Pourquoi n'y a-t-il pas de « Nom de la Mère » ?
17 novembre 2010

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MELMAN Charles
Rue des Archives



Ce serait drôlement bien s’il y avait un « Nom de la Mère » ; ça, ce serait drôlement bien. Ce serait drôlement bien parce que ça voudrait dire qu’une mère serait tout à fait capable de transmettre, à sa fille par exemple, la féminité. Puisque le Nom-du-Père c’est bien ce qui, allant de père en fils cette fois là, transmet la virilité. Alors, ce serait vraiment un monde superbe où justement, reconnaissez-le tout de suite, il pourrait y avoir rapport sexuel. Il y aurait les garçons, qui seraient nommés d’un coté, les filles qui auraient leur nomination spécifique de l’autre, nommées en tant que filles, et il ne leur resterait plus qu’à avoir des activités récréatives entre eux.

Alors, pour quelle raison – il faut tout de même bien se poser cette question là – qu’est-ce qui fait obstacle, après tout, à une procédure aussi simple qu’idéale ? Avouez que si ça ne dépendait que de notre bonne volonté, il y a sûrement longtemps que ce serait fait ! Mais, il se trouve que nous semblons, les uns et les autres, astreints à des conditions étranges et qui sont donc des conditions structurales, qui font que malgré tous les droits que nous nous arrogeons ou que nous réclamons pour nous-mêmes, eh bien nous n’y arrivons pas !

Je fais volontiers remarquer que ce que l’on observe aujourd’hui dans l’évolution des mœurs concernant la sexualité, c’est la prévalence affirmée des droits de la personne. Chacun aurait, après tout pourquoi pas, le droit de choisir, par exemple, son genre, indépendamment de son sexe, de sa nomination, du choix parental, des déterminations sociales. L’affirmation des droits de la personne quant à la position sexuée que chacun, après tout, s’arrogerait. Mais vous voyez que, en abordant la question par ce biais du « Nom de la Mère », nous rencontrons justement ce rappel que la sexualité ne relève pas des droits de la personne mais qu’elle relève d’un dispositif en chicane, car il y a bien de la chicane là-dedans quand même, pour que ce ne soit pas possible – c’est chicanier, hein, la répartition des sexes ! – et qui fait que ça ne marche pas. De telle sorte que même lorsque la mère se réclame de son nom de famille, par exemple, pour vouloir l’inscrire, comme aujourd’hui c’est possible en France, depuis peu, à côté du nom de son mari pour que les enfants portent le double nom, comme en Espagne, celui de la lignée paternelle et celui de la lignée maternelle, le nom qu’elle porte c’est encore le nom, non pas d’une femme, de sa mère, mais de son père, donc on n’en sort pas de cette histoire ! Donc, pourquoi cette injustice ? Voilà, ça c’est pas de la parité, là on n’est pas dans la parité que nous aimons tant, on n’est pas dans l’égalité, à laquelle nous aspirons, on se heurte à une injustice, foncière, semble-t-il, ce qui serait même de l’ordre de l’impossible ; mais qu’est-ce qui conditionne cet impossible ? Pourquoi ?

Alors, remarquons tout d’abord, que « mère », c’est déjà un Nom-du-Père ! Je veux dire que le statut d’une mère est marqué par, justement, une reconnaissance paternelle, qu’il s’agisse d’un homme qui assume sa paternité, ou, s’il n’y a pas d’homme pour assumer sa paternité, d’une référence à Un-père, un père idéal et en tant qu’il a suffisamment reconnu les droits de cette femme à être mère. Donc mère, c’est déjà un nom délivré par le père. Et donc ceci nous renvoie à cette question évidemment qui est relativement, elle, beaucoup plus simple : qu’est-ce que c’est que le Nom-du-Père ?

Lacan, a pu s’étonner que dans l’Autre, le grand Autre, qui est une chaîne, on va dire, spontanément continue, un réseau plutôt qu’une chaîne, un réseau continu, sans hiatus, s’étonner que dans l’Autre il y ait du « Un » ; qu’il y ait du Un, c’est-à-dire, une césure opérée dans ce réseau, et qui vient y inscrire l’isolement de ce qui ferait Un. Et, il se pose la question : comment ça lui advient, à cet Autre, d’être habité, lui qui est ce réseau continu, d’être habité par du Un ; au moins Un, il y en a au moins Un. Et, là-dessus, ses propres propositions, genèse de cette ex-sistence, ne sont pas arrêtées, ne sont pas fixées. Il cherche comment il y a de l’au moins Un ; au moins Un car il peut y en avoir plusieurs évidemment, et il y en a toujours plusieurs, je veux dire que la possibilité du polythéisme, elle, est évidemment vérifiée, il peut y avoir beaucoup de Un. Et donc, comment ça devient Un ? Parce que vous ne pouvez pas dire qu’il y a eu un signifiant qui a été refoulé… Vous ne pouvez pas le dire, pour quelle raison ? Parce que pour qu’il y ait un signifiant, c’est-à-dire une césure dans la chaîne signifiante, il faut déjà qu’il y ait du Un dans l’Autre. C\’est-à-dire, qu’il y ait, que s’isole dans le réseau de lalangue – en un seul mot – une unité qui se réclame de cet au moins Un. Donc a priori, voilà, il y a de l’au moins Un dans l’Autre, ce qui fait que moi je le raconte déjà, on a déjà eu l’occasion de le raconter, de le vérifier depuis longtemps, la religion – mais d’autres l’ont dit bien sûr – la religion, c’est rationnel. C’est rationnel parce que ce n’est pas supposer qu’il y a du Un dans l’Autre, c’est s’inspirer du fait qu’il y a du Un dans l’Autre. Evidemment, c’est interpréter le statut de ce Un dans l’Autre, ses volontés, ses modes d’ex-sistence, ses exigences etc… bien sûr. Mais a priori, avant ou en dépit de toute religion, il y a du au moins Un dans l’Autre.

Alors, d’où ça vient cet au moins Un ? D’où ça sort ? – toujours ce sont les questions du commencement, du début, sur lesquelles on tourne – mais l’hypothèse la plus… , la plus… j’en sais rien, la moins… – la plus, la moins, je ne sais pas ce qu’il faut dire – en tous cas l’une des hypothèses sur lesquelles Lacan va s’appuyer, c’est sur la logique mathématique, et en particulier celle de Frege, stipulant que le premier zéro, que le zéro, est celui qui fait le premier Un. Autrement dit, que ce serait à partir du manque par lequel répond l’Autre, le grand Autre, à la demande ou au désir qui lui sont adressés, c’est ce manque, ce pur zéro, dans l’Autre qui fait que le signifiant ne peut répondre que de façon déceptive, en venant creuser la place du manque, que c’est là, hélas, sa propriété. Si on était animé par un système de signes, on serait renvoyé à quelque chose, comme le psychotique ! Le psychotique, lui, il baigne dans un monde qui fait signe, où il y a toujours un quelque chose et quelqu’un ; mais autrement, avec le signifiant, lorsqu’il est fonctionnel, comme pour le névrosé, la seule réponse du signifiant à la demande, c’est le défaut, le manque, le trou, etc… – toutes les façons que nous avons de le métaphoriser – et donc le mouvement par lequel, à partir de ce zéro, viendrait s’isoler ce qu’il en est de ce Un majeur. Majeur, puisqu’il devient essentiel… à quoi ? Essentiel au fait, ce manque même, de soutenir le désir. C’est bien parce qu’il y a un manque de l’Autre que s’entretient le désir, que nous ne sommes pas comme les animaux, hélas, repus, tranquilles. Nous sommes toujours inquiétés. Mais que, en même temps, c’est grâce à ce manque, essentiel, nominé, si je puis dire, et nominant, comme Un, que se maintient le désir, et donc la vie. Et l’on voit la bascule, aisée, qui peut se faire là, je dirais entre ce Un et l’autre interprétation métaphorique de ses incidences, qui le nomment phallus.

Donc, il y a du Un dans l’Autre et la nomination, la découpe, dans ce continuum d’un certain nombre de signifiants, vont, en quelque sorte, se justifier de son nom, de sa référence, pour valoir comme support de la maîtrise voulue sur l’autre, c’est-à-dire, sur le représentant de l’objet du désir. D’où, bien sûr le signifiant maître et le fait que, à ce signifiant maître vient répondre une découpe, celle du S2, mais qui est elle-même un effet de cette nomination, Une, première. Comme vous le voyez, à vous le présenter comme ça, le malheur, le déficit, c’est que dans l’Autre, et bien justement il n’y a pas de au moins Un qui serait spécifique pour venir organiser une nomination purement féminine. Si la nomination S2 répond à la nomination d’une femme, ça n’est jamais que par l’imposition plus violente, prétentieuse, voire traumatique du S1 sur cet espace Autre… et l’invitation faite à une femme de venir l’endosser. L’endosser, c\’est-à-dire accepter de venir représenter, pour un homme, l’objet qui cause son désir à cet homme et dont elle-même ne sait rien puisse qu’elle n’y est pour rien. Avouez que c’est quand même une ex-sistence singulière que de devoir ainsi venir représenter pour un homme la cause d’un désir auquel elle-même est étrangère, ce n’est pas son objet a à elle, d’ailleurs est-ce qu’elle en a un ? Est-ce qu’elle a un fantasme ? Avouez que c’est une énigme, aussi bien pour elle que pour son compagnon, que de venir là répondre et d’une façon dont on sait qu’elle sera le plus souvent, justement, conflictuelle, parce que pour arriver à s’entendre dans ce genre de complexe, de complexité, ce n’est évidemment pas naturel et ça ne peut pas être non plus naïf, cela nécessite, vraiment, le souci de parvenir, malgré tout, à s’accorder, au moins un temps.

C’est le rêve des enfants que les papas font les garçons et que les mamans font les filles, hein ? C’est une théorie ; mais qui est une théorie très forte puisqu’elle va subsister dans la revendication d’une fille à l’endroit de sa mère. Pourquoi est-ce qu’elle n’est pas capable de lui transmettre la féminité, c’est-à-dire de la nommer ! De lui donner le nom de femme ! Or, elle est obligée d’aller chercher la confirmation de cette nomination, auprès de qui ? C’est là encore qu’il y a beaucoup d’ennuis. Elle ne peut pas aller la chercher, cette confirmation, du côté de son père. Il ne peut pas la reconnaître comme femme et s’il le fait, ça risque de lui valoir quelques ennuis, hein ? Ce ne sera pas bien vu socialement. Pourtant, il pourra dire : « Moi, j’ai fait des efforts ! ». Mais ils ne seront pas reconnus ! Il faut qu’elle aille chercher sa reconnaissance de femme, sa nomination – « Tu es ma femme ! » – auprès d’un olibrius, d’un étranger en plus !

Donc ce bref rappel, élémentaire, pour resituer les conditions de l’accès à la féminité pour une femme et dont vous avez la surprise de constater que cette théorie, autrement dit cette logique, c’est la clinique même, c’est pas une application à la clinique. C’est ça ce qui est extraordinaire dans l’enseignement de Lacan, c’est qu’on n’applique pas de la théorie à la clinique, c’est en quelque sorte la vérification que la clinique, c’est la conséquence même de cette logique, que cette logique est en quelque sorte ce qui donne sa physiologie à la clinique… ou sa pathologie, puisque la clinique elle ne s’arrête pas, évidemment, ni aux murs de l’hôpital, ni au bureau du psychanalyste. Nous vivons dans la pathologie, bien sûr. C’est le sentiment de notre insuffisance qui constitue le fond de l’existence pour chacun, et si c’est par ce sentiment là qu’il donne le fond de son existence, ça provoque chez lui soit de l’exaltation, soit de l’élation, qui sont immédiatement reconnues comme quelque chose qui ne va pas très bien. Donc, d’une certaine manière, la difficulté ou la souffrance d’exister, la pathologie, elle est là, elle commence au départ en tant qu’inscrite au principe du fonctionnement de notre existence et de ce que nous sommes en train d’évoquer – ou ce que je suis en train d’évoquer pour vous – c’est-à-dire le fait qu’il n’y ait pas de « Nom de la Mère », le fait que c’est l’un des paradoxes majeurs justement de ce conditionnement par une logique, Lacan dira plus précisément par une écriture.

Alors, comment nous pouvons vérifier en clinique comment ça se passe… Eh bien, il est bien évident que, une mère, du fait de cette nomination, de cette marque par Un-père, du fait de se retrouver Une, phalliquement marquée au champ de l’Autre, elle devient elle-même, elle vient elle-même s’inscrire parmi les au moins Un. C’est-à-dire qu’elle devient quasiment divine. Sauf que, elle, elle ne peut pas procéder à la nomination. Mais par son statut elle vient se ranger parmi les au moins Un, c’est-à-dire qu’elle se présente comme ayant un pouvoir de vie et de mort, sans garantie, et l’enfant livré à son caprice… Il en a bien le sentiment d’ailleurs ! Divine en tant qu’elle peut n’obéir qu’à son caprice, qu’elle ne reconnaît pas forcément… parce qu’elle a été nommée par Un-père, elle ne reconnaît pas forcément sa loi, puisqu’elle est Une et toute entière. Toute entière, sauf que ce qui est généralement vécu comme mythe, c’est que c’est la donation d’un enfant qui a pu introduire chez elle une blessure et à charge pour l’enfant de venir la réparer par le contentement qu’il pourra lui fournir, à cette mère, pour illustrer la qualité de sa maternité : elle est vraiment une bonne mère ! Et, d’autre part, son rapport particulier justement au langage et à la loi, c’est-à-dire une mère… les signifiants maîtres, elle peut, par politesse, faire comme si elle les respectait, mais, on perçoit très bien que, pour le dire dans un autre registre, les concepts, elle s’en fout. C’est pas conceptuel, une mère ! Et même elle trouve plutôt amusant le jeu des garçons avec les concepts, ça la fait bien rigoler de voir qu’ils s’amusent avec ça, les garçons, qu’ils aiment jouer avec les concepts, c\’est-à-dire avec les signifiants maîtres.

J’ai le souvenir moi, de femmes à l’Ecole Freudienne de Paris qui m’ont énormément appris, sans le vouloir, sans le chercher hein… Je me contentais de les écouter et en particulier dans leurs apartés. Quand il y avait des réunions administratives, comme ça, et que je me trouvais par hasard – je le cherchais pas parce que ça me faisait toujours un choc – mais quand je me trouvais, par hasard, placé à côté, et que j’entendais, par exemple, au cours d’une réunion d’un bureau quelconque, d’un conseil d’administration quelconque, j’entendais des commentaires faits comme ça en catimini entre elles, de Dolto à d’autres copines, moi qui étais plutôt poli et respectueux des maîtres – je le suis toujours d’ailleurs – eh bien leur façon de se marrer de ce que disait le professeur, quelqu’un d’éminent comme Dolto – éminent parce que c’était une personnalité, personne ne peut le lui retirer – quelqu’un d’éminent comme Dolto, disait volontiers : « Mais c’est vous les garçons qui vous amusez avec ça ! ». Sous-entendu, dans un mouvement quasi masturbatoire quoi, voilà, vous prenez votre satisfaction à secouer le concept…

Et donc une mère, ça croit en quoi ? Ça croit en sa propre autorité. C’est en ça que ça croit. Et en tant qu’elle a à être reconnue comme justement ne devant en aucun cas être entamée, parce que si elle est entamée ça peut mettre en cause la vie de l’enfant ! Il y a aussi, là, un souci qui n’est pas simplement égoïste mais qui est un souci de générosité : il faut qu’elle reste Une, toute entière, pour venir représenter un phallus sublimé. Moi je pense que la sublimation ça vient de là, c’est-à-dire d’une désexualisation de l’au moins Un, et en tant qu’il ne devient plus que gardien non plus du désir, mais de la reproduction de la vie, le sexe n’étant que l’accident, en quelque sorte, qui est venu comme ça un peu parasiter l’affaire, introduire le microbe dans le truc… Et quand je vous raconte ça, vous pouvez aisément vérifier que, actuellement, c’est, de plus en plus, une aspiration sociale, ça… C\’est-à-dire d’avoir à faire à l’au moins Un dans l’Autre, qui ne soit plus que gardien de la reproduction de la vie hors sexe ! Autrement dit, sublime.

D’autre part, il est bien évident qu’une mère c’est pas tenu par la logique du concept qui veut qu’un concept ça ne va jamais sans une affirmation et une négation, ce qu’il y a à rejeter. Le S1, ça va forcément avec ce qui s’affirme mais aussi avec l’affirmation de ce qu’il y a à rejeter, de ce à quoi il y a à dire « non », autrement dit de ce qui en tombe, de ce qui en choit, de ce qui fait l’objet a. Mais dans la logique maternelle, tout est bon ! Tout est bon, il n’y a aucune raison de rejeter quoi que ce soit, et d’ailleurs elle a une longue familiarité avec justement les déchets de son petit enfant qui sont des cadeaux, qui sont merveilleux, qui témoignent de son bon fonctionnement, qui témoignent de la vie… Ce qui fait donc qu’une mère n’est aucunement embarrassée de dire une chose, son contraire, de changer, de maintenir, de ne pas soutenir une position qui a pu être la sienne… Ce n’est pas, si j’ose m’exprimer ainsi, de sa propre volonté, c’est que simplement les conditions qui lui sont faites, pas par la société, mais qui lui sont faites par la structure, ce sont celles-là ! Et donc elle ne peut faire autrement, d’une certaine manière, que les endosser, quitte bien sûr, à ce que s’ouvre, de la part de la fille, une revendication qui peut traverser toute l’existence, vis-à-vis d’elle, puisque dans le mode duel qui, dès lors, vient se mettre en place entre une fille et sa mère – puisque le père, lui, n’est pas susceptible d’introduire une régulation tierce dans l’affaire, puisque lui il ne peut pas venir dire : « c’est du fait de ma loi que ma fille va être nommée comme femme ». Il est donc quasiment réduit à l’impuissance dans ce qui est cette relation duelle – vous vous doutez bien que la fille face à celle qui ne peut qu’être que l’idéal pour elle, fonctionner comme idéal, va avoir le sentiment qu’elle-même est condamnée, contrairement à sa mère idéale, condamnée à une minoration perpétuelle, même lorsqu’elle sera mère elle-même puisqu’il n’est pas rare, comme vous le savez, qu’elle se sente, qu’elle soit encline à venir lui donner son premier enfant à élever, pour réparer le fait d’être devenue mère elle-même : « Je te le donne, c’est à toi, c’est toi la mère ! »

Voilà, je dirais, le type d’absurdités que nous sommes amenés à vivre et en tant que ces absurdités organisent notre parcours et organisent aussi bien, à l’intérieur des familles, les cris et les réconciliations, les pleurs et les joies, tout le tralala… Les uns et les autres, nous-mêmes, étant agis comme des marionnettes et tenus par ce genre de dispositif. C’est par la grâce de quelques uns et en particulier de Lacan, que nous pouvons déboucher sur ces constats élémentaires. Où est-ce que vous trouvez ça ? Freud est resté à la porte, il est resté à la porte je dirais de l’affirmation d’un ordre phallique, sans pouvoir penser la dimension de l’Autre, du grand Autre, et du même coup de l’objet a. Pour Freud, le monde a à s’organiser justement, universellement, autour de l’ordre phallique, de l’ordre paternel. C’est vrai qu’il y a un patro-centrisme, chez Freud, il ne pouvait pas en connaître d’autre… ou il n’a pas voulu le connaître, peu importe.

Donc, je crois que nous pouvons voir pourquoi, hélas, il n’y a pas de nom qui puisse être délivré par la mère et en tant qu’il viendrait signaler dans son rapport même, au dieu unique, au phallus, une catégorie, une classe, qui serait la classe des femmes. C’est quand même bizarre que, dans notre société, finalement, il faut bien le constater comme ça, quand même, les mères, susceptibles d’être, vis-à-vis de la féminité de leurs filles, dans une relation d’amour, de confiance, de partage, de complicité, c’est pas le plus fréquent. Et cependant, ces femmes, elles ne manquent pas de qualités et de générosité, d’intelligence. Donc, tout ceci, simplement pour éclaircir par ce biais-là pourquoi il y a pas de rapport sexuel et pourquoi il peut pas y avoir rapport entre ce qui serait une classe des hommes – vous savez que chez Russel c’est la logique des classes – pourquoi il ne peut pas y avoir rapport entre ce qui serait une classe des hommes et une classe des femmes… Pas de problème quoi.

Alors, ceux d’entre vous qui se sont intéressés un peu à l’anthropologie ou à ces choses-là, peuvent voir comment les lois de l’échange sont venues substituer à ce caractère Autre de la femme, la dimension de l’altérité, la dimension de l’étranger, de l’étrangère, autrement dit l’incapacité d’admettre la dimension Autre. En tant qu’étrangère, elle relève d’un autre père, c’est tout. C’est-à-dire, elle est phalliquement marquée mais en tant que, à l’égal d’un fils, elle relève d’un Autre, elle est nommée par le père, à l’égal d’un fils. Vous savez bien sûr par cœur que chez les Romains, si une matrone en avait marre de son mari, il n’y avait aucune difficulté pour qu’elle reprenne ses cliques et ses claques, et en particulier sa dot, et pour qu’elle retourne chez son père, car elle restait, quoi que chez son mari, elle restait liée par la filiation à son père dont elle était, en quelque sorte à l’égal d’un fils, une représentante de sa caste. Ce rapide rappel des lois de l’échange, pour illustrer combien ce genre de manifestation n’est pas rare chez nous. C’est toujours les mêmes problèmes, les mêmes ! Sauf que, comme vous le voyez, on est capable d’en parler, et vous voyez également, je dirais, la pertinence de Lacan – et je m’arrêterai là-dessus – de dire que le symptôme du parlêtre, ce symptôme qu’il va ensuite projeter sur toutes ses relations sociales, ce symptôme du parlêtre c’est qu’il n’y a pas de rapport sexuel ; le défaut de nom de la mère n’étant en quelque sorte que l’un des avatars, l’une des représentations au titre d’avatar de cette impossibilité.

Voilà, j’espère que je n’ai pas été trop obscur, pas trop conceptuel ? J’ai essayé de trouver un support clinique qui vous soit immédiatement sensible, sensible sur un point, dont, il faut bien constater qu’il n’y a que dans des milieux que je qualifierais de bien informés, comme le nôtre, que ces points peuvent être abordés. Où est-ce que c’est traité ailleurs ? Si ce n’est, je dirais, par des bonnes volontés, des générosités, des tentatives en tous genres qui finissent évidemment par être touchantes et comiques à la fois. Va trouver remède à tout ça !

Justement, on ne trouve pas… à ce jour.

Voilà, merci pour votre attention.

Discussion :

Jean Périn – C’est une question par rapport à la violence du S1. À propos, par exemple, de l’identification sexuée…

Charles Melman – Mais c’est un viol ! C’est un viol puisqu’il vient imposer en quelque sorte… et c’est d’ailleurs éventuellement vécu très directement comme ça. Je le rappelle souvent, Freud a démarré là-dessus, c’est-à-dire sur le viol dont venaient se plaindre ses patientes hystériques et dont il se disait : « Mais enfin, est-ce que c’est fantasmatique, est-ce que c’est réel ? » Il ne pouvait pas concevoir que c’était structural. Violence, puisqu’il y a imposition d’une loi phallique à quelqu’un qui n’en demande pas forcément tant et qui, du même coup, peut s’estimer lésée dans la détermination sexuée qui lui est faite, pas mise à la place qu’elle voit accordée à ses frères ou à d’autres. Pourquoi on lui fait ça ? Et sans son consentement ! À Grenoble, – je ne sais pas si certains d’entre vous étaient à Grenoble ce week-end – il a été question sans cesse du consentement de la personne qui aujourd’hui figure dans la loi. Il faut que la personne – la personne ! – soit consentante, sinon, c’est un viol. Bon alors, il y a des histoires gauloises… « On sait bien qu’elle dit non parce que c’est oui » et puis des trucs… Bon, mais ça, ça va pas bien loin. Ce qu’il y a en réalité c’est que la sexualité se trouve imposée aussi bien au garçon qu’à la fille, sans aucunement leur consentement. Quel garçon a donné son consentement ? Autrement dit, la sexualité, comme je l’évoquais tout à l’heure, ne relève pas du droit de la personne ! On veut aujourd’hui la faire relever du droit de la personne : « Tu fais ce que tu veux, tu décides ce que tu veux ! Et même si tu veux, tu te fais opérer, on change ton état civil, t’as le droit ! ». C’est de la pure folie, folie au sens clinique du terme !

Marcel Czermak – Content de t’entendre ! Je croyais penser que nous avions eu sur ces questions-là quelques points de désaccord…

C. M. – Absolument !

M. C. – … dont nous aurons l’occasion de débattre. Mais justement, précisément là-dessus, il m’est arrivé de soutenir, concernant précisément la question des transsexuels, que cette femme, qui voulait être nommée femme, ce à quoi cela aboutissait, c’était à récuser le fait qu’elle se prenait pour le Nom-du-Père et donc que La femme, c’était l’un des Noms-du-Père. À condition, bien entendu, dans le cas considéré – alors là c’est le comble du non rapport sexuel – d’évacuer tout ce qui serait de l’ordre du rapport sexuel. Et donc, ça passe très précisément par une exigence d’une nomination impossible, validée socialement, reconnue socialement, qui pousse – comment appeler cela – qui pousse au crime tous les citoyens, puisque c’est nous qui consentons…

C. M. – Oui, abusivement !

M. C. – C’est nous qui consentons !

C. M. – En nous arrogeant des droits qui…

M. C. – … qui ne nous appartiennent pas.

C. M. – … qui sont uniquement des droits de complaisance, qui ne nous appartiennent pas. Il y a un autre point, je te signale, sur lequel je t’ai donné raison.

M. C. – Que tu as quoi ? (Rires)…

C. M. – … Un autre point sur lequel à Grenoble, je t’ai donné raison. Je te le dis pour le cas où ça ne viendrait pas à tes oreilles (Rires)… : c’est sur l’usage du terme de récusation. Dans la mesure où il me semble que effectivement ce qui aujourd’hui est à l’œuvre, c’est, non pas une forclusion, un refoulement ou un déni du Nom-du-Père, mais sa récusation. Autrement dit : « Tu es là, dans l’Autre, on n’en a rien à cirer ! ».

M. C. – « Rien à foutre ! » Exactement !

C. M. – « Et on peut parfaitement se passer de toi, de ton consentement, et puis que tu sois là ou pas là on s’en balance aussi ! ». Donc, je me suis permis de te citer…

M. C. – Merci !

C. M. – … et en donnant du terme de récusation ce type de contenu.

M. C. – On aura l’occasion précisément, de reprendre cette affaire… Il s’avère que des travaux que j’ai pu lancer là-dessus, autour moi, que ça échappe à la langue allemande…

C. M. – Oui, ça n’existe pas…

M. C. – Et donc ce terme de récusation, il est plus spécifiquement français, et le sens que je lui donne, c’est : « C’est pas mes oignons ! » : Je traverse la rue, quelqu’un s’est fait écraser, je passe comme si de rien n’était ! Et ça a des conséquences ! Ce type de position, même si c’est pas un mécanisme freudien, ça tire à conséquence du côté éventuellement du refoulement ou de la forclusion, comme on voudra… Mais initialement, il y a une position, éventuellement validée socialement et juridiquement, qui tire à conséquence cliniquement. On aura l’occasion de re-débattre là-dessus.

C. M. – Oui, très bien.

J. P. – Ce terme de récusation, il est juridique…

C. M. – Oui, c’est un terme juridique. Avant tout, c’est un terme juridique. On dit d’un témoin que… Oui c’est ça, on prend le Père pour témoin et on n’en veut pas comme Père, mais il est là, c’est un témoin, mais dont on ne veut pas… enfin, qu’on n’admet pas comme témoin. Autrement dit son regard…

M. C. – – « C’est ton Père ! » – « C’est vous qui le dites ! »

C. M. – C’est ça, oui.

M. C. – « C’est vous qui le dites ! Enfin moi, j’en pense pas moins… »

Pierre-Yves Gaudard – En prenant les choses du côté de la structure, c\’est-à-dire au fond, si on fait un parallèle entre l’impossibilité qu’il y ait un Nom de la Mère et l’inexistence de La Femme, on peut dire que du point de vue de la logique même, c’est impossible parce que car ça équivaudrait à écrire une deuxième proposition universelle qui serait fondée sur une exception et que du coup on serait ramené au fait que le Nom-de-la Mère est un Nom-du-Père et que, dans les mathèmes de la sexuation, s’il y avait La Femme, il n’y aurait qu’un seul sexe…

C. M. – Exactement, oui.

P-Y. G. – Alors, ma question elle est, je dirais du point de vue physiologique jusqu’à aujourd’hui il n’y a que les femmes qui soient capables d’enfanter…

M. C. – Encore que actuellement…

P-Y. G. – Ça ne durera peut-être pas, mais ça met la femme, les femmes, dans une position qui a à voir avec la chose, et que là ça introduit quelque chose qui, à mon avis, vient compléter une impossibilité qui serait une impossibilité d’écriture… C’est à dire que c’est pas uniquement une question d’une impossibilité d’écriture de deux propositions universelles, fondées sur une exception. Je voulais avoir votre sentiment sur ce rôle de la maternité dans l’impossibilité qu’il y ait un Nom-de-la-Mère.

C. M. – Alors ça c’est un problème également de logique, cher Pierre-Yves. Et lorsqu’on en a débattu aussi au séminaire d’été, on a eu un excellent mathématicien qui est venu nous parler d’espaces connexes. Le problème, c’est que la dimension Autre est dans un rapport avec le champ des représentations, avec le champ de la réalité… Si vous le voulez, pour le dire autrement, le champ du réel est dans un rapport avec le champ de l’imaginaire, dans un rapport qui est – je ne sais pas comment mathématiquement ça existe, faudrait lui demander – qui n’est pas un rapport de connexité puisque il y a une coupure, ils sont pas dans le même espace mais en même temps ils sont liés… Est-ce qu’on va dire : de contiguïté ? Non, ça ne va pas puisqu’au contraire, il y a un trou entre eux, et donc il y a, je crois, matière à penser, à voir ce que … On ne s’en est pas servi mais on pourra peut-être le reprendre – faudrait peut-être le faire revenir, prier ce mathématicien de revenir, à l’occasion du séminaire d’hiver, des journées sur Dora – pour qu’il nous parle de ce qui est là ce paradoxe… Si les mathématiciens ont conceptualisé ce type de lien, qui n’est pas organisé par une connexité, et qui, cependant, est un lien indestructible, néanmoins marqué par un hiatus. Et, quand je vous dis ceci, vous voyez comment je risque très vite de venir à déboucher sur le nœud borroméen, c’est-à-dire des dimensions qui ne sont liées, qui sont liées en fait par le trou.

Donc, pour répondre maintenant plus précisément à votre question, cette maternité ainsi manifestée, c’est-à-dire ce don de la vie est évidemment vécu, je dirais, comme une célébration de l’instance phallique, donc du pouvoir du maître. La fécondité… La vérification de son pouvoir, elle est là. Autrement dit, la maternité se trouve mise au service, elle vient vérifier le pouvoir et l’autorité du maître. Et il y a des religions, sinon une religion, où cela occupe une place absolument essentielle… C’est pas pour rien non plus que la maternité puisse apparaître comme sacrée et comme relevant du sacré ! Donc, du point de vue clinique, je crois que c’est clair, au fond la maternité, c’est un peu comme lorsqu’un expérimentateur dans son laboratoire fait un truc et que ça marche : vous voyez, on vous l’avait bien dit. C’est bon, ça marche ! Et comme nous savons – et souvent je l’évoque – dans toute la tradition antique, la grande crainte c’était que ça ne marche plus ! Que ça disparaisse ! Si on fêtait le retour du printemps, c’est parce qu’on n’était jamais sûrs que ça revienne. Et si l’hiver se prolongeait ? La glaciation, ça s’est produit, dans l’histoire ! Si ça revenait pas ! Si le retour du même ne se faisait pas ? Il a fallu la religion pour nous donner une espèce de garantie que l’on pouvait être tranquille de ce côté-là. Et comme le prix à payer, semble-t-il, nous parait excessif, puisque ça vient radicalement brider le confort sexuel. Et bien, il semble bien que l’on remette ça en question, cette autorité de  la religion et qu’on retourne du même coup dans la crainte – toutes les craintes climatologiques etc… – que ça se détraque complètement, que ça revienne pas, soit que ça devienne trop chaud, soit que les eaux se mettent à monter… On est retombé dedans !

Marc Nacht – J’aimerais que vous précisiez, dans la logique aliénante et structurelle par la nomination à laquelle la place du désir féminin… Quand on a du désir sexuel, ça veut dire quelque chose qui est, peut-être, en partie en tous cas, à distinguer du désir d’avoir un enfant et, comme volet complémentaire, l’horreur que ce désir peut inspirer à certains hommes … Comme si là, ils allaient se trouver en face du Un, dénudé ?

C. M. – Oui, bien sûr. Il y en a à qui ça plaît quand même, hein, c’est variable !

M. C. – De facto, la remarque de Marc. De facto, c’est le cas, puisqu’il y a une coalescence entre, d’une part, la maternité et l’exigence d’enfant, la possibilité – c’est pas le cas toujours mais c’est ce qui se passe actuellement – de fécondation in vitro et de coalescence de la science et de la maternité… Laquelle science, de quel sexe est-elle ? Elle est plutôt hors sexe !  Donc il y a une coalescence autoritaire de la science avec l’exigence, le droit à – pas le droit de, le droit à – le droit à l’enfant, c’est  pas la même chose que les droits de l’homme, ou les droits de l’enfant, etc… Donc, il y a une coalescence, de facto, entre le désir féminin, quelles que soient les modalités difficultueuses de son inaboutissement et la science comme hors sexe, qui vient là jouer un rôle tout à fait étrange puisque c’est un S1 qui n’engendrerait pas le sexe, qui serait même hors sexe lui-même. On voit ces femmes qui font faire trois fécondations itératives, après avoir déjà eu deux gosses, tous plus fous les uns que les autres, et au nom du droit à… la science vient le valider. Donc, cette question que Charles évoquait en filigrane, cette figure ancienne, antique, de la mère monstrueuse, elle prend là tout son relief parce que ce n’est même plus une imagination, c’est devenu un réel. Et un réel validé juridiquement dès lors que les protocoles, comme on dit, sont respectés. Donc c’est une zone d’une sauvagerie quand même assez inouïe dans l’histoire de la civilisation…

 M. N. – D’autant plus que, dans le bocal, avec l’élimination des surnuméraires, il y a du crime, qui est très profondément ressenti par les femmes qui sont passées par cette expérience. En tous cas, par certaines d’entre elles.

M. C. – Bien entendu qu’il y a du crime !

C. M. – Et, n’est-ce pas, il est clair aussi, concernant cette question du désir féminin détaché de la maternité – dont on remarquera aussitôt qu’il ressemble bien souvent à un désir mâle – mais aussi quelque chose, peut-être, qui est de se faire reconnaître et désirer comme femme. Non pas avec, à l’arrière-plan, cette validation par la maternité, mais comme purement une femme. Et donc, détachée de cette contrainte de la maternité.

M. N. – La puissance n’a pas de ventre.

C. M. – Ouais, exactement.

Chantal Gaborit- Stern – Juste une question Monsieur Melman : vous nous expliquez que la question des mères, d’une certaine façon, elles n’auraient pas le choix, c\’est-à-dire qu’elles ont à endosser les conditions qui leur sont faites par la structure… Mais alors qu’est-ce qui fait, comment ça se fait, qu’une femme peut ne pas rester complètement et uniquement ficelée dans cette place de toute mère ou de mère toute ?

C. M. – Et bien, je ne sais pas comment elles y arrivent…

Jeanne Wiltord – Jean Bergès disait qu’une mère a toujours à se livrer à une lutte plus ou moins sans merci…

M. C. – Avec qui ?

J. W. – … Mais avec elle-même, pour ne pas réintégrer, pour ne pas se trouver, justement dans cette position de toute mère…

C. M. – Oui, c’est bien vu. Assurément…

M. C. – C’est bien vu d’un point de vue féminin !

C. M. – Mais elle peut avoir le sentiment que si elle ne se maintient pas comme Une, inentamée et inentamable, c’est la vie même de son produit qui est en danger ! Je veux dire que nous sommes toujours enclins à vouloir régler des comptes, nous méconnaissons le fait que chacun est pris dans ce qui n’est pas forcément au départ une mauvaise volonté ni une mauvaise intention ; il est pris dans un certain nombre de conditions, alors il s’en sort plus ou moins bien, d’une façon plus ou moins élégante, avec des effets qui sont plus ou moins favorables sur l’entourage, c’est clair, mais, c’est quand même ça… Quelle est la mère qui ne fait pas entendre à son enfant qu’il est cause de ceci et que, à cause de lui justement, elle peut ne pas être entière. Autrement dit qu’elle lui a donné la vie, c\’est-à-dire à entendre aussi bien une partie de sa vie, et donc, il y a une dette. C’est banal comme histoire…

J. W. – Et qu’elle peut la reprendre !

C. M. – … même l’exiger ! « Je t’ai donné la vie, maintenant je suis malade, je suis vieille etc… »

Nicolas Dissez – Est-ce que ce que vous nous amenez aujourd’hui sur le type d’allergie d’une femme ou d’une mère pour les concepts – pour faire fonctionner un des signifiants qui va nous guider cette année – est-ce qu’on peut dire que ça introduit au fait que la position de non-dupe… qu’une femme a une affinité particulière avec la position de non-dupe ?

C. M. – Ah, oui !

N. D. – Et dans l’autre sens d’ailleurs, est-ce qu’on pourrait dire que tout un chacun qui prend une position de non-dupe s’en trouve un peu féminisé ?

C. M. – Ah oui, c’est intéressant, ça !

N. D. – Ou même, que ce que vous nous indiquiez sur la récusation, fait que cette position de non-dupe, elle est éminemment moderne ?

C. M. – J’sais pas si elle est moderne, vous savez. Je ne sais pas. Il y a eu cet article, comment s’appelait cette analyste anglaise… « La féminité comme mascarade »…

M. C. – Karen Horney…

C. M. – C’est Karen Horney ?

M. C. – Hélène Deutsch.

C. M. – C\’est-à-dire que la dimension de la duperie, elle est évidemment forcément inhérente à la condition féminine. Y a de la duperie ! Elle en sait quelque chose. Parfois même, elle peut avoir le sentiment que c’est réciproque. Alors, donc c’est vrai ce que vous dites, du même coup, ça fait errer, parce que ça mène où ? Nulle part ! Nulle part ! Ça ne débouche sur rien ! Qui sait sur le crash. Mais c’est vrai que le fait de refuser la duperie c’est vraisemblablement à terme une position féminine, de ne pas accepter la dimension de la duperie… Et sans – c’est cela qui est très délicat en clinique – sans que ce soit pour autant la dimension de l’imposture. Il y a là une différence de nature qui est essentielle. La duperie, c’est pas l’imposture !