On est aujourd’hui dans cette table ronde : de l’acte politique à l’acte psychanalytique. Si nous avons choisi ce titre, c’est parce qu’il nous a semblé que Lacan lui-même considérait que l’acte psychanalytique était générique de tous les actes. Il dit, comme je l’ai cité la fois dernière que l’acte psychanalytique domine tous les actes et en constitue la structure.
C’est-à-dire que les autres actes, actes poétiques, actes politiques, actes artistiques, sont structurés à la manière de l’acte psychanalytique, ou en tout cas s’y apparentent. C’est un point sur lequel je souhaitais qu’on insiste, parce que c’est important pour définir la notion d’acte. Et d’autre part, il me semble que dans le registre des actes politiques, nous avons un exemple récent que vous avez tous en tête dans l’actualité.
Cette façon de remettre à l’Assemblée, par le vote de confiance, la possibilité ou non de continuer à exercer sa gouvernance et à permettre au budget d’être voté, on va dire, par l’article 49.1, est une façon délibérée de poser un acte qui aura certainement des conséquences problématiques en France, mais qui est un acte. Il n’y a aucun doute là-dessus. Ça a une structure d’acte, au point qu’un certain nombre d’opposants politiques disent que c’est un suicide.
C’est un suicide politique. Et c’est probablement le cas. Il est clair qu’en faisant ainsi, François Bayrou se condamne à être éjecté du champ pour y revenir, bien entendu. Il est clair que dans l’acte psychanalytique aussi on assiste à une chute du sujet supposé savoir et à l’éjection du psychanalyste comme déchet de l’opération du transfert au titre de l’objet a. Tel est aussi l’acte du Premier Ministre.
Et avec une thématique qui, vous savez, est une thématique très importante pour la France, puisqu’il s’agit de la dette, et que la dette est abyssale. Et donc, acte politique dont nous avons l’exemple et qui ramène l’acteur qui en est l’auteur à la dimension du déchet. C’est-à-dire qu’exactement comme dans l’acte analytique, il va se retrouver mis au banc.
Mais mis au banc pour une perspective politique qui, peut-être, aura des conséquences dans l’avenir. En tout cas, sa question aura des conséquences, puisque nul ne peut ignorer le problème politique, économique et financier que pose la dette pour la France aujourd’hui. Enfin, si on l’ignore, c’est dommage, parce que c’est un problème réel.
Je voulais partir de cet exemple pour vous dire qu’aussi bien l’exemple de Gorbatchev que l’exemple de De Gaulle en 68, Gorbatchev en 89, l’acte politique est un acte qui a des conséquences et qui propulse celui qui en est l’acteur, on va dire, dans une autre dimension. Et c’est aussi ce qui se passe avec l’acte analytique. C’est-à-dire que, ça a été rappelé plusieurs fois lors de ces débuts de journée, il y a un processus de transformation qui s’opère à partir de cet acte.
Et cette transformation a un effet de sujet qui est consubstantiel à cet acte. Alors, on va examiner ensemble cette dimension et on va examiner plus largement le lien entre la question du politique et la question de l’acte psychanalytique. Je ne voudrais pas que nous en restions, si vous le voulez bien, à seulement montrer que l’acte psychanalytique domine tous les actes, mais comment il y a une articulation entre le politique et le psychanalytique.
Car il est clair qu’en 1967 à la veille des évènements de 1968 Lacan attendait de la passe auquel s’articule l’acte psychanalytique qu’elle permette entre analystes un lien social moins catastrophique qu’il ne l’était alors, marqué par le jeu des nominations et des prestances imaginaires, c’est-à-dire des trahisons, des jalousies et des haines. L’acte psychanalytique aurait pu devenir un acte politique mettant au centre de ses enjeux l’opération d’une cure psychanalytique et de ses résultats pour un sujet dans le lien social. Lacan en attendait ainsi, et c’était ambitieux, une transformation du lien politique et social au-delà des seules associations, donc des conséquences politiques pour les citoyens. Il n’en a rien été, précisément à cause des effets de nominations, de prestances imaginaires, des trahisons, des jalousies et des haines qui ont rapidement rattrapé les psychanalystes dans leurs associations et qui perdurent en leur sein jusqu’à aujourd’hui. Echec de la passe et échec politique de la psychanalyse confirmé par l’échec de mai 68. Le même constat est à tirer de l’instauration de la passe à l’ALI, passé par profits et pertes.
J’espère qu’on va pouvoir aboutir à cette question et qu’on va en débattre ensemble. J’ai demandé aux intervenants qui ont préparé leurs travaux d’être relativement brefs, peut-être dix minutes, un quart d’heure, pour que nous puissions engager la discussion ensemble et que nous puissions discuter avec la salle sur les questions qui vont être posées.