il y a des degrés au plaisir.

    H. Ricard ‒ Il y a des degrés mais c’est le bien en lui-même qui fait la hiérarchie, les plaisirs, par exemple le plaisir intellectuel est bien au-dessus du plaisir physique pour Aristote. Voilà ! Ce qui n’est pas d’une évidence absolue donc c’est ce que je fais remarquer. Oui alors, il y a le Moi quand même ; les philosophes ont beaucoup travaillé sur le Moi et pas de façon négative. J’ai deux points simplement. Le premier : quand est-ce que le substantif « moi » apparaît, et ça c’est une question que je pose.

    M. Darmon ‒ Dans la langue ou dans le concept philosophique ?

    H. Ricard ‒ Dans la pensée en général, peut-être dans la langue ? Alors chez Pascal ça arrive tout le temps le moi ; chez Descartes on trouve une référence dans la traduction de la Méditation sixième ou qui doit être du genre mais je l’ai pas retrouvée, mais je pense qu’il y en a une : « cette chose qui pense ou ce moi [MdL1] » mais c’est très rare en même temps l’usage du moi comme substantif et ensuite il y a toute la critique de la substantialité du moi, qui chez Descartes est affirmée de façon très forte ; chez, Lacan l’indique, Locke ou Kant, il y a même Jung qu’il ne cite pas, qui dit : « « Moi », connais pas, je ne sais pas ce que ça veut dire, ça ne correspond à rien, j’ai des pensées, mais « moi » veut rien dire. »

    P.-Ch. Cathelineau ‒ Y a pas d’unité.

    H. Ricard ‒ Y a pas d’unité, y a même pas de sens au terme « moi ». Voilà, on ne peut rien, on ne peut trouver aucune idée qui corresponde au moi donc, ils ont quand même travaillé sur cette question même si après la psychologie n’a cessé…, mais pour le reste c’est très bien articulé, je suis, enfin vraiment je n’ai rien à ajouter là.

    M. Darmon – Merci.

    P.-Ch. Cathelineau ‒ Moi non plus je n’ai rien à ajouter mais je vais quand même ajouter quelque chose. Donc, non, sur La Rochefoucauld et les maximes, il dit un truc qui est quand même très intéressant, qui est que le scandale des maximes de La Rochefoucauld c’est pas le fait que le moi soit égoïste, que l’amour propre soit quelque chose de l’ordre de l’égoïsme, parce que La Rochefoucauld est tout le temps en train de montrer que quand on est humble, en fait on cherche à se pousser du coude…

    M. Darmon – Oui. Quand on est vertueux…

    P.-Ch. Cathelineau ‒ … quand on est vertueux c’est pareil…

    M. Darmon – … on cherche la gloire.

    P.-Ch. Cathelineau ‒ … on cherche la gloire et donc, et c’est ça qui est très fort chez La Rochefoucauld, enfin moi j’adore ses maximes, il y a une chose qui est excellente, c’est que finalement il laisse entendre, et c’est ce que dit Lacan dans la leçon, que l’amour propre est profondément inauthentique, c’est-à-dire on est dans l’illusion et l’inauthenticité de la croyance en ce qu’on est lorsqu’on le pense et donc là, il fait saisir précisément une dimension très importante du moi, de la psychologie, voire de l’ego autonome, comme s’il faisait entendre qu’il y avait eu une légère régression par rapport à cet âge classique où effectivement le caractère biface, pour le dire comme ça, de la question du moi dans ses rapports avec quoi ? avec l’authenticité cachée, eh bien cette dimension biface finissait par échapper aux psychanalystes de son époque, alors que l’âge classique l’avait parfaitement mise en évidence ; et on le voit aussi dans l’évocation qu’a fait Marc de Descartes puisque le Dieu trompeur c’est bien cette altérité absolument nécessaire pour que quelque chose du sujet puisse advenir.

    D’ailleurs il n’y a pas de possibilité de démontrer l’existence du sujet sans en passer par le fait que Dieu me trompe ou pourrait me tromper donc cette altérité est là comme altérité absolue.

    Donc ce qui est intéressant, enfin si on essaie de regarder la structure topologique de cette première leçon, ce qui est très nettement entendable c’est la dimension, c’est la double face en quelque sorte de la question du psychisme, c’est une face qui est une face trompeuse et une face qui ne l’est pas ou une face qui est celle de l’autre et une face qui est celle du sujet.

    Je dis ça évidemment, vous vous imaginez bien que je ne dis pas ça pour rien, mais je dis ça par rapport à la première leçon de La topologie et le temps et donc là il y a quelque chose me semble-t-il, qui est quand même une constante structurale dans la pensée de Lacan : cette dimension, cette question de la, j’allais dire de la bifidité mais de la double face en quelque sorte, et c’est là le côté vraiment révolutionnaire de son approche par rapport à ce à quoi il a affaire au moment où il parle, c’est-à-dire à une ego-psychology complètement verrouillée.

    Il apporte une dimension qui est une dimension de l’apparence et de son authenticité cachée, c’est-à-dire quelque chose qui est toujours dans la dimension de la double face, soit que ces faces se rejoignent sur une seule face soit qu’elles ne se rejoignent pas mais en tout cas on est dans cette double face.

    Si je parle de ça c’est qu’évidemment, ça me paraît être, cette leçon est une très bonne introduction clinique à la topologie à mon avis, mais bon c’est…

    Bernard Vandermersch ‒ Est-ce que je pourrai ajouter une lettre ? Parce que j’ai l’impression qu’il faudrait marquer autonomous o-u-s et pas u-s parce que je doute que ce soit, l’ego autonomus, que ce soit du latin quand même !

    Valentin Nusinovici ‒ Non, c’est de l’anglais.

    B. Vandermersch ‒ Ah, c’est de l’anglais !

    H. Ricard ‒ Moi j’ai : o-u-s.

    B. Vandermersch ‒ Ah, toi tu as o-u-s !

    H. Ricard ‒ O-u-s, dans l’édition de Miller.

    B. Vandermersch ‒ Eh bien, je crois qu’il a raison pour le coup parce que l’ego autonomus en latin on n’a jamais vu hein !

    V. Nusinovici ‒ L’ego autonomous c’est une double, une deuxième face mais mal située topologiquement, mais c’est bien ce sentiment qu’il en faut une vraie.

    P.-Ch. Cathelineau ‒ Qu’il en faut une vraie.

    V. Nusinovici ‒ Il en faut une vraie, c’est-à-dire qu’il y a quelque chose de… on retrouve une notion semblable sauf qu’elle n’est pas du tout située pareil. C’est à diviser le moi au lieu de faire valoir une dimension Autre avec un grand A. On sent bien sa nécessité si on n’a pas la dimension Autre.

    P.-Ch. Cathelineau ‒ Oui, oui, tout à fait.

    V. Nusinovici ‒ Il y a bien un appui qui est cherché mais il n’est pas évidemment dans les termes où Lacan nous l’a enseigné, c’est pas venu n’importe comment…

    H. Ricard ‒ Juste pour faire une remarque purement formelle, cette manière de parler de Lacan était profondément désorientante pour les psychanalystes de l’époque, c’est ahurissant et ça se voit encore plus dans la leçon suivante : l’incroyable référence culturelle et le fait que il n’est pas au même endroit ; ils ont à faire un chemin considérable pour le rejoindre. Ça, je crois qu’on le verra peut-être encore mieux dans la suite.

    M. Darmon ‒ Alors la leçon II pose problème parce que dans notre édition qui s’appuie sur des documents limités, on n’a que des notes sur la leçon, on n’a pas la transcription. Or, Miller a dû avoir accès à la transcription, donc exceptionnellement pour la leçon II, vous regarderez Miller !

    H. Ricard ‒ On peut pas faire autrement il ne l’a pas inventée, manifestement il n’aurait pas assez capable.

    M. Darmon ‒ Un vieux Miller doit bien trainer dans votre grenier !

    H. Ricard ‒ Mais pour faire une remarque orthographique dans le genre de celle de Bernard, il est question d’orthodoxa dans la leçon II et je ne comprends pas ce que ça veut dire, ça n’existe pas en grec ancien, ça ne peut être que orthê-doxa, en deux mots, je l’indique parce que c’est idiot orthodoxa, όρθόδόξα, ça peut pas. Et Lacan, comme tout le monde a l’air de répéter ça… n’y croit pas, vraiment ; mais c’est pas très grave.

    M. Darmon – On va attaquer La topologie et le temps. Ça fait 3 pages ! Je ne sais pas si vous avez recherché ce séminaire si vous l’avez trouvé, il est sur le site de Valas qui a donc reproduit, moi, j’ai donc le polycopié qui se vendait en face de l’École freudienne, qui reprend les transcriptions réalisées à l’époque, mais je vous conseille d’écouter aussi l’enregistrement pour vous rendre compte de l’ambiance de ce séminaire. Alors évidemment, malheureusement on n’a pas de film, mais Lacan était au tableau et il cherchait. Alors

    « Il y a une correspondance entre la topologie et la pratique », dit Lacan. C’est la première phrase.

    « Cette correspondance consiste en les temps. La topologie résiste, c’est en cela que la correspondance existe. » Alors, il a bien mis 5 minutes avant de terminer cette phrase. Mais il dit que la correspondance de la topologie et de la pratique est liée au fait que la topologie résiste. C’est-à-dire que la topologie, que les transformations qu’on opère dans la topologie, donc dans le temps, ces transformations ne sont pas aisées, ne se font pas d’une façon qui coule, mais résistent. Donc, il emploie ce terme de « résistance » qui est donc un terme technique de notre pratique et qu’on a développé l’année dernière au cours de l’étude du premier séminaire de Lacan, où il était question de résistance, et on avait souligné le caractère multiple de cette résistance. Cette résistance étant synonyme de transfert et de retour du refoulé qui se faisait par le bout transférentiel, vous vous souvenez ? Donc, on peut supposer que cette topologie qui résiste, ça se réalise dans le lieu de la cure.

    Alors, il dit : « Cette correspondance consiste en les temps ». Alors, j’ai bien écouté l’enregistrement, il s’agit de « les temps ». Alors pourquoi « les temps » ? Je crois que ça fait référence – mais là on est obligé d’interpréter et je suis curieux de savoir ce que vous en pensez – « les temps » ça fait penser à l’instant de voir, le temps pour comprendre et le moment de conclure, donc ces trois temps, logiques. Mais ce titre La topologie et le temps se réfère à la philosophie et Hegel, lu par Kojève, c’est-à-dire « le concept, c’est le temps ». Kojève a beaucoup travaillé cette question, et Lacan suivait les cours de Kojève. Donc « le concept c’est le temps », et il y avait aussi, bien sûr l’Être et le Temps. Mais c’est essentiellement, je pense, la réflexion de Kojève qui interprète à sa façon Hegel, qui marque le travail de Lacan sur le temps. Donc d’un temps logique qui se différencie du temps chronologique, du temps physique, et d’un temps qui – c’est dû à Koyré repris par Kojève – d’un temps humain qui est le temps historique et qui ne va pas dans le même sens que le temps physique, chronologique. Celui-ci irait du passé à l’avenir en passant par le présent – passé à présent à avenir – le temps humain commence par l’avenir et rejoint le présent à travers le passé. Donc, c’est plutôt avenir à passé à présent. Pour Kojève, c’est le temps…, ce mouvement est le mouvement du désir, et le désir comme portant sur un autre désir.

    V. Nusinovici – Est-ce qu’une équivoque est exclue là dans « les temps » ?

    M. Darmon – Oui, enfin « exclue », on ne peut jamais…

    V. Nusinovici – Parce que à cause de la formulation, et puis quand même, l’analyse, c’est que « l’étant » se dise, donc…

    H. Ricard– Oui mais le concept de l’être l’étant…

    V. Nusinovici – Je ne dis pas que ce soit central, mais bon.

    M. Darmon – Je vais te répondre tout à l’heure. Effectivement on entend « l’étant ».

    B. Vandermersch – On entend « l’étant ».

    H. Ricard – Mais c’est la même chose « les temps » et « l’étant », à entendre !

    M. Darmon – Alors il nous dit « Il y a une bande de Mœbius que nous avons tracée, c’est ce qu’on appelle la bande triple ». Vous l’avez devant les yeux ? « On peut remarquer que cette bande triple, ce qui la caractérise, c’est qu’elle a des bords et que ces bords sont à peu près comme ceci :

    Je vais vous la dessiner quand même au tableau…

    DarmonFig1Psété17

    Voilà, ça a la forme de triskel, et c’est la bande de Mœbius triple, enfin c’est d’après ce dessin. Il nous parle donc des bords, des bords de cette bande de Mœbius. Or, comme vous le savez, la bande de Mœbius n’a pas des bords, elle a un bord. Alors, si vous dessinez le bord de cette bande triple… ici [cf. le petit dessin en haut à droite de la fig. 1] pour le bord, vous voyez ? Voilà !

    Donc le bord de cette bande de Mœbius, c’est un nœud de trèfle. Comme il y a deux bandes de Mœbius en miroir, il y a deux nœuds de trèfle. Mais il nous dit : « Ses bords sont ceci, pour mieux dire ceci :

    Alors, je vais devoir effacer… les couleurs sont inversées par rapport à ce que…

    Darmonfig2et3PSÉTÉ17

    Fig. 2 Darmon Fig. 3 Lacan (note préparatoire au séminaire)

    Ça ne marche pas… on va prendre un vert… il va sur ce tableau ?

    Voilà !

    Lacan parle toujours des bords, alors qu’il s’agit de ronds de ficelle maintenant ; c’est-à-dire qu’on a transformé la bande de Mœbius triple en considérant son bord en un nœud de trèfle. On peut dire qu’on peut amincir la bande de Mœbius triple découpée. Je ne vais pas vous redessiner la bande de Mœbius triple mais vous pouvez imaginer que si vous pratiquez une coupure dans le milieu de cette bande, vous aurez une coupure qui, si on prend ce modèle de bande de Mœbius triple, qui ressemblerait un peu à un triangle. Et le reste de la bande de Mœbius triple découpée, vous pouvez, si vous le voulez, amincir la surface qui borde cette coupure jusqu’à obtenir un rond de ficelle. Donc, cette opération va produire un nœud de trèfle.

    Maintenant d’où sort il, cet enlacement ? Eh bien, vous pouvez l’expérimenter chez vous, si vous construisez une bande de Mœbius triple et si vous pratiquez une coupure le long du bord, vous allez obtenir un nœud de trèfle, c’est-à-dire quelque chose qui sera une bande bilatère. Ce nœud de trèfle, surface bilatère, sera enchaîné avec la partie que vous avez découpée au centre de cette bande triple qui aura une forme de triangle ou de rond qui va pouvoir s’enchaîner avec le nœud de trèfle. Lacan parle des ronds de ficelle comme des bords. Mais on voit mal comment, à partir de la bande de Mœbius triple, il a été amené à parler des bords de cette bande de Mœbius triple. Alors, il se trouve que, par miracle, on a le brouillon de la première leçon de La topologie et le temps où on voit donc, c’est le séminaire du 21 novembre 1978, et Lacan écrit d’une écriture tout à fait alerte : « La topologie résiste, la béance entre la psychanalyse et la topologie, c’est ça qui est Ça, le bord, la bande enveloppante, correspondance entre la topologie et la pratique, les temps (écrit l-e-s t-e-m-p-s) ». Alors donc là, il faut que je vous fasse passer ce…

    Document 4 :

    Darmonfig4PSÉTÉ17

    J. Maucade – C’est la première fois, qu’il mentionne la triple bande de Mœbius. Il n’en parlait pas.

    P.-Ch. Cathelineau – Euh… Si… Dans la leçon X.

    V. Nusinovici – Dans Les problèmes cruciaux, il y a cette bande-là ?

    P.-Ch. Cathelineau – Il en parle dans les séminaires précédents, il en parle bien…

    M. Bercovici – Oui, oui, elle était connue.

    V. Nusinovici – Dans Les problèmes cruciaux, il y a déjà cette bande-là. Elle y est.

    J. Maucade – Une fois n’est pas coutume.

    V. Nusinovici – Oui, il y a cette bande-là.

    M. Darmon – Voilà ! La coupure près du bord qui détache donc la partie externe. Ça va être donc le nœud de trèfle, la bande bilatère qui a une forme de nœud de trèfle et la partie verte. Cette partie verte est une nouvelle bande de Moebius triple enchaînée avec le nœud de trèfle en question. Lacan définit une autre entité topologique dans la même leçon et vous pouvez le voir dans le document que je fais circuler. C’est la doublure, ce qu’il appelle la doublure qui est un revêtement de la bande de Mœbius triple par une double bande de Mœbius triple. Alors, vous pouvez réaliser cette doublure à partir du découpage d’une bande de Moebius triple en faisant en sorte que la bande de Mœbius verte

    Darmofig5PSÉTÉ17

    Fig. 5

    vous pouvez la recouvrir avec la double bande de Mœbius triple bilatère qui résulte du découpage, c’est-à-dire que vous allez obtenir une bande de Mœbius triple avec trois feuillets, un feuillet que Lacan appelle la peau intérieure ou extérieure. La peau ! et ce qui va recouvrir cette peau, soit une double bande de Mœbius triple qui va recouvrir cette bande de Mœbius triple simple, il va l’appeler l’étoffe, pardon, le tissu.

    Il y a un autre document qui est une lettre à Soury. Vous y voyez cette bande de Mœbius triple recouverte par le tissu et vous verrez en bas de page une vue en coupe de cette bande où il y a la peau extérieure, le tissu intérieur et le tissu extérieur.

    Document 6

    Darmonfig6PSÉTÉ17

    Je vais en faire circuler d’autres…

    Intervenante – On a le droit d’en garder ?

    M. Darmon – Oui vous avez le droit d’en garder, mais pas le deuxième.

    J. Maucade – La lettre à Soury, il n’y a que celle-là.

    M. Darmon – Bon ! Je veux bien que vous me rendiez la lettre.

    La leçon se termine par l’évocation de la construction d’une bande de Mœbius triple à deux feuillets à partir du tore, c’est-à-dire si vous considérez le tore et que vous réalisez trois demi-torsions en aplatissant ce tore, imaginez une chambre à air aplatie, vous lui faites trois demi-torsions et vous obtenez, en apparence une bande Mœbius triple, mais en fait une bande de Mœbius triple à deux feuillets. Donc si vous découpez selon le pli, vous obtenez un nœud de trèfle réalisé sur une surface bilatère.

    J. Maucade – À condition de faire des demi-torsions.

    M. Darmon – Oui, on fait des demi-torsions. On fait exactement la même opération que Lacan décrit dans L’Étourdit à partir du tore aplati sur lequel il opère une demi-torsion et qu’il découpe selon le pli. La bande de Mœbius qui reste en fait un tore aplati, une fois découpée, se transforme en bande de Mœbius double, applicable sur un tore.

    Bon voilà ! Voilà, je suis désolé, c’est très technique !

    J. Maucade – Tout le séminaire, il est comme ça. Tu vas être désolé toute l’année…

    Th. Pitavy – C’est sûr, il faut s’accrocher !

    B. Vandermersch – Quel est l’intérêt de l’habitude de ce recouvrement d’une bande de Mœbius par une bande bilatère, que ce soit à une demi-torsion ou à trois demi-torsions, c’est la même chose, enfin c’est pas la même chose mais on a aussi toujours cette possibilité de recouvrir une surface unilatère par une bilatère [M. Darmon – Oui !] C’est vrai de Boy qu’on peut envelopper par une sphère, c’est vrai, de la bande de Mœbius… Alors quel est l’intérêt de cette remarque qu’il fait là, est-ce que c’est plutôt la similitude, enfin le rapport qu’il y aurait, latent, avec l’histoire du nœud de trèfle qui l’intéresse ?

    M. Darmon – Ben, c’est-à-dire il établit une correspondance entre les nœuds et les surfaces [B. Vandermersch – Oui] nouvelle correspondance, en s’intéressant aux bords, je suppose que quand il parle des bords, il considère la bande de Mœbius triple, découpée, alors maintenant à quoi ça peut bien nous servir ces choses-là ?

    B. Vandermersch – Enfin, le bord c’est ce qui résulte d’une coupure… [M. Darmon – Oui.] et c’est vrai qu’on pense que quand on fait une coupure, on fait quelque chose qui résiste, qui a une certaine consistance, bizarrement, hein ? Une certaine consistance si elle est homogène, si elle est quelque part assimilable à une corde, hein ?

    M. Darmon – Oui, mais non, non mais je… oui !

    B. Vandermersch – Ce qui est intéressant c’est de faire valoir que dans le fond dans la théorie des surfaces, enfin dans la présentation des surfaces, c’est la coupure qui fait consistance, ce n’est pas la substance de la bande, c’est la coupure qui fait consistance, et c’est en ça peut-être qu’il y a la consistance qui est homogène avec celle des nœuds. Enfin, c’est un peu une autre façon, enfin [M. Darmon – Oui] enfin…

    M. Darmon – On peut dire quand il dit dans L’Étourdit, la coupure, c’est la bande de Mœbius c’est-à-dire il fait équivaloir une surface à quelque chose qui n’a aucun support matériel. Mais, je suis sensible au terme de « doublure », qui est un terme que Lacan a déjà employé pour parler de l’objet et du sujet, doublure faite de la même étoffe, etc.

    J. Maucade – Et cette doublure, ça correspond à ce qu’il disait de la couverture de la triple bande par une autre triple bande et ça correspond les deux triples bandes, l’une à l’autre ? c’est-à-dire la couverture s’applique comment ? Est-ce qu’il y a une orientation ?

    Intervenante – Est-ce que les deux demi-torsions ensembles donnent la bouteille de Klein ? et effectivement, je ne connais pas la réponse, je ne sais pas si vous la savez ?… deux bandes de Mœbius triples, pour reprendre les termes de Lacan, qu’est-ce qu’elles…

    M. Darmon – Oui ! Mais c’est ça, c’est un autre problème que se pose Julien, Julien pose le problème du recouvrement de la bande de Mœbius triple par une autre bande qui est le double d’une bande de Mœbius triple.

    B. Vandermersch – Pas par une autre bande de Mœbius.

    M. Darmon – Triple.

    B. Vandermersch – Par une bande bilatère, celle-là.

    M. Darmon – Bilatère, mais Lacan parlait de…

    B. Vandermersch – Oui mais le problème c’est que Lacan emploie des terminologies qui nous foutent dedans, quand il parle de triple bande de Mœbius, ça ne veut rien dire, c’est une bande de Mœbius à trois demi-torsions.

    J. Maucade – Mais ce n’est pas un lapsus.

    B. Vandermersch – Non mais on n’est pas toujours obligé d’emprunter les termes qui nous foutent dedans. Comme quand il dit le nœud à trois, il parle du nœud de trèfle quelquefois. Bon !

    M. Darmon – Non, il parle essentiellement du nœud de trèfle quand il dit nœud à trois.

    B. Vandermersch – Bien oui, c’est embêtant parce que un nœud à trois nœuds, ce n’est pas une chaîne à trois nœuds, bon peu importe, ce que je veux dire, c’est qu’il faut distinguer la bande à trois demi-torsions, cette bande de Mœbius à trois demi-torsions. C’est pas une triple bande.

    M. Darmon – Alors il dit « triple bande », justement, il y a une ambiguïté parce qu’il dit dans la lettre à Soury [B. Vandermersch – Oui] « Ayez la bonté, cher Soury, de me faire la bande de Mœbius que nous appelons triple », celle qui se figure comme cela, alors en fait, c’est il y a trois épaisseurs dans la bande qu’il dessine et c’est là où il met le tissu, la peau extérieure, alors – et de m’en faire la doublure, celle-ci à quoi vous mettez un intérieur et un extérieur.

    J. Maucade – Mais est-ce que c’est la doublure par le même, c’est ça ma question, c’est la doublure par le même ou par ?…

    M. Darmon – C’est le même tissu qui réalise la doublure de la bande.

    J. Maucade – C’est le même tissu ?

    M. Darmon – Oui c’est le même tissu.

    J. Maucade – Mais la première bande, elle a un tissu, elle une peau interne et une peau externe !

    M. Darmon – La peau interne et la peau externe sont en continuité.

    J. Maucade – Mais la deuxième qui couvre la première ?

    M. Darmon – C’est le tissu.

    J. Maucade – Tout en tissu !

    M. Darmon – La première bande, Lacan l’appelle la chair !

    J. Maucade – D’accord.

    M. Darmon – La chair ? Non, la peau [rires]. Non, parce que ça me fait penser à la formule de Freud, ou de Lacan lisant Freud, que l’Inconscient est entre perception et conscience comme entre cuir et chair, mais là c’est plutôt le terme de doublure qu’il faut suivre et se rapporter au texte où il est question de doublure.

    P.-Ch. Cathelineau – Je voulais poser une question, parce que je ne suis pas sûr de comprendre, « la topologie est exemplaire, elle permet dans la pratique de faire un certain nombre de métaphores, [M. Darmon – Oui] de faire un certain nombre de métaphores » alors la question qui se pose, de quoi est-ce que ces figures sont les métaphores ? Et donc je pense, enfin ce qui vient à l’esprit c’est la question du sujet, de la coupure, c’est-à-dire, c’est une façon de mettre au premier plan la métaphore du sujet dans son rapport avec, alors avec quoi ? C’est une difficulté. Je pense que la question du transfert se trouve posée avec cette question de la doublure. Mais je te pose la question à tout hasard ?

    M. Darmon – Je crois, enfin en ce qui concerne les métaphores [P.-Ch Cathelineau – oui] il nous donne un objet avec cette bande de Mœbius et ces nœuds qui nous servent à faire des métaphores

    P.-Ch. Cathelineau – Oui, des métaphores de ?

    Th. Pitavy – De la structure, finalement.

    M. Darmon – De ce qu’on rencontre dans ce qui résiste dans la clinique, c’est-à-dire… c’est un peu ce qu’on fait quand on essaye d’utiliser la topologie en clinique, on l’utilise comme une métaphore.

    P.-Ch. Cathelineau – Oui mais ça ce serait une sorte de méta, de méta-métaphore de ce qui se passe. C’est ça ou pas ?

    M. Darmon – Ça serait une construction à la fois imaginaire et réelle [P.-Ch. Cathelineau – Oui], plus proche de la structure du réel auquel nous avons affaire et qui servirait à rendre compte de ce que nous faisons en pratique, d’une façon plus intelligente que d’utiliser une topologie spontanée, c’est-à-dire par exemple comme l’œuf de Freud [P.-Ch. Cathelineau – C’est ça, oui].

    J. Maucade – Si vous le permettez, juste, c’est juste, c’est l’imaginaire, il me semble, qui est… c’est notre imaginaire, à l’époque c’est l’imaginaire qui est là en question, c’est-à-dire il présente un autre imaginaire qui permet cette métaphore dans la pratique.

    M. Darmon – Oui c’est ça, c’est un imaginaire qui est difficile à imaginer.

    J. Maucade – Voilà ! Et qui résiste. C’est pour ça qu’il faut faire, je me permets de faire cette remarque, faire la topologie avec le temps nécessaire, c’est-à-dire le temps de faire cette topologie pour avoir accès à cet imaginaire.

    B. Vandermersch – Si c’est une métaphore là, l’histoire de l’enveloppement, que la bande de Mœbius ça a toujours été donnée pour soutenir la présence du sujet, enfin être le sujet, d’autre part, il est enveloppé dans quelque chose qui donne le sentiment d’être quelque chose comme un Moi, une enveloppe en tout cas, du coup ça donne une autre… on n’a plus i(a) là, l’objet a enveloppé dans le creux de l’image spéculaire, on a plutôt l’impression que c’est le sujet lui-même qui serait masqué par une doublure de lui-même quoi, c’est assez difficile à saisir [M. Darmon – oui]

    P.-Ch Cathelineau – C’est pour ça qu’il y a un lien quand même…

    B. Vandermersch – Ce n’est pas la même métaphore que l’objet a ou comme vide au cœur de l’image. Ce n’est pas tout à fait…

    M. Darmon – C’est-à-dire il faudrait retrouver le texte de la doublure [B. Vandermersch – oui] parce que c’est une doublure topologique de la même étoffe.

    P.Ch. Cathelineau – Mais en tout cas c’est une métaphore, ce n’est pas seulement une métaphore des difficultés d’articulation entre la pratique et la topologie mais c’est, je pense comme le dit Bernard, que l’enjeu c’est la métaphore du sujet, c’est-à-dire qu’on a affaire à quelque chose et c’est pour ça qu’en le lisant, j’ai pensé qu’il y avait un lien entre la leçon I du séminaire sur le Moi et cette présentation où effectivement on a affaire à la question de la doublure dans la leçon I du séminaire sur le Moi. On a affaire à la question de la doublure.

    M. Darmon – Quand Lacan parle de la bande de Mœbius dans L’Étourdit par exemple, la bande de Mœbius c’est le sujet, et c’est la coupure. Là ce n’est pas une métaphore, c’est-à-dire c’est le, on pourrait dire c’est la notion de sujet qui est une métaphore de la coupure.

    Th. Pitavy – Il l’utilise, je crois, ce terme d’équivalence même, c’est quelque chose qui a affaire à cette correspondance comme une équivalence, c’est une métaphore qui a affaire plus avec une équivalence…

    B. Vandermersch – Enfin là dans cette représentation de la triple bande de Mœbius ou de la bande à trois demi-torsions, elle peut se compléter aussi, d’un fragment, d’un morceau de sphère, hein, pour reformer le cross-cap qui est la figure de Boy [M. Darmon – c’est la figure de Boy, oui]. Autrement dit dans cette figure-là, la question de l’objet petit a est complétement sous-entendue [M. Darmon – Oui] le disque qui viendrait compléter cette bande et il n’est plus du tout question de ça.

    M. Darmon – Non, il n’est pas question de ça dans cette leçon [B. Vandermersch – Dans cette leçon]

    P.Ch. Cathelineau – Sauf éventuellement…

    B. Vandermersch – Ce n’est pas une redite de quelque chose, c’est autre chose. Il y a une autre façon de voir les choses.

    M. Darmon – Il y a un autre lien qu’on peut faire avec le Moi, c’est la définition de Freud du Moi comme surface ou plutôt projection d’une surface. Il y avait cette intuition chez Freud d’un Moi quasiment topologique, comme une surface… Bon.

    Transcripteurs : Catherine Parquet, Renée Kalfon, Christian Chabernaud, Paul Claveirole

    Relecture : Marie-Jeanne Teissier, Martine Roques-Lalande, Monique de Lagontrie