L’article 312, alinéa premier du code civil dispose : " L’enfant
conçu pendant le mariage a pour père le mari. " Il faut sous-entendre
" la mère " : le mari, de la mère (de l’enfant).
Les rédacteurs du code ont ainsi traduit la maxime du droit romain due
au jurisconsulte Paul (sous Alexandre Sévère) : " Pater…
is est quem nuptiae demonstrant " (Digeste 2, 4, 5). Telle est la célèbre
présomption de paternité : le père c’est le mari de la
mère.
Dans le deuxième alinéa, l’article 312 dispose : " Néanmoins,
celui-ci pourra désavouer l’enfant en justice, s’il justifie de faits
propres à démontrer qu’il ne peut pas en être le père.
" La présomption de l’alinéa premier n’est donc pas irréfragable.
L’alinéa deux, de rédaction récente (1972), n’apporte aucune
limite à la preuve du contraire. Et la loi de 1993 admet, dans tous les
cas, la preuve par l’examen des sangs. Sous l’ancien code, la présomption
ne pouvait tomber que par la réussite de l’action en désaveu de
paternité. Cette action était assortie de conditions très
strictes.
Le deuxième alinéa donnait le fondement de la présomption
: le père puisqu’il pouvait le désavouer, était celui qui
reconnaissait l’enfant. En matière de filiation naturelle, c’est la reconnaissance
aussi qui venait établir le lien de filiation.
Montesquieu, par la plume du persan Rica, commente ainsi la formule de Paul
: " Par la loi qui y est observée, tout enfant né pendant
le mariage est censé être au mari. Il a beau avoir de bonnes raisons
pour ne pas le croire : la Loi le croit pour lui et le soulage de l’examen et
des scrupules. "
Aujourd’hui, l’examen des sangs semble beaucoup plus décent que nos
anciennes pratiques. Le laboratoire plus discret que le tribunal. Ce dernier,
il faut lire la lettre 86, est le " lieu sacré où se révèlent
tous les secrets des familles, où les actions les plus cachées
sont mises au grand jour "!
Le père de l’article 312, qui nous reconnaît, est-il le père
oedipien ? En serions-nous au même point qu’Œdipe ?
C’est bien de cette question que J. Lacan nous entretient dans son séminaire
sur l’Ethique de la psychanalyse (leçon 23-29 juin 1960) : "
Si Œdipe est un homme complet, si Œdipe n’a pas de complexe d’Œdipe,
c’est que, dans son histoire, il n’y a pas de père du tout. Celui qui
lui a servi de père, c’est son père adoptif. Et nous en sommes
tous là, mes bons amis, parce qu’après tout, pater is est quem
justace nuptiae demonstrant, ce qui revient à dire que le père
est celui qui nous a reconnus. Nous en sommes au même point qu’Œdipe,
encore que nous ne le sachions pas. Quant au père qu’Œdipe a connu,
lui, ce n’est, très précisément, comme le mythe de Freud
l’indique, que le père une fois mort. Aussi est-ce là, comme je
l’ai cent fois indiqué, qu’est la fonction du père. La seule fonction
du père, dans notre articulation, c’est d’être un mythe, toujours
et uniquement le Nom-du-Père. "
Lacan a donc repensé la formulation du jurisconsulte Paul, autrement
dit notre article 312, par rapport au mythe oedipien.
Dans le séminaire l’Identification (leçon du 6/12/1961),
Lacan fait une allusion, à propos de la tautologie, à la maxime
de Paul. Il dit " si je dis mon grand’père est mon grand’père
", il n’y a pas de tautologie car le premier terme est un usage d’index
du terme " mon grand’père ", " qui n’est pas sensiblement
différent de son nom propre "… ni non plus du " c "
du " c’est " quand je le désigne quand il entre dans une pièce
: " c’est mon grand’père ".
L’on sent, dans ce passage, que le " c " (le " this ")
correspond au " is " de la proposition paulinienne (pater IS est).
Dès lors, le " demonstrant " est à entendre dans le
sens de la désignation.
Dans la suite, l’allusion à Paul et à l’état civil apparaît
encore plus nettement puisqu’il dit, en effet, que le personnage dont il est
question dans la phrase "mon grand’père est mon grand’père",
"ce personnage est exactement le même qui est porté
sur l’état civil comme étant demontre par les liens du
mariage pour être père de mon père, en tant que c’est justement
de la naissance de celui-ci qu’il s’agit dans l’acte en question."
L’exemple du grand’père avait pour but de montrer qu’il s’agissait d’un
rapport du réel au symbolique.
L’article 312, dans son ancienne rédaction permettait au père
de désavouer l’enfant s’il prouvait que " pendant le temps qui a
couru depuis le trois centième jusqu’au cent quatre vingtième
jour avant la naissance de cet enfant, il était, soit par cause d’éloignement,
soit par l’effet de quelqu’accident, dans l’impossibilité physique de
cohabiter avec sa femme ".1
Ainsi, la présomption de paternité se combinait avec une autre
présomption, celle de la durée légale de la grossesse.
Ces délais étaient à peu près ceux que connaissaient
les Romains, mais ces derniers ne connurent jamais la présomption juris
et de jure de notre article 312. Les prudents du IIe siècle semblent
avoir admis le délai de dix mois comme terme extrême. Ils recoururent
à l’autorité d’Hippocrate qui d’ailleurs reste passablement obscur
sur cette question ; l’illustre thérapeute avait admis un délai
maximum de onze mois. Quant aux jurisconsultes classiques, ils tinrent à
un délai de dix mois, mais ils admirent que le juge puisse s’en écarter.
Ulpien se réfère à Hippocrate pour un délai de dix
mois. Mais Paul, dans ses Sentences, s’autorisa de Pythagore : " Septimo
mense natus matri prodest, ratio enim Pythagorei hoc videtur admittere, ut aut
septimo pleno, aut decimo mense partus maturior videatur. " Justinien,
dans la Novelle 39 établit que l’enfant né plus de neuf mois après
la mort du mari ne saurait être légitime.
On ne peut qu’être frappé par l’importance de la computation dans
ces textes anciens. Les Romains ont certainement tenté d’établir
le délai normal de la grossesse, comme chez Paul, en se fondant sur le
nombre. Dans la clinique, qui est la science du lit, ils constataient que les
gestations avaient des durées inégales et ils pensèrent
qu’entre la plus courte et la plus longue, il devait y avoir un rapport.
La computation posa, en jurisprudence, un problème. Il s’agissait de
savoir si l’on devait compter le dies ad quem, le 180e jour d’avant la naissance
; étant admis que le dies a quo, le 300e jour, entrait dans la computation,
ce qui donne 120 + 1, soit 121 jours. Cela implique l’idée d’un rapport
entre les durées de la gestation, c’est-à-dire d’une limite définie
par le rapport de l’une à l’autre.
Ce rapport se trouve être égal à 1,66… si l’on considère
300 et 180, et de 1,657 si l’on part de 300 et 181. Bien qu’en ces matières
la précision la plus grande soit toujours exigible, on ne peut manquer
de rapprocher ce nombre de la valeur de f, le nombre d’or, qui est de 1,618.
Nous retrouvons ce que dit Lacan dans l’Identification : " Le plus
ne fait rien d’autre que de permettre au trait unaire, 1 de subsister comme
différence. C’est à partir de la différence que l’on commence
à compter. "
La conception ou copula carnalis se présume donc à partir d’un
fait connu, la naissance. Elle implique la répétition du trait.
Le fait biologique réel, dans ce système, était donc parfaitement
pris en compte par le symbolique.
Le père du droit civil qui nous transmet son nom et que le mariage désigne
est le père oedipien freudien. Mais, au-delà du père
oedipien, se profile le père mort de Totem et Tabou. Ce mythe, invention
de Freud selon Lacan, trouverait-il un écho en droit civil ? La célèbre
jurisprudence concernant l’application de l’article 312 nous le laisserait penser.
Les arrêts tournent autour de la légitimité. L’enfant du
mariage étant dit légitime par opposition à l’enfant naturel,
né hors mariage. Mais les cas d’espèces débordent, au niveau
de l’interprétation, cette simple question de légitimité.
La première difficulté fut celle de savoir si l’enfant né
dans les 180 premiers jours du mariage était légitime ou légitimé.
En droit les conséquences n’étaient pas les mêmes. Quelle
interprétation fallait-il donner à l’article 314 du code qui instituait
un désaveu sensiblement différent de celui de l’article 312 déjà
cité. L’article 314 disposait : " L’enfant né avant le cent
quatre vingtième jour du mariage, ne pourra être désavoué
par le mari, dans les cas suivants : 1. s’il a eu connaissance de la grossesse
avant le mariage ; 2. s’il a assisté à l’acte de naissance, et
si cet acte est signé de lui ; 3. si l’enfant n’est pas déclaré
viable. "
Comment concilier ces deux textes ? Lesquels se trouvent au chapitre 1er du
Titre VII intitulé " De la filiation des enfants légitimes
OU nés dans le mariage " .
Le " Ou " signifiait-il l’opposition ou bien : c’est-à-dire
? Le problème était autant exégétique que logique.
L’enfant de 314 était-il légitime ou légitimé ?
La doctrine était partagée. La Cour de cassation adopta d’abord
la solution de la légitimation. Seul l’enfant conçu dans le mariage
était légitime. Puis, avec l’arrêt Degas du 8 janvier 1930,
elle revint sur sa jurisprudence par un revirement spectaculaire : " Mais
attendu que tout enfant né au cours du mariage a la qualité d’enfant
légitime, quelle que soit la date de sa conception ; que, s’agissant
d’un enfant conçu avant le mariage, ladite qualité lui est reconnue,
moins à raison de l’intention présumée chez ses parents
de lui conférer par mariage le bénéfice d’une légitimation
qu’en vue de sauvegarder par une fiction légale la dignité du
mariage et l’unité de la famille. "
On a parlé d’obscure logique à propos de cet arrêt. Ce
n’est pas sans raison. Il convient de remarquer que, si, à défaut
de désaveu, l’enfant est légitime, la cour n’en écarte
pas moins la thèse volontariste de la reconnaissance au profit d’une
fiction légale. La Cour, en réalité, avait posé
le père comme fiction. Et ce père comme fiction est sensiblement
différent du père qui nous reconnaît. Et ce père
de fiction est un père comme mort. Les cas d’espèce qui viennent
faire exception à la loi, en vérité la fondent. Les questions
se posèrent à la mort du père.
La jurisprudence Degas fut reprise par les arrêts Héranval (1935,
1939). Dans l’affaire Héranval, le mari, donc le père, était
mort à la suite d’un accident du travail, en sorte que les articles du
code se combinaient avec la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail.
Dans son article 3, cette loi accordait une pension, lorsque l’accident était
suivi de mort, au conjoint survivant non divorcé, à la condition
que le mariage ait été contracté avant l’accident, aux
enfants légitimes ou naturels reconnus avant l’accident. Or, selon une
jurisprudence de 1901 (Arrêt Corneglio), la Cour de cassation avait exigé,
pour l’obtention de la rente, que l’enfant fût né ou conçu
avant l’accident : " est sans droit pour réclamer l’indemnité
forfaitaire de la loi de 1898, l’enfant dont la conception, bien qu’antérieure
au décès de la victime, est postérieure à l’accident
". La cour faisait de l’ouvrier blessé un impuissant et un mort
civil quant à la rente de son rejeton.
Héranval avait été victime le 23 mai 1930 d’un accident
du travail. Le lendemain de l’accident, le 24 mai, il épouse sa maîtresse
enceinte. Il décède le 19 novembre de la même année
des suites de ses blessures. Le 22 janvier 1931, naît la jeune Héranval,
244 jours après le mariage de ses parents. On pouvait donc la déclarer
légitime comme née 244 jours après le mariage mais alors
elle n’était plus réputée conçue avant l’accident.
On pouvait, en revanche, la réputer conçue avant l’accident mais
elle n’était plus qu’une enfant naturelle non reconnue.
Ou bien elle était légitime et elle n’obtenait rien. Ou bien
elle était naturelle et elle n’obtenait rien. Tel était le raisonnement
de la Cour de Caen. Nous reconnaissons dans ce " ou " exclusif le
" ou " de l’aliénation.
La Cour de cassation réforma l’arrêt de la Cour de Caen et décida,
dans l’intérêt de l’enfant, qu’elle devait être réputée
conçue antérieurement avant l’accident.
Pour l’ensemble de la doctrine, cette jurisprudence était un désastre
! Cela revenait à donner à l’enfant la possibilité de choisir
(le " ou " n’est plus exclusif), selon son intérêt, la
date de sa conception. C’était, au fond, le fantasme de la scène
primitive au grand jour ! Mieux, l’enfant pouvait dès lors se réclamer
de deux pères ! Plutôt que de dire une pareille monstruosité,
ne valait-il pas mieux abandonner la jurisprudence Corneglio ? La conception
de la cour d’un père impuissant, invalide, puis mort était une
idée hystérique qui provoqua beaucoup d’émoi dans la doctrine.
C’est en quoi la jurisprudence Corneglio intéresse les psychanalystes.
Cette question de la paternité, en droit civil, est des plus épineuses.
Lorsque la Cour de cassation exigea que la conception précédât
l’accident, est-ce le dire avec esprit, elle voulut que la substance soit antérieure
à l’accident. Si l’enfant est l’accident ! Dans ce domaine, la cause
ne peut être connue que par ses effets. Il y a incompatibilité
entre les délais et le réel auquel ils renvoient.
Le droit romain (Digeste, I, 6, 6) définissait le fils, celui qui naît
d’un homme et de son épouse. L’enfant est donc le produit du couple.
A cet égard, il est intéressant d’explorer la linguistique, pour
repérer ce qu’il en est, dans la langue latine, du côté
mère et du côté père.
Emile Benveniste nous rappelle que, si " mater " existe en latin,
" matrius n’existe pas ; il manque partout, alors que des dérivés
du nom du " père ", " patrius ", existe sans qu’il
y ait d’adjectif correspondant dérivé du nom " mère
". Cependant le latin possédait un adjectif dérivé
du nom de la mère : " maternus ". Il est issu de " materinus
", dont le suffixe " ino ", indique la matière. De bonne
heure, fut fait un nouvel adjectif, " paternus ", par analogie avec
" maternus ". Il finit par l’emporter sur " patrius ".
Si " paternus " a été refait sur " maternus ",
selon Benveniste, c’est que la patrius indo-européen se référait
au père de la parenté classificatoire et non au père physique
: c’est littéralement " de la même matière que la mère
". Le doublet " paternus " aurait spécifié une
relation au père physique, à l’ancêtre personnel de celui
qui parle ou dont on parle.
Cet adjectif, que la mère possédait (mais non le père)
aurait donc été créé pour différencier du
pater légal, le pater personnel. Benveniste explique cette différence
par la situation différente des père et mère. Seul le père,
dit-il, pouvait posséder. C’était en effet la situation en droit
romain. Telle était la position unique du père.
L’analyse linguistique éclaire les institutions. Elle nous confirme
que le géniteur comme père ne peut être le père de
nom. Elle montre surtout que l’apparente et harmonieuse symétrie des
père et mère (les époux) de notre loi civile actuelle,
vient masquer une dissymétrie de structure. Les termes pater et mater,
maternus et paternus se soutiennent d’un terme manquant (matrius) et d’un terme
disparu (patrius).
Le père et la loi sont associés. Le père fonde la loi.
Il la fonde comme exception. Cette notion d’exception est familière aux
juristes. Mais pour la psychanalyse, avec J. Lacan et dans une optique logique,
ce qui fait exception c’est un Un qu’il appelle " au-moins-un " qui
n’est pas soumis à la castration. Ce Un vient de faire exception dans
l’Autre (l’inconscient). Ainsi, la place du père dans le couple, sera
indissociable d’un signifiant Un (noté S1). La mère, elle, sera
représentative d’un S2. Pour préciser grossièrement, si
le S1 tient son pouvoir (puissance paternelle) d’un impératif, le S2
le tiendra autrement. Elle pourra aussi être unique et avoir une place
d’exception par l’enfantement. Lorsque la mère occupera cette place et
en aura donc l’autorité, ce sera dans une relation de complétude
avec l’enfant ; relation où rien ne manque, chacun étant de l’autre,
la chose. Le père vient rompre cette relation heureuse.2
Nous sommes en mesure d’apprécier la jurisprudence Héranval.
Dire :
– Tous les enfants conçus dans le mariage sont du père (légitimes)
– Tous les enfants nés dans le mariage sont du père (légitimes)
Il est évident que " conception " et " naissance ",
de par la fiction légale, ne sont pas à entendre au niveau du
réel biologique ; du fait même de la " reconnaissance ".
Le père étant celui qui reconnaît ses enfants.
Alors, exiger que la conception soit avant l’accident, c’était la mettre
sur le même plan que la naissance ; celui du réel des faits. C’était
oublier la " reconnaissance " symbolique. La date du mariage ne valait
plus comme limite. Le réel et le symbolique se trouvaient désarticulés.
L’enfant Héranval, en conséquence, fut excepté du raisonnement
logique. Pour affirmer qu’il était naturel, il aurait fallu énoncer
négativement les propositions en disant que l’enfant naturel est celui
qui n’est ni conçu ni né pendant le mariage (mais il peut être
néanmoins reconnu). La différence entre légitime et légitimé
est bien ce que nous appelons un faux-trou. On (la Cour de Caen) lui refusa
la " rente " c’est-à-dire l’objet (la " res ") qui
devait la dédommager de la mort de son père, mais en fait, ce
fut l’enfant qui fut éjecté comme objet.
L’arrêt de cassation lui donna gain de cause mais en le réputant
né dès la conception. L’arrêt qui suivit (même situation),
l’arrêt Dewalle de 1936, accorda la légitimité à
un enfant dont seule la gestation avait eu lieu pendant le mariage. Les choses
sont dès lors vues du côté mère et peut-être
serait-il juste de parler de présumé mari. l’enfant en position
phallique. Le S2, dès lors, valant autorité.
La législation récente (loi de 1993) vient de consacrer la filiation
biologique3. Ainsi la preuve de la paternité devient affaire de laboratoire.
La loi biologique, la même pour tous, fait tomber la métaphore
du jus sanguinis ou " voix du sang ". La voix du sang c’est
l’examen des sangs. L’article 312 a été vidé de son sang.
Les fameux délais qui étaient fiction symbolique n’auront plus
guère l’occasion de jouer. Le père serait-il le spermatozoïde
?
J. Lacan, dans l’Envers de la psychanalyse, après avoir remarqué
à la suite de Freud, que le père réel était un effet
de construction langagière, écrit : " Je pourrai même
tout de suite… que scientifiquement, c’est intenable, cette notion de père
réel, il n’y a qu’un seul père, c’est le spermatozoïde, et
jusqu’à nouvel ordre, personne n’a jamais pensé qu’il était
le fils de tel spermatozoïde. Bien sûr, naturellement, on peut vous
faire des objections, comme ça, à l’aide d’un certain nombre d’examens,
du groupe sanguin, des choses de cette espèce, de facteur Rhésus,
etc. Enfin, mais c’est tout nouveau, ça n’a absolument rien à
faire avec tout ce qu’on a jusqu’ici énoncé comme étant
la fonction du père. "
Parole prophétique !
Parmi les réformes de notre droit civil, la plus spectaculaire, est
sans doute, celle de l’article 3184 qui dispose : " Même en l’absence
de désaveu, la mère pourra contester la paternité du mari,
mais seulement aux fins de légitimation, quand elle se sera, après
dissolution du mariage, remarié avec le véritable père
de l’enfant. "
On ne peut se défendre de voir en 318 un 312 inversé. C’est la
mère qui désigne le père. Oui, mais quel père ?
A la mort du père, ce qui est très différent du père
mort, c’est à quoi aboutit le démantèlement de la présomption
pater is est. Ne lit-on pas, dans un jugement du tribunal de Paris, ce
qu’une mère avait fait savoir " qu’il est hors de question que le
père réel, qui est marié, reconnaisse l’enfant et qu’elle-même
n’estime pas opportun, par égard pour cet homme, que la filiation paternelle
véritable soit établie ", cependant qu’elle avait fait valoir
" que l’intérêt de son fils n’en exige pas moins que soit
détruit le lien de parenté, purement fictif, qui l’attache à
son mari " ! Les conséquences d’une telle disposition d’esprit sont
bien connues en clinique. Le désaveu, naguère prérogative
du père, est passée aux mains de la mère. La mère,
représentante d’un S2, s’autorise à l’instar du mari, du S1. La
plus parfaite égalité règne donc dans le couple !
L’empreinte génétique comme seule preuve écrite en matière
de contestation de paternité, contribue ainsi que les autres dispositions
de la loi de 1993, introduites dans le code civil, à apporter la confusion
entre sexualité et génération5. Cet écrasement de
la dimension phallique est sans précédent. La jurisprudence des
années 30, avec l’arrêt Héranval, avait fort bien mis en
relief le OU exclusif, prise qu’elle était dans le principe de contradiction.
Elle n’a pu mettre en oeuvre une autre logique et admettre que l’enfant
pouvait être et légitime ET naturel. Mais c’eût été
l’arrêt Héranvel6 !