Préparation au séminaire d’été 2024-2025 – Étude du séminaire, L’Acte psychanalytique
Mardi 18 Mars 2025
Président-Discutant : Jean-Paul Beaumont
Jean-Luc Cacciali : Pourquoi l’acte analytique met-il en question le sujet supposé savoir ?
Plus tard, Lacan dira que dire le sujet supposé savoir est un redoublement, puisque quand il y a une supposition, il y a toujours un sujet qui suppose et il ajoutera que le sujet supposé savoir est en fait quelqu’un qui sait, qui sait le truc, c’est-à-dire comment on guérit une névrose.
Le sujet supposé savoir fonde le transfert. C’est un point important parce que cela va donner du même coup une consistance au sujet de l’inconscient, nous supposons qu’il y a un sujet au savoir inconscient.
Que nous parlions d’un sujet en tant que tel alors qu’il n’y a que des sujets puisque le sujet est un effet du signifiant. Et c’est cela qui se transfère sur l’analyste, qu’il y aurait un sujet au savoir inconscient, ce n’est pas une figure, par exemple une figure paternelle qui se transfère sur l’analyste.
Donc dès qu’il y a quelque part le sujet supposé savoir, il y a transfert.
Dès que la fonction du sujet supposé savoir, peut-être incarnée par qui que ce soit, analyste ou pas, le transfert est d’ores et déjà fondé.
Alors quand on parle de liquidation du transfert, le sujet supposé savoir doit-il être liquidé en fin d’analyse ? Lacan s’amuse et dit que ce serait un peu singulier que ce sujet supposé savoir quelque chose de vous, et qui en fait n’en sait rien, puisse être considéré comme devant être liquidé au moment où à la fin d’analyse, il commence justement à en savoir un bout sur vous.
Alors pourquoi l’acte analytique met -il en question le sujet supposé savoir ?
Quand le transfert met en place l’analyste comme sujet supposé savoir cela signifie qu’il y aurait un grand Autre sachant, qu’il y aurait un savoir possible de l’acte analytique. Le mettre en question est donc une façon de mettre une barre sur le grand Autre.
Nous disons que l’acte analytique est un dire et le dire ne va pas sans dit. Il n’y a d’inconscient que du dit mais le dire échappe au dit. Il fait intervenir la question de l’existence dans le discours, mettant en jeu l’altérité. Il met une barre sur le grand Autre. Avec le sujet supposé savoir ce qui est mis en jeu c’est un Autre de l’Autre, c’est-à-dire qu’il y aurait une pensée possible de l’acte, un sujet qui sait penser l’acte.
La logique du dire est une logique du réel, dire que non. Le réel est la négation la plus radicale. Pour qu’un dit soit vrai qu’il faut qu’on dise, il faut qu’il y ait un dire.
Le sujet n’est pas avant l’acte, il ne pense pas là l’acte, il n’est pas plus dans l’acte lui-même, il est produit et surtout déterminé par l’acte. C’est ce que nous montre l’acte analytique. Et en cela qu’il peut éclairer tout autre acte.
Dans l’acte analytique, l’analyste n’est pas un sujet ayant un savoir lui permettant d’opérer l’acte analytique. Je précise l’acte parce que bien évidemment l’analyste a un savoir, Lacan a fait un séminaire dont le titre est le savoir du psychanalyste. Il sait qu’il est destiné à représenter l’objet petit a, Lacan a pu dire qu’il a le savoir du déchet.
Et puis, dans le séminaire de l’Insu [que sait de l’une-bévue s’aile à mourre], il dira que ce que l’analyste sait, c’est qu’il ne parle qu’à côté du vrai, parce que le vrai il l’ignore parce que le réel ce n’est pas le sens.
Et puis l’analysant, en ce qui le concerne, a aussi un savoir, mais il ne le sait qu’après coup, c’est-à-dire après l’acte analytique. L’analysant est aussi un sujet supposé savoir. Mais en tant qu’il sait, ce sujet est produit par l’acte. L’acte analytique est au principe d’une mutation subjective, il doit au terme d’une analyse marquer l’émergence d’un nouveau sujet. Il n’est pas avant l’acte, il n’est pas dans l’acte, il est produit par l’acte. C’est pourquoi il faut qu’il y ait eu acte pour que l’analysant sache qu’il a le savoir et qu’il le sait donc dans l’après-coup.
Nassif dit que l’acte lui-même est une coupure et que le sujet produit par l’acte analytique est un effet de coupure. Et que l’acte comme coupure, modifie la structure topologique du sujet.
L’écriture topologique doit donc permettre de concevoir une telle mutation subjective puisqu’elle est écrite.
L’acte analytique ne se débarrasse pas du sujet supposé savoir comme l’espère la logique mais il permet de le lire dans l’après coup.
Il permet de lire qu’il n’y a pas de sujet au savoir, qu’il y a un sujet de la connaissance, mais pas un sujet au savoir. Accepter la mise en question du sujet supposé savoir, c’est accepté que le savoir inconscient puisse être un savoir sans sujet.
Le savoir est différent de la connaissance. Melman, pour opposer savoir et connaissance, s’amusait et disait que la connaissance sans aucun effort nous pouvions l’entendre comme la conne aisance, autrement dit l’aisance des cons, et de façon un peu radicale, il disait, ajoutez entre parenthèses le terme universitaire et vous y êtes. Alors que dire savoir est une subversion radicale, nous pouvons l’entendre comme ça a à voir ou voir le ça, l’objet petit a par exemple.
Voir cet objet qui est toujours présent dans la langue, mais qui néanmoins n’est jamais déchiffré et pour cause, puisque cela romprait la communication. Lacan a tenté de réintroduire la question de la lettre dans la langue. La lettre c’est le support de l’objet ; c’est pour cela qu’il était intéressé par Finnegan’s Wake, de Joyce. Et puis il a aussi tenté de faire un séminaire D’un discours qui ne serait pas du semblant. Une langue qui ne serait pas du semblant et permettrait la réintroduction de l’objet dans le langage, c’est-à-dire chercher l’introduction de la lettre en tant qu’elle s’avère le support de l’objet.
Dans notre usage de la langue, nous effaçons complètement le pouvoir d’une littéralité qui est pourtant ravageuse.
La mise en question par l’acte analytique de l’analyste, comme sujet supposé savoir, est nécessaire pour que l’analyste puisse représenter l’objet petit a pour l’analysant. Que dans la cure, il n’y soit plus comme sujet, mais comme semblant d’objet.
Mais si l’acte analytique met en question le sujet supposé savoir qui est lié au transfert, est- ce que cette mise en question permet la liquidation du transfert ?
Il me semble qu’à suivre Lacan, si le terme de liquidation a un sens, c’est la liquidation de la tromperie de l’amour qui s’exerce dans le sens de la fermeture de l’inconscient qui peut permettre la liquidation du transfert et rendre un terme possible à l’analyse. Tromperie qui a le même mécanisme que la relation narcissique où le sujet se fait objet aimable. La visée de l’analyse n’est donc pas la liquidation du sujet supposé savoir mais d’en déchiffrer le mécanisme qui induit le transfert et c’est ce que permet l’acte analytique.
L’acte analytique met donc en question le sujet supposé savoir et il met aussi en question le sujet dans la cure elle-même. Si l’acte analytique est au principe d’une mutation subjective, Melman a pu dire que l’analysant n’est pas l’auteur de son analyse, mais qu’il en est le fils. Et nous pourrions entendre cette filiation en écho au propos de Lacan qui dit que nous sommes tous les fils du discours.