Présentation du professeur Henri Atlan
11 mars 2015

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CHASSAING Jean-Louis
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Le Professeur Henri ATLAN nous fait l’honneur de participer aux journées Réel de la science, Réel de la psychanalyse.

Agrégé de médecine, biologiste et biophysicien, philosophe, Henri ATLAN est Directeur du Centre de recherche en biologie humaine de l’hôpital universitaire Hadassah de Jérusalem, il enseigne à l’Ecole des hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Il fut membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) en France. Il est connu surtout pour ses recherches en biologie théorique et la réflexion qu’il développe en épistémologie et philosophie des sciences.

Il y a déjà longtemps mon attention était attirée dans le champ des toxicomanies, champ alors « nouveau » en médecine, par un livre « qui faisait du bruit » : Entre le cristal et la fumée. Essai sur l’organisation du vivant (Seuil, 1979), d’Henri ATLAN. Les « toxicomanes » de l’époque, dans le service universitaire dans lequel je travaillais, parlaient de ce livre, au même titre que Au dessous du volcan, de Malcom Lowry, ou encore Le loup des steppes, Herman Hesse. Mais le livre qui émergeait était celui d’« Olive », Il n’y a pas de drogués heureux (R. Lafont, 1977). C’était par OLIEVENSTEIN que le livre d’Henri ATLAN parvenait dans le « milieu toxico ». L’auto organisation du vivant, la perception, la mort, l’expérience de l’identité et de la pensée juive, tout ceci agitait les idées… Epoque des voyages, sous acid mais aussi là-bas, voyages réels et imaginaires. Epoque où ça pensait encore, dans le « milieu toxico » et dans celui de la psychiatrie !

2014. Henri ATLAN a participé à de nombreux colloques, notamment un à Avignon, au Palais des Papes, où les nombreux psychiatres présents restaient fascinés par sa pensée. Son dernier livre, c’est curieux, rappelle au début le laboratoire de biologie en Californie, le campus des années 60, la beat generation, le LSD (Logic of Scientific Discovery… et Karl Popper) et le LSD (lysergic acid diethylamid), Aldous Huxley, Henri Michaux, mescaline, peyotl et psilocybine. Maria Sabina la grande chaman, le Mexique, Roger Heim et les champignons hallucinogènes. Dans ce dernier livre Henri ATLAN remarque bien, courageusement et honnêtement ce fait : Loin d’être un phénomène d’addiction toxicomane tel que nous en connaissons aujourd’hui, il s’agissait pour ces hippies, qui tenaient à ne pas être confondus avec des junkies, c’est à dire des « drogués », d’un mouvement de retour sur soi et d’approfondissement, ressemblant de ce point de vue au surréalisme.

Son dernier livre porte sur les croyances, croyances et sciences.

Comment croire en la réalité, ou la vérité, de ce que l’on croit, s’il existe plusieurs réalités à l’origine de croyances exclusives les unes des autres ? Répondre à cette question est l’objet de ce livre. (H.A)

Croyances. Comment expliquer le monde ? Editions Autrement. Collection Les Grands Mots, Paris 2014.

Puis il y eu A tort et à raison. Intercritique de la science et du mythe (Seuil ; 1986) ; La fin du « tout génétique » ? Vers de nouveaux paradigmes en biologie (INRA Editions ; Sciences en questions ; 1999) ; La science est-elle INHUMAINE ? (Bayard ; La science en question ; 2001) ; Qu’est ce qu’un modèle? déjà cité. Ou encore De la fraude ? Le monde de l’ONAA (Seuil ; La librairie du XXI siècle ; Mars 2010). Et d’autres ! Dont UA. L’utérus artificiel si controversé (Paris. Seuil ; La librairie du XXI e siècle) ; et La philosophie dans l’éprouvette (Bayard).

Henri ATLAN viendra spécialement de Jérusalem pour faire part des Croyances et savoir. Comment comprendre que nous comprenions ?

Nous l’en remercions chaleureusement et vivement.

Jean-Louis Chassaing


Première page du livre d’Henri Atlan :
Qu’est ce qu’un modèle ?
Modélisation des imaginaires
Innovation et création
Editions Manucius, 2011, Paris

I

IL Y A MODÈLE ET MODÈLE

Nous faisons tous des modèles depuis très longtemps, comme Mr Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. Remarquons, à ce propos, que le rapport entre le modèle et ce qui est modélisé peut être tout à fait inversé suivant qu’on est dans une discipline ou dans une autre. Je m’explique :

Pour un artiste, un peintre, un sculpteur, ou un mathématicien, ce qui sert de modèle c’est la nature ; le modèle c’est quelqu’un qui prend la pose, ou ce que l’on appelle une nature morte, mais un être réel existant dans la nature. Tandis que la réalité produite à partir du modèle, c’est l’œuvre d’art. Il en est de même pour le mathématicien qui s’intéresse surtout aux structures, aux structures formelles ; il s’inspire de ce qu’il observe dans la nature, mais ce qui l’intéresse lui, c’est d’en abstraire des structures mathématiques.

Cette situation est tout à fait inverse quand il s’agit de faire de la modélisation de phénomènes naturels, où le modèle n’est plus la nature. On part de la réalité naturelle, et on essaie pour les besoins de la cause, en général pour mieux comprendre ce qu’on observe de la nature, de fabriquer des modèles qui eux, évidemment n’ont rien de naturels, qui sont des modèles mathématiques, informatiques, etc.

Henri ATLAN