La ménopause, comme l’expose si finement Marie-Christine Laznik, est ce moment particulier pour les femmes ou s’exacerbent toutes les difficultés de la position féminine inhérentes au fait qu’aucun trait ne peut en garantir l’identité.
Cependant, la dissociation opérée dans notre modernité de la sexualité et de la procréation, la longévité de la femme, les conquêtes des mouvements féministes, du moins dans notre monde occidental, ont modifié le regard sur la femme ménopausée classique dévalorisée par la disparition de sa fécondité, au profit de celui où l’existence de la femme est reconnue comme pouvant se dispenser de la promesse d’une maternité dans ce qui la rend désirable. Bien entendu des exemples contraires peuvent se rencontrer dans différentes civilisations et au cours de l’histoire confirmant ainsi l’état d’esprit qui tend à se répandre maintenant.
Ce n’est pas forcément simplifier pour autant le rapport au phallus d’une femme, sa dépendance du regard d’un homme qui pourrait la rendre, à ses propres yeux, apte à poursuivre le jeu de la mascarade sexuelle qui mettant en jeu la question du manque la rend désirable dans le registre du symbolique.
En effet comment faire valoir encore la valeur du manque quand il n’est plus soutenu par la certitude d’une image valorisante lorsqu’on la voit s’effilocher au fur et à mesure de l’installation des signes inéluctables du vieillissement du corps ? Beaucoup de femmes effectivement consentent à ce jeu sexuel pourvu que leur narcissisme soit satisfait, que l’image renvoyée par leur miroir se montre rassurante.
Il est à laisser au lecteur le plaisir de découvrir comment c’est "la femme à coeur d’homme" qui se tire le mieux de ce passage de la ménopause qui n’est pas sans rappeler celui de l’adolescence.
On doit à Marie-Christine le développement du complexe de Jocaste à partir des travaux d’Hélène Deutsch sur les fantasmes incestueux qui envahissent les femmes à cet âge de la vie particulièrement à l’égard de leurs fils et, par là même, l’amène à désirer de jeunes hommes. En particulier il est très intéressant de pouvoir se poser les questions de la place du phallus dans ce type de relation libidinale. En effet, la femme qui telle Jocaste désire son fils à travers un autre ne se met-elle pas en position de celle qui a le phallus ravivant chez son jeune partenaire cet état infantile précédant celui de la déception d’en voir sa mère dépourvue, maintenant ainsi ce garçon dans l’adoration du phallus maternel malgré des apparences qui tendraient à faire croire qu’elle favoriserait chez lui cet accès à l’avoir ? Ou bien alors n’opère-t-elle pas pour elle même un renversement dialectique qui signifierait que ne l’étant plus, ce phallus pour son partenaire précédent elle ne peut se mettre qu’en position de l’avoir face à quiconque se trouvant prêt à le lui accorder, rétablissant ainsi un certain narcissisme où le jeu de la mascarade sexuelle n’est plus qu’un marché de dupes dans le registre de l’imaginaire ? L’enfant-phallus venant alors reprendre sa place dans l’équivalent imaginaire de la fille blessée narcissiquement d’être dépourvue de pénis, devient le représentant de ce qui lui manque imaginairement dans l’amour et l’assujettissement inconditionnel à la mère. N’oublions pas que Jocaste se pend, mode de suicide généralement masculin, lors de la révélation de ses liens de filiation avec Oedipe, une femme choisit généralement le poison qui préserve sa beauté. Jocaste ne révèle-t-elle pas ainsi dans cet acte qui en appelle à l’ultime érection, la véritable teneur de son désir ?
Toutefois il existe d’autres versions de la mort de Jocaste, mais le talent de Marie-Christine Laznik n’a pas besoin de s’attarder à ce funeste destin pour nous faire valoir cet impensable désir de la femme d’âge mûr comme une des façons d’honorer le phallus. L’analyse du penis-neid cher à Freud est trop réductrice pour en venir à bout. La vivacité de son intelligence et de sa sensibilité rend Marie-Christine Laznik, pour notre plus grand bonheur et intérêt, des plus aptes à nous donner un aperçu des charmes de l’esprit comme attrait sexuel majeur des femmes ayant dépassé l’âge de la fécondité. Et Dieu sait si Marie-Christine Laznik en est pourvue ! Chaque femme ne peut que la remercier de ce livre.