Pour la première fois une convention entre l'ALI et le Collège international de philosophie, renoue le dialogue, l'échange entre les psychanalystes et les philosophes. C'est à partir du séminaire "La rencontre du réel" qui se déroulera en 2023-2024, que le CIPH s'est engagé à un travail en commun ; la re-création d'une intersection "philosophie et psychanalyse" pourrait enfin se rejouer. Les nombreuses références philosophiques dans l'oeuvre de J.Lacan (Platon, Aristote, Hegel, Marx, Wittgenstein...) et sa lecture clinique, mais néanmoins instruite par ces textes fondamentaux de la philosophie, démontrent qu'il n'avait pas "la passion de l'ignorance". Homme de son temps, il suivait les enseignements de Kojève (la phénoménologie de l’esprit. Hegel) , au moment de son exclusion par l'IPA, il fut soutenu par louis Althusser afin de poursuivre son séminaire à l'Ecole Normale.
Dans "Le Rapport bleu" rédigé en 1982 par les fondateurs du CIPH (1) : F. Châtelet, J. Derrida, J-P. Faye, D. Lecourt, la psychanalyse occupe "une place singulière et décisive" dans tous les domaines de la recherche, mais aussi de l'enseignement. J.Derrida souligne que tous les domaines de la recherche comptent avec la psychanalyse et s'en trouve transformée. Il met l'accent sur la singularité des "discours" et de la pratique en psychanalyse. Cette dimension de la recherche existe dans le parcours de J. Lacan et nous poursuivons nos analyses et réflexions à partir de ces repères. Une intersection "philosophie et psychanalyse" au sein de l'ALI permettrait de reprendre dans l'actuel de nos échanges, les liens avec les philosophes de notre temps ; un certain nombre de membres de l'ALI ont une formation philosophique et sont devenus psychanalystes. Si le réel était le symptôme de Lacan, il est surtout son invention, poursuivons cette réflexion et la recherche qu'elle implique dans notre séminaire "La rencontre du réel" à partir des contributions des analystes de l'ALI et des philosophes (et/ou) du CIPH.
(1) Précisons que le CIPH organise des activités et enseignements libres de droits et d'accès pour ses auditeurs. Ni université, ni institut de recherche, mais lieu de recherche et de transmission, il a mis en œuvre l'intersectionnalité comme règle fondamentale. Ouvert sur l'international, c'est un lieu d'enseignement, d'expérimentation et de création.
Le Rapport bleu : les sources historiques et théoriques du Collège international de philosophie. Presses universitaires de Paris Nanterre
La question éthique par excellence est le repérage de l'homme par rapport au réel, c'est dans l'expérience humaine ce qui revient toujours à la même place.
Ces rencontres du réel sont une mise à l'épreuve du sujet. À une causalitésignifiante du sujet, Lacan articule la « Tuché », bonne ou mauvaise rencontre, rencontre avec le réel. D'Aristote à Freud, puis de Freud à Lacan, la rencontre est un élément à la fois déterminant et aléatoire de la causalité du sujet. Si ce sujet est bien celui de l'inconscient, il n'en est pas moins désirant. Ainsi, ce qui se produit « comme au hasard » vient à la rencontre du fantasme, masque d'un réel premier, déterminant. Ce réel, Lacan le fait hasard. Si Freud établit une analogie entre l'archéologie et l'inconscient, Lacan l'appréhende comme « non réalisé », l'inconscient entre être et non être est à l'extérieur, discontinu. L'amour de transfert réalise l'inconscient non réalisé, cet inconscient n'est pas un plein, mais un vide, il n'est pas seulement une mémoire. Ainsi, le nouveau sujet estcelui de l'inconscient, et sa structure, comme la femme est un « pas tout ». La parole dans la cure, qui s'adresse à l'Autre, produit un sens nouveau, l'émergence de nouveaux signifiants dans le récit de ce qui a fait événement ; c'est devant l'Autre comme sujet de la parole que le sujet lui-même se constitue.
Qu'en est-il de l'être ? entre être et non être, c'est un indéterminé, cet être pose la question avec le sujet . L'homme de J. Lacan pense avec son « objet » c'est un sujet qui doit advenir « Là où c'était je dois advenir », il introduit la dimension du réel dans son rapport à l'être ; ce réel étant de l'ordre de l'être a pris sa place dans le symbolique, bien au delà du sujet de connaissance. C'est l'objet imaginaire du fantasme qui vient occuper cette place comme coupure. Est-ce qu'interpréter le fantasme ne ramène pas le sujet à l'actuel de la réalité ? Cette place du fantasme nous appelle à entendre une exigence vraie du sujet.
Intervenants : Christian Fierens, membre de l'ALI, Pierre-Christophe Cathelineau, membre de l'ALI, Bertrand Ogilvie, Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, ancien directeur de programme et président du comité scientifique du CIPh