Comment dire l’étrange état de ces millions de français que les statisticiens appellent les électeurs sans intention de vote ? Il paraîtrait que ce sont des indécis, ceux qu’il faudrait convaincre, ceux qui ne savent pas encore qu’il y a bien des élections qui vont avoir lieu, ceux qui pensent qu’elles n’ont pas lieu, que tout est joué, qu’ils sont tous pareils, si ce n’est leurs petites différences. Freud parlait de narcissisme de la petite différence. Est-ce la petite différence qui va présider à l’avenir de notre pays ?
Comment en sommes-nous arrivés à privilégier l’exclusion de toute référence au discours et à constater que tous les discours se vaudraient ?
La déréliction de notre démocratie serait-elle le symptôme d’une élection déjà non advenue ? Il ne serait plus question d’élire l’agent d’un discours, celui qui présiderait à l’instauration d’un impossible qui le garantit, mais de choisir à l’étal de nos magasins d’accessoires, celui ou celle qui se ferait l’objet d’une jouissance partagée par tous.
Nous devrions peut-être réaliser que nous sommes en train de devenir le petit tas d’électeurs d’une démocratie qui ne sait plus que ce qui l’organise ne tient qu’à ce qui la rend impossible. C’est à ce prix qu’une démocratie est possible, celle qui rendrait de nouveau possible l’élection d’un président.