Préparation au séminaire d’été 2025
Mardi 3 juin 2025
Président – Discutant : Cyrille Noirjean
Danielle Eleb : Leçon XV du 27 mars 1968
Lacan propose un dialogue avec Pierre Soury, mathématicien et philosophe, et Jacques Rudrauf, psychiatre. Lacan a reçu des lettres en réponse à sa sollicitation de questions.
Pierre Soury ouvre ce dialogue : « vous avez attaché les effets du signifiant à la possibilité d’une conséquence »
Le terme de conséquence : Lacan opére un déplacement, « ce terme est lié à des fonctions de suite logique, c’est le champ d’une nécessité logique…notre dire tire à conséquence »
Les conséquences langagières : l’articulation langagière nous intéresse en tant qu’elle fait question, que nous pouvons la saisir dans le champ analysable ; il s’agit d’une « REPRISE », d’un travail, d’une élaboration logique.
Cette reprise permet de donner une formulation de ces effets que Lacan appelle « effets de sujet ».
S’adressant à P. Oury, il le cite « un enfant est la conséquence d’un accouplement » selon Lacan, « logiquement, c’est suspect, l’usage de ce terme de conséquence ». P. Oury soutient l’existence d’un « usage obscurantiste » des mathématiques modernes, en prenant comme exemple le « zéro » ; en effet l’école moderne ne met pas de bonnet d’âne, mais de zéros, celui-ci est devenu une insulte contre les écoliers. Lacan distingue l’ordre des mathématiques du champ de l’analyse, par exemple les noeuds qui s’appliquent à un tout autre ordre, qui est le champ de l’analyse.
« L’inconscient est structuré comme un langage »
Jacques Rudrauf : « pourquoi pas le langage est structuré comme l’inconscient ? » à cette question Lacan avait répondu que la logique « voulait qu’on aille du connu à l’inconnu et non pas de l’inconnu au connu »
J. Rudrauf met en cause l’inconscient « si parfaitement connu…ou si parfaitement inconnu » ; il cite Lacan, Si je dis que l’inconscient est structuré comme un langage, cela ne veut pas dire que je le sais « la question soulevée est celle de la connaissance de l’analyste par le moyen de l’articulation logique ; il structure ici l’inconscient à travers « x », le langage mathématique ou à travers une figuration mathématique.
Pour Lacan le « x » n’est pas une formulation équivalente à inconnue ; dans l’usage mathématique « x » désigne une « variable » ce n’est pas pareil, le second énoncé : « le langage est structuré comme l’inconscient » est sans suite.
Le sujet supposé savoir
Lacan opère un déplacement en introduisant un sujet supposé savoir ; la vérité est déjà quelque part (savoir et vérité)
J. Rudrauf: l’inconscient est représenté comme un champ existant « avant que qui le sache » ; il propose des réponses : l’inconscient est structuré comme les symptômes, le rêve, comme un dessin d’enfant.
Lacan précise, le rêve est la voie royale de l’inconscient, mais « il n’est pas l’inconscient à lui tout seul ».
Lacan introduit une critique concernant Paul Ricoeur et plus précisément un article « Violence et langage » paru en 1967 dans la revue catholique « Recherche et débats ». Sa critique porte sur la confusion des notions de « violence subie » avec celle du « travail ». Dans son séminaire Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, il évoque P. Ricoeur : « Ce lieu de travail a pour but de distordre ce que je dis ». Quel est l’argument de Lacan ? Le philosophe P. Ricoeur analyse « le réalisme de l’inconscient tout en reconnaissant que l’inconscient est « lacune, coupure, rupture » manque. Comme le souligne Lacan, il en fait son « objet » qu’il appelle l’Herméneutique ; ce philosophe lit dans la suite des mutations de l’homme « le progrès des signes » selon lesquels, il constitue son histoire. Il renvoie à la pure contingence ce à quoi les analystes ont affaire.
Le désir
L’Herméneutique ignore la pratique analytique et objecte au structuralisme ; Lacan précise que c’est au niveau de l’analyse que se révèle ce « point nodal » par quoi la « pulsation de l’inconscient est liée à la réalité sexuelle ».
Ce point nodal est le « désir qui se situe dans la dépendance de la demande, et s’articule en signifiants ». Cependant, il y-a un reste impossible, méconnu qui « s’appelle le désir ».
Le Sujet en psychanalyse
J. Rudrauf pose une question : « Le langage, quel est-il ? et de qui est-il ? Il évoque la question du sujet en tant qu’il est un fait de langage, révélateur du sujet, « acte du sujet ». Selon Lacan « le langage n’est pas du tout acte du sujet », il fait allusion à une dimension du langage qui s’appelle « l’indécidable ». Cependant, la position de la recherche est celle de l’origine du langage. Il pose la question autrement : « Comment a bien pu arriver un jour qu’il y en ait qui parlent ? »
Nous pouvons nous poser la question à propos des enfants autistes. Il constate un fait historique « la linguistique est née d’un ordre pratique en se limitant à un certain nombre d’opérations. Il évoque un « deuxième temps démonstratif, non pas un métalangage ou une métalangue mais au contraire en isolant certains champs » Il donne des exemples : il-y-a un sujet de la chimie, de la linguistique, comme il y-a un sujet de la logique moderne. Le statut du sujet dans l’analyse n’est aucun de ces sujets-là.
Le tableau de Lacan
« Tous les hommes aiment la femme »
« Tous les psychanalystes désirent savoir »
« Je ne pense pas »
« Je ne suis pas »
Le sujet en psychanalyse
Lacan introduit le sujet grammatical, le sujet de la phrase ; si la logique de la quantification est au niveau de l’universel : « Tous les hommes sont aimant la femme, tous les psychanalystes sont désirant du savoir » il distingue dans l’énoncé « le sujet de l’énonciation ». Il précise la distinction entre le sujet « quantifié » et le « sujet de l’énonciation », je est une variable de chacun des discours. « Je ne suis pas » a un support, concernant le « sujet de l’inconscient », ça est que « je ne suis pas ». Il conclut « le je suis » paraît grotesque.
Le savoir du psychanalyste
« Que tous les hommes aiment la femme, c’est faux » ; « Par expérience, pour une moitié de la société, c’est faux » tous les hommes aiment, non pas la femme, mais la mère ». Ce discours n’est pas sans conséquences : comme le souligne Freud dans son livre La vie sexuelle certains hommes ne peuvent faire l’amour avec la femme qu’ils aiment, « puisque c’est leur mère » ; ils peuvent faire l’amour avec une femme à condition qu’elle soit une mère ravalée.
A partir d’un exemple, « le chalet de montagne » il pose la question du « naturalisme du désirable » et propose « un paradoxe » : l’homme et la femme n’ont ensemble rien à voir. Je ne l’enseigne pas, c’est vrai ». Même si la femme est désirée, il faut que le désir se construise sur un tout ordre de ressorts ou l’inconscient est absolument dominant ». C’est une critique de la référence naturaliste concernant l’acte sexuel, articulée à l’expérience et à la doctrine freudienne.
Il évoque « l’instinct » du clinicien : « L’homme et la femme c’est fait pour aller ensemble» Lacan reprend le « Paradoxe » : Il peuvent aller ensemble sans avoir rien à voir ensemble.
Amour et Désir
« Les analystes savent que concernant le partenaire, « elle croit l’aimer », nous savons que ce qui domine c’est qu’elle le désire, mais croit l’aimer. Coté homme, quand il arrive qu’il la désire, il a affaire à se mère, donc il l’aime ». Lacan conclut « il lui donne le fruit de la castratio, ce qu’il n’a plus.
L’acte psychanalytique et l’objet(a) : il évoque la fin de la cure en mettant au centre cette acception d’être rejeté à la façon de l’objet (a). Il se demande pourquoi n’y a-t-il pas de critique concernant sa conception de la fin de la cure ?
La rencontre entre deux manques
La femme « se prête à être » dans l’acte sexuel qui lui impose la fonction de l’objet (a), « elle masque un vide, cette chose qui manque »; du côté homme il découvre ce qu’il y-a d’impuissance « à viser un savoir » .Lacan conclut sur cette impuissance » on a jamais le savoir de l’autre sexe », il précise, pour le mâle, il aboutit à l’expérience de la castration; » son impuissance à faire de l’acte sexuel quelque chose de plein »
Dans son séminaire l’Angoisse Lacan parlant de la fin de la cure souligne cette rencontre entre deux manques ( entre l’analyste et le patient) mais aussi entre l’homme et la femme.
Qu’est-ce que la vie privée? : « à partir du moment ou on fait une analyse, il n’y-a plus de vie privée « Lacan ajoute « c’est une vie psychanalysée ou psychanalysante, ce n’est pas une vie privée » en effet, ne plus avoir de vie privée relève du fantasme, quelque chose est tombé, nous sommes livrés à la contingence.